Au moment où l'on évoque la différenciation, la déconcentration et la décentralisation, il y a lieu de s'interroger aussi sur le champ de l'État. L'État apporte la stabilité, l'égalité d'accès et diffuse une culture républicaine. Or avec la disparition de grands services de l'État, nécessaire peut-être pour s'adapter au XXIe siècle, la culture républicaine paraît beaucoup moins partagée et plus partisane. C'est l'une de mes préoccupations. Il faudrait à mon sens ajouter un quatrième « D » à ce texte, qui serait celui de la déontologie. S'il s'opère une différenciation, une déconcentration et une décentralisation, et qu'il y a donc moins d'État sur le territoire, il faut absolument majorer la culture déontologique. J'espère que vous lui accorderez une place importante dans le projet de loi dont nous aurons à débattre.
Par ailleurs, je déplore la « dégringolade » à laquelle nous assistons en matière de contrôle de légalité depuis plusieurs années. Dans certains départements, il est effectué par un agent à mi-temps. Or le contrôle de légalité est la protection de l'élu, s'agissant notamment des conflits d'intérêts. Il est malheureusement défaillant. On ne fait pas savoir aux élus qu'ils doivent quitter le lieu de la délibération s'ils ont un intérêt dans une affaire. Ils se retrouvent donc sacrifiés sur l'autel de l'ignorance. Le contrôle de légalité doit accompagner le mouvement de la déconcentration, de la différenciation et de la décentralisation.
La santé relève de la compétence de l'État. Or nous sommes en la matière dans une situation terrible qui ne tient pas seulement à la crise de la Covid-19. Un grand nombre de médecins ne sont pas remplacés après leur départ à la retraite, ce qui met en péril des maisons de santé. Nous n'avons pas su mettre en place un dispositif permettant de garantir à tout le moins la présence d'un médecin sur un territoire ou un bassin de vie. De ce fait, certains départements prennent en main la situation en lien avec la sécurité sociale. Ils inaugurent ainsi des pôles de santé où travaille un médecin, une demi-journée, pour un bassin de vie de 4 000 habitants, et se font une publicité sur ce dispositif. Je n'ai rien contre cette politique, mais ce n'est pas aux départements d'avoir la main sur la politique de santé. C'est une politique nationale. Des dispositions doivent être prises pour résoudre ce problème, sans laisser la main aux départements qui se font concurrence les uns les autres et s'avèrent incapables de le faire.