La territorialisation des mesures n'est pas un changement de stratégie et il n'est pas vrai que nous visons l'immunité collective contre la santé de chacun. Nous sommes exactement dans les mêmes processus de décision que lors de la vague épidémique du printemps. Si le profil épidémique est différent, si la connaissance du virus a progressé, ce sont toujours les gestes barrières qui limitent les contaminations. Puis, lorsque l'épidémie repart, on met le paquet pour tester, tracer, mettre à l'abri et isoler. Enfin, si, en dépit de tout cela, la diffusion de l'épidémie a un impact sanitaire, alors des mesures de gestion deviennent nécessaires même si elles emportent des conséquences sur une population plus large que la seule population contaminée : elles visent justement à protéger ceux qui ne le sont pas pour éviter qu'un trop grand nombre de malades ne sature les hôpitaux et les réanimations. La stratégie est donc exactement la même. Simplement, nous n'avons pas retrouvé le niveau de l'épidémie du printemps dernier – d'où mon appréciation selon laquelle nous sommes à la croisée des chemins.
Pendant la première vague épidémique, il y a bien eu une territorialisation et une différenciation des mesures. Des restrictions de déplacements et des mesures de confinement partiel ont été imposées dans l'Oise. Avant même l'épidémie, aux Contamines-Montjoie, des écoles ont été fermés et des personnes confinées. La territorialisation prend aujourd'hui une ampleur nouvelle parce que nous fonctionnons davantage à l'échelle des métropoles. C'est, en effet, dans les zones de forte densité de population que la circulation du virus est la plus forte, à l'exception notable de la Guadeloupe. Marseille, Bordeaux, Lyon et Nice sont des zones de forte concentration.
La territorialisation est donc pertinente mais nous avons aussi entendu que lorsque les mesures étaient prises depuis Paris, l'adhésion des élus locaux n'était pas toujours la norme. Nous prenons le temps de la concertation avec les préfets pour identifier les mesures opportunes. Cela ne signifie pas que l'on tombe d'accord. Lors de ma visite à Marseille, cet été, pour expliquer et accompagner les mesures décidées, j'ai discuté avec les élus locaux : je me suis rendu compte que ceux qui considéraient ne pas avoir été consultés étaient ceux qui n'étaient pas d'accord avec ces décisions. On peut ne pas être d'accord mais les décisions prises sont justifiées et expliquées dans les territoires : telle est notre règle, notre boussole. C'est ainsi que nous voulons continuer de fonctionner. C'est important.
Pour répondre à M. Sacha Houlié, tout le sanitaire et tout le médicosocial sont concernés par le Ségur. Le secteur social, en revanche, est extérieur au périmètre car on n'est plus du tout dans le domaine du soin. Le Ségur concerne tout de même près de 2 millions de salariés de ce pays pour plus de 8 milliards d'euros.
Je ne sais pas si la fermeture des bars et restaurants à 23 heures dans certaines zones est contre-productive. Elle l'est si on n'effectue pas de contrôle sur la voie publique pour limiter les rassemblements spontanés, si on n'interdit pas les soirées sur les toits d'immeuble regroupant 1 500 personnes sans masque, si on laisse des gens louer des appartements à la journée pour organiser des soirées privées, parfois payantes. Elle n'est pas contre-productive si on fait respecter le droit et si on assure les contrôles.
Je tire mon chapeau aux forces de l'ordre, fortement mobilisées. Nous leur demandons beaucoup et leur action est indispensable. Peut-être faudrait-il faire davantage respecter les dispositions dans les territoires où elles ne le sont pas ?
Pourquoi cibler les bars et les restaurants ? Dans le monde entier, des études soulignent un risque trois à quatre fois supérieur de contracter la maladie si on a fréquenté un restaurant ou un bar dans les dix jours précédents. On peut le déplorer, mais dans ces endroits de convivialité, en milieu fermé, on enlève le masque et on peut, hélas ! se contaminer. Cela ne signifie pas que nous allons les fermer. C'est une éventualité si la situation devait encore se dégrader. J'en ai parlé en conférence de presse la semaine dernière.
Toute personne reconnue comme cas contact par son médecin, le médecin de l'assurance maladie ou les équipes de l'ARS est prioritaire dans l'accès aux tests. Il ne serait absolument pas choquant qu'un cas contact identifié par l'application StopCovid soit également prioritaire puisqu'il est fait usage des mêmes critères. Cela ne signifie pas pour autant que télécharger l'application permet de bénéficier d'un test rapide !
Cela a été dit avec raison : personne n'a envie d'être cas contact. C'est une des faiblesses françaises. Nous nous en sortons bien en termes de masques, de tests ou de places d'hôpital, mais moins bien dans le respect des mesures, la participation au traçage et la mise à l'abri. Nous pouvons faire mieux. Or, la France est le pays des libertés et elle n'a jamais envisagé de contraindre les gens à demeurer chez eux. D'autres pays l'ont fait. Vous avez probablement vu ces policiers espagnols allant chercher, dans l'eau, une surfeuse dénoncée par ses voisins comme positive. Au Canada, les citoyens sont passibles d'une amende pouvant aller jusqu'à 500 000 dollars, voire d'une peine d'emprisonnement, et ils peuvent être appelés jusqu'à cinq fois par jour. Ce n'est pas le choix de la France. Mais nous devons faire preuve de plus de conviction pour que les Français respectent les mesures de mise à l'abri, prononcées pour protéger les autres.
La lisibilité des mesures est certes problématique. Mais la situation évolue vite. Si, du jour au lendemain, vingt-cinq personnes sont entrées en réanimation dans une région, les autorités peuvent être amenées à prendre rapidement des décisions. Les conférences de presse sont faites pour apporter la lisibilité : nous en avons tenu une après le dernier conseil de défense et le ferons encore pour présenter de nouvelles mesures concernant les collectivités où la situation pourrait s'aggraver.