Intervention de Danièle Obono

Réunion du mercredi 14 octobre 2020 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Madame la ministre, nous venons d'apprendre par les médias qu'un décret rétablissant l'état d'urgence sanitaire à compter de vendredi a été signé ce matin, en Conseil des ministres. Puisque vous êtes parmi nous, et que vous venez semble-t-il d'avoir le Premier ministre au téléphone, pouvez-vous confirmer que tel sera le cas ? De nombreuses informations, pas toujours exactes, circulent dans la presse. En outre, cette situation contraint énormément les débats budgétaires. C'est à l'aune de la crise sanitaire, ainsi que de ses conséquences sur la population et sur les territoires, que nous jugerons le budget de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » que vous proposez.

D'après une étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) publiée au mois de juillet dernier, les inégalités constatées au sein de la population et des territoires avant la crise ont été amplifiées par la pandémie, tant dans l'hexagone qu'outre-mer. Si le budget que vous présentez aujourd'hui affiche une hausse relative, il reste largement insuffisant compte tenu de la crise sanitaire et de ses conséquences.

Je rappelle que la perte de recettes subie par les collectivités territoriales en raison de la crise est estimée à 7,25 milliards d'euros. Elle devrait être au moins équivalente en 2021. Ce montant représente plus de 20 % de leur épargne nette. Pour sa part, l'Association des maires de France (AMF) estime que le coût de la crise sanitaire s'élèvera pour les communes à au moins 8 milliards d'euros sur trois ans, dont 6 milliards pour l'année 2020.

Dans ce contexte, les départements connaîtront une forte progression de leurs dépenses sociales à court terme. En effet, la catastrophe sociale est déjà là, suscitant des dépenses accrues en matière de revenu de solidarité active, de prise en charge des tarifs des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), de soutien aux associations ainsi qu'aux entreprises, en très grande difficulté. Au regard d'une telle situation, la réalité de votre budget ne peut être que décevante, d'autant que le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une baisse relative de la dotation globale de fonctionnement. Quant au prélèvement sur recettes de l'État destiné à compenser les pertes fiscales des communes, il ne couvre ni les pertes tarifaires et les dépenses nouvelles induites par la crise, ni la diminution des impôts de production, d'ailleurs envisagée avant la crise.

Du reste, c'est l'AMF elle-même qui le dit : sous couvert de plan de relance, le Gouvernement a réactivé son projet de remplacement des recettes fiscales locales par des dotations de l'État. Cela démontre en creux, et même en clair, que le processus de décentralisation, vanté et mis en œuvre depuis des décennies, a consisté en réalité à confier des responsabilités supplémentaires aux départements sans leur donner les moyens de les exercer, ce qui s'est finalement traduit par une reconcentration.

Certes, le pourcentage de recettes fiscales issues de l'État est modeste, mais cela n'empêche pas l'affaiblissement des moyens des collectivités, donc l'accroissement des disparités entre les collectivités. Au demeurant, le projet de loi « 3D », dont vous vous félicitez, sous couvert de différenciation, s'apparente de notre point de vue à une forme d'institutionnalisation d'un séparatisme territorial. Tout porte à craindre, et d'autres l'ont relevé, qu'il n'en résulte une aggravation des inégalités, d'autant plus qu'elle sera validée par les nouveaux principes que vous souhaitez inscrire dans la loi.

Enfin, du point de vue de la stratégie environnementale, le compte n'y est pas. Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit 740 millions d'euros pour la rénovation thermique, et le plan de relance 2 milliards. Or le ministère de la Transition écologique estime à 25 milliards d'euros par an le budget nécessaire à la rénovation des passoires thermiques, dans lesquelles vivent notamment les locataires et les propriétaires les plus modestes.

En conclusion, le budget de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » n'est clairement pas à la hauteur de la crise sociale, économique et écologique à laquelle nous sommes confrontés.

Je vous repose la question, madame la ministre : pouvez-vous confirmer que nous serons à nouveau en état d'urgence sanitaire à partir de vendredi minuit ?

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