Ces débats sont particulièrement intéressants et de grande qualité. La constitutionnalité de la proposition de loi semble susciter des inquiétudes. Nous avons fait le choix de ne pas modifier la Constitution car des dispositions peuvent être prises au niveau de la loi ordinaire. M. Balanant a cité la Constitution, mais il a oublié une partie de la phrase. Notre texte fondamental dispose que sont électeurs tous les nationaux français majeurs des deux sexes jouissant de leurs droits civils et politiques, dans les conditions déterminées par la loi. Cette dernière précision, que vous avez oublié de citer, renvoie bien au législateur le soin de fixer les conditions de la majorité.
Ce fut le cas plusieurs fois au cours de l'histoire : ainsi, la majorité civile est déterminée dans le code civil, la majorité électorale, dans le code électoral. En 1946, les jeunes de dix-huit ans méritants – et reconnus comme tels par l'attribution de la croix de guerre ou de la légion d'honneur – étaient autorisés à voter. Il s'agissait déjà d'une dérogation au rapprochement entre majorité électorale et majorité civile. À nouveau, en 1970, les jeunes qui avaient effectué leur service national à partir de dix-huit ans ont pu voter. Là encore, le droit de vote a été octroyé à des personnes ne disposant pas de la majorité civile. En 1974, lorsque la majorité civile est passée à dix-huit ans, les débats à l'Assemblée, en commission des Lois et dans l'hémicycle, étaient très intéressants. Je citerai Jean Lecanuet, alors ministre de la Justice : « Une question délicate se posait dès l'abord. Ne fallait-il pas, corrélativement à l'âge de la majorité électorale, abaisser celui de la majorité civile ? Le Gouvernement [Jacques Chirac, Premier ministre], conformément aux sentiments du chef de l'État [Valéry Giscard d'Estaing, Président de la République], a estimé, après en avoir délibéré, que la dissociation entre les deux majorités était possible sur le plan constitutionnel et qu'elle était en outre souhaitable pour des raisons pratiques ». C'était également l'avis exprimé par le Conseil d'État, consulté par le gouvernement de l'époque. Le ministre poursuit : « Il [le Gouvernement] estime que les dispositions de l'article 3 de la Constitution ont entendu consacrer le principe du suffrage universel pour tous les nationaux français majeurs, mais que celles-ci ne limitent pas pour autant l'exercice du droit de vote aux seules personnes ayant atteint la majorité civile. En d'autres termes, si la Constitution dit que tous les Français majeurs sont électeurs, elle ne dit pas pour autant que seuls les Français ayant atteint la majorité civile disposent du droit de vote. L'interprétation du Gouvernement trouve au demeurant une confirmation dans l'article 7 du code civil, qui précise que l'exercice des droits civils est indépendant de l'exercice des droits politiques ».
La proposition de loi ne vise pas à abaisser la majorité civile, mais seulement la majorité électorale, afin de donner le droit de vote aux jeunes de seize ans. Cela n'a donc aucune conséquence sur les autres droits et responsabilités de ces jeunes.
Comme Matthieu Orphelin, je suis surprise de vos réactions concernant le rôle du Parlement et de l'initiative parlementaire. Pourquoi ne pourrait-on l'affirmer pour porter des réformes importantes, qui vont dans le sens de plus de démocratie ? Nous souhaitons tous renforcer le rôle du Parlement. Pourquoi tout attendre d'un programme présidentiel pour avancer ? En outre, la proposition était présente dans plusieurs programmes au cours des dernières échéances présidentielles – cinq si je me souviens bien.
Les jeunes votent-ils de façon mimétique, comme leurs parents ? Le même argument a été développé lorsque le droit de vote a été étendu aux femmes – elles devaient voter comme leurs maris, ou comme l'église ! Ce n'est pas du tout le cas : les jeunes sont capables de développer une pensée politique autonome, d'autant plus s'ils sont sensibilisés à l'école. C'est l'intérêt de la proposition : à seize ans, les jeunes évoluent encore dans un milieu scolaire et pourront être sensibilisés, initiés à la citoyenneté et accompagnés – comparaison des programmes, débats, simulation de vote, etc.
Nous présentons cette proposition avec humilité. Elle ne résoudra pas tous les problèmes de notre démocratie et ne résoudra pas non plus, à elle seule, le problème de l'abstention. D'autres propositions institutionnelles devraient la compléter. En outre, notre responsabilité politique – éthique, déontologie, exemplarité – est importante.
Plusieurs groupes semblent intéressés par l'exercice du droit de vote à seize ans pour l'élection municipale. Nous pourrions peut-être en débattre en séance, dans un second temps.