Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du lundi 19 octobre 2020 à 14h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

Mesdames, Messieurs les députés, je vous prie de bien vouloir excuser par avance mon départ anticipé. J'avais prévu de rester avec vous pour toute la réunion ; chacun comprendra que je m'en tienne à l'examen de la mission « Sécurités ».

La présentation des crédits du ministère de l'intérieur devant votre commission est d'abord l'occasion, pour la ministre déléguée et moi-même, de remercier le Président de la République et le Premier ministre de leur augmentation significative – je remercie par avance ceux des parlementaires qui voudront bien les voter. En prenant en considération les crédits relevant du projet de loi de finances pour 2021 et ceux des programmes 363 et 362 de la mission « Plan de relance » qui abonderont les crédits de notre ministère, le renfort budgétaire global approuvé s'élève à 1,14 milliard d'euros, ce qui est sans équivalent.

Avec ces moyens nouveaux, le budget du ministère de l'intérieur aura enregistré, depuis le début du quinquennat, une augmentation de quasiment 3 milliards d'euros, hors compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Vous m'avez souvent entendu dire, dans mes fonctions précédentes, qu'un budget en augmentation n'est pas forcément un bon budget, mais il peut arriver qu'un budget en augmentation soit un bon budget.

Avant d'entrer dans le détail des crédits de la mission « Sécurités », j'indique que nous continuerons, à la demande du Président de la République, à consacrer des moyens très importants aux services de renseignement et de lutte contre le terrorisme – c'est d'actualité. Ainsi, l'année prochaine, si vous le décidez, 330 créations d'emplois supplémentaires sont prévues dans les services de renseignement, dont 250 emplois à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), le reste allant au renseignement territorial, à la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris et à la direction centrale de la police judiciaire. Ces créations d'emplois permettront aux services de renseignement de franchir l'an prochain la barre symbolique des 9 000 agents. Elles porteront le nombre total de créations d'emplois dans ce domaine, depuis le début du quinquennat, à 1 136. L'objectif, sur le quinquennat, est de 1 514 ; nous le tiendrons, conformément au souhait de la majorité parlementaire.

Il ne suffit pas d'offrir des postes, il faut réussir à les pourvoir. Parmi les mesures visant à faciliter les recrutements prévus au budget 2021, signalons la revalorisation exceptionnelle du référentiel de rémunération des contractuels de la DGSI, pour près de 5 millions d'euros. Cela nous permettra de recruter les profils correspondant aux missions particulières de la DGSI.

Les crédits d'équipement et d'investissement alloués aux services de renseignement et de lutte contre le terrorisme ont quasiment doublé depuis 2017, sous l'impulsion du Président de la République et de la majorité parlementaire, passant de 40 millions à 81millions d'euros. Cette hausse – je le dis devant votre commission en exclusivité – se poursuivra : les crédits du renseignement français augmenteront de 10 % l'an prochain.

J'en viens au détail des crédits de la mission « Sécurités » et de ses quatre programmes – « Police nationale », « Gendarmerie nationale », « Sécurité civile », « Sécurité et éducation routières ». Ces crédits sont fortement mobilisés au service des trois priorités que Mme la ministre déléguée et moi-même avons fixées à nos services : la lutte contre les stupéfiants, la lutte conte les séparatismes – singulièrement l'islamisme radical – et la lutte contre les violences conjugales, sexistes et sexuelles.

Dans le PLF 2021, inédit dans sa construction, puisqu'il comporte une mission transversale « Plan de relance » concernant tous les ministères, nous avons souhaité nous concentrer, à la demande du Président de la République, sur l'amélioration du quotidien des agents du ministère de l'intérieur. Si je puis me permettre cette comparaison, mes prédécesseurs se sont occupés de la police du quotidien, nous poursuivons leur travail en nous occupant du quotidien du policier et du gendarme.

Cette année, les crédits de la mission « Sécurités » sont en très forte augmentation. En tenant compte des crédits destinés au ministère de l'intérieur hébergés dans les programmes de la mission « Plan de relance » et de la progression des crédits traditionnels, l'augmentation s'élève à 621 millions d'euros, dont 166 millions d'euros en masse salariale, hors pensions, et 455 millions en crédits de fonctionnement et d'investissement. Cela porte l'augmentation du budget de la mission « Sécurités », depuis le début du quinquennat, à 1,7 milliard d'euros. C'est la fin de l'« effet ciseaux », dénoncé depuis longtemps au sein du ministère de l'intérieur : une augmentation indéfinie de la masse salariale – le titre 2 ou « T2 » – et une diminution ou une stagnation, dans la même proportion, des moyens matériels – hors « T2 ». Pour la première fois, l'augmentation des dépenses hors « T2 » est bien plus importante que celle des dépenses « T2 », ce qui met les moyens en adéquation avec le personnel.

L'évolution des dépenses de personnel permettra de tenir l'engagement du Président de la République de créer 10 000 postes supplémentaires dans les forces de l'ordre au cours du quinquennat, et de financer des mesures catégorielles très ciblées, notamment en faveur des « nuiteux », ces policiers qui travaillent la nuit dans des conditions très difficiles.

S'agissant de la création de postes en 2021, la mission « Sécurités » en prévoit 2 000 – 1 500 dans la police et 500 dans la gendarmerie. Je confirme ces recrutements. Un effort sera demandé aux administrations centrales du ministère, au sein desquelles 542 postes seront supprimés. En échange, si j'ose dire, aucun poste ne sera supprimé dans les préfectures et les sous-préfectures de France, pour la première fois depuis plus de vingt ans – cela fait écho au discours du Président de la République au lendemain du grand débat national.

S'agissant de la masse salariale, la progression de ses crédits, au sein de la mission « Sécurités », est de 167 millions d'euros en 2021. Elle est très limitée pour absorber l'augmentation tendancielle de la masse salariale et les gestes ciblés, certes peu nombreux, visant à récompenser le mérite des agents, notamment ceux qui travaillent la nuit. Une réforme des voies d'avancement des gardiens de la paix sera également mise en œuvre, ainsi qu'une revalorisation des traitements des agents de la cellule investigation, qui permettra de mieux suivre les enquêtes judiciaires, en complément du travail budgétaire mené par M. le Garde des Sceaux. Citons également la réforme du statut de la police technique et scientifique, que j'ai promise aux organisations syndicales, et dont les agents sont des policiers à part entière, ainsi que la poursuite de la politique d'indemnisation des heures supplémentaires lancée par mon prédécesseur, M. Christophe Castaner, et leur revalorisation de plus de 6 %. Pour nos gendarmes, nous tiendrons compte de la nouvelle politique de rémunération des militaires. J'ai demandé au ministère du budget de valider ces mesures catégorielles pour la gendarmerie nationale également. Le financement de certaines d'entre elles, à hauteur de 19 millions d'euros, devra être adopté par un amendement du Gouvernement, que nous transmettrons au Parlement dans les plus brefs délais.

Concernant l'augmentation des crédits de fonctionnement et d'investissement, finançant les dépenses hors titre 2, nous avons donné la priorité au quotidien de ceux qui nous protègent. Certains m'ont reproché de m'intéresser aux toilettes et au fait qu'elles sont parfois bouchées dans les commissariats et les casernes. Il me semble que les agents du ministère de l'intérieur sont très sensibles au fait que leurs ministres s'intéressent à leurs conditions de travail et à la façon dont ils l'exercent. La visite de terrain – l'élu local que je suis le sait très bien – et l'action concrète sont de meilleurs mots d'amour que les simples discours.

Les crédits de fonctionnement et d'investissement de la mission « Sécurités » augmentent de 455 millions d'euros, dont 315 millions issus du plan de relance pour la seule année 2021. Concrètement, le budget consacré aux matériels et aux équipements est en hausse de 21 millions d'euros. Les agents des forces de l'ordre seront équipés d'étuis mi-cuisse ; la police nationale recevra des housses tactiques modulaires, et la gendarmerie nationale des gilets tactiques, conformément aux demandes de chacune des armes. La hausse du budget permet également de consacrer 213 millions d'euros au parc de véhicules, ce qui permettra d'en remplacer un sur quatre d'ici à la fin de l'année 2021. Auparavant, pour changer un véhicule, il fallait attendre huit ou neuf ans. Le renouvellement du parc lourd, dans le cadre du schéma national de maintien de l'ordre, permettra aux policiers et aux gendarmes de pouvoir remplacer des véhicules parfois âgés de trente ou quarante ans.

La hausse inédite de l'action sociale du ministère de l'intérieur, pour plus de 10 millions d'euros, soit une augmentation de près de 20 %, permettra d'augmenter l'offre de logements pour les policiers, d'étendre la garde d'enfants et d'améliorer l'offre de restauration. Le ministère de l'intérieur était sans doute le parent pauvre de l'action sociale.

Des dépenses nouvelles sont prévues en matière de numérique, notamment pour assurer la généralisation de la caméra-piéton ; on en comptera au moins une par brigade à l'horizon du 1er juillet 2021, conformément à l'annonce du Président de la République. Cette dépense est budgétisée, et les appels d'offres d'ores et déjà ouverts.

La hausse du budget consacré à l'immobilier est de 31 millions d'euros. À ce sujet, je tiens à dire à la représentation nationale que, grâce aux crédits votés par les parlementaires, notamment cet été, nous pourrons engager d'ici à la fin de l'année, pour un montant de 26 millions d'euros, 5 000 opérations dans les casernes de gendarmerie et les commissariats, afin de répondre aux situations d'urgence, que beaucoup d'entre vous déploraient. J'ai d'ailleurs publié sur le site du ministère de l'intérieur le plan « Poignées de porte », et je l'ai transmis aux parlementaires. Je vous invite, mesdames, messieurs les députés, à continuer de rendre visite aux policiers et aux gendarmes, et à signaler ce qui ne va pas – n'hésitez pas à dire du bien du Gouvernement quand cela va bien !

En matière d'immobilier, nos demandes totalisent 1,63 milliard d'euros. Plus de 1,1 milliard d'euros relèvent de la mission « Sécurités », dans le cadre de l'appel à projets « France Relance ». Je remercie singulièrement Bruno Le Maire et Olivier Dussopt d'avoir entendu les demandes du ministère de l'intérieur. Nous avons déposé une candidature pour 330 opérations dans la police nationale, pour un montant de 684 millions d'euros, pour 472 opérations dans la gendarmerie nationale, pour un montant de 433 millions d'euros, et pour 32 opérations dans la sécurité civile, pour un montant de 12 millions d'euros.

Mon cabinet se tient à la disposition des parlementaires pour étudier des projets soumis à la validation des ministres Bruno Le Maire et Olivier Dussopt. Je publierai les projets retenus.

Dans le domaine du numérique, les appels à projets relèvent de la responsabilité de Mme de Montchalin. Nous demandons 137 millions d'euros, dont 66 millions pour la mission « Sécurités », notamment pour financer l'acquisition de doubles écrans pour les policiers et les gendarmes chargés de mener certaines enquêtes, qui sont de plus en plus numérisées. J'ai eu l'occasion jadis d'en doter la direction générale des finances publiques. Par ailleurs, des tablettes numériques seront allouées aux forces de l'ordre dans le cadre du déploiement de la police de sécurité du quotidien. En matière de numérique, les policiers ont un retard à rattraper sur les gendarmes.

J'aimerais avoir un mot particulier pour la sécurité civile, véritable troisième force de sécurité intérieure, et en particulier pour nos pompiers, même si l'intervention de l'État, en la matière, est limitée par le principe de libre administration des collectivités territoriales. La sécurité civile est en première ligne face aux risques. J'aimerais avoir un mot pour ceux qui ont été engagés très récemment dans les Alpes-Maritimes, et une pensée pour les deux pompiers victimes de la tempête.

La sécurité civile doit continuer à se moderniser. À cette fin, son budget connaîtra une augmentation de plus de 40 millions d'euros, soit près de 8 %, dans le cadre de « France Relance ». Je laisse à Mme la ministre déléguée le soin de défendre ce budget, comprenant notamment le renforcement des dispositifs d'alerte et d'information des populations, que nous avons annoncé avec la ministre Barbara Pompili, pour 37 millions d'euros.

S'agissant de la sécurité routière, je rappelle que les accidents de la route sont la première cause de mort violente en France. La période de confinement a provoqué des difficultés importantes pour le passage de l'épreuve pratique du permis de conduire. Réduire les délais d'attente sera la priorité du ministère en 2021. Nous avons d'ores et déjà octroyé une enveloppe correspondant à 90 000 examens supplémentaires pour accroître l'offre. Dans bien des territoires de la République, le permis de conduire et la voiture sont souvent synonymes d'emploi.

En matière d'accidentalité, les résultats de l'année 2020, selon toute vraisemblance, seront bien meilleurs que ceux précédemment enregistrés. Il s'agit notamment du résultat extraordinaire, au sens littéral du terme, de la crise de la covid-19 et de l'effet du confinement. L'objectif pour 2021 – en espérant que la crise sanitaire sera derrière nous – est de maintenir la diminution très importante du nombre d'accidents de la route.

Le déploiement de l'externalisation de la conduite des voitures-radars, lancé dans quatre régions depuis le printemps 2018, se poursuivra dans quatre autres régions – Hauts-de-France, Grand Est, Nouvelle-Aquitaine et Bourgogne-Franche-Comté. Lors de l'examen de la proposition de loi présentée par M. Fauvergue et Mme Thourot, je donnerai un avis favorable à la disposition confiant aux maires l'installation des radars, ce qui permettra d'améliorer la décentralisation des décisions et leur accompagnement dans la lutte contre l'insécurité routière.

Mesdames, messieurs les députés, si ces chiffres sont importants, ils ne seront que du sable s'il n'en résulte aucune amélioration concrète de la situation sur le terrain. Telle est notre préoccupation principale, à Mme la ministre déléguée et à moi-même : faire en sorte que les chiffres macros deviennent une réussite micro, et que les policiers, les gendarmes, les pompiers, les agents de préfecture, les agents travaillant au ministère, notamment à l'accueil des étrangers en France, constatent que les crédits votés par le Parlement seront utilisés dès demain dans les commissariats, les brigades de gendarmerie, les préfectures et les sous-préfectures.

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