Intervention de Christophe Euzet

Réunion du jeudi 1er octobre 2020 à 10h50
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Euzet :

Le texte, au premier abord, a une certaine allure : ouvrir le droit de vote aux jeunes de 16 ans et rendre automatique l'inscription sur les listes électorales. L'intention est noble : lutter contre l'abstention des plus jeunes en les intéressant à la chose publique et faire revenir plus d'un million et demi de citoyens aux urnes. Le sujet est crucial et c'est d'ailleurs tout le mérite des niches parlementaires que de permettre aux groupes minoritaires et de l'opposition d'ouvrir le débat.

Concernant l'inscription automatique sur les listes électorales, qui existe déjà pour les Français de 18 ans recensés à 16 ans ou pour ceux de nos compatriotes devenus Français après 2018, elle pourrait avoir notre approbation si nous ne nous posions pas tant de questions autour de l'essentiel. Tout d'abord, prenons garde aux comparaisons car il faudrait réfléchir à deux fois avant de citer comme exemples de la démocratie le Nicaragua ou Cuba ! Surtout, ne sombrons pas dans la démagogie. L'argument selon lequel la classe politique adresserait des propositions plus nourries à la jeunesse dès lors que l'âge de voter serait abaissé ne me convainc pas.

Par ailleurs, de nombreux obstacles juridiques s'opposeront à l'adoption de cette mesure, qu'il s'agisse de la pertinence du véhicule législatif ou de la cohérence entre les différents âges prévus par les textes, MM. Questel et Balanant ont raison. Surtout, il conviendrait d'approfondir la réflexion, en distinguant notamment les élections nationales des élections locales, qui pourraient être le terrain d'expérimentation de cette mesure avant son éventuelle généralisation.

Enfin, l'abstention de la jeunesse est la manifestation d'un problème social qui ne se résoudra pas forcément en abaissant l'âge de voter. D'autres chantiers devraient être ouverts.

J'ai enseigné durant une douzaine d'années, au début de ma carrière, la sociologie politique. Il est frappant de constater que les jeunes issus d'un milieu social où le capital culturel est peu élevé ont tendance à voter comme leurs parents, alors que ceux issus d'un milieu plus cultivé se distinguent de leurs parents par des votes extrêmes ou extrêmement originaux. L'éducation morale et civique et la connaissance de nos institutions, encore très faibles, sont de véritables enjeux. Commençons par donner le goût de la politique à nos jeunes, par nos actes individuels comme par une œuvre collective. Le jour où nous y serons parvenus, j'approuverai sans réserve toutes les mesures susceptibles de revivifier notre système institutionnel, dans un projet beaucoup plus vaste que celui d'une proposition de loi.

Pour l'heure, si nous approuvons l'article 2, l'article 1er ne nous permettra pas de voter cette proposition de loi, qui présente cependant d'indéniables qualités.

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