Je répondrai en même temps à Sacha Houlié et Éric Ciotti, car je crois qu'ils se rejoignent (Sourires), en tant que citoyens, s'entend !
Monsieur Ciotti, vous avez rappelé que nous avons été camarades, même s'il me souvient d'avoir eu avec vous des échanges assez rudes, quoique toujours honnêtes : il serait bien de rappeler toute la vérité, sans oublier la moitié de l'histoire…
Je peux souscrire à une partie de vos propos, mais je ne vous suis pas lorsque vous faites un lien entre immigration et insécurité. Du reste, ceux qui critiquent mon usage du mot « ensauvagement » font souvent le même – et c'est pourquoi je fais ce parallèle entre M. Houlié et vous. J'ai lu dans la presse que ce terme renvoyait au mot « sauvage », donc à l'immigration, donc à l'ethnicisation. Je suis à cent mille lieues de cela, et c'est bien vous qui ethnicisez ce débat. Je le dis d'autant plus tranquillement qu'un de mes grands-pères est né dans un département qui est devenu français bien avant le comté de Nice et que deux de mes grands-parents sont nés de l'autre côté de la Méditerranée…
Tout le monde comprend très bien ce que j'entends par « ensauvagement » – ma mère, mon boulanger, tout le monde. Ligoter une gamine et la jeter dans le Rhône, frapper à mort un type à terre, père de trois petites filles, cela ne me paraît pas relever du degré de civilisation le plus avancé. Cela ne veut pas dire qu'il faille confondre le comportement avec l'homme – on pourrait en débattre à l'infini ; je dis simplement que certains actes sont en dehors des règles de la civilisation. Rappelez-vous, monsieur Houlié, vous qui aimez les dates, les mots de Guy Béart en 1968 : « Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté. » Les gens pensent, et ils ont raison, qu'il y a des actes en dehors des rapports que les humains peuvent avoir ensemble.
Il convient évidemment de traiter tous les individus en citoyens, de suivre les procédures judiciaires, de les condamner lorsqu'ils doivent l'être et de leur faire exécuter leur peine. Je ne suis pas un partisan du tout répressif en prison : je crois aux peines rapides et sûres. Or les peines prévues par le code pénal sont lourdes et mettent trop de temps à s'appliquer, ce qui ne satisfait personne, ni les policiers, ni la victime, ni les magistrats, ni même l'accusé : nous connaissons tous, en tant qu'élus locaux, des gens qui ont fait une bêtise à 18 ou 20 ans et qui apprennent une décision de justice quelques années plus tard, alors qu'ils ont une vie rangée. Ne faites pas dire aux mots ce qu'ils n'ont pas dit.
Monsieur Ciotti, je récuse le lien que vous faites entre immigration et insécurité. Il faut évidemment lutter contre l'immigration illégale, même si l'on peut comprendre des gens qui essaient de sauver leur famille en fuyant la faim ou la terreur. Mais il faut penser aussi à ceux qui, sur le territoire national, jouent le jeu, respectent les règles de la République et qui ne peuvent pas non plus vivre des situations inacceptables comme celle que j'ai vue à Calais. Je ne ferai jamais de lien entre la nationalité de la personne qui vient sur le sol national, le fait qu'elle ait ou non respecté les lois de la République pour demander des papiers et sa religion, sa couleur de peau ou son ascendant.
Cela étant, il faut se garder de tout angélisme, mais c'est une honte pour la République que de faire attendre des gens pendant des années avant de leur dire s'ils ont, ou non, le droit de rester sur le territoire français. Entre-temps, certains ont trouvé un travail et mis au monde des enfants qui vont à l'école de la République. Il faut respecter la promesse du Président de la République et réduire à six mois l'examen des demandes d'asile. Ceux qui y ont droit doivent rester en France, quel que soit leur nombre ; ceux qui détournent le droit d'asile doivent retourner dans leur pays. Nous devons faire plus de reconduites à la frontière, être plus rapides, plus efficaces, plus humains et en même temps plus accueillants – et les quotas, je le pense profondément, sont une bêtise. Il n'y a pas de lien entre immigration et insécurité, mais il doit y en avoir un entre les personnes qui créent de l'insécurité et la réponse policière et pénale. Car les gens qui arrivent en France, qui jouent le jeu de la République et qui respectent ses règles sont les premiers à subir les actes de ceux qui ne les respectent pas, et c'est sur eux qu'on jette l'opprobre.
Monsieur Houlié, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : je n'ai pas prononcé le mot « sauvage ». L'ensauvagement, c'est ce que l'on constate sur les réseaux sociaux, c'est le tribunal populaire, ce sont les gens qui se rendent à la permanence de l'une de vos collègues avec des banderoles fascisantes. Nous en avons des exemples tous les jours, les Français savent très bien de quoi je parle, et ils attendent de leurs responsables politiques qu'ils mettent des mots sur ce qui arrive et qu'ils agissent. Ce n'est pas toujours facile : certains ont essayé, en toute bonne foi, sans forcément y arriver. J'espère avoir mis MM. Houlié et Ciotti d'accord sur leurs désaccords.
La loi contre le séparatisme a vocation à aller plus loin que ce qu'avait prévu mon prédécesseur. Les gens qui ont envie de pratiquer une religion en ont mille fois le droit. Reste que depuis trop longtemps, la gestion des lieux de culte bénéficie d'une liberté absolue – mes propos peuvent prêter à interrogation sur le plan constitutionnel, mais on verra bien ce qui se passera. Il n'est certes pas normal que les religions subissent la violence de l'État – les protestants sous l'Ancien Régime, les juifs sous Bonaparte puis Napoléon, les catholiques sous la République – et je préfère nettement Alice au pays des merveilles à La guerre des mondes. Mais il faut que tous les lieux de culte soient régis par les lois de 1905 ou de 1907. Il faut arrêter de penser qu'ils peuvent relever de la loi de 1901, voire être dépourvus de toute constitution juridique, sans financement transparent, sans dirigeants déclarés, sans possibilité de mettre en place un système de denier du culte – ce qui pour les représentants religieux eux-mêmes est inéquitable. Pour avoir été élu dans une commune qui connaît ce genre de problématique, je crois que c'est un sujet qui mérite de faire l'objet d'une discussion au Parlement et d'une disposition spécifique dans le projet de loi : j'en parlerai avec le Président de la République et le Premier ministre.
Aucun commissariat de police ne fermera, ni aucune gendarmerie, sauf si les gendarmes et les élus en font la demande, comme c'est arrivé récemment dans le Pas-de-Calais. Madame Florennes, je suis de près ce qui se passe dans votre circonscription et je m'y rendrai très prochainement, si vous le souhaitez.
Enfin, nous avons prévu 15 millions d'euros pour 30 000 caméras piéton et toutes les patrouilles en seront équipées au plus tard en juin 2021.