M. Rémy Rebeyrotte m'a interrogée sur le contenu de l'accord de méthode et de l'accord de partenariat signés avec les régions.
Premièrement, pour ce qui est de l'accord de méthode, le Premier ministre a débattu avec les représentants des régions des priorités en matière d'action publique qui seront au cœur des prochains contrats de plan État-régions (CPER) 2021-2027. Le Premier ministre et le président de Régions de France ont notamment décidé d'augmenter la participation des régions aux CPER. Celles-ci ont convenu de mobiliser au moins 20 milliards d'euros, soit une progression de 4,7 milliards d'euros de leurs engagements par rapport aux CPER 2015-2020.
Deuxièmement, il a été décidé que des accords de relance pourront être signés par les régions une fois le budget 2021 adopté. En parallèle, les prochains CPER seront pré-signés, afin de les aligner sur le plan de relance. En effet, la signature des CPER suit des procédures de consultation diverses et variées, par exemple la consultation de l'autorité environnementale, qui ne figurent pas dans le plan de relance, ce qui oblige à attendre la fin du printemps 2021 pour les finaliser définitivement. Les fonds alloués dans le cadre de la relance devant être engagés dans les deux ans qui viennent, il fallait prendre en compte le fait que certains projets ne verraient pas leur aboutissement dans le cadre du plan de relance et devraient être poursuivis dans celui des CPER.
L'accord de partenariat prévoit l'affectation de crédits du plan de relance, à hauteur de 600 millions d'euros, aux projets d'investissement des régions. Ils seront répartis entre les régions en fonction de critères démographiques et affectés par les préfets de région et les présidents de conseils régionaux.
Est également prévue une refonte de la péréquation entre régions. Les départements ont instauré un système assez vertueux, procédant d'eux-mêmes au renforcement de la péréquation horizontale, en vue de partager les richesses et d'équilibrer les inégalités territoriales. Nous avons demandé aux régions de réformer leur péréquation, car le système en vigueur est un peu cheap, si je puis dire… Nous leur demandons d'élaborer un plan de péréquation plus solide, incluant, comme l'ont fait les départements, un objectif clair et des montants accrus. Un article du projet de loi de finances pour 2021 en arrêtera les modalités et le dispositif sera finalisé d'ici à 2022.
M. Raphaël Schellenberger, et après lui Pascal Brindeau, a posé la question de l'autonomie fiscale et financière des collectivités. Notre pays a été habitué à défendre le principe de l'autonomie fiscale, avec des impôts locaux et un pouvoir de taux. Je tiens à faire remarquer que bloc communal fonctionne toujours, majoritairement, de cette manière.
Il est vrai que le bloc départemental connaît de sérieux problèmes financiers, et le fait qu'il n'ait pas été prévu de réévaluer les charges qui pèsent sur eux pose effectivement problème : l'effet de ciseaux ne peut durer éternellement. Plusieurs méthodes sont envisageables : la recentralisation du RSA en est une, mais il peut y avoir d'autres solutions. En tout cas, c'est un travail qu'il faut entamer avec les départements.
Les régions se sont peu à peu éloignées de l'autonomie fiscale, puisque l'ensemble de leurs recettes fiscales provient désormais d'une part d'un impôt national qui leur est reversé. Le remplacement, opéré par le précédent gouvernement, de la dotation globale de fonctionnement par une faction de TVA, à l'évolution plus dynamique, a été pour elles salutaire. C'est ce qui explique qu'elles n'aient pas hésité à accepter le remplacement de la CVAE par une part de TVA.
Le débat se poursuit, en tout cas parmi les élus – je ne suis pas sûre qu'il se pose réellement dans l'opinion publique. Cela dit, on a beau défendre l'autonomie fiscale, mais je remarque que dès que la crise est arrivée, les collectivités se sont immédiatement tournées vers l'État pour lui demander ce qu'il allait faire pour compenser les pertes… C'est là qu'on a inventé le filet de sécurité pour les communes. Nous sommes dans un pays où l'on revendique les libertés locales et l'autonomie fiscale, mais sitôt que survient le moindre problème, on se tourne vers l'État pour qu'il compense les baisses de recettes ! C'est une vraie question, et ce n'est pas forcément lié au fait que le système doit décentralisé ou pas : en Allemagne, le Bundestag, le Bundesrat et le Gouvernement fixent la dotation que l'État verse chaque année aux Länder, à charge pour eux ensuite de se débrouiller avec leur enveloppe. Mais je sais qu'un certain nombre d'élus commencent à se poser ces questions.
Monsieur Vincent Bru, la DPV reste effectivement stable depuis 2017, tout comme la DETR. Je rappelle que les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) bénéficient prioritairement de plusieurs financements. Ils sont affectataires de la hausse de la DSU. Par ailleurs, certains des fonds prévus par le plan de relance au titre de la solidarité seront destinés aux populations les plus en difficulté. De même, dans le cadre de la transition écologique, des travaux de rénovation énergétique seront réalisés dans les QPV.
Alors qu'on demande actuellement aux collectivités de se presser de présenter des dossiers pour bénéficier du plan de relance, vous avez raison de rappeler l'importance fondamentale de l'ingénierie. C'est d'ailleurs pour cela que je me suis battue, et je continue à me battre, avec l'appui du Gouvernement, pour réduire autant que possible le nombre d'appels à projets nationaux. En effet, les petites communes et même les communes de taille moyenne ne peuvent y répondre, car elles ne disposent pas de l'ingénierie suffisante. C'est la raison pour laquelle je plaide, autant que faire se peut, pour la territorialisation la plus affirmée possible de la relance. Cela ne signifie pas qu'il faille réduire ces appels à projets nationaux à zéro, car ils peuvent se révéler utiles dans certains domaines.
L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), créée le 1er janvier dernier, finance des dépenses d'ingénierie. Dans le cadre de l'initiative « Petites villes de demain », nous allons financer des chefs de projets pour monter des programmes dans les communes, au moyen de crédits de l'ANCT, dans le cadre de partenariats avec l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et la Banque des territoires. Il en va de même pour Action cœur de ville. Par ailleurs, les crédits de la mission RCT ne regroupent pas l'ensemble des aides : ainsi, le programme 122 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » prévoit le versement de crédits au titre du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). Ces crédits servent à financer le recyclage du foncier, c'est-à-dire à requalifier des friches urbaines.
M. Saulignac a affirmé qu'on avait davantage aidé les communes que les départements. Ce n'est pas faux, mais ça s'explique par le fait qu'un certain nombre de communes ont été confrontées de manière immédiate à la crise. On a institué un mode de calcul fondé sur le rapport entre les trois dernières années et l'année 2020. Comme il l'a lui-même reconnu, c'est surtout en 2021 que les départements éprouveront des difficultés, du fait de la baisse de la CVAE. Cela étant, nous ne sommes pas restés inactifs : nous avons accordé des avances de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) – quarante départements nous en ont fait la demande. Les montants finaux seront sans doute supérieurs, car ces fonds ont été calculés à partir de l'activité du dernier trimestre 2019 et du premier semestre de 2020. Les chiffres définitifs seront établis sur l'ensemble de l'année 2020, et nous ferons un deuxième tour de table, au début de l'année prochaine, pour identifier ceux qui ont réellement besoin d'aide. Nous ne serions évidemment pas opposés à l'idée de continuer à soutenir les départements si la crise se prolongeait.
Nous avons également permis aux départements d'étaler leurs charges sur cinq exercices. Ce matin, Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), nous a remerciés de cette décision. Il m'a demandé à combien s'élèverait l'abondement de la péréquation ; on ne sait pas très bien, car on a promis d'abonder jusqu'au seuil de 1,6 milliard, qui est l'objectif de péréquation alimenté par les DMTO. On paiera la différence, qui devrait se situer, d'après les estimations, autour de 60 millions d'euros.
Enfin, nous avons mis en place le fonds d'urgence.
En stratégie politique comme en matière budgétaire, la communication est essentielle. Les annonces que nous avions faites concernant le troisième projet de loi de finances rectificative visaient essentiellement les communes et, à titre accessoire, les départements, mais pas les régions. Il a fallu ensuite « ramer » pour faire comprendre aux régions qu'on allait aussi s'occuper d'elles, et expliquer aux départements qu'on allait approfondir le travail en leur faveur. Il faut toujours prendre le temps de s'adresser à chacun.
Monsieur Euzet, vous avez souligné à juste titre l'importance de la péréquation, qui se traduit par une hausse de 90 millions de la DSU et de la DSR. Vous demandez pourquoi on n'en fait pas plus. Au sein du comité des finances locales, qui discute de cette question chaque année, les élus demandent, depuis plusieurs exercices, qu'on n'augmente pas la péréquation. Cela ne nous a pas empêchés de négocier avec les régions un accroissement des fonds faisant l'objet de la péréquation, ce qui me paraît une bonne chose. Mais la péréquation verticale, qui vient de l'État, doit être distinguée de la péréquation horizontale, que nous proposons aux régions. Nous pouvons toutefois compenser exceptionnellement, comme on l'a dit, la péréquation départementale.
Vous avez également parlé, et Mme Obono également, de la différenciation. Rappelons d'abord que nous agissons à droit constitutionnel constant. Nous avions prévu d'aller plus loin en matière d'expérimentation et de différenciation en engageant une révision de la Constitution, qui n'a pu avoir lieu. Nous allons donc élargir, dans le cadre constitutionnel actuel, la possibilité de recourir à l'expérimentation. On m'objecte parfois que cela risquerait d'accentuer les différences entre les territoires ; or j'ai la conviction que la différenciation est une forme de reconnaissance de la diversité des territoires. Par exemple, dans notre pays, deux lois ont été consacrées à la montagne – je signale que le congrès de l'Association nationale des élus de la montagne (ANEM) se tiendra demain à Corte. Ces textes se justifient par des spécificités : les contraintes de déplacement ou d'alimentation en eau, par exemple. Faire de la différenciation, c'est aussi s'adapter aux réalités des territoires.
C'est aussi aider ceux qui en ont le plus besoin. Nous avons conclu, avec le conseil régional des Hauts-de-France et les conseils départementaux de l'Aisne et du Nord, l'accord Sambre-Avesnois-Thiérache pour aider des territoires qui ont le taux de chômage le plus élevé de France – le cas de Maubeuge est particulièrement illustrant. Il en va de même avec les zones de revitalisation rurale (ZRR) sur lesquelles on m'a encore interrogée lors de la séance des questions d'actualité, hier. La mise en place de tous ces dispositifs répond à la volonté de prendre des mesures spécifiques pour la ruralité, afin d'assurer la pérennité ou de développer les implantations d'entreprises. Le rôle de l'État est de garantir l'efficacité de ces mécanismes, en respectant les spécificités de chaque territoire. La Creuse, ce n'est pas les Hauts-de-Seine, et les Hauts-de-Seine, ce n'est pas la Seine-Saint-Denis, madame Obono… Un contrat va être signé avec la Seine-Saint-Denis pour faire en sorte que les fonctionnaires y viennent et restent au moins cinq ans : c'est cela aussi, la différenciation. L'État doit assurer l'équité et l'égalité entre nos concitoyens. C'est pourquoi on ne peut pas faire de la différenciation dans tous les domaines. Certaines mesures ne seraient pas acceptables ni acceptées par les Français, qui sont extrêmement attachés à l'équité.
Monsieur Brindeau, la suspension des contrats dits « de Cahors » devrait perdurer en 2021, compte tenu de la prolongation de la crise sanitaire. Mais cela n'empêche pas l'État et les collectivités territoriales de parler de trajectoires. Par exemple, si l'on veut travailler sur la fiscalité des départements, il faudra bien qu'on examine les charges qu'ils continueront à assumer, comme les dépenses d'insertion – et quand je parle de recentraliser le RSA, il ne s'agit pas de reprendre la compétence liée à l'insertion : seuls le financement et la gestion du dispositif seraient concernés.
Madame Obono, je ne dispose pas des réponses à votre question sur l'état d'urgence sanitaire. Je vous invite à écouter le Président de la République qui interviendra sur ce sujet à 20 heures.