Madame la ministre, mes chers collègues, je ne souhaite pas revenir sur le détail des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », qui viennent de nous être présentés de manière très exhaustive. L'usage, à la commission des Lois, est que le rapporteur pour avis mette plutôt l'accent sur une politique publique, une thématique que les crédits présentés permettent de financer. Je pense que le thème retenu cette année vous plaira tout particulièrement, madame la ministre, puisque je me suis intéressée aux enjeux de la différenciation de compétences des collectivités territoriales.
Pour répondre aux besoins de plus grande proximité et de plus grande lisibilité de l'action publique exprimée par les élus locaux et nos concitoyens, notamment lors du grand débat national, et alors que la crise sanitaire nous rappelle chaque jour la difficulté d'apporter des réponses uniformes à l'ensemble du pays, il est temps de faire un pas en avant en direction d'une plus grande adaptation aux spécificités et aux besoins des territoires. Selon vos propres mots, madame la ministre, ici‑même, il y a quinze jours, le vieux rêve du jardin à la française – « une place pour chaque chose et chaque chose à sa place » – a vécu. Le cadre constitutionnel et son principe d'égalité contraignent le législateur mais permettent de prendre en compte des situations différentes pour l'attribution de compétences différenciées aux collectivités territoriales. L'usage que nous en faisons demeure toutefois largement marginal.
On peut en effet attribuer, sans méconnaître le principe d'égalité, des compétences différenciées à une collectivité, si cela est justifié par des motifs d'intérêt général ou pour des motifs tirés d'une différence de situation dans le cadre de transferts limités et précisément identifiés. Nous avons exploité cette possibilité une seule fois pour le moment, avec la loi du 2 août 2019 relative aux compétences de la collectivité européenne d'Alsace, qui transfère notamment une compétence en matière d'exploitation et de gestion des routes nationales et des autoroutes non concédées. Les délégations de compétences entre collectivités territoriales, inscrites depuis 2010 à l'article L. 1111‑8 du code général des collectivités territoriales, sont un dispositif intéressant, mais très peu utilisé par les élus locaux, étant donné qu'il est assez complexe à mettre en œuvre. Les délégations de compétences de l'État en direction des collectivités territoriales, autorisées par l'article L. 1111‑8‑1, sont encore plus rares. Un seul exemple : en 2015, l'État a délégué à la région Bretagne quelques compétences en matière culturelle dans le domaine du soutien aux filières du livre, du cinéma ainsi que du patrimoine culturel immatériel. Là aussi, la procédure est lourde et complexe du fait notamment des conférences territoriales d'action publique (CTAP).
Madame la ministre, vous avez engagé en début d'année une grande concertation nationale sur la répartition et l'exercice des compétences dans la perspective de la future loi relative à la décentralisation, la différenciation et la déconcentration, la loi « 3D » ou « 4D », si l'on ajoute la décomplexification. Sans préjuger des résultats de cette concertation et du contenu de la future loi, j'aurai trois questions. Avez-vous identifié des compétences de l'État qui pourraient être transférées non pas à toutes les collectivités mais à quelques-unes, du fait de situations différentes ? La loi d'orientation des mobilités (LOM) du 24 décembre 2019 avait accordé une grande confiance aux collectivités, en proposant le transfert d'aéroports, de ports maritimes non autonomes et de canaux et ports fluviaux à tout niveau de collectivité territoriale qui se sentait apte et intéressé pour gérer ces grandes infrastructures. Dans le cas où plusieurs collectivités auraient été candidates, la loi a prévu de confier au préfet le soin d'effectuer le choix après avoir organisé une concertation locale. Pensez-vous que l'on puisse étendre ce type de mécanisme à d'autres compétences ? Enfin, même si elles sont désormais installées dans le paysage institutionnel local, les conférences territoriales de l'action publique (CATP) font l'objet de nombreuses critiques de la part des élus locaux. Comment redynamiser ces outils qui pourraient être très utiles à l'avenir ?