L'examen des crédits de la mission « Outre-mer » se heurte effectivement à une difficulté récurrente : ce budget ne reflète pas l'intégralité des actions menées dans les outre-mer. Cet état de fait, me semble-t-il, soulève la question du rôle du ministre des outre-mer. Celui-ci ne peut que jouer d'influence sur ses collègues pour obtenir que les crédits prévus pour les outre-mer soient utilisés à leur profit – on sait que des investissements peuvent être jugés préférables dans un autre département qu'en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française. C'est aussi ce qui confère tout son intérêt au rôle du ministre des outre-mer. On a coutume de dire qu'il est à la tête d'un petit Matignon, d'où il peut suivre l'action de ses collègues ; toutefois, il joue davantage un rôle de persuasion qu'un rôle d'action directe.
Je salue l'augmentation des autorisations d'engagement dans le projet de loi de finances. Cependant, le problème de la sous-utilisation des crédits de paiement demeure. Il faut résoudre cette difficulté, notamment en aidant les collectivités en matière d'ingénierie, pour qu'elles puissent utiliser les crédits dont elles disposent.
Ce qui est frappant, dans le budget des outre-mer, c'est qu'une part importante sert à compenser l'exonération des charges patronales de sécurité sociale. Ces dépenses ont un caractère automatique, ce qui les rend difficiles à piloter. Ainsi, ce budget est souvent scruté à la loupe par les entreprises car il est important pour elles, mais il dit peu sur les autres aspects de la vie dans les outre-mer.
Certaines lignes sont privilégiées, notamment le logement qui est un enjeu important. Toutefois, le budget consacré à l'action sociale et culturelle me contrarie. Il a connu une diminution significative l'an dernier ; cette année, il stagne. Cela empêche d'envisager le redémarrage d'opérations fondamentales, notamment la Cité des outre-mer dont Mme Annick Girardin avait annoncé qu'elle serait réalisée sous une autre forme que celle envisagée initialement. Des crédits avaient été prévus en 2017 pour réhabiliter l'ancien cinéma qui devait l'héberger ; tout cela s'est un peu évaporé. Je regrette cette évolution. Pour développer un pays, il faut certes des logements, du travail et de la croissance économique, mais la culture et l'identité sont des aspects importants si l'on veut bien vivre. Malheureusement, le budget que nous examinons aujourd'hui ne garantit pas une prise en compte satisfaisante de ce point de vue.
De même, je regrette la fermeture de la chaîne de télévision France Ô avant même l'adoption du projet de loi de réforme de l'audiovisuel. Contrairement à l'espoir que nourrissaient nos collègues de la commission des Affaires culturelles, il n'est pas du tout établi que les autres chaînes prendront le relais pour donner une visibilité aux outre-mer. Au contraire, le dernier rapport de l'Observatoire de la diversité à ce sujet démontre que la diversité au sein de notre système audiovisuel a reculé. La disparition de France Ô réduira encore la visibilité des outre-mer dans notre pays.
Nous sommes également préoccupés par la différenciation territoriale. Au sein des outre-mer, on distingue les « vieilles colonies », pour ainsi dire, régies par l'article 73 de la Constitution selon le principe de l'identité législative, et les autres territoires qui disposent d'importantes possibilités d'autonomie. La révision constitutionnelle, telle qu'elle avait été annoncée, prévoyait de développer la différenciation territoriale. Cette révision étant, pour l'heure, au point mort, il serait souhaitable de reprendre la réflexion en envisageant un autre véhicule législatif.
Enfin, les crédits relatifs au service militaire adapté (SMA) et à l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) sont reconduits. Les actions menées dans ce cadre, par des professionnels tout à fait compétents, sont à saluer.
À la lumière de ces observations, j'estime que ce budget est en partie la reconduction du précédent, avec des items connus. Il n'inspire à la rapporteure pour avis ni grand enthousiasme ni objection négative.