La drogue est partout sur le territoire national, pas simplement dans les grandes villes, mais aussi dans les zones rurales. Son trafic fait vivre beaucoup de gens, rapporte beaucoup d'argent et pourrit le pacte républicain. Ce n'est pas propre à la France.
Nous la combattons quotidiennement, avec des résultats très significatifs, mais qui méritent d'être amplifiés. Mon prédécesseur a mis en place l'office anti-stupéfiants (OFAST). S'agissant du financement et des saisies, le ministère des comptes publics joue un rôle très important : fisc, douanes, accès à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) pour les saisies, en partenariat avec le ministère de la justice.
Les membres de l'OFAST ont été nommés. Il s'agit désormais d'entrer dans la phase active – à la fois répression des trafics de drogue et déstabilisation administrative. L'État et la République doivent se défendre ; ils en ont tous les moyens, notamment des moyens de contrôle financier. C'est le travail de TRACFIN, parfois celui du fisc. C'est également la mission des douanes, en lien avec la police nationale et la gendarmerie.
Vous avez mille fois raison sur les saisies : il faut avant tout que le législateur et le Gouvernement simplifient les procédures de saisie pour récupérer les éléments financiers nécessaires aux saisies sur le territoire national – à l'extérieur, elles sont encore plus difficiles… Nous devons être très pragmatiques afin de faciliter l'intervention des forces de police et des contrôleurs financiers et, ainsi, protéger la République.
Nous savons très bien qu'il est plus facile de toucher les trafiquants par le portefeuille. Quelques années de prison ne les gênent pas vraiment : elles font même partie de leur cursus honorum … Mais la saisie des biens financiers et immobiliers mal acquis, c'est autrement plus efficace.
Pour ce qui est des mortiers, madame Lazaar, il faut agir très vite. Les désagréments – c'est un euphémisme – subis par les habitants de votre circonscription sont inacceptables. En outre, ils affectent souvent la vie quotidienne des familles les plus populaires, qui n'est déjà pas simple.
Vous m'avez saisi et j'ai bien reçu votre lettre concernant le commissariat de la « dalle » d'Argenteuil : je me rendrai à votre invitation. Il n'y a pas de raison que des commissariats restent fermés dans les quartiers de la République. C'est très bien d'ouvrir des Maisons France services pour faciliter l'accès aux services publics. La police en fait partie : elle n'a pas qu'une fonction de répression, mais prodigue également conseils et protection. Fermer un commissariat, c'est reculer. C'est pourquoi nous le rouvrirons dans votre ville d'Argenteuil. Je salue votre engagement puisque vous m'avez saisi du dossier dès ma nomination.
Madame Abadie, vous m'interrogez sur le lien « distendu » entre la population et la police. Les commentateurs devraient être moins caricaturaux car les policiers et les gendarmes sont issus de la population. Ce sont des soldats pour la guerre, comme les militaires. On ne compte plus les gens dont la fille est gendarme ou le fils CRS et qui suivent, sur les boucles WhatsApp, ce que vivent leurs enfants en action sur le terrain : ils sont les premiers à s'inquiéter des troubles à l'ordre public ou de leurs difficultés. La population souffre à l'unisson de la police.
Nous sommes tous un peu latins et aimons parfois contester l'autorité de l'État, mais cela n'empêche pas de considérer que la police fait son travail – et elle n'a pas toujours le beau rôle en rappelant la loi. Le refus d'obtempérer et la crise de l'autorité sont beaucoup plus inquiétants : désormais, on refuse jusqu'à l'idée que quelqu'un qui dispose de l'autorité soit légitime pour l'exercer ! En zone rurale, là où opère la gendarmerie, on constate un refus d'obtempérer par heure et c'est loin d'être uniquement le fait de personnes qui viendraient des quartiers ou de multirécidivistes. Parfois, c'est une maman avec ses deux enfants à l'arrière du véhicule qui refuse de s'arrêter quand le gendarme le lui demande, et il arrive même qu'elle l'écrase ou le renverse ; c'est un salarié, au retour de sa journée de travail, qui s'énerve et insulte, voire menace. Ce n'est plus seulement le fait de spécialistes de la contestation.
La France est malade de son insécurité, mais cela va de pair avec la contestation de l'autorité, qui ne serait plus légitime selon certains. Quand j'entends le mot « violences policière », je m'étouffe… Certes, la police exerce une violence, mais c'est une violence légitime – relisez Max Weber. Bien sûr, elle doit le faire de manière proportionnée et encadrée ; si quelques-uns ne respectent pas les règles déontologiques ou dérivent, la sanction doit être immédiate. Si ce n'est pas le cas, il est légitime que la presse, les syndicats, les parlementaires alertent la hiérarchie policière et le ministre de l'intérieur.
Mais il est normal que les policiers et gendarmes soient armés et interviennent par la force pour que force reste à la loi de la République, et pas à celle des bandes ou des communautés. On ne peut pas comparer les violences. L'exercice de la force par la police est légitime ; l'usage de la force par les autres ne l'est pas.
La crise de l'autorité vient de loin. Les clés de la réponse à votre question sont dans le trousseau du ministre de l'éducation nationale. Le ministère de l'intérieur arrive en bout de chaîne… Nous devons travailler pour les générations actuelles et notre réforme la plus importante depuis trois ans est celle du dédoublement des classes. Quand on s'occupe des enfants de maternelle, je suis sûr qu'à la fin, la police aura un peu moins de travail… Je n'ai pas un discours angélique : il y aura toujours des gens qui, malgré une bonne éducation, seront violents ou trafiquants et qu'il faudra sanctionner. Mais quand on a peu de vocabulaire, qu'on n'a jamais connu l'autorité quand on était enfant, qu'on a été excusé sur tout et à tout moment, la crise de l'autorité arrive entre quinze et vingt-cinq ans. Les crédits très importants octroyés au ministre de l'éducation nationale et la politique que nous menons permettront peut-être au ministre de l'intérieur d'avoir un peu moins de travail dans quinze ou vingt ans, et d'être un peu moins réveillé la nuit – je découvre la beauté de la fonction !
Vous avez raison, il faut évaluer toutes les pratiques : le ministère comme les parlementaires doivent le faire. De manière générale, il faut savoir évaluer les politiques publiques.
Vous m'interrogez sur les outre-mer. Votre question est très intéressante car la politique est dans ce cas copartagée avec des territoires très différents : entre le Pacifique, Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte, les Antilles et la Guyane, ce n'est pas si simple. Dans les territoires ultramarins, les policiers et les gendarmes exercent dans des conditions extrêmement difficiles. Avec le ministre des outre-mer, nous organisons une unique chaîne de commandement, sous l'autorité des préfets. Cela doit se faire en lien avec la population. Beaucoup d'entre vous nous sollicitent d'ailleurs pour que les policiers ultramarins puissent être affectés dans leur territoire de naissance ou familial. Nous devons également veiller au respect efficace de l'autorité de la République dans certains petits territoires.
En Guyane, et plus récemment à la Martinique, des policiers et des gendarmes ont connu les difficultés que vous évoquez et ils méritent notre soutien et notre visite – nous aurons l'occasion d'en reparler.
Concernant Colombes, j'en profite pour répondre à M. Ciotti et à Mme Chalas. Faut-il révoquer le maire ? Les opinions doivent se combattre et je les combats lorsqu'elles sont hideuses, ignobles, à vomir. Je n'entends pas me substituer à l'action de la justice, mais je compte bien que la plainte que j'ai déposée prospère. C'est la justice qui le dira. Je ne pense pas qu'il faille révoquer un maire pour ces propos, qui le décrédibilisent politiquement et pour lesquels il est déjà politiquement condamné – ce n'est pas très agréable d'entendre parler de soi en ces termes en commission des Lois. Il vaut mieux réserver cet acte, extrêmement fort, à des agissements totalement contraires aux lois de la République. En l'espèce, ce maire a été élu par la population et sa légitimité est incontestable.
À l'inverse, s'il arrivait que des maires prennent des actes impliquant la non-égalité entre les femmes et les hommes dans les services publics municipaux, totalement contraires aux valeurs fondamentales de la République, ou prônent une forme de communautarisme contraire à nos principes, et si ces actes sont documentés, j'ai demandé aux préfets de me le faire savoir afin que nous puissions proposer la révocation de ces édiles en conseil des ministres.
Je condamne également les propos du conseiller municipal de Grenoble qui dispose désormais d'une délégation. J'ai pu les lire sur les réseaux sociaux. Si ses propos sont avérés, ils sont tout aussi hideux et ignobles que ceux du maire de Colombes et il appartiendra aux autorités du territoire grenoblois – à commencer par le maire – et de l'Isère de prendre des dispositions. Mais je ne voudrais pas me substituer à leur action.
Vous avez parlé d'insécurité. Lorsque des maires refusent d'installer des caméras de vidéoprotection, lorsqu'ils trouvent des excuses à tout, lorsqu'ils acceptent la politique des grands frères, ils ne peuvent se tourner vers l'État cinq ou dix ans plus tard et réclamer son intervention ou plus de moyens. On ne peut reprocher aux autres ce qu'on ne fait pas soi-même… J'ai eu l'occasion de vous écouter au conseil municipal de Grenoble – non pas par passion pour la vie politique locale, mais par hasard : vous avez eu raison de rappeler ces évidences à M. le maire.
Qu'elles soient installées sur des drones, piétons ou dans des voitures, les caméras mobiles posent de sérieux problèmes juridiques. La CNIL vient d'effectuer un contrôle concernant les drones à la préfecture de police de Paris. Actuellement, ils sont assimilés à des hélicoptères… Il faut simplifier cela. Ces images aident grandement au maintien de l'ordre, permettent de retrouver des enfants disparus et les polices municipales devraient pouvoir les utiliser à partir du moment où tout le monde a accès aux images.
Je ne suis pas défavorable à des caméras embarquées dans les voitures, mais quelle serait la finalité ? Actuellement, les images des caméras piétonnes que portent les policiers nationaux ne peuvent pas directement servir. Ainsi, si je fais une intervention avec la patrouille de Tourcoing et qu'un acte délictueux est commis, je ne peux pas me servir de ces images pour écrire mon rapport ; je peux juste les donner à l'autorité judiciaire. Je ne peux pas non plus les utiliser pour faire la contre-communication dont la police aurait parfois bien besoin : sur Twitter ou Facebook, on trouve toujours les quinze secondes qui gênent le policier ou le gendarme – où il fait parfois usage de la violence – mais jamais les quinze secondes d'avant ou d'après ! Il ne s'agit pas d'excuser, mais de comprendre. S'agissant de dispositions législatives, vous pourriez améliorer le dispositif, tout en continuant à l'encadrer – en floutant par exemple les personnes.
Quand les policiers ou les gendarmes interviennent, ils se retrouvent parfois avec un téléphone portable à cinq centimètres de leur visage, on les filme à tout moment, ils sont sous une pression permanente. De nombreuses personnes interviennent alors qu'elles n'ont parfois rien vu et, au lieu de les soutenir ou au moins de rester neutres, s'agglutinent et filment comme dans un mauvais épisode de Black Mirror. Cela peut amener à commettre des gestes déplacés, bien légitimement reprochés, mais on oublie cette pression qui n'est pas légitime dans une République. Ces vidéos et ces caméras permettraient donc de protéger les policiers et les gendarmes, et de mieux expliquer les faits.
Cela pourra peut-être faire l'objet de dispositions législatives suite au Livre blanc, madame la présidente. Nous pourrons peut-être également l'évoquer lors des débats sur la proposition de loi de Mme Alice Thourot et M. Jean-Michel Fauvergue.