C'est la première fois que je m'exprime devant la commission des Lois. Que cette audition ait dû être différée à ce soir n'enlève rien à ma fierté et mon plaisir d'être avec vous.
Dans la crise sanitaire, nous sommes à la croisée des chemins. Cette expression correspond à la situation d'un pays qui a été confronté à une première vague épidémique d'une violence inouïe et qui a tout fait pour éviter une réplique.
Il y a eu lors de la première vague, je le reconnais sans difficulté, un effet de surprise qui a mis en tension notre système de santé. Chacun a en tête les images de nos services de réanimation, des transferts sanitaires et des soignants en première ligne dans la lutte acharnée contre le virus. Désormais, nous savons quelles peuvent être les conséquences de la maladie ; nous savons qui elle frappe majoritairement ; nous savons la vigilance plus que jamais de rigueur.
Je l'ai dit la semaine dernière en conférence de presse : les indicateurs de suivi épidémiologique ne sont pas bons dans de nombreux territoires. Ils rappellent à ceux qui l'auraient oublié que l'épidémie n'est pas derrière nous, que le virus circule encore parfois de manière très active. Entre le début du mois de juillet et la fin du mois d'août, les nombres d'hospitalisations et de placements en réanimation à cause du virus ont plus que doublé.
La loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire a mis en place un régime transitoire applicable jusqu'au 30 octobre. Ce changement de régime juridique a permis la reprise des activités et le rétablissement du droit commun tout en conservant la faculté de prescrire des mesures visant à prévenir, et, le cas échéant, à maîtriser une dégradation de la situation sanitaire.
Je ne serai pas le ministre du déni. Je ne vous dirai ni : « tout va bien, madame la marquise », ni « circulez, il n'y a rien à voir ». C'est faux. Des Français meurent encore du covid-19. S'il y a une phrase que je ne veux ni prononcer ni entendre dans les semaines qui viennent, c'est : « je vous l'avais bien dit ».
Ce texte, je le sais, ne suscite pas l'enthousiasme – ni le vôtre ni le mien. Mais il est absolument indispensable pour faire reculer le virus. Nous nous en serions bien passés. Le virus est là : nous devons faire preuve de courage, de responsabilité, et restreindre certaines des libertés auxquelles nous sommes profondément attachés.
Le régime transitoire adopté par le Parlement au mois de juillet a permis de répondre efficacement à la reprise de l'épidémie. Le Gouvernement a pu prendre des mesures garantissant un niveau élevé de protection de la santé des Français. Complétées par des actions territoriales, elles ont permis de limiter les réinfections malgré les risques liés aux congés d'été.
La reprise généralisée des activités risque d'amplifier la recrudescence des cas de covid-19. Dans ces conditions, une interruption soudaine des mesures transitoires risquerait de laisser se reproduire la catastrophe de mars dernier, qui nous avait contraints à créer l'état d'urgence sanitaire. Le Gouvernement estime indispensable de conserver des capacités d'intervention suffisantes pour assurer une continuité dans la gestion de la crise et pour prévenir une dégradation des indicateurs.
Dans un avis rendu le 12 septembre dernier, le conseil scientifique a considéré indispensable, au regard de l'évolution actuelle et prévisible de l'épidémie dans les prochains mois, de proroger le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 1er avril 2021. C'est ce que prévoit le projet de loi.
Plusieurs parlementaires estiment cette date lointaine. Des amendements ont été déposés sur ce point. Néanmoins, ce choix est cohérent avec la clause d'extinction dont le législateur a pris l'initiative d'assortir le régime juridique de l'état d'urgence sanitaire. L'échéance proposée permettra de réfléchir à la création d'un dispositif pérenne de gestion de l'urgence sanitaire, préférable à de multiples rendez-vous de prorogation des mesures transitoires que nous savons déjà nécessaires. Je vous confirme que le Parlement sera saisi, d'ici janvier prochain, d'un projet de loi. Le dispositif transitoire de sortie de l'état d'urgence sera ainsi applicable sur l'ensemble du territoire national jusqu'à l'adoption d'un nouveau régime.
S'agissant de l'article 2 du projet de loi, le conseil scientifique a souligné le rôle déterminant des systèmes d'information pour suivre et gérer efficacement la crise sanitaire. Ils permettent de repérer les cas contacts, de les accompagner, de leur prodiguer des conseils adaptés, d'effectuer un suivi épidémiologique et de conduire des travaux de recherche. Il est indispensable que la durée de mise en œuvre de ces systèmes dédiés à l'épidémie corresponde à celle de la période transitoire – il faut aller jusqu'au 1er avril 2021.
L'article 2 permet également de prolonger, pour la même durée, la conservation de certaines données pseudonymisées collectées dans ces systèmes aux seules fins, je le répète, de surveillance épidémiologique et de recherche. Il n'y a aucune donnée nominative.
Nous redoutons toutes et tous, depuis la rentrée, de revivre ce que nous avons connu au printemps. On ne peut pas à la fois craindre une aggravation de la situation et craindre des outils efficaces, qui permettent de bloquer les chaînes de transmission et de garder le contrôle.