Intervention de Raphaël Schellenberger

Réunion du mercredi 14 octobre 2020 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Schellenberger :

Madame la ministre, je vous remercie pour cette présentation très technique et détaillée. Avec ce troisième projet de loi de finances, nous comprenons peu à peu que votre stratégie budgétaire, financière et fiscale en matière de relations de l'État avec les collectivités territoriales s'inscrit bel et bien dans une cohérence d'ensemble. Derrière ce qui pouvait initialement apparaître comme des mesures de bon sens, des mesures d'ajustement, parfois purement techniques, ou de simples cadeaux fiscaux, se construit progressivement une vision d'ensemble de votre relation avec les collectivités territoriales, dans laquelle nous ne nous retrouvons absolument pas.

Sa première caractéristique est de revenir toujours davantage, de façon progressive mais certaine, par une sorte de mécanisme de cliquet interdisant tout retour en arrière, sur l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Vous nous avez fait part de votre réflexion sur ce sujet lorsque nous vous avons auditionnée il y a quelques jours. Est-il pertinent de parler d'autonomie fiscale des collectivités territoriales ? Est-ce vraiment souhaitable ? C'est en tout cas ce que j'ai retenu de vos propos.

Ce qui est sûr, c'est que vous avez apporté une réponse à ces questions : par le biais de la suppression progressive de la taxe d'habitation, déjà prévue, et surtout de la réduction des impôts de production, en supprimant la part qui revenait aux collectivités territoriales, vous revenez bel et bien sur leur autonomie fiscale.

J'entends que l'on puisse souhaiter débattre de ce sujet. Ce qui nous refroidit largement, c'est que ce débat est amené de façon insidieuse, en suivant un cap imaginé bien en amont, qui n'avait pas été annoncé comme tel, mais qui se révèle petit à petit.

C'est d'autant plus ennuyeux que les collectivités territoriales ont été au rendez-vous face à la crise, grâce à leur souplesse d'organisation, à leur inventivité, à leur créativité, aux libertés d'action dont elles jouissent et à leur capacité d'adapter l'action publique à une échelle pertinente. Au demeurant, vous-même en convenez, puisque vous promettez depuis trois ans une réforme des collectivités territoriales visant à renforcer la décentralisation, et même à introduire une possible différenciation. Pourtant, votre stratégie fiscale est à rebours de ce discours, puisqu'elle rend les collectivités territoriales captives de logiques de dotation et de fléchage.

D'un point de vue strictement budgétaire, on peut se réjouir que d'importants fonds du plan de relance soient consacrés aux collectivités territoriales ; encore faut-il préciser que c'est sûrement un des moyens les plus efficaces pour qu'ils soient effectivement dépensés. On peut également se réjouir que leur fléchage vers la rénovation des bâtiments soit précis : c'est cohérent avec les choix politiques nationaux, c'est une très bonne nouvelle pour l'écologie, mais du point de vue de l'autonomie des collectivités territoriales et de leur capacité d'action, ce n'est pas forcément réjouissant. Car cela signifie qu'elles seront complètement dépendantes de la volonté de l'État.

C'est un choix, à nos yeux plus que discutable, car il revient sur bon nombre de libertés locales. Je ne prétends pas que les collectivités territoriales doivent aller systématiquement contre l'action du Gouvernement, notamment en matière d'environnement, d'isolation des bâtiments et d'économie d'énergie ; mais je soutiens que notre responsabilité est d'aller jusqu'au bout de la logique de confiance avec les collectivités territoriales et de leur confier l'autonomie fiscale qu'elle suppose.

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