L'audition hier soir du ministre de la santé était tout à fait bienvenue et nous avons été attentifs à ses propos. Mais il aurait également pu être intéressant d'entendre le ministre de l'intérieur ou le garde des Sceaux : au-delà des questions épidémiologiques et de santé publique se posent réellement des interrogations liées aux libertés publiques et à des aspects plus juridiques que de santé publique – cette remarque n'est pas sans importance pour la suite de mon propos.
Nous partageons évidemment l'inquiétude de nos concitoyens et du Gouvernement. Nul besoin de créer une polémique artificielle : l'état des lieux est incontestablement préoccupant. Depuis le début, le groupe Les Républicains a pris ses responsabilités ; il a accompagné la majorité dans un certain nombre de prises de décisions. Il était présent, aux côtés du Gouvernement mais aussi de la nation, au mois de mars et dans les semaines qui ont suivi. Nous n'avons pas l'intention d'instrumentaliser quoi que ce soit. Les risques épidémiologiques sont réels, la propagation du virus en croissance exponentielle. Il nous faut aussi apprendre à vivre avec le covid-19 car il est fort possible que dans quelques mois, peut-être même dans quelques années, nous ayons à faire face de façon continue à cette pandémie ou à d'autres.
Il importe aussi que les messages envoyés soient clairs. Nous avons connu – mais ce n'est pas le lieu de rouvrir une polémique d'autant qu'une commission d'enquête y travaille – un cafouillage avec les masques. Certaines directives relatives aux tests sont tout aussi calamiteuses : après avoir enjoint l'ensemble de nos concitoyens à se faire tester, on se rend compte qu'il faut les stopper, hiérarchiser, trier d'une certaine façon, puisqu'on ne peut pas suivre le rythme, parfois par manque de produits, et que les délais s'allongent. Pour qu'un objectif soit compris, il faut qu'il soit clair. La remarque vaut pour la loi : elle doit être intelligible.
Partant de là, nous pouvons évidemment juger acceptable de prolonger des mesures transitoires permettant de juguler ou de limiter les effets de la crise sanitaire pour éviter un reconfinement. Mais nous pensons que le texte proposé va trop loin et pour trop longtemps. Vous prévoyez de proroger pour six mois cette période d'entre deux, qui n'est ni l'état d'exception que nous avons connu ni le droit commun. Or le Parlement peut se réunir beaucoup plus rapidement, on peut prévoir une clause de revoyure régulière pour faire le point sur la situation sanitaire. Là, nous donnerions les clefs de la maison pour six mois… Qui plus est, le ministre l'a dit hier et c'est écrit dans l'exposé des motifs du projet de loi, nous allons dans le même temps remettre à plat, de façon pérenne, la loi sur l'état d'urgence sanitaire. Dans ces conditions, six mois, c'est très long. Il faut des rendez-vous d'évaluation, des rendez-vous démocratiques.
Il se trouve aussi que cette période de six mois inclurait les élections régionales et départementales. Nous souhaiterions éviter que ces élections soient perturbées. J'ai bien noté qu'une loi est nécessaire pour les suspendre ou les reporter, mais si on ne peut se réunir, si on ne peut mener campagne, quid de la sincérité de ces consultations ?
Enfin, s'agissant des dispositifs SI-DEP, Contact Covid et de la protection des données personnelles, on nous assure que globalement tout va bien – plus exactement pas si mal, note la CNIL dans son avis du 10 septembre. Comme toujours, le diable est dans les détails et l'on rencontre quelques difficultés.
Nous sommes responsables et nous n'évacuons pas ce que vous proposez d'un revers de main, mais c'est trop long et trop attentatoire aux libertés publiques et individuelles. C'est pourquoi ces dispositifs nécessitent d'être débattus et remis sur la table pour éviter que nos concitoyens ne s'y retrouvent pas et vivent ces mesures comme des contraintes tellement insupportables qu'ils ne les respecteraient plus. C'est le risque majeur aujourd'hui.