Je serai moins joyeux que M. Guillaume Vuilletet. Ce discours d'autosatisfaction ne correspond pas à la réalité outre‑mer… Nous savons que l'outre‑mer, c'est 25 % de chômage des jeunes, 42 % de la population sous le seuil de pauvreté et 25 % des jeunes entre 16 et 29 ans sans formation, soit deux fois plus que la moyenne nationale. Je vous épargne la litanie des chiffres : ce n'est pas le pays de rêve doté des budgets formidables que vous décrivez. La réalité est moins joyeuse, moins épique et moins romanesque que les discours.
Il est vrai, monsieur le ministre, que le montant de l'investissement de l'État outre‑mer stagne depuis de nombreuses années autour de 20 milliards d'euros. Cet équilibre, qui repose sur des jeux de compensation, n'est pas profitable aux outre‑mer.
Deux programmes composent la mission « Outre‑mer ». Le programme 138 est consacré à l'emploi. Il vise majoritairement à faire diminuer les charges patronales pour un budget d'environ 1,565 milliard d'euros, en augmentation de 6,61 % – une augmentation constante depuis 2019. J'espère que cette année encore, après le bâtiment, le tourisme et l'aérien, de nouveaux secteurs pourront bénéficier de l'augmentation des seuils d'exonération. Des entreprises ne passeront pas cette année ou l'année 2021, étant donné que la reprise ne sera pas aussi rapide que vous l'annoncez. Sans un renforcement des exonérations de charge, nous ne retrouverons pas ces entreprises au moment où les sommes versées commenceraient à produire des résultats. En regardant les chiffres de plus près, on constate que, sur 1,51 milliard d'euros ouvert en loi de finances pour 2019, les versements effectifs ont été à peine supérieurs à 1,39 milliard d'euros.
Le programme 123 relatif aux conditions de vie et au logement inquiète encore aujourd'hui : nous fondons de grands espoirs dessus, dans la mesure où c'est dans ce domaine que le nombre d'emplois peut augmenter. Le budget pour la construction des logements étudiants est de 110 millions d'euros en autorisations d'engagement, mais seulement de 86 millions d'euros en crédits de paiement. Vous savez bien la sous‑consommation des crédits tragique outre‑mer. Ce n'est pas seulement la faute des collectivités territoriales. La responsabilité est partagée entre l'État, les collectivités et les maîtres d'œuvre. Cela vient le plus souvent de la lenteur et de la complexité des instructions autour d'autorités de gestion locale pas toujours efficaces. L'implication des collectivités n'est pas suffisante non plus.
J'entends Action Logement ou CDC Habitat dire qu'il n'y a qu'à mobiliser les stocks existants dans les dossiers au fond des tiroirs et que tout cela sortira de manière magique parce que des milliards ont été mis sur la table. Mais si les dossiers ne sont pas sortis des tiroirs, il y a des raisons, qui ne vont pas s'évaporer d'un coup sous l'effet d'annonces de financements. Pour le plan de relance, les mêmes causes produiront les mêmes conséquences. Le délai de montage du dossier de financement, entre la mise en œuvre des décrets d'application et les réponses aux appels à projets, ne permettra pas des effets réels sur l'activité avant début 2022. Pour le PLOM, ce sera le même constat : il n'y aura pas d'effet visible avant le dernier trimestre 2021. C'est pourquoi nous devons accompagner les entreprises, notamment du bâtiment, dans cette passe difficile.
Comme mes collègues, je salue évidemment l'augmentation des crédits. Je suis néanmoins inquiet parce que tout n'y est pas, concernant l'exonération des charges sociales. Je salue l'augmentation du budget en faveur du logement, tout en restant aussi inquiet quant à la sous‑consommation des crédits puisque rien n'a été prévu pour la pallier. Au final, je suis plutôt réservé et je m'abstiendrai.