Intervention de Jacqueline Gourault

Réunion du mercredi 14 octobre 2020 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales :

Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de votre invitation à échanger sur les mesures prises en faveur des collectivités locales dans le projet de loi de finances pour 2021. Ce budget est marqué par une particularité, de sorte que nous ne discuterons cet après-midi que d'une fraction des dispositifs qui bénéficieront aux collectivités : une partie importante du plan de relance bénéficiera aux projets des élus locaux. Les dotations supplémentaires ouvertes pour financer la rénovation thermique des bâtiments communaux, départementaux et régionaux, par exemple, ne figurent pas dans cette mission, mais dans la mission « Plan de relance ». Bien entendu, vous pouvez compter sur moi pour veiller à ce que les élus locaux aient accès facilement et rapidement aux crédits.

Les crédits inscrits au titre de la mission RCT confirment les orientations fixées et tenues durant les trois premières années du quinquennat, en particulier la stabilité de l'enveloppe. L'année prochaine, les collectivités recevront des dotations un peu plus élevées que cette année : l'enveloppe des concours financiers augmente de 1,2 milliard d'euros en crédits de paiement. Pour mémoire, l'enveloppe totale s'élève à plus de 50 milliards d'euros. Cette augmentation résulte de plusieurs facteurs.

D'un côté, les principales dotations sont stables. C'est le cas, hors mesures de périmètre, de la dotation générale de fonctionnement (DGF), fixée à 26,8 milliards d'euros en 2021. Ce le sera aussi des autorisations d'engagement mobilisées pour la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), avec 1,046 milliard d'euros, de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), avec 570 millions d'euros, de la dotation politique de la ville (DPV), avec 150 millions d'euros, et de la dotation de soutien à l'investissement départemental (DCID), avec 212 millions d'euros. Vous connaissez bien ces chiffres, puisque ce sont à peu près les mêmes chaque année. C'est bien la preuve que lorsque nous voulons tenir des engagements plusieurs années de suite, nous pouvons le faire. Je prends le temps de le signaler, car j'entends les appréhensions d'élus qui craignent que l'État ne remette en cause certains acquis, notamment les compensations attribuées lors de la suppression ou de la diminution d'impôts locaux. Pour avoir longtemps été une élue locale, je comprends bien ces craintes. Je crois que la meilleure réponse que nous puissions apporter, c'est la constance dans l'imposition et la persévérance dans nos actions.

De l'autre côté, les mesures de relance et les soutiens aux investissements ne sont pas plafonnés, ce qui conduit à un dépassement significatif de l'enveloppe. Je me contenterai de citer les mesures de soutien adoptées par la loi de finances rectificative, qui ne sont pas gagées : ce sera le cas des crédits de paiement associés à la DSIL exceptionnelle et des sommes nécessaires pour alimenter en 2021 le filet de sécurité sur les recettes fiscales et domaniales du bloc communal de 2020. Par ailleurs, le fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) devrait connaître une progression de 546 millions d'euros l'année prochaine, du fait de la très bonne tenue des investissements locaux en 2019 et au début de l'année 2020. Au total, la loi de finances ouvrira plus de 6,5 milliards d'euros de crédits sur cette ligne. C'est une bonne nouvelle, qui peut redonner confiance aux élus pour recommencer à investir.

Vous constatez vous-mêmes que les moyens budgétaires mobilisés pour l'investissement local sont sans précédent : 2 milliards d'euros pour les dotations habituelles de la mission ; 1 milliard d'euros de DSIL exceptionnelle sur les exercices 2020 et 2021 ; une augmentation de 500 millions d'euros du FCTVA ; ce à quoi viennent s'ajouter 600 millions d'euros de crédits sur les investissements de régions actés dans l'accord de partenariat signé il y a quinze jours par le Premier ministre et près de 1 milliard d'euros de nouveaux fonds dans le plan de relance pour la rénovation thermique des bâtiments communaux et départementaux. Pour la DSIL, s'additionnent ainsi la dotation habituelle de 570 millions d'euros, la dotation exceptionnelle de 1 milliard d'euros, obtenue avec Sébastien Lecornu, et enfin le milliard d'euros de rénovation du plan de relance.

S'agissant du FCTVA, nous allons enfin vous proposer l'automatisation de sa procédure de versement, qui entrera en vigueur en 2021. Déjà reportée deux fois, c'est une mesure de simplification pour les collectivités locales et les préfectures : elle consiste à passer d'un système de remboursement sur la base de dossiers papier de plusieurs dizaines de pages à un remboursement automatisé sur la base des dépenses inscrites dans les comptes de la collectivité. Les petites communes seront les premières à en bénéficier. Cette réforme sera un atout pour les communes et dans la relance. Sa mise en œuvre sera progressive : en 2021, elle ne concernera que les collectivités dont les dépenses sont éligibles au FCTVA l'année de la dépense, ce qui permettra de vérifier que la nouvelle procédure fonctionne correctement et n'entraîne pas de surcoût de gestion par rapport au régime actuel. La procédure habituelle sera maintenue transitoirement pour certains aux fins de comparaison, avant généralisation.

Le PLF 2021 est aussi marqué par l'augmentation de la solidarité entre les territoires, autrement dit des crédits consacrés à la péréquation au sein de la DGF, pour un montant de 220 millions d'euros. Cet effort bénéficie à trois grandes familles de territoires : 90 millions d'euros iront à la dotation de solidarité urbaine (DSU) ; 90 millions d'euros à la dotation de solidarité rurale (DSR) ; 30 millions à la dotation d'intercommunalité ; 10 millions enfin à la péréquation des départements. Ces chiffres sont identiques à ceux de 2020. Il est bien entendu toujours possible d'en faire plus, mais l'exercice est contraint par le fait que ces hausses sont financées par le redéploiement d'autres composantes de la DGF, qui est une enveloppe fermée. Faire plus de péréquation amène à piocher dans la dotation forfaitaire ou dans la dotation de compensation. C'est pourquoi nous y allons progressivement.

Le PLF acte une mesure forte en faveur des communes d'outre‑mer. Vous vous souvenez qu'un rattrapage a été décidé l'an dernier pour ajuster progressivement le montant de la dotation d'aménagement des communes et circonscriptions territoriales d'outre‑mer (DACOM) au montant qui devrait être perçu si les communes des DOM percevaient les dotations de péréquation dans les mêmes conditions que celles de métropole. Le système adopté l'année dernière avait été élaboré avec le comité des finances locales (CFL), dans un groupe de travail qui avait rendu ses conclusions à l'été. Ce rattrapage a permis d'attribuer l'année dernière aux communes des DOM 11,5 millions d'euros de plus, soit un cinquième du rattrapage total. Nous proposons d'accélérer cette dynamique, pour tenir compte des effets de la crise sur les finances déjà fragiles des communes des DOM, en réalisant en 2021 le tiers du rattrapage restant : la DACOM augmenterait au final de 17 millions d'euros.

Je vous confirme également l'engagement pris devant vous l'année dernière sur les indicateurs financiers, pour tenir compte de la réforme de la fiscalité locale, en particulier de la taxe d'habitation (TH). Les modifications inscrites dans le texte sont celles qui avaient été présentées devant le comité des finances locales et avaient reçu son assentiment. Les évolutions sont de deux ordres.

Une première mesure reconstruit des indicateurs fonctionnels, en intégrant les nouvelles ressources destinées à compenser la perte de la TH : le foncier bâti pour les communes et la TVA pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les départements.

La deuxième mesure neutralise les conséquences de la première sur le niveau des indicateurs, tout en laissant libre la dynamique : une fraction de correction sera calculée, égale à l'écart entre les nouveaux et les anciens produits, qui correspond au pur effet de bord lié à la réforme. Cette fraction serait retranchée ou ajoutée aux indicateurs de la nouvelle formule, de manière transitoire et dégressive pour certains d'entre eux, comme l'indicateur du potentiel fiscal et de l'effort fiscal des communes, de façon pérenne pour d'autres, comme celui du potentiel fiscal des départements, ou pas du tout pour ce qui est de l'indicateur du potentiel fiscal des EPCI.

Tout cela a fait l'objet de discussions hyper-techniques. Les paramètres, notamment la portée et la durée de la mesure de neutralisation, pourront être modifiés : le système n'est pas verrouillé. Je propose que, l'année prochaine, nous rediscutions du dispositif au CFL afin de vérifier qu'il fonctionne bien.

Enfin, les impôts de production, c'est-à-dire les taxes qui pèsent sur les facteurs de production des entreprises, indépendamment de leur résultat, baisseront de 10 milliards d'euros en 2021. Cette mesure correspond à la suppression de la part de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) affectée aux régions, ainsi qu'à la réduction de moitié des impôts fonciers acquittés sur les locaux industriels – taxe foncière et cotisation foncière des entreprises (CFE). Le Gouvernement a pris des engagements très clairs pour que ces décisions soient compensées de manière pérenne et dynamique. J'y ai personnellement veillé lors des arbitrages. La compensation de la part régionale de la CVAE sera assurée par de la TVA. Le nouveau système est avantageux pour les régions, qui perdent une ressource appelée à diminuer au profit d'une ressource stable, voire dynamique : elles n'y ont du reste vu aucune difficulté lors des discussions.

Pour ce qui est du bloc communal, la compensation passera par la création d'un nouveau prélèvement sur les recettes de l'État. Son montant individuel sera calculé pour combler l'écart entre le montant de la taxe sur le foncier bâti et de CFE, payés par chaque local ou établissement industriel une année donnée, et le montant qui aurait été payé en appliquant les taux pratiqués en 2020.

J'entends les craintes et les critiques sur le thème de la fin de l'autonomie fiscale des maires, et je veux y répondre. Les 3,3 milliards d'euros supprimés du fait de la disparition de la taxe d'habitation doivent être rapportés aux 42,5 milliards d'euros d'impôts fonciers concernés : autrement dit, la réforme ne supprime qu'une part très minoritaire – 5,7 % – de ces taxes. Au demeurant, elle n'abolit aucun pouvoir de taux ; elle actualise des bases dont tout le monde convient qu'elles étaient surévaluées. On ne peut pas se résoudre à ne jamais rien changer. Ce qui compte, c'est que les maires s'y retrouvent à la fin dans leur budget. Enfin, je rappelle qu'il s'agissait d'un engagement pris par le Président de la République devant les Français pendant la campagne présidentielle. Cette disparition est compensée par un autre impôt local, la taxe foncière, qui a un pouvoir de taux.

Le Gouvernement souhaite également que des mesures de soutien soient prises en faveur des départements. Nous soutiendrons l'amendement visant à abonder le fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) que les présidents de département avaient mis au point eux-mêmes, en particulier M. Jean‑René Lecerf. Si le fonds n'atteint pas la cible de 1,6 milliard d'euros fixée par la loi de 2020, du fait des baisses de DMTO, l'État ouvrira une dotation par prélèvement sur ses recettes, afin de combler l'écart. C'est un engagement fort pris devant l'Assemblée des départements de France (ADF), qui s'était mobilisée dès 2019, pour faire inscrire dans la loi un fonds de péréquation très ambitieux. C'est la première fois que l'État soutient directement un fonds de péréquation entre collectivités : à situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle. Nous avons indiqué à l'ADF que nous proposerons une seconde mesure de soutien sur les recettes, avec l'ouverture de crédits d'urgence ou de stabilisation fléchés dans le fonds de stabilisation, pour un montant de 115 millions d'euros.

Ces mesures s'ajoutent aux mesures déjà acquises ou inscrites dans le plan de relance : 250 millions d'euros de TVA supplémentaires en 2021, 93 millions d'euros de FCTVA en plus et 300 millions d'euros sur le milliard inscrit dans le plan de relance pour financer la rénovation énergétique des bâtiments départementaux.

Le Gouvernement défendra également une mesure pour soutenir les autorités organisatrices de la mobilité. Comme vous le savez, un accord avait été trouvé avec Île‑de‑France Mobilités. Mon ministère a demandé de mettre au point un système de compensation qui s'inspire de ce modèle, portant sur les recettes fiscales et sur les recettes tarifaires perçues en 2020.

Enfin, nous proposons de neutraliser l'impact des variations de TVA sur la TVA versée aux départements et aux EPCI, à compter de 2022. Je reviendrai sur cette mesure à l'occasion des questions à venir.

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