Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du lundi 19 octobre 2020 à 14h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La réunion débute à 14 heures 35.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La Commission auditionne M. Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, et Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, sur les crédits des missions « Administration générales et territoriale de l'État » (M. Antoine Savignat, rapporteur pour avis) ; « Sécurités » (M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » ; M. Arnaud Viala, rapporteur pour avis pour le programme « Sécurité civile ») ; « Immigration, asile et intégration » (Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour avis).

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Nous examinerons en premier lieu la mission « Sécurités » car le ministre de l'intérieur sera contraint de nous quitter plus tôt que prévu en raison de l'odieux attentat perpétré vendredi à Conflans-Sainte-Honorine.

Un de nos professeurs a été assassiné parce qu'il enseignait la liberté d'expression, formait des esprits libres et éclairés, transmettait les valeurs de notre République. En cela, Samuel Paty est mort pour la République, et sa mémoire nous oblige. Je propose que nous observions une minute de silence pour lui rendre hommage, témoigner notre soutien à ses proches et au corps enseignant ainsi qu'à ses élèves, et manifester notre attachement indéfectible à la République.

Mmes et MM. les députés ainsi que M. le ministre de l'intérieur et Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté se lèvent et observent une minute de silence.

La Commission examine pour avis, sur les rapports de M. Stéphane Mazars pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », et de M. Arnaud Viala pour le programme « Sécurité civile », la mission « Sécurités ».

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Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Mesdames, Messieurs les députés, je vous prie de bien vouloir excuser par avance mon départ anticipé. J'avais prévu de rester avec vous pour toute la réunion ; chacun comprendra que je m'en tienne à l'examen de la mission « Sécurités ».

La présentation des crédits du ministère de l'intérieur devant votre commission est d'abord l'occasion, pour la ministre déléguée et moi-même, de remercier le Président de la République et le Premier ministre de leur augmentation significative – je remercie par avance ceux des parlementaires qui voudront bien les voter. En prenant en considération les crédits relevant du projet de loi de finances pour 2021 et ceux des programmes 363 et 362 de la mission « Plan de relance » qui abonderont les crédits de notre ministère, le renfort budgétaire global approuvé s'élève à 1,14 milliard d'euros, ce qui est sans équivalent.

Avec ces moyens nouveaux, le budget du ministère de l'intérieur aura enregistré, depuis le début du quinquennat, une augmentation de quasiment 3 milliards d'euros, hors compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Vous m'avez souvent entendu dire, dans mes fonctions précédentes, qu'un budget en augmentation n'est pas forcément un bon budget, mais il peut arriver qu'un budget en augmentation soit un bon budget.

Avant d'entrer dans le détail des crédits de la mission « Sécurités », j'indique que nous continuerons, à la demande du Président de la République, à consacrer des moyens très importants aux services de renseignement et de lutte contre le terrorisme – c'est d'actualité. Ainsi, l'année prochaine, si vous le décidez, 330 créations d'emplois supplémentaires sont prévues dans les services de renseignement, dont 250 emplois à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), le reste allant au renseignement territorial, à la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris et à la direction centrale de la police judiciaire. Ces créations d'emplois permettront aux services de renseignement de franchir l'an prochain la barre symbolique des 9 000 agents. Elles porteront le nombre total de créations d'emplois dans ce domaine, depuis le début du quinquennat, à 1 136. L'objectif, sur le quinquennat, est de 1 514 ; nous le tiendrons, conformément au souhait de la majorité parlementaire.

Il ne suffit pas d'offrir des postes, il faut réussir à les pourvoir. Parmi les mesures visant à faciliter les recrutements prévus au budget 2021, signalons la revalorisation exceptionnelle du référentiel de rémunération des contractuels de la DGSI, pour près de 5 millions d'euros. Cela nous permettra de recruter les profils correspondant aux missions particulières de la DGSI.

Les crédits d'équipement et d'investissement alloués aux services de renseignement et de lutte contre le terrorisme ont quasiment doublé depuis 2017, sous l'impulsion du Président de la République et de la majorité parlementaire, passant de 40 millions à 81millions d'euros. Cette hausse – je le dis devant votre commission en exclusivité – se poursuivra : les crédits du renseignement français augmenteront de 10 % l'an prochain.

J'en viens au détail des crédits de la mission « Sécurités » et de ses quatre programmes – « Police nationale », « Gendarmerie nationale », « Sécurité civile », « Sécurité et éducation routières ». Ces crédits sont fortement mobilisés au service des trois priorités que Mme la ministre déléguée et moi-même avons fixées à nos services : la lutte contre les stupéfiants, la lutte conte les séparatismes – singulièrement l'islamisme radical – et la lutte contre les violences conjugales, sexistes et sexuelles.

Dans le PLF 2021, inédit dans sa construction, puisqu'il comporte une mission transversale « Plan de relance » concernant tous les ministères, nous avons souhaité nous concentrer, à la demande du Président de la République, sur l'amélioration du quotidien des agents du ministère de l'intérieur. Si je puis me permettre cette comparaison, mes prédécesseurs se sont occupés de la police du quotidien, nous poursuivons leur travail en nous occupant du quotidien du policier et du gendarme.

Cette année, les crédits de la mission « Sécurités » sont en très forte augmentation. En tenant compte des crédits destinés au ministère de l'intérieur hébergés dans les programmes de la mission « Plan de relance » et de la progression des crédits traditionnels, l'augmentation s'élève à 621 millions d'euros, dont 166 millions d'euros en masse salariale, hors pensions, et 455 millions en crédits de fonctionnement et d'investissement. Cela porte l'augmentation du budget de la mission « Sécurités », depuis le début du quinquennat, à 1,7 milliard d'euros. C'est la fin de l'« effet ciseaux », dénoncé depuis longtemps au sein du ministère de l'intérieur : une augmentation indéfinie de la masse salariale – le titre 2 ou « T2 » – et une diminution ou une stagnation, dans la même proportion, des moyens matériels – hors « T2 ». Pour la première fois, l'augmentation des dépenses hors « T2 » est bien plus importante que celle des dépenses « T2 », ce qui met les moyens en adéquation avec le personnel.

L'évolution des dépenses de personnel permettra de tenir l'engagement du Président de la République de créer 10 000 postes supplémentaires dans les forces de l'ordre au cours du quinquennat, et de financer des mesures catégorielles très ciblées, notamment en faveur des « nuiteux », ces policiers qui travaillent la nuit dans des conditions très difficiles.

S'agissant de la création de postes en 2021, la mission « Sécurités » en prévoit 2 000 – 1 500 dans la police et 500 dans la gendarmerie. Je confirme ces recrutements. Un effort sera demandé aux administrations centrales du ministère, au sein desquelles 542 postes seront supprimés. En échange, si j'ose dire, aucun poste ne sera supprimé dans les préfectures et les sous-préfectures de France, pour la première fois depuis plus de vingt ans – cela fait écho au discours du Président de la République au lendemain du grand débat national.

S'agissant de la masse salariale, la progression de ses crédits, au sein de la mission « Sécurités », est de 167 millions d'euros en 2021. Elle est très limitée pour absorber l'augmentation tendancielle de la masse salariale et les gestes ciblés, certes peu nombreux, visant à récompenser le mérite des agents, notamment ceux qui travaillent la nuit. Une réforme des voies d'avancement des gardiens de la paix sera également mise en œuvre, ainsi qu'une revalorisation des traitements des agents de la cellule investigation, qui permettra de mieux suivre les enquêtes judiciaires, en complément du travail budgétaire mené par M. le Garde des Sceaux. Citons également la réforme du statut de la police technique et scientifique, que j'ai promise aux organisations syndicales, et dont les agents sont des policiers à part entière, ainsi que la poursuite de la politique d'indemnisation des heures supplémentaires lancée par mon prédécesseur, M. Christophe Castaner, et leur revalorisation de plus de 6 %. Pour nos gendarmes, nous tiendrons compte de la nouvelle politique de rémunération des militaires. J'ai demandé au ministère du budget de valider ces mesures catégorielles pour la gendarmerie nationale également. Le financement de certaines d'entre elles, à hauteur de 19 millions d'euros, devra être adopté par un amendement du Gouvernement, que nous transmettrons au Parlement dans les plus brefs délais.

Concernant l'augmentation des crédits de fonctionnement et d'investissement, finançant les dépenses hors titre 2, nous avons donné la priorité au quotidien de ceux qui nous protègent. Certains m'ont reproché de m'intéresser aux toilettes et au fait qu'elles sont parfois bouchées dans les commissariats et les casernes. Il me semble que les agents du ministère de l'intérieur sont très sensibles au fait que leurs ministres s'intéressent à leurs conditions de travail et à la façon dont ils l'exercent. La visite de terrain – l'élu local que je suis le sait très bien – et l'action concrète sont de meilleurs mots d'amour que les simples discours.

Les crédits de fonctionnement et d'investissement de la mission « Sécurités » augmentent de 455 millions d'euros, dont 315 millions issus du plan de relance pour la seule année 2021. Concrètement, le budget consacré aux matériels et aux équipements est en hausse de 21 millions d'euros. Les agents des forces de l'ordre seront équipés d'étuis mi-cuisse ; la police nationale recevra des housses tactiques modulaires, et la gendarmerie nationale des gilets tactiques, conformément aux demandes de chacune des armes. La hausse du budget permet également de consacrer 213 millions d'euros au parc de véhicules, ce qui permettra d'en remplacer un sur quatre d'ici à la fin de l'année 2021. Auparavant, pour changer un véhicule, il fallait attendre huit ou neuf ans. Le renouvellement du parc lourd, dans le cadre du schéma national de maintien de l'ordre, permettra aux policiers et aux gendarmes de pouvoir remplacer des véhicules parfois âgés de trente ou quarante ans.

La hausse inédite de l'action sociale du ministère de l'intérieur, pour plus de 10 millions d'euros, soit une augmentation de près de 20 %, permettra d'augmenter l'offre de logements pour les policiers, d'étendre la garde d'enfants et d'améliorer l'offre de restauration. Le ministère de l'intérieur était sans doute le parent pauvre de l'action sociale.

Des dépenses nouvelles sont prévues en matière de numérique, notamment pour assurer la généralisation de la caméra-piéton ; on en comptera au moins une par brigade à l'horizon du 1er juillet 2021, conformément à l'annonce du Président de la République. Cette dépense est budgétisée, et les appels d'offres d'ores et déjà ouverts.

La hausse du budget consacré à l'immobilier est de 31 millions d'euros. À ce sujet, je tiens à dire à la représentation nationale que, grâce aux crédits votés par les parlementaires, notamment cet été, nous pourrons engager d'ici à la fin de l'année, pour un montant de 26 millions d'euros, 5 000 opérations dans les casernes de gendarmerie et les commissariats, afin de répondre aux situations d'urgence, que beaucoup d'entre vous déploraient. J'ai d'ailleurs publié sur le site du ministère de l'intérieur le plan « Poignées de porte », et je l'ai transmis aux parlementaires. Je vous invite, mesdames, messieurs les députés, à continuer de rendre visite aux policiers et aux gendarmes, et à signaler ce qui ne va pas – n'hésitez pas à dire du bien du Gouvernement quand cela va bien !

En matière d'immobilier, nos demandes totalisent 1,63 milliard d'euros. Plus de 1,1 milliard d'euros relèvent de la mission « Sécurités », dans le cadre de l'appel à projets « France Relance ». Je remercie singulièrement Bruno Le Maire et Olivier Dussopt d'avoir entendu les demandes du ministère de l'intérieur. Nous avons déposé une candidature pour 330 opérations dans la police nationale, pour un montant de 684 millions d'euros, pour 472 opérations dans la gendarmerie nationale, pour un montant de 433 millions d'euros, et pour 32 opérations dans la sécurité civile, pour un montant de 12 millions d'euros.

Mon cabinet se tient à la disposition des parlementaires pour étudier des projets soumis à la validation des ministres Bruno Le Maire et Olivier Dussopt. Je publierai les projets retenus.

Dans le domaine du numérique, les appels à projets relèvent de la responsabilité de Mme de Montchalin. Nous demandons 137 millions d'euros, dont 66 millions pour la mission « Sécurités », notamment pour financer l'acquisition de doubles écrans pour les policiers et les gendarmes chargés de mener certaines enquêtes, qui sont de plus en plus numérisées. J'ai eu l'occasion jadis d'en doter la direction générale des finances publiques. Par ailleurs, des tablettes numériques seront allouées aux forces de l'ordre dans le cadre du déploiement de la police de sécurité du quotidien. En matière de numérique, les policiers ont un retard à rattraper sur les gendarmes.

J'aimerais avoir un mot particulier pour la sécurité civile, véritable troisième force de sécurité intérieure, et en particulier pour nos pompiers, même si l'intervention de l'État, en la matière, est limitée par le principe de libre administration des collectivités territoriales. La sécurité civile est en première ligne face aux risques. J'aimerais avoir un mot pour ceux qui ont été engagés très récemment dans les Alpes-Maritimes, et une pensée pour les deux pompiers victimes de la tempête.

La sécurité civile doit continuer à se moderniser. À cette fin, son budget connaîtra une augmentation de plus de 40 millions d'euros, soit près de 8 %, dans le cadre de « France Relance ». Je laisse à Mme la ministre déléguée le soin de défendre ce budget, comprenant notamment le renforcement des dispositifs d'alerte et d'information des populations, que nous avons annoncé avec la ministre Barbara Pompili, pour 37 millions d'euros.

S'agissant de la sécurité routière, je rappelle que les accidents de la route sont la première cause de mort violente en France. La période de confinement a provoqué des difficultés importantes pour le passage de l'épreuve pratique du permis de conduire. Réduire les délais d'attente sera la priorité du ministère en 2021. Nous avons d'ores et déjà octroyé une enveloppe correspondant à 90 000 examens supplémentaires pour accroître l'offre. Dans bien des territoires de la République, le permis de conduire et la voiture sont souvent synonymes d'emploi.

En matière d'accidentalité, les résultats de l'année 2020, selon toute vraisemblance, seront bien meilleurs que ceux précédemment enregistrés. Il s'agit notamment du résultat extraordinaire, au sens littéral du terme, de la crise de la covid-19 et de l'effet du confinement. L'objectif pour 2021 – en espérant que la crise sanitaire sera derrière nous – est de maintenir la diminution très importante du nombre d'accidents de la route.

Le déploiement de l'externalisation de la conduite des voitures-radars, lancé dans quatre régions depuis le printemps 2018, se poursuivra dans quatre autres régions – Hauts-de-France, Grand Est, Nouvelle-Aquitaine et Bourgogne-Franche-Comté. Lors de l'examen de la proposition de loi présentée par M. Fauvergue et Mme Thourot, je donnerai un avis favorable à la disposition confiant aux maires l'installation des radars, ce qui permettra d'améliorer la décentralisation des décisions et leur accompagnement dans la lutte contre l'insécurité routière.

Mesdames, messieurs les députés, si ces chiffres sont importants, ils ne seront que du sable s'il n'en résulte aucune amélioration concrète de la situation sur le terrain. Telle est notre préoccupation principale, à Mme la ministre déléguée et à moi-même : faire en sorte que les chiffres macros deviennent une réussite micro, et que les policiers, les gendarmes, les pompiers, les agents de préfecture, les agents travaillant au ministère, notamment à l'accueil des étrangers en France, constatent que les crédits votés par le Parlement seront utilisés dès demain dans les commissariats, les brigades de gendarmerie, les préfectures et les sous-préfectures.

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Je précise que je remplace Stéphane Mazars qui est indisponible du fait d'une suspicion de contamination par la covid-19.

S'agissant des crédits de la police et de la gendarmerie, c'est un bon budget qui nous est présenté. Je ne suis pas le seul à le dire et à le penser : toutes les personnes qui ont été auditionnées, en particulier les représentants des syndicats de police, ont reconnu qu'un effort important est consenti en faveur de l'équipement et du fonctionnement, c'est-à-dire de ce qui permet le bon exercice des missions au quotidien.

Celui-ci n'est pas toujours facile. Si la gestion du confinement et de ses suites a beaucoup mobilité les forces de l'ordre, cela n'a pas effacé les autres problématiques auxquelles les policiers et les gendarmes sont chaque jour confrontés : délinquance – petite et grande –, risque terroriste, dont l'attentat commis vendredi dernier montre qu'il est toujours présent, maintien de l'ordre public, mais aussi relations de plus en plus dégradées avec une marge de la population parfois très violente, comme en témoigne l'attaque récente du commissariat de Champigny-sur-Marne.

Les policiers et les gendarmes que nous rencontrons le disent et le répètent : ils ont à cœur de faire leur métier. Les représentants de la nation doivent leur en donner la capacité financière dans le cadre des lois de finances. C'est l'honneur et la responsabilité de l'Assemblée nationale de doter les policiers et les gendarmes de moyens humains et matériels leur permettant d'exercer leurs fonctions dans les meilleures conditions possibles.

À cet égard, même si ce n'est pas l'objet du présent avis budgétaire, il faut saluer le fait que le plan de relance permettra d'intensifier, tout en le verdissant, l'effort d'investissement de la police et de la gendarmerie sur le plan immobilier et en matière de renouvellement du parc automobile. Pourriez-vous nous éclairer, monsieur le ministre, même si vous avez déjà abordé cette question, sur la ventilation des crédits du plan de relance en ce qui concerne la sécurité ? Vous savez que les attentes sont fortes.

Mon collègue Stéphane Mazars a choisi de consacrer la partie thématique du rapport de cette année aux nouvelles technologies.

Ces dernières, très diverses, peuvent avoir un double intérêt pour les policiers et les gendarmes. D'une part, elles leur permettent de gagner en efficacité – je pense notamment aux tablettes NEO, qui offrent un grand nombre d'applications « en mobilité », au profit d'une plus grande présence sur le terrain, au plus près des Français. D'autre part, les nouvelles technologies assurent un niveau plus élevé de sécurité en permettant une désescalade salutaire des tensions – vous aurez compris que je parle des caméras mobiles.

Cela nécessite, cependant, une formation adaptée des personnels et un encadrement juridique rigoureux. Nous aurons l'occasion d'en reparler prochainement, je l'espère, lorsque nous examinerons la proposition de loi que j'ai déposée avec Alice Thourot et les députés des groupes La République en Marche et Agir ensemble.

Ces technologies nécessitent aussi des moyens financiers importants. Pourriez-vous nous renseigner sur les moyens qui seront alloués à l'acquisition de nouvelles caméras mobiles ? Les modèles actuels seront-ils changés ? Les caméras font l'objet de critiques portant sur la faible qualité des batteries et des images.

En conclusion, je ne surprendrai personne en vous annonçant, d'ores et déjà, que j'émettrai un avis favorable aux crédits des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ».

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Le budget de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises sera stable l'an prochain – à hauteur de 520 millions d'euros –, exception faite des moyens supplémentaires que vous venez d'indiquer, monsieur le ministre, lorsque vous avez évoqué le plan de relance. J'aimerais d'ailleurs avoir des détails sur la répartition de ces crédits.

Le présent budget comporte quelques éléments positifs, comme la poursuite du renouvellement de la flotte d'avions, même si cela ne suffira pas à compenser la mise à l'arrêt définitive de l'ensemble des bombardiers d'eau Tracker, à la suite d'un accident survenu en septembre 2019.

Autre observation, le programme que nous examinons cet après-midi ne représente qu'une faible part des 6,5 milliards d'euros de crédits qui sont consacrés chaque année à la sécurité civile en France. L'État en finance un tiers, notamment par l'intermédiaire de la fraction de taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) transférée pour le financement des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).

L'an dernier, je m'étais intéressé de près à l'organisation des secours, à leurs moyens humains et matériels et à la question des numéros d'appel d'urgence. Cette année, compte tenu du contexte, j'ai choisi de travailler sur la participation des acteurs de la sécurité civile à la gestion de la crise de la covid-19.

Les sapeurs-pompiers ont effectué plus de 122 000 interventions de secours d'urgence aux personnes en lien avec la covid-19 entre mars et mai 2020. Comme le pilotage des premières semaines de la crise – qui dépassait pourtant le cadre sanitaire – a été confié au seul ministère de la santé, les sapeurs-pompiers ont été peu sollicités dans de nombreux départements. Leur sentiment de frustration et de sous-emploi a été d'autant plus fort qu'ils avaient les moyens d'agir, notamment les matériels et les équipements indispensables. Dans les départements les plus touchés par la crise, en revanche, on s'est souvenu de l'utilité des sapeurs-pompiers quand les services de santé étaient saturés. Même à Paris, toutefois, l'agence régionale de santé (ARS) et les services d'aide médicale d'urgence (SAMU) ont refusé d'associer la brigade de sapeurs-pompiers à leurs réunions de crise quotidiennes, alors qu'elle participe à l'aide médicale urgente, avec ses médecins et ses ambulances de réanimation. Si le système a tenu, malgré des problèmes institutionnels majeurs, c'est grâce aux relations informelles avec des médecins que les sapeurs-pompiers ont l'habitude de côtoyer sur le terrain ou avec des responsables de l'ARS qu'ils connaissent personnellement.

De leur côté, les associations agréées de sécurité civile ont effectué près de trois millions d'heures de bénévolat en lien avec la covid-19 et 18 000 interventions en véhicules de secours entre mars et mai 2020. Ces acteurs ont fait face à une grande méconnaissance de leurs capacités et de leurs compétences du côté du ministère de la santé, qui les a peu sollicités dans un premier temps. Ils ont ensuite dû répondre à de nombreuses demandes qui leur parvenaient sans aucune coordination et de manière parfois contradictoire.

Ces problèmes semblent avoir leur source dans la gestion bicéphale de la crise au niveau national : il y a, d'un côté, le ministère de la santé et son centre de crise sanitaire, créé dès le 27 janvier dernier, et d'un autre côté, le ministère de l'intérieur et sa cellule interministérielle de crise, qui a été activée tardivement par le Premier ministre, le 17 mars. Ce choix a eu des répercussions préoccupantes au niveau local : certaines ARS auraient donné pour instruction à leurs délégués territoriaux et à des directeurs d'hôpital de limiter la communication avec les préfets, ce qui a privé ces derniers des informations nécessaires à la coordination des opérations de secours menées par les pompiers.

Les SDIS, la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et les associations agréées ont été obligés de contourner une collaboration interministérielle défaillante, au niveau local comme au niveau national, pour mener à bien des interventions indispensables à la population. Quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour améliorer la coordination entre le ministère de l'intérieur et celui de la santé face à la deuxième vague de la covid-19 ?

Dans ce contexte, les sapeurs-pompiers et les associations agréées souhaitent, en premier lieu, une meilleure reconnaissance.

S'agissant des SDIS, il s'agit de mieux reconnaître leurs compétences en matière de soins d'urgence : 85 % de leurs interventions sont consacrées au secours d'urgence aux personnes, ce qui fait des sapeurs-pompiers des acteurs incontournables de notre système de santé. Cela doit conduire à un renforcement du rôle de leur service de santé et de secours médical et à un élargissement des gestes techniques que peuvent pratiquer les sapeurs-pompiers dans le cadre du secours d'urgence aux personnes.

Il faut aussi leur témoigner de la reconnaissance pour le rôle indispensable qu'ils ont joué dans la gestion de la crise au niveau local, en permettant de reconnaître automatiquement la covid-19 comme maladie professionnelle mais aussi en prévoyant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), comme vous l'avez annoncé fin août, monsieur le ministre, la suppression de la surcotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) pour la prise en compte de la prime de feu dans le calcul des pensions. Cette mesure permettra aux conseils départementaux d'accorder une augmentation de la prime de feu qui est d'autant plus méritée que les sapeurs-pompiers n'ont pas bénéficié d'une prime covid-19. Répondrez-vous à ces demandes de reconnaissance, monsieur le ministre ?

En ce qui concerne les associations agréées, il faudrait définir plus précisément les modalités de leur engagement opérationnel et celles de son financement, afin que ces acteurs ne soient plus obligés de quémander des indemnisations. Si les associations agréées se sont investies sans compter pendant la crise, leurs interventions ont un coût. Par ailleurs, la crise leur a fait perdre une grande partie de leurs ressources financières, faute de grands rassemblements, lors desquels elles organisent des postes de secours, et à cause de l'interruption des formations de secourisme. De nombreuses associations appartenant à des fédérations et antennes locales d'associations unitaires risquent tout simplement de disparaître en l'absence de dotation budgétaire d'urgence. J'ai donc déposé un amendement visant à leur accorder une subvention exceptionnelle. Envisagez-vous, monsieur le ministre, de soutenir cette initiative ?

En second lieu, les sapeurs-pompiers et les associations agréées demandent une meilleure coordination. Les sapeurs-pompiers souhaitent que le pilotage opérationnel des crises intervenant sur le territoire national revienne au ministère de l'intérieur et, au niveau local, aux préfets. Ils demandent aussi la création d'un état-major opérationnel auprès du directeur général de la sécurité civile, comme il en existe déjà pour la police et pour la gendarmerie. Cette direction générale doit pouvoir exercer un rôle de coordination opérationnelle des SDIS, qui fait défaut depuis le début de la crise. De leur côté, les associations agréées veulent un lien plus fort et permanent avec les ministères de l'intérieur et de la santé ainsi qu'avec leurs réseaux territoriaux. Elles souhaitent notamment disposer d'un interlocuteur privilégié de haut niveau au sein de la direction générale de la sécurité civile. Répondrez-vous à ces demandes, monsieur le ministre ?

Je tiens à évoquer trois autres défauts de coordination entre les ministères de l'intérieur et de la santé, qui durent depuis des années et que la crise de la covid-19 a rendus particulièrement visibles et critiques.

L'an dernier, j'ai abordé devant votre prédécesseur la question du numéro unique d'appel d'urgence et des plateformes communes de réception des appels. La saturation du 15 que l'on a constatée au début de la crise n'aurait pas eu lieu si des plateformes départementales réunissant le 15, le 17, le 18 et le 112 avaient été mises en place. L'expérimentation de ces plateformes a commencé dans les années 90, et les points de blocage qui empêchent leur généralisation ont été identifiés dans de multiples rapports. De plus, le futur service d'accès aux soins du ministère de la santé jette le trouble : aurons-nous un numéro unique de santé ou bien un numéro unique d'appel d'urgence ? Il me paraît essentiel qu'un arbitrage interministériel soit rendu dans les meilleurs délais.

Autre difficulté, les pompiers ont effectué de nombreux transports sanitaires pendant la crise, dans le cadre des carences ambulancières, en faisant parfois figure de dernier recours puisqu'ils ne disposent pas d'un droit de retrait. Or la définition des carences diffère entre les SDIS et les SAMU depuis des années et le montant de l'indemnisation fait l'objet d'un désaccord entre l'Intérieur, la Santé et l'Assemblée des départements de France (ADF). Le Gouvernement entend-il rendre un arbitrage, afin de permettre aux sapeurs-pompiers de se concentrer sur leurs véritables missions et aux SDIS et aux SAMU de collaborer plus sereinement ?

Enfin, les hélicoptères de la sécurité civile ont joué un rôle décisif en effectuant 254 missions de transport de patients entre mars et juillet. La faible coordination entre ces hélicoptères et les héliSMUR des SAMU, que mon prédécesseur en tant que rapporteur pour avis, Éric Ciotti, avait déjà soulignée en 2017, a été une source de difficultés pour l'évacuation et le transport interhospitalier de patients. Quels sont les obstacles à la création d'un organisme interministériel qui serait chargé de coordonner l'utilisation de tous les hélicoptères de service public, conformément à la recommandation formulée lors de la revue des dépenses de 2016 ?

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Gérald Darmanin, ministre

Je remercie les deux rapporteurs pour avis.

J'ai effectivement abordé la question du plan de relance, monsieur Fauvergue, mais je vais repréciser les choses. Il faut distinguer ce qui relève, d'une façon certaine, des crédits que nous avons obtenus et ce qui se rattache, d'une façon incertaine, à un appel à projets – le ministre de l'économie, des finances et de la relance étudiera à la fin du mois de novembre, sauf erreur de ma part, les projets proposés par les ministères, notamment en ce qui concerne l'immobilier et le numérique, ce dernier sujet entrant dans les attributions d'Amélie de Montchalin. Les projets doivent respecter deux critères : une consommation très rapide des crédits, en trois ans pour l'immobilier et en deux ans pour les projets numériques ; une action, s'agissant de l'immobilier, au service de l'environnement, comme la rénovation thermique des bâtiments, dans le cadre du programme « Écologie » du plan de relance.

Il y aura, de façon certaine, 160 millions d'euros supplémentaires pour la gendarmerie nationale, et 123 millions pour la police nationale. S'agissant des projets immobiliers que je viens d'évoquer, nous proposons 330 opérations, représentant 684 millions d'euros, pour la police nationale, 472 opérations, représentant 433 millions d'euros, pour la gendarmerie nationale, et 32 opérations, représentant 12 millions d'euros, pour la sécurité civile, soit un total de 1,1 milliard d'euros au titre de la mission « Sécurités » et de 1,63 milliard pour l'ensemble du ministère de l'intérieur. Nous demandons entre un quart et un tiers de l'enveloppe prévue pour les actions immobilières du plan de relance – nous n'aurons sans doute pas tous ces crédits, mais nous avons proposé des rénovations qui respectent les critères prévus et qui font parfois écho à vos propres demandes au sujet des gendarmeries et des commissariats.

Le Président de la République a demandé la généralisation des caméras-piétons, selon la proposition qui lui a été faite. Ce dispositif a des avantages et des inconvénients.

Tout d'abord, il permet aux policiers et aux gendarmes, lorsqu'ils interviennent et que les caméras fonctionnent – il y a parfois un problème en la matière –, de filmer la scène. Cela protège les policiers et les gendarmes, qui sont souvent agressés : les vidéos permettent de confondre, dans le cadre d'une enquête judiciaire, les auteurs des faits, ou de vérifier, par exemple, comment une arrestation s'est passée.

En revanche, le policier ou le gendarme ne peut pas utiliser les images pour revoir ce qui s'est passé, soit afin de retrouver quelqu'un très rapidement – il n'y a pas de caméras de vidéoprotection absolument partout, ni de centre de supervision urbain (CSU) dans toutes les communes de France, en particulier en milieu rural –, soit pour pouvoir bien décrire ce qu'on a vu car, lorsqu'on est en intervention, en état de stress extrême, on peut confondre certaines choses et on n'a pas la même vision que la caméra – pour cela, il faudrait que les policiers et les gendarmes puissent avoir accès aux images : c'est interdit à l'heure actuelle –, soit pour permettre au ministère de l'intérieur de lutter contre les images sauvages mises en ligne par des gens qui filment les policiers et les gendarmes, à 5 centimètres de leur visage, et qui publient sur Twitter ou Facebook des images tronquées, susceptibles de montrer que la police ou la gendarmerie n'a pas fait correctement son travail dans le respect de la déontologie, alors qu'une vue d'ensemble révélerait que la scène est plus complexe et que les policiers ou les gendarmes ont utilisé la force d'une manière proportionnelle.

Vous travaillez à une proposition de loi, monsieur le rapporteur pour avis, qui permettrait de débloquer la situation juridique en permettant d'utiliser toutes les images des caméras-piétons, en conformité totale avec ce que demande la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) – vous savez qu'elle souhaite que le Parlement légifère sur certains sujets…

Vous savez aussi que beaucoup de policiers achètent eux-mêmes leur propre caméra-piéton. On peut les comprendre – je ne les blâme pas –, mais ils utilisent un matériel qui n'est pas celui de l'administration et qui n'est pas soumis aux mêmes règles que les caméras-piétons achetées par le ministère.

Ces caméras-piétons ont le mérite d'exister, mais elles posent des problèmes. Elles gardent en mémoire les trente secondes précédant le déclenchement et les trente secondes suivant l'extinction. Le policier doit entrer son numéro d'identification au sein du référentiel des identités et de l'organisation (RIO) pour déclencher l'enregistrement, ce qui n'est pas facile en pleine intervention, d'autant qu'elles n'ont pas d'écran digital. La durée des brigades excédant l'autonomie de la batterie, il n'est pas possible de maintenir les caméras activées pendant l'intégralité de la brigade, il faut les éteindre et les rallumer en intervention. En concertation avec les policiers et les gendarmes de terrain et les organisations syndicales, nous avons conclu que ce modèle de caméra ne convenait plus. D'autant qu'elles posent d'autres problèmes : la glissière se cassait facilement, et le harnais de fixation central pouvait offrir une prise aux voyous et handicaper les forces de l'ordre lors des interventions.

J'ai donc décidé d'équiper les forces de l'ordre de nouvelles caméras, grâce aux crédits attribués par le Président de la République et le Premier ministre pour la généralisation des caméras-piétons. Nous relançons un appel d'offres pour des caméras dont l'autonomie sera beaucoup plus longue et l'utilisation plus simple, en réponse aux demandes du terrain. Ce sont d'ailleurs les policiers et les gendarmes qui ont choisi les modèles, sans préjuger des résultats de l'appel d'offres. Mais le cahier des charges a été rédigé en faisant venir des policiers et des gendarmes de divers endroits du pays dans la cour de l'hôtel de Beauvau, où ils ont pu choisir leurs voitures, leurs vélos et leurs caméras. Ce ne sont pas des personnes installées dans des bureaux à Paris qui ont choisi pour eux.

Je confirme donc la généralisation de ces caméras au 1er janvier prochain. Nous en avons prévu 30 000, plus que le nombre de brigades, pour compenser les pertes. Actuellement, il n'y a que 10 000 caméras à disposition, dans les conditions que j'ai évoquées. Les crédits seront suffisants : 7 millions d'euros sont prévus en deux ans pour ces caméras, qui coûtent 447 euros pièce.

S'agissant de la sécurité civile, certaines des questions posées relèvent des travaux de la commission d'enquête, ou concernent mon jugement sur le fonctionnement du ministère de l'intérieur vis-à-vis des pompiers.

Concernant le budget consacré aux moyens nationaux d'intervention de la sécurité civile, deux appareils DASH-8 commandés en 2018 vont être livrés, ce qui représente 80 millions d'euros de crédits de paiement. Il est également prévu de consacrer 6 millions d'euros à la location d'hélicoptères bombardiers d'eau. Le PLFR3 a prévu l'achat de deux hélicoptères EC 145 pour 32 millions d'euros, l'un sera livré en décembre 2021, l'autre en janvier 2022. J'ai effectué un déplacement avec Clément Beaune pour mettre en valeur la façon dont l'Union européenne nous aide en finançant des avions ou des hélicoptères, grâce à une proposition de M. Barnier lorsqu'il s'occupait de ces sujets.

À propos des associations agréées, nous avons augmenté le budget du ministère de l'intérieur pour faire face aux urgences que vous évoquez. Les sommes dédiées ont été portées de 100 000 à 600 000 euros, et nous sommes en train de trouver une voie de règlement avec le ministère de la santé, car ce sont les paiements par les ARS qui sont concernés. J'ai écrit dès mon arrivée au ministère à ces associations, et j'ai travaillé avec Olivier Véran à ce sujet. Ces associations font un travail très important, et l'État est effectivement en retard de paiement à leur égard. Une partie des sommes dues a été versée, et le ministère de la santé se charge du reste.

Vous évoquez la place des pompiers dans le continuum de sécurité civile ; elle est essentielle, et en tant que ministre des tutelles des pompiers, je la défends. Le centre interministériel de crise de Beauvau est présidé dans les faits par le Premier ministre, et le préfet Denis Robin cogère ces sujets. Les services du ministère de l'intérieur et du ministère de la santé y sont mobilisés. Le Parlement fera l'évaluation de cette crise sanitaire, mais il est sûr que les pompiers doivent être mis à contribution, car ils ont l'expérience, l'engagement et la proximité – pas uniquement en milieu rural.

Nous travaillons à des évolutions, mais je n'ai pas voulu lancer de grand chantier de réorganisation de la direction générale de la sécurité civile en pleine urgence, chacun le comprendra. Je m'engage, dès la crise sanitaire passée, à y travailler.

Le numéro unique, annoncé par le Président de la République, est une affaire compliquée qu'il nous faut résoudre. Il est prévu par la proposition de loi de M. Matras, et j'espère qu'elle sera inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale pour nous permettre d'en débattre. Dans l'attente, je peux encore retarder la discussion entre les « rouges » et les « blancs ». Il faut que les pompiers puissent jouer un rôle important dans les services d'urgence.

Je ne partage pas les remarques sur l'action de l'État pour résoudre les difficultés des pompiers. En tant que ministre de l'intérieur, je ne suis pas l'employeur des pompiers. Je suis trop soucieux des libertés des collectivités locales pour oublier que les SDIS en sont des émanations, au sein desquelles siègent des élus – d'ailleurs ceux qui les président touchent des indemnités à ce titre. Une recette miroir existe entre les départements et les SDIS, et lorsque j'étais ministre des comptes publics, j'ai invité le Parlement à s'intéresser aux transferts financiers entre les départements et les SDIS. Les pompiers sont les employés des SDIS, nous pouvons étudier si l'État doit augmenter ses contributions, mais je rappelle que cette recette spécifique doit être versée aux SDIS.

Nous devons continuer à assainir les relations entre l'État, les employeurs et les syndicats de pompiers professionnels et volontaires, les professionnels étant souvent également volontaires. Le Président de la République avait prévu de se rendre ce week-end au congrès des sapeurs-pompiers, mais il n'a pu le faire. Je remercie le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, M. Grégory Allione, de sa compréhension en ces circonstances. Le Président de la République recevra des pompiers volontaires et le président Allione, et cette rencontre aura certainement des suites dans les discussions parlementaires sur le projet de loi de finances ou le PLFSS.

Les organisations syndicales de sapeurs-pompiers professionnels attendent beaucoup de la proposition de loi déposée par le député Matras et des relations avec les SDIS, notamment le financement de la prime de feu, négocié par mon prédécesseur, qui doit faire l'objet d'une délibération dans chaque SDIS. J'ai proposé des solutions aux SDIS, dont j'ai discuté avec M. Olivier Richefou, président de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, et M. Dominique Bussereau, président de l'Association des départements de France. Nous pouvons nous entendre, mais ce sont les SDIS qui emploient les pompiers. Il ne faut pas faire peser sur l'État une responsabilité qui n'est pas la sienne.

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Je remercie Naïma Moutchou de me céder une partie de son temps de parole au titre du groupe la République en Marche pour réaliser cette intervention que j'aurais voulu ne jamais devoir faire.

Je souhaite, comme vous tous, saluer la mémoire de Samuel Paty. Deux villes de ma circonscription, Conflans-Sainte-Honorine et Éragny-sur-Oise, sont traumatisées par l'événement dramatique survenu vendredi. Je pense aux acteurs locaux qui ont géré cette crise sur le terrain : les policiers municipaux et nationaux ; la cellule d'urgence médico-psychologique du Val-d'Oise, très engagée dans le soutien à tous les habitants, dont ceux qui ont été plus spécialement impliqués ; et le maire de Conflans-Sainte-Honorine, M. Laurent Brosse, ainsi que le maire d'Éragny-sur-Oise, M. Thibault Humbert, qui s'est entretenu avec le Premier ministre et dont je salue l'action auprès de ses concitoyens dans cette crise.

J'ai pris note des efforts en faveur du renseignement, dont les crédits ont doublé. Dans cette affaire, le rôle des réseaux sociaux est omniprésent. Quel effort est effectué en la matière ?

Comment soutenons-nous les policiers et les forces de l'ordre impliquées en première ligne, qui arrivent directement sur les lieux ? Tous ne sont pas formés pour affronter des choses aussi dramatiques et brutales. Quel soutien est apporté à ceux qui ont connu ce type d'horreur ?

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Je m'associe avec solennité aux paroles du Président de la République et aux vôtres, monsieur le ministre, ainsi qu'à tous les hommages, officiels ou anonymes, qui ont été rendus à Samuel Paty dans toute la France.

Depuis vendredi, nous sommes sous le choc. Je ne me tiendrais pas ici sans tous les Samuel Paty que j'ai rencontrés sur mon parcours, je ne serais pas devenue qui je suis sans l'école publique, l'école de la République, et sans ses enseignants. Ce sont eux qui m'ont apporté, qui m'ont appris, quand mes parents n'en avaient ni les moyens, ni les capacités. Je défendrai sans relâche les Samuel Paty de France.

Après le deuil, le temps est venu de l'action pour éradiquer l'islamisme de notre pays. Nous y travaillons depuis trois ans, la question n'est pas nouvelle. J'espère que nous continuerons à le faire dans le consensus politique que j'appelle de mes vœux depuis longtemps.

Vous avez fait des annonces puissantes, avant et après la tragédie, et je voudrais à mon tour remercier les forces de l'ordre qui sont intervenues avec sang-froid dans le Val-d'Oise pour appréhender l'assassin. Plus largement, je remercie tous les acteurs de la sécurité qui nous protègent, et que nous devons protéger nous-mêmes.

C'est le sens de ce budget, dont les crédits sont en augmentation. Le projet de loi de finances pour 2021 est marqué par les impératifs de relance liés à la crise sanitaire, et donc à la crise économique. Pour autant, l'ambition du Gouvernement de renforcer le budget de la sécurité demeure intacte. Le rapporteur a évoqué les avancées notables en matière de recrutement au sein des services de renseignement, au sein de la police nationale – dans des proportions inédites depuis dix ans – et en matière de renouvellement des équipements, notamment des flottes mobiles. Ces évolutions répondent aux demandes du terrain, la majorité les salue.

L'actualité des dernières semaines, marquée par les images des Alpes-Maritimes partiellement dévastées par la tempête Alex, nous oblige en matière de sécurité civile, troisième force de sécurité intérieure. L'effort budgétaire va dans le bon sens, je me réjouis que plusieurs grands projets relevant des politiques d'anticipation, de préparation et de gestion des crises se poursuivent en 2021. C'est le cas du projet « NexSIS 18-112 », visant à moderniser le système d'information et de commandement unifié des services d'incendie et de secours, et de sécurité civile. Ce dispositif est souhaité de tout cœur par les sapeurs-pompiers du SDIS95 d'Eaubonne et du CODIS de Neuville-sur-Oise, que j'ai rencontrés récemment.

Face au risque de plus en plus prégnant de sécheresse et d'incendies à grande échelle, je salue le renforcement de l'organisation de la préparation et de la mise en œuvre des moyens d'intervention. Le renouvellement de la flotte d'hélicoptères et des bombardiers d'eau depuis trois ans, l'acquisition des avions multitâches – les troisième et quatrième des six Dash‑8 doivent être livrés dans l'année – sont des avancées majeures, qui sauvent des vies, comme dans la vallée de la Roya.

Nous ne saurons jamais suffisamment remercier les sapeurs-pompiers de leur abnégation. Ils étaient encore à pied d'œuvre en plein centre-ville de ma commune samedi après-midi pour maîtriser un départ de feu et sécuriser le périmètre. Mais les incendies ne sont pas le cœur d'activité des sapeurs-pompiers : le secours aux personnes est la principale cause d'intervention, ce qui n'est pas sans poser de difficultés. Le nombre des prises en charge des cas psychiatriques sur la voie publique, par exemple, augmente de façon exponentielle, et nos pompiers ne sont pas aguerris pour cette mission. Quelles évolutions du rôle, des missions ou du statut des sapeurs-pompiers sont envisagées ?

L'engagement des sapeurs-pompiers ne serait pas le même sans celui des volontaires. Il est essentiel que la mise en œuvre du plan « Volontariat 2019-2021 » suive son cours. La majorité des mesures réglementaires est déjà mise en œuvre ; il nous appartient de poursuivre le travail avec la proposition de loi de notre collègue Fabien Matras sur la consolidation du modèle de sécurité et la valorisation du volontariat des sapeurs-pompiers. Je salue, d'ailleurs, la revalorisation de la prime de feu, qui n'est pas le moindre des engagements que vous ayez tenus.

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À ce stade des débats, le groupe Les Républicains ne donnera pas de consigne de vote concernant ces crédits. Nous considérons avec beaucoup de bonheur que ce budget va dans le bon sens, bien que des questions demeurent.

Je m'associe à l'émotion qui dévaste la nation suite à l'assassinat du professeur Samuel Paty vendredi. Étant musulman, je suis heurté par les actes d'un certain nombre de gens qui, au nom de la religion musulmane, tuent et assassinent. Ce n'est pas ma lecture de la religion musulmane, je le dis avec d'autant plus de force que dans des fonctions précédentes, j'ai soutenu l'égalité entre les femmes et les hommes alors que d'autres estimaient que la religion s'y opposait.

Il faut nommer les choses, monsieur le ministre, c'est ce qui nous pousse à poursuivre le débat jusqu'à l'hémicycle avant de prendre position sur ce budget. Nommer les choses, c'est dire qu'il s'agit de terrorisme islamiste radical, qui détruit l'unité de cette nation, et que nous devons combattre. Tant que nous biaiserons par crainte de heurter tel ou tel, nous continuerons vers le désastre qui a déjà fait beaucoup de dégâts et de victimes.

En disant cela, je pense au dernier département créé, à majorité musulmane, mais qui jouit d'une religion musulmane apaisée pouvant servir de modèle. Depuis plusieurs années, j'appelle à prendre l'exemple de Mayotte pour construire la communauté de destin que nous appelons tous de nos vœux. Malheureusement, je ne suis pas entendu. Peut-être que le poids politique de Mayotte n'est pas suffisant, ou que trop loin des yeux, nous sommes trop loin du cœur ; à moins que je ne sache pas m'exprimer.

Ne faisant pas partie de ceux qui rêvent tous les matins de devenir ministre ou Président de la République, je dis les choses très simplement. Je m'attache au parcours que j'ai accompli plutôt qu'à celui qui m'attend, et je n'ai donc rien à perdre. C'est pourquoi je vous dis que ce qui se passe à Mayotte est insupportable. On y envoie les professeurs dont personne ne veut en métropole parce qu'ils posent problème. Mayotte ne peut continuer à servir de réceptacle pour tous ceux qui sont radicalisés ou jugés tels. Je souhaite donc que l'Éducation nationale rapatrie très rapidement ces personnes en métropole.

Il existe une corrélation évidente, que les gens n'aiment pas reconnaître, entre immigration, violence et insécurité. L'auteur des faits contre Samuel Paty était demandeur d'asile, il a été accueilli généreusement, et nous en arrivons à la situation que nous connaissons. Il faut poser les sujets, le nombre de demandeurs d'asile en France en provenance de pays dits « sûrs » soulève des questions.

J'ai adressé une demande que je réitère ici : face à l'augmentation substantielle de la violence à Mayotte, nous avons pris le parti d'organiser des assises de la violence, et nous souhaitons qu'elles soient pilotées par le Gouvernement. Notre invitation n'a pas reçu de réponse jusqu'ici. Monsieur le ministre, je vous invite à nous rendre visite à l'occasion de ces assises, qui auront lieu aux alentours du 10 novembre, pour montrer que l'État se soucie de la sécurité des populations à Mayotte.

Le groupe Les Républicains sera toujours du côté de l'État sur les questions de sécurité, car la première mission d'un État républicain est d'assurer la sécurité de chacun de nos compatriotes.

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L'actualité est venue nous rappeler combien il est important de ne pas lésiner sur le budget de la sécurité : aujourd'hui moins que jamais, nous ne pouvons nous permettre de le sous-doter.

S'agissant des effectifs, la création de 2 000 postes supplémentaires au bénéfice des territoires prioritaires de la police de sécurité du quotidien et des quartiers de reconquête républicaine va dans le bon sens. Pour intervenir régulièrement sur le terrain, j'ignore si elle sera suffisante. Je crois même que la situation ne va pas aller en s'arrangeant et exige un renforcement plus substantiel de ces effectifs. Nos forces de l'ordre sont sur-sollicitées et la menace terroriste, que le drame de la fin de la semaine dernière nous a cruellement rappelée, pèse toujours. En outre, la gestion du couvre-feu promet d'être complexe dans certaines métropoles ou certains quartiers, face à de possibles débordements comme nous en avons connus à la fin du confinement. Nos forces de l'ordre ne pourront y faire face que si nous les accompagnons au mieux.

Quelle place est donnée aux élus locaux dans le déploiement de la sécurité du quotidien ? Alors que ceux-ci connaissent parfaitement les problématiques de certains quartiers, je suis toujours étonnée de les voir assez peu associés aux dispositifs. Ce sont pourtant de précieux alliés. En outre, la gendarmerie compte un nombre significatif de postes vacants dans des territoires réputés moins attractifs ; or cela nuit à cette sécurité du quotidien. Quels moyens financiers et politiques sont déployés pour résoudre ce problème ?

L'accent mis sur le numérique est une bonne chose, mais cette évolution ne doit pas se faire au détriment d'une véritable relation de proximité avec nos concitoyens ni à celui du renforcement des investissements matériels – notamment en véhicules – au profit des forces de l'ordre. Il faut tenir compte de la fracture numérique ainsi que de l'illectronisme, sans oublier la nécessité de mettre en place une bonne formation des agents à l'utilisation de ces nouveaux outils.

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Je m'associe, au nom du groupe des Socialistes et apparentés, à l'hommage qui a été rendu à Samuel Paty, mort dans l'exercice d'une mission éminemment républicaine. Après le temps de l'émotion et du deuil devra venir celui de l'action qui ne saurait venir d'en haut sans associer la communauté éducative et la représentation nationale. Plus que jamais, cette actualité tragique nous appelle à la responsabilité, y compris dans le cadre de ce PLF et des crédits consacrés à la sécurité intérieure.

Les moyens supplémentaires octroyés au renseignement sont incontestablement nécessaires et, par conséquent, bienvenus. Ils augmentent depuis plusieurs années, car tout n'a pas débuté en 2017 puisque nous revenons, et c'est heureux, comme sous le quinquennat précédent, sur les 9 000 suppressions de postes qui avaient eu lieu entre 2007 et 2012.

Force est de constater néanmoins que les tragédies sont toujours possibles. L'honnêteté tout autant que la transparence que nous devons à nos concitoyens nous commande de dire que le risque reste élevé. Il nous faut également faire œuvre de pédagogie, car ils voient les ministres de l'intérieur successifs annoncer des moyens nouveaux et le risque terroriste rester toujours aussi élevé : combien de gendarmes et de policiers seront nécessaires pour assurer leur protection ? L'augmentation de ces moyens constitue-t-elle la seule réponse possible à cet effroyable défi ?

Un débat sur les menaces dont l'enseignant affreusement assassiné avait fait l'objet s'est fait jour. Certaines voix s'élèvent au sein de la communauté éducative pour réclamer des moyens permettant aux enseignants, d'une part, d'alerter et d'être réactifs, et d'autre part, de trouver une réponse protectrice. Qu'envisagez-vous ?

En matière de police de proximité et de sécurité du quotidien, disposez-vous d'éléments permettant de dresser un premier bilan de l'application du dispositif « moncommissariat.fr » ?

Le nombre d'agressions de sapeurs-pompiers ne cesse d'augmenter – plus de 200 % en dix ans, sept pompiers sont agressés chaque jour. Lorsqu'un camion de pompier est caillassé, c'est l'institution républicaine qui est caillassée, c'est l'autorité et l'ordre public. Envisagez-vous de généraliser les caméras-piétons ou les caméras embarquées, ou tout autre moyen permettant d'assurer enfin leur sécurité ?

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Je salue votre travail, à l'un et l'autre, en matière de sécurité et comprends les difficultés liées à la gestion de crise pour la police et la gendarmerie. Je m'en tiendrai à la sécurité civile.

À propos de la proposition de loi du député Matras, vous n'êtes pas sans savoir que nombre de groupes l'ont cosignée ou ont déposé un texte identique. Le groupe UDI et indépendants accompagnera ce travail dans un consensus aussi total que celui qui prévalait lorsque j'avais rapporté la loi sur les sapeurs-pompiers volontaires, en 2011.

Vous avez indiqué que les SDIS sont des établissements publics. Nous ne le contestons pas ; reste que des moyens financiers importants doivent leur être apportés pour l'acquisition d'équipements dont la nature est plus du ressort de l'État. Quels achats sont prévus en matière de gros-porteurs de type Dash ? Quelle est la doctrine retenue pour les Tracker et les Canadair vieillissants ainsi que pour les hélicoptères ? Certains départements ruraux et de montagne demandant d'en disposer à l'année. Combien coûte un hélicoptère, compte tenu des coûts de maintenance et de disponibilité vingt-quatre sur vingt-quatre d'une équipe médicale ? Comment organiser tout cela, sachant que le nombre d'hélicoptères de la sécurité civile sur l'ensemble du territoire participe à la mutualisation des « bleus », des « rouges » et des « blancs » ? Que répondre aux remarques selon lesquelles il est plus facile de traiter un AVC en juillet et en août, compte tenu des renforts estivaux d'hélicoptères, qu'en janvier ?

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Je m'associe à l'hommage rendu à Samuel Paty, cet enseignant qui a été assassiné par un terroriste islamiste dans d'atroces circonstances. La meilleure réponse à cette attaque ignoble est sans doute notre unité. On ne peut pas laisser passer cela.

S'agissant des crédits de la mission « Sécurités », monsieur le ministre, j'ai beau retourner les documents dans tous les sens, je ne retombe pas sur vos chiffres. Votre communication ministérielle fait état d'une augmentation de 125 millions d'euros pour le renouvellement de la flotte automobile, alors que j'en compte davantage, que ce soit dans le bleu budgétaire, avec 133 millions d'euros, ou dans le plan de relance.

S'agissant de l'immobilier, c'est le contraire : beaucoup moins de crédits sont affectés cette année. Le titre 5 consacré à l'investissement du programme 176 « Police nationale » passe ainsi de 137 millions d'euros en 2020 à 55 millions d'euros. Je comprends que certaines dépenses sont inscrites au plan de relance, mais ce dernier mérite-t-il ce nom si vous y inscrivez des crédits que vous avez soutirés au budget classique ? C'est malin – à votre place, j'aurais sans doute fait la même chose –, mais la lisibilité de votre budget en devient quelque peu chaotique.

Quant au fonctionnement courant des services, on est passé de 199,6 millions d'euros de crédits en 2020, à 196 millions d'euros en 2021, soit 3 millions de moins.

Je ne comprends donc pas quand vous affirmez pour la première fois, l'investissement et les crédits d'équipement et de fonctionnement suivent l'augmentation du titre 2. La page 14 de votre projet annuel de performances montre bien une augmentation des crédits, mais la page 16, en particulier le détail de la rubrique « Titre 2 et autres dépenses », fait ressortir, s'agissant du programme 176, une augmentation de 1,58 % entre 2020 et 2021, contre une baisse de 0,58 % des autres dépenses qui correspondent aux titres 3, 5, 6 et 7.

Je n'ai pas fait de grandes études en matière budgétaire, je n'ai fait qu'analyser vos propres documents. J'aimerais comprendre d'où proviennent ces grosses différences entre le document qui est soumis à notre vote et vos dires.

Sur un thème qui me tient à cœur, vous avez évoqué récemment l'académie de police : à quel propos ? Je demande depuis trois ans que l'on rouvre des écoles de police, pour revenir à leur nombre d'avant l'élection de Nicolas Sarkozy. Huit mois de formation pour les gardiens de la paix, c'est inacceptable ; il faut rebasculer au moins sur douze mois. Quelles sont les perspectives en la matière ? Il n'y a rien dans le budget et le plan de relance ne prévoit que 8 millions d'euros en raison de la vétusté des locaux desdites écoles ?

J'ai également entendu vos annonces concernant les nuiteux. Même s'il s'agit d'une bonne nouvelle, ils veulent voir traiter deux sujets : l'indemnisation du travail de nuit, sur laquelle vous prévoyez 15 millions d'euros alors qu'ils en demandaient 30 – disons que c'est toujours ça de pris – et le nouveau cycle horaire. Celui-ci peut paraître tout à fait intéressant lorsque l'on travaille de jour, mais c'est beaucoup plus compliqué lorsque l'on travaille de nuit, car il ne permet plus de partager les tâches de la vie de famille, et notamment de s'occuper des enfants. On peut donc craindre en conséquence une dégradation des conditions de travail. Alors que la délinquance est plus prégnante la nuit que le jour, une réflexion et un effort supplémentaires s'imposent.

À propos du nouveau service central de la police technique et scientifique, quand va s'arrêter la guerre entre la police judiciaire et la sécurité publique pour que la police technique et scientifique soit respectée et utilisée par les différentes directions centrales du ministère de l'intérieur ? Ses 3 000 agents résolvent à eux seuls un tiers des enquêtes.

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Je m'associe également, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, à l'hommage rendu à Samuel Paty. Notre unité est, bien évidemment, indispensable. Au cours des différents rassemblements auxquels j'ai participé depuis vendredi, que ce soit en Seine-Saint-Denis ou hier à Paris, se sont exprimées une grande émotion et une grande colère, qui appellent des réponses.

Dans ces circonstances, on ne peut que saluer l'augmentation du budget de la police et des services de renseignement et noter que, malheureusement, les années 2000 ont été catastrophiques tant pour les effectifs que pour le renseignement, dont la réforme a considérablement affaibli notre capacité à détecter en amont les signaux faibles. Le caractère technique du renseignement ne remplacera jamais la qualité ni le maillage d'un service de renseignement humain capable de nouer les contacts sur le terrain permettant de remonter tous les signaux. Ainsi, s'agissant du drame de vendredi, l'intéressé était passé sous les radars des services techniques.

On ne peut que se féliciter que ce budget augmente les moyens à la fois humains et matériels, qu'il s'agisse des équipements ou des voitures. J'ai toujours trouvé déplorable pour notre pays, pour l'autorité de l'État, pour la République de laisser des policiers pourchasser en Kangoo brinquebalante des dealers roulant, eux, en Porsche Cayenne.

Monsieur le ministre, dans d'autres fonctions, vous disiez qu'un budget en hausse n'était pas forcément un bon budget ; en tout cas, un budget en baisse est rarement un bon budget.

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Gérald Darmanin, ministre

C'est parfois le cas.

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Un budget en hausse dit les moyens mais il ne dit pas toujours la fin. Quelles sont vos perspectives s'agissant de la publication du Livre blanc de la police nationale ?

Dans mon commissariat, à Saint-Denis, sur quarante-trois officiers de police judiciaire (OPJ), seuls dix-sept émargent effectivement. La continuité pénale du travail de la police est forcément mise à mal quand le maillon OPJ est aussi faible. Le problème n'est pas aussi simple qu'une opposition entre police et justice ; parfois, de part et d'autre, il y a des failles au niveau des effectifs.

La faute en est à la doctrine en cours dans les années 2000, qui a contribué à affaiblir les effectifs et à restructurer les services de renseignement dans le même sens. Au regard de la lutte contre le terrorisme, la suppression de la police de proximité se révèle une funeste erreur : les services de police doivent marcher en équilibre sur leurs deux jambes : présence et prévention, d'un côté, répression de l'autre côté.

Enfin, depuis le début, je suis attentif à ce que la police scientifique puisse s'installer dans les délais prévus à Saint-Denis. Je me réjouis qu'après les experts à Miami, on ait les experts à Saint-Denis !

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Gérald Darmanin, ministre

Je vais essayer de répondre le plus rapidement possible à vos questions avant de partir. Si j'oublie certains points, la ministre déléguée pourra compléter.

Le Livre blanc sera présenté début novembre. Nous en discuterons en même temps que la proposition de loi de M. Fauvergue et Mme Thourot, qui en sera le premier acte – maintien de l'ordre, mis à part. Ce n'est pas faire de la politique politicienne que de souligner que la mise en œuvre du Livre blanc exige aussi une police municipale – qui a grandement manqué à Saint-Denis – et des caméras de vidéoprotection. Nous accompagnons le nouveau maire de Saint-Denis dans sa volonté de s'équiper et de mettre en œuvre le continuum de sécurité, dans la philosophie de la proposition de loi.

Vous avez tout à fait raison concernant les OPJ : il en manque dans la police nationale et, pourtant, il y en a. Il en manque en région parisienne et dans les grandes métropoles où les officiers de police judiciaire ne sont pas assez nombreux pour effectuer les enquêtes. Parfois, les procureurs de la République ne poursuivent pas ou classent une affaire à cause de cela. Il importe de donner des moyens de mieux faire son travail à la justice mais aussi, concomitamment, aux policiers.

Dans le même temps, 3 000 OPJ ne font pas un travail d'OPJ. Certains OPJ diplômés, après avoir suivi une formation, repartent dans les bureaux sans être affectés à des missions d'OPJ. C'est un problème d'organisation. J'ai donc proposé aux syndicats, qui l'ont accepté, d'améliorer la situation sur proposition du directeur général de la police nationale – que je remercie : davantage de formations, plus de formateurs, augmentation des rémunérations en prélevant sur les moyens affectés aux OPJ qui n'exercent plus leur fonction d'OPJ. Nous aurons l'occasion d'en reparler. Ce n'est pas un problème de postes budgétaires : mon prédécesseur a autorisé l'ouverture de concours cette année, car nous avons des postes à pourvoir, mais nous n'avons eu que 50 % de réussite.

Monsieur Bernalicis, je ne vous savais aussi comptable. J'ai découvert votre attachement aux règles de Maastricht ! Je partage votre constat : il faut analyser la dépense publique et les déficits – c'est l'hommage du vice à la vertu.

Si vous ajoutez les crédits du plan de relance à ceux du projet de loi de finances, vous obtenez les crédits de l'an prochain. Nous n'avons pas fourni deux documents mais distingué les missions budgétaires de la mission « Relance ». C'est déjà ce qu'avait fait le président Sarkozy et M. Woerth lors du dernier plan de relance. Pour la police, hors titre 2, la hausse est de 11 %. Elle est de quasiment 2 % pour le titre 2. Cela correspond exactement aux chiffres que j'ai donnés. Je suis étonné que La France insoumise considère désormais que, quand il y en a plus, c'est qu'il y en a moins et vice-versa… Je ne suis pas sûr que nous ayons tous compris votre démonstration, mais je lirai le compte rendu, et je reviendrai vers vous si vous avez toujours des questions. Ne vous inquiétez pas, les policiers auront plus d'argent pour investir dans leurs moyens matériels. Je suis sûr que vous vous en réjouissez.

L'expérimentation moncommissariat.fr n'est pas tout à fait finalisée. Elle est extrêmement importante. Douze agents ont été affectés au commissariat numérique localisé à Bordeaux. L'an prochain, la montée en puissance sera rapide puisque nous passerons à trente-six. Ce dossier est particulièrement lié à celui de la plainte en ligne, cher à Mme Avia, et au signalement des violences sexistes et sexuelles. La gendarmerie a également créé une brigade numérique, inaugurée le 27 février par mon prédécesseur. Vingt équivalents temps plein y ont été affectés et 343 demandes sont enregistrées chaque jour, dont 1 690 demandes pendant le confinement.

Même si cela ne remplace évidemment pas la présence physique dans les territoires, cela présente des avantages, notamment lorsque les gens sont empêchés – ce fut le cas pendant le confinement – et le degré de « satisfaction client », si vous me permettez l'expression, est élevé tant pour le commissariat que pour la brigade de gendarmerie numériques. Il conviendra sans doute de développer et de généraliser le dispositif.

Vous avez mille fois raison concernant les pompiers agressés : deux l'ont encore été aujourd'hui dans le département du Rhône. Il faut davantage les protéger. J'espère que vous nous suivrez lorsque nous proposerons, à l'occasion des débats sur la proposition de loi dite Fauvergue-Thourot, de les équiper de caméras-piétons, et d'équiper leurs véhicules. En effet, ils se font souvent agresser dans des lieux sans caméra de vidéoprotection.

Vous aurez constaté que j'ai pris une circulaire afin que le ministère de l'intérieur porte plainte et poursuive systématiquement toute agression de sapeurs-pompiers. Enfin, je souhaite revoir très rapidement la protection fonctionnelle des policiers, des gendarmes, comme celle des pompiers, afin qu'ils n'aient pas à avancer les frais médicaux, et bénéficient d'un soutien plus rapide au regard des frais d'avocat pour engager des poursuites quand ils doivent répondre aux attaques – sauf bien sûr lorsqu'ils sont mis en cause.

S'agissant de l'accompagnement psychologique, quatre-vingt-treize psychologues cliniciens – quatre de plus qu'en 2019 – accompagnent tous les agents, quel que soit leur statut ; 6 % des effectifs sont reçus chaque année. Ces psychologues sont évidemment au contact des policiers. L'année dernière, ils ont effectué 33 932 entretiens de soutien psychologique.

L'activité des pompiers représente à 85 % du secours à la personne. On peut mettre au crédit des gouvernements précédents, et singulièrement de ceux d'Édouard Philippe, la hausse de 2 % du volontariat chez les sapeurs-pompiers. Évidemment, lors de l'examen de la proposition de loi de M. Fabien Matras visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers, nous aurons l'occasion d'en rediscuter et de faire encore progresser notre très beau modèle de sécurité civile, parfois attaqué par des décisions jurisprudentielles européennes. J'ai d'ailleurs écrit pour savoir comment les interpréter.

Je suis très heureux que le groupe Les Républicains trouve que le budget de la police et la gendarmerie va dans le bon sens – ce n'est pas toujours la tonalité des questions au Gouvernement. J'espère que, demain après-midi, les premières questions d'actualité souligneront combien ce budget va dans le bon sens et combien nous faisons beaucoup pour la police. Peut-être ajouterez-vous que vous le voterez et soulignerez que nous accompagnons davantage les créations de postes. Je ne manquerai évidemment pas de rappeler à votre groupe que nous avons doublé les moyens du renseignement et avons créé des postes, ce qui n'avait pas été le cas depuis extrêmement longtemps.

Mayotte est un territoire départementalisé très singulier de la République ; nous devons davantage le soutenir, et M. Lecornu est particulièrement mobilisé. Si je peux y aller le 10 novembre, j'irai bien volontiers. Je vais prendre votre attache, monsieur Kamardine, et celle des élus mahorais, eux-même déjà reçus plusieurs fois par mon directeur de cabinet. Je laisserai le soin à M. Blanquer de vous répondre sur les questions d'éducation nationale et de sécurité des écoles.

La police et la gendarmerie font preuve de courage à Mayotte. Vous le savez, ce n'est pas simple, du fait de la proximité des Comores. C'est la principale difficulté que nous rencontrons, qui engendre, en outre, des difficultés sociales parfois créatrices d'insécurité. Je suis très heureux que la société civile et élective mahoraise se penche sur la question des violences, et j'y apporterai mon concours.

Madame Florennes, vous avez raison, il faut mettre en perspective l'action de l'État avec les élus locaux. Encore faut-il que les élus locaux nous accompagnent. Certains maires continuent d'estimer et de dire au ministre de l'intérieur que la sécurité n'est pas leur affaire, mais celle de l'État. Et il ne s'agit pas toujours d'élus très à gauche de l'hémicycle – je vous prie de bien vouloir excuser la caricature. Certains, plus à droite de l'hémicycle, estiment que la sécurité, c'est l'État. Nous ne voulons forcer personne.

Certaines missions sont clairement de la compétence des élus locaux dans le code général des collectivités territoriales : caméras de vidéoprotection, salubrité publique, utilisation des établissements recevant du public (ERP), modalités d'intervention, etc. Les polices municipales – armées ou non – sont une compétence optionnelle des collectivités locales. Nous les encourageons à les créer. Dans le cadre de l'examen de la proposition de loi Fauvergue-Thourot, nous allons coudre du sur-mesure, ce que demande le Parlement depuis très longtemps. Au titre de l'article 37-1 de la Constitution, des expérimentations permettront aux polices municipales des maires qui le souhaitent d'accéder à certains fichiers.

Certaines limites actuelles ne sont pas acceptables. Quand j'étais maire, les deux chefs successifs de ma police municipale étaient deux officiers de gendarmerie devenus directeurs de police municipale. Il leur a fallu à chacun six mois pour obtenir leur autorisation de port d'arme, après une longue formation, qui prenait parfois jusqu'à un tiers de leur temps de travail, c'est absurde !

Il ne s'agit pas de transformer la police nationale ou la gendarmerie en FBI et les autres en polices locales. Ce n'est pas notre modèle républicain. Il ne s'agit pas non plus que l'État se défasse de certaines compétences et les transfère aux élus locaux sans les compenser. Il s'agit simplement que, dans certains cas, la police municipale puisse faire le même travail que la police nationale en termes d'accès à des fichiers, d'intervention, voire de rapports au procureur de la République. La proposition de loi dite Fauvergue-Thourot sera l'occasion d'un débat sur ce sujet très intéressant, et complexe. Je suis favorable au continuum de sécurité, mais pour danser la valse il faut être deux. J'espère que tous les maires de France voudront danser la valse avec l'État.

Je vous remercie de votre écoute et vous prie, encore une fois, d'excuser mon départ précoce. La ministre déléguée soutiendra la suite de la discussion.

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je m'associe aux hommages rendus à Samuel Paty et exprime mon soutien à tous ceux qui œuvrent quotidiennement pour l'éveil des consciences dans notre pays.

M. le ministre l'a dit à l'instant, l'usage d'internet et des réseaux sociaux n'est pas étranger à ce drame et à cet assassinat islamiste. Le terroriste s'était apparemment radicalisé via les réseaux sociaux, vecteurs d'apologie du terrorisme, de recrutement, d'endoctrinement et de diffusion de ces actes. Un père de famille y avait lancé ce que le ministre a justement appelé une fatwa. Enfin, l'image abominable de cette décapitation a été relayée sur les réseaux sociaux et sur internet.

Il faut sanctionner avec force tous ceux qui propagent des discours de haine sur internet : ceux qui les tiennent, ceux qui les relaient, ceux qui les commentent et ceux qui y apportent leur soutien.

Ces dérives ont plusieurs causes. La première est un sentiment généralisé selon lequel internet serait une zone de non-droit, un lieu hors de l'espace républicain et où certains, sous couvert d'anonymat, tiennent des discours intenables dans l'espace public. La seconde repose sur un cercle vicieux : peu de condamnations, donc peu de plaintes, peu d'enquêtes qui prospèrent et donc peu de condamnations, encore.

Pour y remédier et renforcer la réponse des pouvoirs publics, nous avons voté la création d'un parquet numérique spécialisé, dont la pleine effectivité repose sur le dépôt de plainte en ligne. Quel est le calendrier et quels sont les moyens prévus pour renforcer cette procédure de dépôt de plainte en ligne, et apporter une réponse judiciaire à travers le parquet spécialisé ?

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Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté

Madame la députée, nous connaissons tous votre engagement très fort contre la haine en ligne et contre la prolifération des discours de haine en ligne. Vous savez notre détermination à agir également sur ces questions.

J'ai rencontré ce matin les équipes de la plateforme PHAROS, en compagnie des directeurs généraux de la DGSI, de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de l'ambassadeur au numérique. Ces équipes mènent un travail remarquable. Tous les services du ministère de l'intérieur sont mobilisés autour de l'événement terrible que nous avons connu, mais également pour veiller à ce qu'il ne se reproduise pas. Sur PHAROS, des milliers de signalement sont traités et donnent lieu à des échanges avec les réseaux sociaux, ce qui conduit soit à des suppressions de contenus, soit à des blocages.

Demain, je recevrai les responsables des différents réseaux sociaux, les plateformes, les GAFA, ainsi que les principaux sites de cagnottes de ligne, qui peuvent aussi être des vecteurs de haine. Telles sont les premières actions que nous menons dans le calendrier de la plainte en ligne, qui est en train de s'affiner.

Concernant le parquet, des échanges nombreux ont eu lieu. Le Garde des Sceaux pourra vous répondre plus précisément. Sachez qu'au ministère de l'intérieur tout le monde est mobilisé pour remonter jusqu'au bout de la chaîne.

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Je vous remercie, madame la ministre. Nous allons maintenant passer à l'examen des crédits de la mission « Sécurités ».

Après le départ de la ministre, la Commission en vient à l'examen des crédits de la mission « Sécurités ».

Article 33 et État B

La Commission est saisie des amendements II-CL19, II-CL20, II-CL14 et II-CL15 de M. Hervé Saulignac.

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Alors que des recrutements ont été effectués dans la police et dans la gendarmerie ces dernières années, les moyens alloués à la formation n'ont pas été augmentés en conséquence. Les amendements II-CL19 et II-CL20 visent respectivement à allouer 100 millions d'euros au budget de formation de la police nationale et 100 millions d'euros à celui de la gendarmerie nationale. Quant aux amendements II-CL14 et II-CL15, ils visent respectivement à créer 1 000 emplois dans la police nationale et 1 000 emplois dans la gendarmerie, afin de préserver le rythme du recrutement auquel s'était engagé le Président de la République, en fléchant 64 000 euros vers le programme 176 « Police nationale » et la même somme vers le programme 152 « Gendarmerie nationale ».

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La formation des gendarmes et des policiers est un vrai sujet. Le budget destiné à la formation des gendarmes est à l'équilibre. Lors des auditions, ils n'ont pas fait part de problèmes de ce point de vue. S'agissant des policiers nationaux, le budget alloué à leur formation a été augmenté de près de 4 millions d'euros, afin d'assurer notamment la mise à niveau technologique des écoles de police, en particulier dans le cadre du déploiement de nouveaux outils, comme les tablettes NEO. L'augmentation de 100 millions d'euros que vous préconisez déséquilibrerait le budget, puisqu'il faudra bien aller prendre cet argent ailleurs.

Par ailleurs, des efforts importants sont déjà consentis dans le cadre du plan présidentiel visant à créer 10 000 emplois dans la police et dans la gendarmerie nationales pendant le quinquennat. Il ne suffit pas de recruter des policiers et des gendarmes, encore faut‑il leur donner les moyens de s'équiper et de travailler correctement. C'est la raison pour laquelle d'importants crédits sont prévus dans ce budget en faveur notamment du renouvellement du parc automobile.

Avis défavorable.

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Les amendements relatifs à la formation rejoignent mes préoccupations. Monsieur le rapporteur, je vous repose la question laissée sans réponse par M. le ministre : savez-vous s'il est prévu que la formation des gardiens de la paix revienne à douze mois au lieu des huit actuels ? On sait combien la formation est déterminante, notamment pour des départements comme la Seine‑Saint‑Denis, où se font les premières affectations.

Pour ce qui est du gage, monsieur le rapporteur, après trois ans, votre argument est au moins galvaudé. L'augmentation de 4 millions d'euros du budget de la formation continue de la police est une bonne chose et vient combler un manque criant. Mais il faudra prendre le temps de s'interroger sur les perspectives de formation dans la police nationale, plutôt que de s'en tenir à la mise à l'équilibre d'un budget ou de se dire que l'objectif des écoles de police est de former aux tablettes NEO. Je pense que l'on peut faire mieux. Cette réflexion globale doit bien avoir lieu, mais il serait bon qu'elle nous soit exposée.

On a vu que, s'agissant des violences sexuelles et sexistes, il y avait besoin de former, notamment à l'accueil du public. Mais il y a également besoin de former dans le renseignement territorial et la lutte contre la radicalisation, dans la prise en charge des mineurs, à l'usage des nouveaux outils, sur la nouvelle criminalité économique et financière ou encore sur les techniques de désescalade de la violence. Aussi, quelles sont les perspectives de formation ?

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de l'amendement II-CL57 de M. Arnaud Viala.

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Avant de présenter mon amendement de soutien aux associations agréées de sécurité civile et malgré l'absence du ministre, je tenais à dire que, dans le résumé de mon rapport, il n'était pas question de demander spécifiquement des moyens considérables supplémentaires pour les sapeurs‑pompiers, mais plutôt d'insister sur la nécessité de les coordonner.

Du fait de la crise de la covid, les associations agréées de sécurité civile sont confrontées à de graves difficultés financières. Elles ont perdu une grande partie de leurs revenus habituels faute de grands rassemblements, lors desquels elles organisaient des postes de secours, et à cause de l'interruption des formations de secourisme. Parallèlement, elles ont connu une importante augmentation de leurs dépenses d'intervention.

Elles ont effectué environ 3 millions d'heures de bénévolat et 18 000 interventions en véhicules de secours entre le mois de mars et le mois de mai 2020. Elles ont notamment participé aux opérations de secours publics, à la prise d'appels auprès des centres de régulation du SAMU et effectué des levées de doute covid-19 à la demande du SAMU. Elles ont mis des bénévoles à la disposition d'hôpitaux pour assister les soignants dans leurs tâches quotidiennes. Elles ont assuré l'accueil, l'animation et le suivi médical de rapatriés de Chine au sein de centres de confinement. Elles ont aussi participé au transfert de victimes en TGV médicalisés et par voie aérienne. Elles ont été chargées par des centres hospitaliers et des centres médicaux de réaliser des points d'accueil et de filtrage.

Elles ont également participé à des cellules téléphoniques d'information du public et créé des plateformes d'appel aux personnes isolées et vulnérables. Leurs bénévoles ont apporté un important renfort dans les EHPAD, en matière d'aide aux soins, d'animation, d'accueil des familles ou de distribution d'équipements de protection individuelle. Elles ont distribué des millions de masques à la population et aux soignants, à la demande des communes ou des agences régionales de santé (ARS). Elles ont aussi participé à la gestion de centres de confinement pour des personnes contaminées n'ayant pas de domicile stable. Elles ont déployé des équipes au sein des brigades sanitaires qui recherchent les cas-contacts.

Elles ont aménagé des centres et des hôtels covid à la demande des préfectures et des ARS, pour accueillir des personnes confinées hors de leur domicile. Elles ont mis sur pied des centaines de centres de dépistage fixes ou mobiles à la demande des ARS. Elles ont effectué des tests PCR sur les passagers venant de zones à risque dans de nombreux aéroports. Enfin, elles ont réalisé de nombreuses maraudes à la demande du SAMU social et ont distribué des centaines de milliers de repas et des courses aux personnes isolées ou démunies pendant le confinement.

L'indemnisation des frais engagés dans le cadre de leurs missions covid-19 couvre uniquement les frais courants et non l'ensemble de leurs dépenses. Les charges fixes de la Fédération nationale de la protection civile représentent ainsi 70 % de son budget annuel. Les fédérations d'associations comme la Protection civile, la Croix blanche, la Fédération française de sauvetage et de secourisme, l'Association nationale des premiers secours, le Centre français de secourisme et l'Union nationale des associations de secouristes et de sauveteurs, sont particulièrement affectées : plus de 120 associations membres disposent de moins de trois mois de trésorerie et risquent de disparaître. Sur la centaine d'associations départementales de la Fédération nationale de la protection civile, entre cinquante et soixante sont en difficulté et ne disposent que de trois à cinq mois de réserves. La Fédération nationale estime que le besoin de financement de ses associations jusqu'à la fin de l'année 2021 s'élève à 13 millions d'euros.

Les associations unitaires sont également touchées : la Croix rouge française a déclaré que, sur un budget de 1,3 milliard d'euros, les pertes liées à la crise de la covid représentaient 46 millions d'euros. Les associations agréées ont reçu des aides ponctuelles de sponsors ou de collectivités territoriales, mais elles ne suffiront pas à assurer la survie de toutes jusqu'en 2021. De même, la subvention de 560 000 euros versée en 2020 par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises s'avère très insuffisante. Dans la perspective des Jeux olympiques de 2024, une telle situation n'est pas tenable.

Ainsi, l'amendement vise à verser 18 millions d'euros d'aide exceptionnelle à ces associations. Mes chers collègues, si vous allez à leur rencontre dans vos territoires, vous vous entendrez tous dire qu'elles risquent bel et bien de disparaître.

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Je suis tout à fait favorable à votre amendement. Peut‑être faudrait‑il préciser la nécessité de lever le gage dans l'exposé des motifs ? Prendre 18 millions d'euros sur les 20 millions alloués au budget de l'éducation routière me semble problématique… Une telle reconnaissance du travail des associations est essentielle. Votons tous l'amendement !

La Commission rejette l'amendement.

Suivant l'avis des rapporteurs pour avis, la Commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurités » sans modification.

La Commission examine pour avis, sur le rapport de M. Antoine Savignat, la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

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Marlène Schiappa, ministre

Avant de vous présenter les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », permettez-moi, en cette période de crise sanitaire et après le tragique événement terroriste que nous venons de connaître, de saluer en mon nom et au nom de Gérald Darmanin la grande réactivité de l'ensemble des agents du ministère de l'intérieur et, singulièrement, des préfectures, fortement mobilisées. Le couple maire-préfet, dont on parle souvent, c'est aussi celui que forment les mairies et les préfectures avec tous leurs agents. Son efficacité conforte la place du ministère de l'intérieur en tant que ministère de la gestion de crise mais, aussi, comme incarnation de l'État au sein des territoires.

Je tiens, à ce propos, à souligner trois éléments : le rattachement des directions départementales interministérielles, au ministère de l'Intérieur depuis le mois d'août, alors qu'elles relevaient du Premier ministre ; le déploiement de la réforme de l'organisation territoriale de l'État, l'OTE, qui s'inscrit dans cette même dynamique, notamment à travers la création emblématique des secrétariats généraux communs, les SGC, qui seront installés dès le 1er janvier prochain, conformément aux engagements du Premier ministre. Cela se traduira par le transfert de 943 équivalents temps plein en 2021, après les 1 803 qui ont été transférés en 2020. Nous avons prévu un budget de 6,7 millions pour doter l'administration territoriale de l'État d'un système d'information (SI) robuste, et de 11 millions pour les aménagements immobiliers liés à la constitution des SGC. Enfin, le réseau France Services doit être une opportunité pour nous permettre de faire revivre notre beau réseau de sous-préfectures. Le ministre de l'intérieur et moi-même avons demandé une accélération de son déploiement, en milieu rural mais aussi urbain ; 3,3 millions supplémentaires seront ainsi consacrés à des aménagements immobiliers labellisés. Le ministère de l'intérieur pourvoira évidemment aux emplois.

L'évaluation des dépenses de personnel de cette mission se caractérise par la neutralisation du schéma d'emplois des préfectures. À la demande du Président de la République et du Premier ministre, les préfectures et les sous-préfectures ne feront l'objet d'aucune réduction d'effectifs en 2021. Cette décision est historique et met un terme à la forte déflation débutée il y a plus de dix ans, suite à laquelle le réseau avait perdu 25 % de ses effectifs. C'est là une réponse à l'attente de proximité qui s'est exprimée lors du Grand débat national. Comme le souhaite Gérald Darmanin, la réduction d'effectifs portera sur les administrations centrales du ministère de l'intérieur, à laquelle le secrétariat général prendra sa part, dans le cadre d'un schéma d'emplois de moins 111 ETP.

Les crédits de masse salariale de la mission progressent de 20 millions, hors compte d'affectation spéciale, ce qui correspond essentiellement au tendanciel au regard de la contrainte interministérielle sur différentes mesures catégorielles.

Par ailleurs, les crédits de fonctionnement et d'investissement progressent de plus de 200 millions, en excluant le programme « Vie politique, cultuelle et associative », sur lequel je reviendrai.

Le ministre de l'Intérieur et moi-même avons souhaité que les personnels du ministère relevant du secrétariat général et de l'administration territoriale bénéficient d'un effort en termes de conditions de travail.

Le parc automobile sera ainsi renouvelé grâce à un effort supplémentaire d'environ 20 millions d'euros au titre de France Relance. En matière d'immobilier, nous avons également formulé des demandes pour près de 500 millions d'euros. Nous tenons à votre disposition une liste de 611 opérations pour l'administration territoriale, pour un total de 424 millions d'euros, et de 50 opérations pour l'administration centrale, pour près de 59 millions. Gérald Darmanin souhaite également équiper les agents en doubles-écrans et en informatique nomade afin de favoriser le télétravail, particulièrement dans la période actuelle. L'augmentation du budget de l'action sociale, demande très forte des personnels, se traduira par 10 millions d'euros supplémentaires, ce qui représente une hausse de 18 %. Il s'agit d'une forte augmentation de ce budget.

Les grands projets numériques que nous menons sont autant de défis. Un quart des dépenses numériques de l'État relève du ministère de l'Intérieur, ce qui est considérable. Nous bénéficions de 95,8 millions d'euros supplémentaires au titre de France Relance, pour soutenir cet effort important.

Le déploiement d'une carte nationale d'identité électronique commencera à la mi-mars 2021 et sera généralisé en août. Des échanges sont en cours avec l'Association des maires de France (AMF) pour que cela se passe dans les meilleures conditions possibles ; 30 millions d'euros du budget de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) y sont consacrés.

Le programme Réseaux radio du futur (RRF) permettra de se doter d'un système opérationnel de transmission mobile à haut débit commun à l'ensemble des acteurs de la sécurité et du secours ; 28 millions d'euros seront consacrés à ce projet important.

Le nouveau dispositif d'alerte et d'information France Alerte bénéficiera, quant à lui, de 37 millions d'euros.

Un mot sur le programme « Vie politique, cultuelle et associative », directement dépendant du calendrier électoral. En 2021, le financement des élections départementales et régionales justifie une augmentation des crédits de plus de 200 millions d'euros. Nous travaillons avec le ministre de l'intérieur à la question des procurations dans le cadre du programme « e Procuration », auquel nous consacrerons un million d'euros, pour permettre la dématérialisation progressive de cette procédure. In fine, cela permettra d'alléger significativement le temps que les forces de l'ordre consacrent à cette mission trop chronophage.

Le Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR), qui relève également de cette mission, se situe plus particulièrement sous ma responsabilité. Depuis 2007, il constitue un instrument essentiel pour l'application des politiques de prévention dans les territoires, qui sont aussi importantes que la répression. Le FIPDR permet en effet de financer des actions de prévention de la délinquance, mais aussi de la radicalisation, menées essentiellement par les collectivités locales et par les associations. Depuis 2016, il est financé par le budget du ministère de l'Intérieur à travers le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » et géré par le SGCIPDR, le Secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation. Sur notre proposition, avec Gérald Darmanin, un nouveau secrétaire général, le préfet Christian Gravel, a été nommé au début du mois d'octobre par le Président de la République.

Nous proposons donc de sanctuariser les crédits du FIPDR dans le PLF, ce qui représente un engagement de 69 millions d'euros, afin de financer de nombreux projets importants.

Ces crédits soutiendront les priorités suivantes : accompagner le lancement de la nouvelle stratégie nationale interministérielle de prévention de la délinquance, sur laquelle nous avons travaillé avec le précédent Gouvernement et qui sera bientôt présentée, avec une enveloppe de 31 millions d'euros ; poursuivre la mise en œuvre des objectifs du plan national de prévention de la radicalisation, avec une enveloppe de 15 millions d'euros ; concourir aux actions de sécurisation, avec une enveloppe de 19 millions d'euros, affectée notamment aux opérations de vidéo-protection sur la voie publique, sur des sites sensibles comme certains édifices religieux, mais aussi aux équipements des polices municipales ou à la sécurisation des écoles.

Par ailleurs, le FIPDR permet de soutenir les actions de contre-discours et de ripostes face aux discours de haine ou séparatistes sur les réseaux sociaux et de lutter contre les dérives sectaires – j'ai eu récemment l'occasion de présenter notre stratégie en la matière.

Le FIPDR représente une partie seulement des engagements budgétaires dédiés à ces interventions. L'effort financier de l'État, décrit dans le document de politique transversale Prévention de la délinquance et de la radicalisation, s'élève au total à près de 3,3 milliards d'euros pour 2021, à travers vingt programmes de différents ministères. Ce sont donc des moyens très importants qui sont mis au service des politiques de prévention et, plus particulièrement, de la nouvelle stratégie nationale de prévention de la délinquance pour 2020-2024, qui sera prochainement détaillée. Elle mobilisera l'ensemble des ministères, en particulier les ministères de la Justice, de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports mais, aussi, celui de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et du ministère délégué chargé de la ville en lien avec Mmes Jacqueline Gourault et Nadia Hai.

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La mission « Administration générale et territoriale de l'État » poursuit trois principaux objectifs : garantir l'exercice de leurs droits par les citoyens, assurer la présence et la continuité de l'État sur l'ensemble du territoire, appliquer sur le plan local les politiques publiques nationales.

Cette mission regroupe ainsi les crédits consacrés aux administrations déconcentrées du ministère, à ses fonctions supports, ainsi qu'aux subventions publiques dont il assure la gestion.

Au total, plus de 4 milliards d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement sont budgétés pour 2021, en légère hausse par rapport à l'exercice précédent. Cette augmentation tient principalement à l'organisation, l'année prochaine – sous réserve des discussions en cours à ce sujet –, des élections départementales et régionales, ainsi que des élections territoriales en Corse, en Martinique et en Guyane. Les crédits de l'action « Organisation des élections » du programme 232 augmentent fortement, de plus de 200 millions.

Par ailleurs, comme l'a rappelé Mme la ministre, plusieurs réformes engagées au cours des dernières années se poursuivent, dont la mise en place des secrétariats généraux communs départementaux, qui doivent regrouper à terme les fonctions supports des préfectures et des directions départementales interministérielles. Je rappelle à ce titre que si je soutiens, comme chacun d'entre nous, les mesures permettant de rationaliser l'organisation de ces services, ceux-ci connaissant d'importantes tensions, notamment en termes de personnel et de moyens, pour accomplir leurs missions prioritaires. C'est en particulier le cas pour le contrôle de légalité et, plus généralement, le soutien juridique aux collectivités territoriales. Sur ce point, ce budget n'apportera malheureusement pas les améliorations attendues.

Par ailleurs, la labellisation « France Services » de guichets uniques se poursuit pour assurer un meilleur accès aux services publics sur l'ensemble du territoire. Si l'on peut s'en féliciter, elle ne permettra pas toutefois de répondre au sentiment d'éloignement des services publics que nombre de citoyens éprouvent. Trop souvent, c'est l'absence d'accompagnement dans leur démarche administrative qui crée des obstacles à l'exercice de leurs droits.

Enfin, les investissements se poursuivent en matière de systèmes d'information et de communication. Si la dématérialisation de certaines procédures va dans le bon sens, elle peut aussi contribuer à l'éloignement du service public des personnes les plus fragiles. Il convient donc de conserver également des interlocuteurs physiques pouvant orienter celles qui, parmi elles, en auraient besoin. Ces réformes visant à répondre à la dégradation des conditions d'exercice des missions des services de l'État et au désengagement de ce dernier dans les territoires, nous ne pouvons qu'y être favorables, hors les réserves que j'ai formulées.

Par ailleurs, les services de l'État doivent faire face à deux missions particulièrement sensibles.

Tout d'abord, gérer les effets de la crise migratoire que connait notre pays, et plus généralement l'Europe, depuis plusieurs années. Cette crise met en tension les services des ressortissants étrangers des préfectures pour accomplir leurs différentes tâches d'instruction des titres de séjour, de gestion de l'asile et de maîtrise de l'immigration irrégulière.

Ensuite, les services de l'État doivent maintenir une capacité d'accueil du public dans le contexte de l'épidémie de covid-19 et du respect des protocoles sanitaires. Si les moyens des services déconcentrés sont stabilisés, il n'en demeure pas moins que ceux-ci doivent faire face à un bien plus grand nombre de demandes en raison de la crise sanitaire et sociale, mais également du contrôle de légalité, de plus en plus sollicité, alors que les crédits affectés à cette action n'ont pas augmenté.

Enfin, la dématérialisation de nombreuses procédures, dont les effets sont positifs en termes d'efficacité et de gestion des deniers publics, ne doit pas faire oublier l'importance d'un accueil physique et d'un accompagnement de qualité pour certains usagers sur l'ensemble du territoire.

Je souhaite donc insister sur la nécessité d'accompagner les services concernés par des directives claires et des moyens adaptés. En effet, ces derniers sont souvent en première ligne et doivent pouvoir remplir leurs missions dans des conditions satisfaisantes pour les usagers comme pour les agents.

Pour la partie thématique de mon rapport, j'ai choisi cette année de m'intéresser aux conséquences de l'épidémie de covid-19 sur le déroulement des élections municipales de 2020 et sur les principaux enseignements à en tirer pour préparer les prochaines échéances électorales.

Les conditions dans lesquelles ont été organisées les élections municipales ont, en effet, entraîné de nombreuses difficultés pour les candidats comme pour les équipes municipales chargées des opérations de vote.

Nombre d'électeurs, craignant une contamination, ont renoncé à se rendre dans leur bureau de vote, contribuant ainsi à accroître une abstention déjà en hausse. Plus d'un électeur sur deux ne s'est pas déplacé, constat d'autant plus inquiétant que, jusqu'alors, les élections municipales suscitaient, avec l'élection présidentielle, une participation relativement forte. Le protocole sanitaire s'est révélé insuffisant pour rassurer les électeurs, le niveau d'abstention étant encore plus fort au second tour. Le manque d'informations nationales sur l'organisation des élections et les protocoles engagés en est l'une des causes. La courte campagne électorale, avec des moyens inadaptés à la crise, en est une autre, alors qu'il s'agit d'une élection importante dans la vie publique locale. Les mesures prises pour encourager le recours aux procurations ont été, de surcroît, trop tardives pour avoir un impact sur la participation. Autant de choses qu'il ne faut pas revivre pour ne pas créer une crise de légitimité.

Alors que nous connaissons une seconde vague de propagation de l'épidémie conduisant à la réactivation de l'état d'urgence sanitaire, il convient d'anticiper dès à présent les conditions dans lesquelles pourront se tenir les prochaines échéances électorales. À ce titre, madame la ministre, nous comprenons que le Président de la République réfléchit à un éventuel report de ces élections de plusieurs mois, voire après la prochaine élection présidentielle. Une « commission de sages » impliquant tous les partis politiques serait réunie à cette fin. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Nous devons avoir un véritable débat sur le fonctionnement de notre démocratie.

Je souhaite que le report des élections ne soit pas la seule solution envisagée face à une situation épidémiologique qui semble s'inscrire dans la durée. D'autres pays confrontés aux mêmes difficultés ont engagé des réformes plutôt que de remettre le calendrier électoral en question. Nous pourrions nous en inspirer pour moderniser les opérations de vote et assurer une meilleure participation aux différents scrutins.

Je souhaiterais, à ce titre, savoir si des réflexions sont engagées pour améliorer la visibilité de la campagne électorale, par exemple avec une campagne en ligne, voire à la télévision ou sur les réseaux sociaux ; pour sécuriser le vote « physique » dans les bureaux, des amplitudes horaires plus longues ou la possibilité d'un vote anticipé pourraient être envisagées ; enfin, nous pourrions également développer le vote par correspondance, comme l'ont fait d'autres pays voisins, avec un taux de fraude nul et des conditions de sécurité très satisfaisantes.

Ces réflexions sont importantes, car le niveau d'abstention que nous constatons à chaque élection est encore renforcé par le contexte épidémiologique actuel. Nous ne pouvons nous en satisfaire, quel que soit notre parti, quelles que soient nos idées, car c'est le sens même de la représentation qui se joue dans notre capacité à tenir ou non des élections et à assurer la participation.

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Je suis ici, comme vous tous, en tant que députée de la nation, mais je suis aussi une ancienne enseignante et, comme vous tous, comme tous les enseignants de France, je suis encore bouleversée par ce qui s'est passé vendredi dernier, mais tout aussi déterminée à poursuivre mon travail – notre travail – au service de notre nation une et indivisible.

On voit bien, madame la ministre, le rôle central – essentiel, même – que le ministère de l'Intérieur joue et jouera dans la transformation de notre pays. Je retiendrais trois mots : déconcentration, mutualisation et modularité. Ce sont les maîtres mots qui, à la lecture du texte, me semblent sous-tendre cet exercice budgétaire, qui va dans le sens de la loi de transformation de la fonction publique que nous avons votée en 2019 et qui commence à porter réellement ses fruits.

Les crédits de cette mission budgétaire soutiennent le cœur des institutions républicaines. Ils rendent possible l'exercice des droits fondamentaux et des libertés publiques de tous nos concitoyens ; ils permettent d'assurer la présence de l'État partout en France et de mettre en œuvre localement les politiques publiques. Nous nous réjouissons donc que le mouvement de transformation et de rénovation de notre réseau préfectoral, de son organisation comme de ses missions, se poursuive.

Au cours des derniers mois, il a beaucoup été question du couple maire préfet, qui fait encore la preuve de sa pertinence. Le renforcement du rôle et des moyens des préfets dans nos départements est un gage, à mon sens, d'efficacité de l'action publique et de compréhension de l'action de l'État par nos concitoyens. L'objectif de mutualisation des fonctions support qu'il sous-tend est à la fois de bon sens et de bonne administration, et doit permettre un service public plus souple et plus agile.

Nous saluons également la concrétisation de l'effort sans précédent annoncé par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, qui bénéficiera à l'État déconcentré, à nos territoires et à nos concitoyens. Je le cite : « Toutes les créations d'emplois qui seront autorisées par le PLF 2021 seront affectées, sauf exception justifiée, dans les services départementaux de l'État et aucune dans les administrations centrales ». Au-delà de la déclaration, pourriez-vous, madame la ministre, nous en dire un peu plus, par exemple en nous indiquant les directions ou les missions que vous souhaitez renforcer ou développer à cette occasion ? Dans le même esprit, la mobilisation des crédits à l'appui du développement du réseau France Services constitue, au-delà d'une priorité exprimée par le Président de la République, une excellente chose pour la continuité de l'action publique.

Enfin, je souhaiterais vous poser quelques questions liées aux échéances électorales de 2021. Le rapport des inspections générales des finances, de l'administration et des affaires étrangères, rendu public le 12 octobre, montre que le répertoire électoral unique pourrait dès à présent permettre une évolution du droit électoral et de la gestion du processus électoral. Il préconise un certain nombre de mesures, parmi lesquelles je citerai la limitation des cas de radiation, l'extension des inscriptions d'office aux jeunes majeurs de 19 ans, la protection des données personnelles, la simplification des procédures en cas de changement d'adresse, ou encore la dématérialisation des procurations. Cela irait dans le sens de la simplification et d'une meilleure information des électeurs. Leur réalisation devrait être facilitée, à notre sens, par un accompagnement soutenu des communes qui sont, comme nous le savons tous, des acteurs essentiels de ces moments de démocratie.

Ma question, Madame la ministre, rejoindra celle du rapporteur pour avis : des évolutions réglementaires ou législatives sont-elles d'ores et déjà prévues pour tenir compte des circonstances exceptionnelles dans lesquelles se déroulent désormais nos processus électoraux et, le cas échéant, dans quels délais ?

La cohérence entre les déclarations du Gouvernement et les moyens budgétaires conduira les députés de la République en marche à voter en faveur des crédits de la mission.

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Je souscris évidemment aux propos de notre rapporteur pour avis sur cette mission et souligne avec lui l'intérêt qu'il y a – et l'importance que nous accordons – au renforcement de la présence de l'État dans les territoires, que vous proposez d'engager. C'est particulièrement nécessaire pour les préfectures de département et les sous-préfectures. En effet, celles-ci sont au cœur de la vie de nos concitoyens et ont énormément souffert au cours des dernières décennies, toutes majorités confondues, d'une forme de dépouillement, à telle enseigne qu'elles peinent, à l'heure actuelle, à assumer les missions qu'on est en droit d'attendre d'elles.

J'approuve également le fait que vous souhaitiez renforcer les moyens dédiés, dans les territoires, au plus près des populations, à la lutte contre la radicalisation. Malheureusement, l'actualité dans laquelle s'inscrivent nos travaux ne fait que renforcer ce besoin. C'est en travaillant au plus près du terrain qu'on lutte le plus efficacement contre ces fléaux. À cet égard, le travail de coordination des forces de sécurité qu'exercent les sous-préfets et les préfets mérite d'être souligné et accru, car ils ont besoin de moyens pour l'affiner.

En revanche, certains éléments me semblent pouvoir être améliorés. Vous avez évoqué les efforts entrepris concernant le numérique et les outils mis à disposition pour favoriser les échanges distanciels. Je rejoins le rapporteur lorsqu'il souligne que nos concitoyens ont également besoin de contacts physiques et qu'on ne peut pas substituer ces moyens à la présence d'agents de l'État formés, compétents, auprès des populations. Les collectivités territoriales, singulièrement dans les territoires les plus éloignés des métropoles, ont besoin d'avoir des interlocuteurs physiques. J'ai participé vendredi à l'une des réunions organisées par la préfète de l'Aveyron à la suite du vote de la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, qui prescrit aux services de l'État de se présenter aux élus locaux. Ces réunions, très bien perçues, sont nécessaires. Il faut continuer à renforcer les moyens engagés auprès des élus locaux

Si vous le permettez, Madame la ministre, je formulerai deux suggestions. Le projet de loi n'évoque pas la proportionnalité entre les moyens de l'État mis à disposition des préfectures de région et ceux engagés au profit des préfectures de département. Il me semble qu'il y a lieu de rééquilibrer les choses en faveur des préfectures départementales, peut-être en réduisant les moyens attribués aux services de l'État régional qui, parfois, sont éloignés des préoccupations quotidiennes des gens. Il faut envisager de conférer aux préfets de département l'autorité sur toutes les agences périphériques de l'État, afin qu'ils aient connaissance de l'ensemble des éléments d'information et de décision. Cela se révèle particulièrement nécessaire en temps de crise – comme celle de la covid –, ou lorsque survient un épisode terrible, comme celui que nous vivons en ce moment. Les préfets de département doivent avoir la main sur l'ensemble des services déconcentrés de l'État, fussent-ils des agences.

Enfin, on a bien noté l'augmentation importante du budget dédié aux élections pour l'année 2021. On voit que, dans le cadre des réflexions actuelles, la possibilité d'un report n'est pas exclue. Pour ma part, je me contenterai de dire que, si report il devait y avoir, il ne serait pas imaginable qu'il excède un an et enjambe le scrutin présidentiel. En effet, cela signifierait qu'on peut à loisir désorganiser la démocratie à des fins qui ne sont probablement pas uniquement liées à la sécurité sanitaire de nos concitoyens.

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Nos concitoyens attendent des politiques publiques qu'elles s'inscrivent dans la proximité, ce qui sous-entend plus de décentralisation, plus et mieux de déconcentration. Si la décentralisation fera l'objet d'un texte attendu pour 2021, elle est dès aujourd'hui renforcée, en pratique, grâce à la territorialisation du plan de relance. Si nous nous en réjouissons, nous nous interrogeons cependant sur la création de trente postes de sous-préfet à la relance : ne suffirait-il pas de s'appuyer sur les sous-préfets déjà en poste dans les territoires, qui connaissent leur arrondissement, les acteurs des territoires et les projets des collectivités ? Avec l'instauration d'un échelon administratif supplémentaire et le détachement de hauts fonctionnaires pour l'application de ce plan, ne risquons-nous pas de brouiller la démarche de proximité et de perdre en efficacité ?

Mes chers collègues, la proximité doit être au cœur d'une action de l'État qui se veut efficace. La réforme de l'organisation territoriale en cours vise cet objectif. Elle est portée par le programme 354 « Administration territoriale de l'État ». Créé en 2020, ce programme entend renforcer la mutualisation des moyens des services déconcentrés de l'État et le développement de la modularité de leur organisation. Ainsi, en 2021, la mise en place des secrétariats généraux communs départementaux entérine une nouvelle étape de la modernisation de ce réseau pour favoriser la professionnalisation et le redéploiement des agents sur des tâches dites de cœur de métier. Nous soutenons cette vision, mais attention à ne pas nuire à la proximité des services de l'État dans les territoires et à ne pas faire supporter une charge de travail plus lourde à certains agents. En période de crise, sanitaire ou d'une autre nature, l'adaptabilité, la résilience des petites échelles de proximité sont un gage d'efficacité.

Vous indiquez maintenir globalement les effectifs à leur niveau de 2020, tout en réduisant ceux des administrations centrales. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, comment vont s'opérer ces mouvements d'effectifs et nous assurer qu'il n'y aura pas de déséquilibres en termes de charge de travail ?

Ce programme permet également de poursuivre le développement du réseau France Services, dont la réussite passe par une formation appropriée des agents qui y travailleront. Pouvez-vous préciser le montant de l'enveloppe budgétaire liée aux dépenses de formation de ces agents, à l'animation du réseau et au déploiement des outils informatiques dans ces structures ?

Nous souhaitons également avoir des précisions sur la gestion des besoins en équipements, en matériels de protection, de nettoyage de postes informatiques nomades pour faire face à la crise sanitaire. Nos agents sont-ils suffisamment protégés ? Le développement du télétravail a-t-il été anticipé pour 2021 ?

Ce budget doit en effet être un budget d'anticipation. Nous ne savons pas ce que les prochains mois nous réservent et nous avons la responsabilité de nous préparer à d'éventuelles suspensions d'activité, à de possibles modifications des conditions de travail des agents et d'accueil des usagers. Qu'en est-il donc en la matière ?

Madame la ministre, la question du numérique – qui irrigue de plus en plus l'action de l'État – nous tient également à cœur. Comme l'a rappelé la Défenseure des droits, la numérisation ne doit pas empêcher le contact physique avec des agents. Par ailleurs, on nous a fait part de la persistance de nombreux ratés dans les démarches en ligne, s'agissant par exemple des permis de conduire au format carte de crédit ou des cartes grises. Le mécontentement demeure. Certes, l'enquête annuelle de l'Agence nationale des titres sécurisés fait apparaître, pour des téléprocédures, un fort taux global de satisfaction des usagers, mais des progrès restent à accomplir.

L'année 2021 sera marquée par la tenue des élections départementales et régionales. Quelle estimation faites-vous des renforts temporaires auxquels devront recourir les municipalités pour les organiser et de leur coût ? La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques sera dotée de renforts temporaires pour épauler ses quarante-cinq emplois permanents. En effet, l'instruction des comptes des élections municipales de 2020 est toujours en cours, compte tenu de la modification du calendrier électoral. Cette situation a-t-elle été anticipée et budgétée pour 2021 ?

Je veux dire un mot de la vie cultuelle, à travers, notamment, le financement des recherches en islamologie et sur l'islam de France. L'actualité récente, marquée par l'assassinat de Samuel Paty, nous montre l'urgence qu'il y a à agir en ce domaine. Je me joins, bien évidemment, aux déclarations de mes collègues et condamne fermement, à mon tour, cet assassinat. Je pense à la famille et aux proches de la victime. À l'heure où la représentation nationale se prépare à examiner un projet de loi sur le séparatisme, il semble essentiel de favoriser une plus grande connaissance dans ce domaine. Pouvez-vous nous éclairer, madame la ministre, sur les raisons qui conduisent à une baisse du nombre de projets financés ?

S'agissant de la conduite et du pilotage des politiques du ministère de l'Intérieur, nous sommes satisfaits par le renforcement du rôle du préfet de département.

Le groupe MoDem et Démocrates apparentés accueille favorablement les crédits de la mission.

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La numérisation de titres sécurisés s'est améliorée mais reste largement perfectible. Le sujet a déjà été évoqué l'an dernier, et la Défenseure des droits continue à recevoir des saisines trop nombreuses. Par ailleurs, chacun sait que les usagers sont parfois orientés – même de la part de l'État – vers des prestataires privés, qui ont désormais pignon sur rue. La confiance de nos concitoyens en l'État ne va pas aller en s'améliorant si on les invite à sortir leur chéquier pour se procurer une carte grise ou un permis de conduire.

Je veux dire un mot des transferts d'emplois et des crédits correspondant au sport, à la jeunesse, à l'éducation populaire et à la vie associative, dont l'exercice passe des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et des directions départementales de la cohésion sociale, au service académique de l'éducation nationale. J'aimerais savoir ce qui motive cette mesure. Êtes-vous en train de préfigurer la fin des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale ou y a-t-il, derrière ce transfert, une décision beaucoup plus vertueuse que mon esprit ne le voit ?

Les sous-préfectures ont été largement dévitalisées dans le passé, par plusieurs gouvernements. Ma circonscription se trouve dans un département rural – l'Ardèche – où je ne peux que constater que les sous-préfets, malgré leurs qualités, sont quelque peu livrés à eux-mêmes, car totalement dépourvus de soutiens et de moyens humains. Il est temps de réarmer les sous-préfectures. Madame la ministre, vous avez évoqué la nomination de sous-préfets à la relance. Ceux qui sont en place sont particulièrement isolés et ne peuvent assumer cette mission supplémentaire, qui devrait pourtant leur revenir presque naturellement. En redonnant des moyens aux sous-préfectures, l'État adresserait un message à un certain nombre de territoires, en confirmant, par sa présence physique, la proximité que nos concitoyens appellent de leurs vœux.

Enfin, seules les conditions sanitaires, dont on ne peut préjuger aujourd'hui, peuvent dicter la décision de maintenir ou de reporter les élections du printemps prochain. Chacun a en mémoire le premier tour des élections municipales, qui a sans doute fait des morts dans les rangs des élus, de celles et ceux qui tenaient les bureaux de vote et des citoyens électeurs. Malheureusement, les mêmes causes produiront les mêmes effets. Par conséquent, nos concitoyens ne comprendraient pas qu'on prenne un nouveau risque après le désastre du premier tour des élections municipales. Nous serons extrêmement vigilants quant à la décision qui sera prise et à la nécessité d'éviter tout risque.

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Madame la ministre, faites savoir à M. Darmanin qu'avant d'être député, j'ai été comptable au ministère de l'Intérieur – on peut s'interroger sur les services de renseignement à propos de ma fiche... Je vais essayer d'être le plus pédagogique possible dans mes explications sur les augmentations et diminutions de crédits.

Vous avez mis en avant les secrétariats généraux communs et indiqué qu'il n'y aurait des suppressions d'emplois que dans les administrations centrales. Or force est de constater une baisse des effectifs en ETP plutôt qu'une hausse entre 2020 et 2021 dans le programme 354 « Administration territoriale de l'État » qui ne concerne que les postes des administrations déconcentrées, en raison de nombreux transferts entrants dans ce programme du fait des secrétariats généraux communs. Pour reconstituer le puzzle, il faut examiner ce qui se passe dans tous les autres ministères qui ont perdu des effectifs. Au global, il y a bien des réductions de postes à l'échelle de l'État ! Les transferts entrants représentent en effet 1 062 ETPT provenant de la Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRGSCS), de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC), etc. tandis que les transferts sortants sont de l'ordre de 119 ETPT. Cela fait un solde de 943 postes pour le programme 354. En comparant avec l'année précédente, on remarque qu'il y a un peu moins de 700 ETPT supplémentaires, ce qui fait qu'on perd plus de 250 postes sur le programme 354. Voilà pourquoi je ne vous applaudis pas et je ne vous remercie pas : contrairement à ce que vous avez annoncé, il y a bien des suppressions de postes en 2021 !

C'est le même combat pour le programme 216 qui enregistre une baisse de 148 ETPT par rapport à l'année dernière. Certes, il y a un petit rééquilibrage entre l'administration centrale et les administrations déconcentrées. On peut cependant s'en étonner car la revendication des agents de l'État dans les services déconcentrés ce n'est pas d'avoir moins d'interlocuteurs à Paris, c'est d'avoir au moins autant d'interlocuteurs à Paris et davantage de collègues en région. Vous réussissez la prouesse de faire les deux : ils sont moins nombreux localement et ils ont moins d'interlocuteurs à Paris. Si c'est cela l'action publique 2022, il est peut-être urgent de l'arrêter et de redonner aux agents de l'État les moyens de fonctionner, d'autant qu'ils ont été plus qu'essentiels lors de la crise de la covid-19.

J'ai noté une augmentation, hors titre 2, de l'action des services informatiques de 23 millions d'euros, mais je n'ai vu aucune ligne relative à l'achat de postes de télétravail. Or il serait peut-être urgent qu'ils puissent en bénéficier. Les retours de terrain montrent que beaucoup d'agents des différentes préfectures et sous-préfectures souhaiteraient que soit appliquée la dernière circulaire du Premier ministre les invitant à faire du télétravail deux à trois jours par semaine. Or pour ce faire, ils ont besoin d'un poste de télétravail, car on ne peut pas accéder au réseau sécurisé du ministère de l'Intérieur avec son ordinateur personnel. Comme la pandémie de covid-19 ne va visiblement pas s'arrêter au 31 décembre, il serait bon de prévoir une ligne budgétaire pour 2021.

Je m'interroge une fois de plus sur la véritable volonté politique du Gouvernement. On nous ressort à toutes les sauces les mêmes mots clés, rationalisation, amélioration de l'efficience, alors que l'objectif est en réalité d'avoir moins d'effectifs, moins d'agents de l'État. Contrairement à ce qui est avancé, cela ne se traduit pas par un renforcement des services au public. Tans mieux si la mise en place des secrétariats généraux communs nécessite moins d'agents pour faire le même travail, alors faisons-le. Mais alors, utilisons ces effectifs là où on en a besoin, dans les sous-préfectures, pour accueillir du public, pour accompagner nos concitoyens dans l'utilisation d'applications qui ne marchent pas si bien que cela, comme chacun s'en aperçoit assez régulièrement.

Je ne voterai pas ce budget, parce qu'au-delà des effectifs, le programme 354 n'augmente que de 40 millions d'euros entre 2020 et 2021. Avec les transferts entrants, vous prenez aux autres ministères 54 millions d'euros. En gros, on en perd 14. Si c'est encore pour faire des économies sur le dos des agents de l'État, y compris et surtout en 2021, ce sera sans La France insoumise.

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Marlène Schiappa, ministre

J'ai tenté de noter la totalité des questions qui ont été posées, et elles sont nombreuses. Très honnêtement, je ne pense pas pouvoir répondre à tous, et je vous prie de m'en excuser par avance. Bien évidemment, je suis à votre entière disposition dans la continuité de cette audition pour vous apporter des éléments complétaires. Je vous propose de regrouper les différents thèmes abordés.

Je comprends que la question de la date des élections, qui a été soulevée à plusieurs reprises, ait un intérêt singulièrement important dans le débat. Il n'appartient pas au Gouvernement, et encore moins à la ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, chargée de la Citoyenneté de décider seule d'une autre date pour ces élections, car celles-ci ne sont pas fixées unilatéralement par le Gouvernement. Les élections départementales et les élections régionales se tiendront bien aux dates auxquelles elles sont prévues, c'est-à-dire au mois de mars 2021. Si d'aventure il devait y avoir un report, il serait fondé sur des consultations, des groupes d'échanges comme cela a été évoqué précédemment. Surtout ce report nécessiterait de passer par la loi, auquel cas, vous, les parlementaires, seriez à la manœuvre. Au vu des informations dont je dispose, j'applique la loi très simplement, et la loi me dit que les élections régionales se tiendront au mois de mars 2021.

La pandémie de covid-19 a bien évidemment entraîné un surcoût lié au report du second tour des élections municipales initialement prévu le 22 mars. Il est évalué à environ 29,3 millions d'euros hors titre 2 (HT2) et 0,7 million d'euros pour le titre 2 (T2). Cela correspond au remboursement de 5 millions d'euros de dépenses de propagande qui étaient prévues pour le scrutin du 22 mars, au remboursement de 10 millions d'euros de dépenses de campagne aux listes présentes au second tour – il a fallu tenir compte de l'allongement de la durée de la campagne pour être équitable –, à la fourniture par l'État aux bureaux de vote d'équipements et de protections sanitaires – gels hydro-alcooliques, visières, masques, etc. – pour 6,5 millions d'euros, et au report des opérations de mise sous pli de la propagande pour 2,5 millions d'euros.

Pour les prochaines élections qui auront lieu pendant la période de pandémie, nous prévoyons la mise en ligne des propagandes. C'est ce qui a été fait précédemment et qui sera réitéré pour que chacun puisse avoir accès à l'ensemble des informations des candidats, et des documents de campagne dans le cadre du respect de la démocratie. En revanche, nous n'étudions pas la question du vote par correspondance puisque nous considérons que le vote intégralement par correspondance ne serait pas, en l'état actuel des choses, suffisamment sécurisé et que les risques de fraude sont trop importants.

Le répertoire électoral unique (REU), issu de la loi de 2016, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2019, a réformé les modalités d'inscription et de gestion des listes électorales. Il permet désormais à certains électeurs d'être inscrits automatiquement, de s'inscrire jusqu'à une date proche du scrutin, aux personnes qui le souhaitent de déposer leur demande d'inscription en ligne et de vérifier leur inscription sur un site dédié. Cette réforme assouplit également les conditions d'inscription sur les listes électorales.

Au-delà des simplifications qui sont apportées à l'usager, le REU vise à fiabiliser les listes électorales, avec par exemple la radiation automatique des personnes décédées avant les votes, des personnes privées de leur droit de vote par le juge et la garantie que chaque électeur dispose d'une inscription unique. J'appelle votre attention sur le fait que le rapport des inspections, publié la semaine dernière, considère que ce projet est une réussite. Nous pouvons nous féliciter collectivement de cette évolution.

Je répondrai aux questions qui ont été posées sur l'asile dans un instant, lors de l'examen de la mission « Immigration, asile, intégration ».

Je vous indique que l'on peut compléter la carte France Services, qui n'est pas gravée dans le marbre. Nous voulons en effet que l'État se déploie partout sur les territoires. Nous sommes donc à la disposition des parlementaires et des élus locaux pour échanger sur les besoins qui pourraient exister localement, et qui nous amèneraient à compléter cette carte. Il existe déjà 533 structures pour un objectif de 856, soit 1 800 agents au plus près de l'ensemble des Françaises et des Français et qui s'ajoutent aux projets numériques que nous poursuivons par ailleurs. Il ne s'agit nullement de passer au tout numérique : France Services c'est au contraire la République aux guichets, c'est être présent partout dans les territoires pour être à la disposition des citoyennes et des citoyens. Les enjeux de formation ont été évoqués, mais ils ne relèvent pas directement du ministère de l'Intérieur, puisqu'ils sont pris en charge par l'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT). C'est donc elle qui pourra vous répondre à cet égard.

S'agissant des sous-préfets à la relance et de la question du déploiement des effectifs et des emplois au ministère de l'Intérieur, la volonté du Président de la République, du Premier ministre et de Gérald Darmanin est de faire en sorte qu'il y ait le plus de personnes possible aux guichets dans les territoires. Vous connaissez cette fameuse phrase : quand on veut faire avancer un bateau plus vite, parfois il faut peut-être un peu moins de capitaines et un peu plus de rameurs. L'idée, c'est d'être au service de chacun. C'est le sens des sous-préfets à la relance, de France Services, et des mesures prises pour soutenir les préfectures, monsieur Bernalicis. La volonté du ministre de l'Intérieur est de mettre la priorité sur les territoires. Je rappelle que lors des deux précédents quinquennats la baisse des effectifs dans les préfectures a atteint 25 %. Nous avons quant à nous, au contraire, la volonté de valoriser le travail dans les préfectures et d'y maintenir les effectifs. C'est pour cela que Gérald Darmanin a souhaité que les efforts soient consentis au niveau des administrations centrales et qu'il n'y ait aucune suppression de postes dans les préfectures et les sous-préfectures.

J'en viens à l'organisation et au rôle de coordonnateur de l'État et du ministère de l'Intérieur, plus particulièrement en temps de crise. Le ministre de l'Intérieur formulera prochainement des propositions sur cette question, notamment dans le cadre du projet de loi relatif à la décentralisation, à la déconcentration et à la différenciation, dit « 3 D ». Nous souhaitons que les préfets soient de vrais délégués territoriaux dans un certain nombre d'agences et qu'il y ait une meilleure coordination entre l'ensemble des services qui aujourd'hui ne relèvent pas hiérarchiquement du ministère de l'Intérieur. Je pense aux agences régionales de santé, aux services fiscaux, à l'éducation. Bien évidemment, le fonctionnement et le système de chacun seraient préservés, mais il s'agirait d'améliorer leur coordination. Nous y travaillons, avec Gérald Darmanin et mes services, et des propositions seront faites sur cette question.

Le FIPDR sera bien remis à niveau. Je sais que le chiffre présenté dans le programme annuel de performance n'est pas celui de 69 millions d'euros que j'ai indiqué précédemment. Nous procéderons à un redéploiement interne puisque nous sanctuarisons le budget de ce fonds, essentiel pour toutes les raisons que j'ai rappelées et que j'avais déjà évoquées lors de la présentation de la stratégie de prévention de la délinquance. Vous me dites que des projets seraient arrêtés, je n'en ai pas connaissanc. Si vous avez des exemples, je suis à votre disposition pour tenter d'y répondre. Pour le moment, les projets se poursuivent et même s'amplifient.

Les missions que nous devons renforcer sont à la fois structurelles et conjoncturelles. Je pense à celles relatives à l'asile, notamment au regard des conséquences du Brexit. Il nous semble également fondamental de renforcer la mission sur les plateformes numériques des titres et cartes grises. S'agissant de la lutte antiterroriste, un certain nombre de missions s'imposent : c'est la priorité de l'action du ministère de l'Intérieur.

Je veux revenir sur le redéploiement des effectifs entre les administrations centrales et les préfectures régionales et départementales. Nous souhaitons un rééquilibrage en faveur des préfectures départementales et des sous-préfectures, soit de l'échelon le plus proche. Ce qui nous guide, c'est vraiment la proximité, l'effectivité, la personne qui va pouvoir être rapidement accessible pour les citoyens. On sait bien que le discours séparatiste, le discours islamiste prospèrent aussi sur le recul des services publics. C'est pourquoi la reconquête du service public est une mission fondamentale du ministère de l'Intérieur : il doit être au plus près des citoyennes et des citoyens partout, en métropole et en outre-mer. Il n'y a pas de suppressions d'effectifs au niveau territorial ; celles qui interviennent au niveau central sont dues principalement au non-remplacement de départs à la retraite. Il n'y a pas de suppressions de postes dissimulées, contrairement à ce qui a été sous-entendu précédemment. Le décompte d'ETP négatif est dû à des vacances entre deux postes. M. Bernalicis qui a exercé des fonctions importantes sur ce sujet le sait très certainement.

Je précise encore que 12 millions de postes de télétravail ont été achetés pour favoriser ce mode d'organisation, en particulier dans le contexte de pandémie que nous connaissons puisque le ministère de l'Intérieur respecte les règles sanitaires et s'adapte à cette crise. Mais ce chiffre n'apparaît pas dans le plan de relance parce qu'il ne va pas jusque à ce niveau de détails. On n'a pas non plus dressé la liste des achats d'agrafeuses ou de timbres.

J'en viens enfin à la question qui m'a été posée sur la Commission des comptes de campagne. Oui, nous avons anticipé son surcroît d'activité. En 2021, le plafond d'emplois est relevé de 58 à 63 ETPT, ce qui correspond à un engagement supplémentaire de plus 840 000 euros.

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Madame la ministre, je vous remercie pour ces réponses très complètes. Comme précédemment, je vous invite à quitter la salle, le temps nécessaire pour permettre à la commission d'étudier les amendements sur cette mission.

La Commission examine, pour avis, les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Article 33 et État B

La Commission est saisie de l'amendement II-CL18 de M. Hervé Saulignac.

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Je défendrai d'autant plus rapidement l'amendement que je l'avais présenté précédemment.

Si combattre la délinquance est évidemment nécessaire, la prévenir est une obligation impérieuse. Or la loi de finances pour 2018 avait diminué de près de 40 % le budget alloué au fonds interministériel de prévention de la délinquance, sans qu'aucun projet de loi ultérieur ne vienne corriger cette trajectoire. Le présent amendement vise donc à flécher 30 millions d'euros vers le programme 216, plus particulièrement l'action 10, afin de compenser ce manque de financement.

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Précisons d'abord que l'action 10, qui voit ses crédits diminuer de l'ordre de 5 % cette année, ne regroupe pas la totalité des financements relatifs aux politiques en matière de prévention de la délinquance.

Par ailleurs, la ministre a indiqué que le montant alloué n'était pas de 65 mais de 69 millions, afin qu'il n'y ait pas de baisse cette année.

J'émettrai donc un avis de sagesse.

La Commission rejette l'amendement.

Suivant l'avis du rapporteur pour avis, la Commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » sans modification.

La Commission examine pour avis, sur le rapport de Mme Élodie Jaquier-Laforge, la mission « Immigration, asile, intégration ».

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Nous en venons à l'examen pour avis des crédits de la mission « Immigration, asile, intégration », sur le rapport de Mme Élodie Jacquier-Laforge. Madame la ministre déléguée chargée de la citoyenneté est de nouveau parmi nous et je l'en remercie.

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Marlène Schiappa, ministre

Mesdames, messieurs les députés, j'ai l'honneur de vous présenter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », qui sont fortement mobilisés pour répondre à une politique migratoire que nous voulons à la fois maîtrisée et équilibrée.

Cet équilibre, vous le savez puisque vous y contribuez, repose à la fois sur l'humanité dans l'accueil et l'intégration, et sur la fermeté vis-à-vis de celles et ceux qui entrent irrégulièrement sur le territoire national, ou s'y maintiennent bien que déboutés de leur demande d'asile.

Notre pays est une terre d'asile, et c'est l'honneur de la France de protéger celles et ceux qui, partout dans le monde, sont persécutés et ont besoin de sa protection. La République française les protège, mais elle doit aussi être respectée dans ses décisions.

Parce que les questions d'immigration, d'asile et d'intégration constituent l'une des grandes priorités du ministère de l'intérieur, le projet de loi de finances pour 2021 autorise une augmentation des crédits de 36,8 millions d'euros, soit + 2 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2020. En complément, des crédits « Compétitivité » de la mission « Relance » viennent abonder les efforts budgétaires de la mission à hauteur de 26,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP).

Vous le voyez, nous réalisons un effort important, qui vise à nous donner les moyens d'agir plus et mieux, à travers les deux programmes de la mission, le programme 303 « Immigration et asile » et le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française ».

Le programme 303 illustre la volonté résolue du Gouvernement de mieux accueillir et de mieux lutter contre les réseaux et le phénomène d'immigration irrégulière.

Pour mieux accueillir, les principales dépenses en matière d'asile dans ce programme portent sur l'accueil et l'hébergement des demandeurs. Cela se traduit par une hausse significative du budget consacré à l'allocation pour demandeur d'asile (ADA), de 11,5 millions d'euros par rapport à la LFI de 2020, ce qui porte le budget à 459,4 millions d'euros. Ce budget est important et je voudrais, devant vous, souligner l'effort budgétaire que consent la Nation pour accueillir les demandeurs d'asile.

Bien que la demande d'asile ne puisse être chiffrée à l'avance, et que les projections soient difficiles, nous avons pris le parti, pour l'évaluer, de retenir les chiffres de 2019, année exceptionnellement haute en termes de demandes – vous le savez parce que vous avez travaillé dessus –, tout en anticipant une amélioration progressive des délais de traitement de la demande d'asile, qui, nous l'espérons, aura un effet mécanique à la baisse sur la dépense.

Les actions menées en matière d'hébergement, qui auront, elles aussi, un effet sur la dépense consacrée à l'ADA, portent d'abord sur la fluidité du parc d'hébergement. Il s'agit notamment de sortir des hébergements les déboutés qui s'y maintiennent indûment ; d'inciter au départ volontaire avec un accompagnement dédié – 1 500 places dans les dispositifs de préparation au retour (DPAR) seront créées – et d'introduire une gestion régionalisée des places, pour réduire la vacance frictionnelle.

À ces actions s'ajoutent des moyens financiers considérables. Le point fort du PLF pour 2021 est la création de 6 000 places supplémentaires : 4 000 places au titre de la présente mission et 2 000 dans le cadre de la mission « Relance ». Il s'agit pour la moitié de places en centres d'accueil de demandeurs d'asile (CADA) ; pour 1 500, de places en centres d'accueil et d'examen des situations administratives (CAES) ; et pour 1 500, de places dans les DPAR.

Pour le financement du parc et la consolidation des capacités des CADA, des CAES et des hébergements d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA), une dotation de 726,5 millions d'euros est prévue. S'y ajoutent 18,5 millions d'euros au titre de la mission « Relance » pour les 2 000 places créées grâce au plan de relance, que j'évoquais précédemment.

J'ai mentionné l'amélioration des délais de traitement de la demande d'asile. Il s'agit d'appliquer la loi du 10 septembre 2018 que vous avez votée : c'est une priorité de notre action en matière d'asile car elle permet d'accueillir dignement celles et ceux qui ont droit à la protection de la France ; et, a contrario, de répondre rapidement à celles et ceux qui n'ont pas vocation à rester sur notre territoire car il est inhumain de laisser sans réponse des personnes qui sont dans des situations difficiles, hors de leur pays. Elles ont le droit de savoir rapidement si, oui ou non, nous répondrons favorablement à leur demande.

Cette amélioration du délai de traitement de la demande d'asile à laquelle nous travaillons, notamment par l'octroi de 200 postes supplémentaires à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), aura une incidence sur le montant de l'ADA comme sur la fluidité de l'hébergement.

Cela passe par un effort en termes de moyens, notamment en direction de l'OFPRA. La subvention qui lui est accordée au titre du PLF pour 2021, de 92,8 millions d'euros, progresse de 1,3 % par rapport à 2020. Les 200 équivalents temps plein (ETP) accordés en 2020 sont pérennisés en 2021, pour poursuivre l'amélioration du travail, à la fois pour gagner en rapidité dans la réponse et améliorer les conditions d'accueil et de traitement des dossiers afin que les personnes qui se rendent à l'OFPRA soient traitées avec la plus grande humanité.

Nous voulons ensuite mieux lutter contre l'immigration irrégulière. L'investissement immobilier des centres de rétention administrative (CRA) témoigne de la volonté résolue du Gouvernement à pouvoir éloigner les personnes qui n'ont pas vocation à rester sur le territoire. Trop souvent, le manque de places en CRA fait obstacle à cet éloignement. Aussi, 29,4 millions d'euros seront consacrés au financement de la tranche 2021 du plan d'extension des CRA, notamment les opérations d'Olivet et de Bordeaux, ainsi que le nouveau CRA de Lyon, qui sera livré à la fin de l'année 2021. Six millions de CP sont prévus pour la création du CRA de Nice. À ces montants s'ajoute 1,4 million d'euros de CP au titre de la mission « Relance », pour la rénovation de CRA existants.

Par ailleurs, les préfets ont été invités à créer des locaux de rétention administrative (LRA) dans l'attente et en complément de la création de nouvelles places, pour ne pas rester sans solution.

Le budget de l'éloignement des étrangers en situation irrégulière illustre la volonté du Gouvernement de retrouver les niveaux d'éloignement comparables à ceux d'avant la crise sanitaire. Ce poste de dépenses couvre notamment les frais de billetterie centrale, le coût des aéronefs et des affrètements dédiés, à hauteur de 24,5 millions d'euros, un montant équivalent à celui budgétisé pour 2020.

Pour ce qui concerne le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », depuis plus de deux ans, à la demande du Président de la République, le Gouvernement a engagé une refonte de la politique d'intégration. L'État se donne aujourd'hui les moyens de mener une politique volontaire et ambitieuse, à travers toutes les mesures du comité interministériel à l'intégration du 5 juin 2018, ainsi que par ce budget dédié qui se maintient à un niveau élevé et progresse même de 2 millions d'euros par rapport à 2020.

Parmi les actions prioritaires, je tiens à citer celles qui concernent le renforcement du parcours d'intégration sur les questions relatives à la laïcité, aux valeurs de la République et à l'égalité entre les femmes et les hommes, sur la maîtrise de la langue française et sur la formation civique. Ce parcours permet une meilleure diffusion de ces valeurs et favorise la participation à la vie de la société et l'accès à l'emploi. Je veux également mentionner la prise en charge de certaines situations particulières, notamment chez les réfugiés. Je pense notamment aux femmes yézidies ou aux femmes qui ont été victimes de violences sexistes et sexuelles dans leur pays d'origine.

Ces actions importantes sont menées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ainsi que par des porteurs de projets et des opérateurs. S'agissant de l'OFII, ses crédits d'intervention prévus pour 2021 s'élèvent à 11 millions d'euros, un montant identique à celui inscrit en LFI de 2020.

Quant aux actions d'intégration des primo-arrivants, elles augmentent de 9 %. Ces crédits sont destinés à financer des actions dans les territoires, notamment l'accompagnement global vers l'emploi. Les crédits consacrés à l'accompagnement des réfugiés restent prioritairement mobilisés pour le financement des centres provisoires d'hébergement des réfugiés, à hauteur de 8 710 places. Ils sont complétés par des actions d'accompagnement spécifiques, qui progressent de 1,1 million d'euros. Une des meilleures illustrations de cet accompagnement est le programme Hébergement, orientation, parcours vers l'emploi (HOPE) mais, vous le savez, partout en France, d'autres initiatives sont soutenues ou méritent de l'être.

Le ministère de l'intérieur accompagne aussi la rénovation et la modernisation des foyers de travailleurs migrants. Depuis 1997, ce travail est réalisé dans le cadre d'un plan pluriannuel. Il concerne 690 foyers pour 100 000 travailleurs et travailleuses immigrés en France. En 2021, ce budget est maintenu à hauteur de 8,14 millions d'euros pour que nous puissions poursuivre le projet de rénovation et de modernisation, parfois urgent.

Pour conclure, je veux réaffirmer la volonté qui est la nôtre, avec le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, d'être juste dans notre action en faveur de celles et ceux qui rejoignent notre pays. J'ai détaillé récemment certaines mesures : l'accélération de la naturalisation des travailleurs qui étaient en première ligne pendant la période de confinement, la solennisation des cérémonies de naturalisation dans le sillage du discours du Président de la République au Panthéon, ainsi que d'autres mesures importantes d'intégration et d'accompagnement des étrangers.

Nous voulons être justes dans l'action que nous menons en faveur de celles et ceux qui rejoignent la République française, et faire en sorte qu'elle soit comprise et soutenue par le plus grand nombre. C'est aussi ce que nous nous évertuerons à faire. Je reste donc à votre disposition.

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Madame la ministre, chers collègues, pour la quatrième année consécutive, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » augmentent. Ils s'élèveront à 1,84 milliard d'euros en CP en 2021 contre 1 milliard d'euros il y a seulement quatre ans.

Le plan du Gouvernement – garantir le droit d'asile, mieux maîtriser les flux migratoires –, qui a été présenté en 2017, et l'adoption en 2018 de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie ont fondé l'ambition d'une politique migratoire équilibrée et maîtrisée pour notre pays. Ce budget s'inscrit pleinement dans cette perspective, en maintenant l'effort engagé depuis le début de la législature.

Le programme 303 « Immigration et asile », tout d'abord, comprend l'essentiel des crédits de la mission. Il finance notamment la politique de l'asile, ainsi que la lutte contre l'immigration irrégulière.

En ce qui concerne la garantie de l'exercice du droit d'asile, la baisse des autorisations d'engagement a des justifications techniques : elle s'explique par l'arrivée en fin de cycle pluriannuel du financement des places d'hébergement d'urgence. Néanmoins, l'augmentation des crédits de paiement dédiés à l'hébergement permettra de poursuivre la réorganisation et l'augmentation du dispositif national d'accueil. Mme la ministre l'a rappelé, le parc d'hébergement sera ainsi porté à 103 000 places, soit 6 000 places supplémentaires, dont 2 000 seront financées par le plan de relance.

Les crédits de l'ADA sont aussi en hausse, de l'ordre de 2,6 %. Cette dotation pour 2021 est bâtie, comme Mme la ministre l'a indiqué, sur une stabilisation de la demande d'asile par rapport à 2019, l'année 2020, si particulière, ne pouvant servir de référence.

Les crédits relatifs à la lutte contre l'immigration irrégulière sont en forte hausse – près de 16 % en autorisations d'engagement (AE) et 4 % en CP. Ils permettront de financer l'augmentation des capacités d'accueil des CRA. Sur la période 2018-2020, le nombre total de places en CRA augmente de 480, soit de plus de 35 %.

Enfin, les crédits consacrés à l'intégration, y compris dans le programme 107, augmentent pour assurer le financement des décisions prises lors du Comité interministériel à l'intégration du 5 juin 2018. Il s'agit d'actions d'accompagnement des étrangers en situation régulière, notamment des réfugiés. Ces crédits s'inscrivent dans la forte dynamique insufflée sur la question de l'intégration.

L'action relative à l'accompagnement des étrangers en situation régulière bénéficie de la plus forte hausse, soit 9 %. Ces crédits devraient permettre de renforcer les outils mis à disposition des territoires pour mettre en œuvre l'accompagnement vers l'emploi.

J'en viens à présent au thème que j'ai choisi de développer cette année, celui de la santé des personnes retenues. Si le contexte épidémique a eu une incidence certaine sur ce sujet, je dirai surtout qu'il a eu un effet loupe, en aggravant les difficultés récurrentes qui font obstacle à une prise en charge sanitaire pleinement satisfaisante des personnes retenues au sein des centres de rétention.

D'un point de vue strictement budgétaire, l'évolution des crédits de cette ligne est à la hausse. En effet, la politique du Gouvernement en matière d'éloignement s'est accompagnée d'un renforcement des crédits consacrés à la prise en charge sanitaire dans les CRA, qui atteignent 10,6 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances.

L'enjeu de la prise en charge sanitaire des personnes retenues ne saurait cependant être analysé sous le seul prisme budgétaire, surtout lorsqu'il est question de santé.

Qu'il s'agisse d'alertes émises par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, le Défenseur des droits ou les associations intervenant dans les centres de rétention, les griefs formulés envers les modalités de prise en charge des personnes malades en rétention sont nombreux et récurrents. Ils concernent notamment les conditions d'accès au local sanitaire, le défaut fréquent d'interprétariat ou la rupture dans la continuité des soins.

Au cours de mes travaux, j'ai découvert que l'organisation des unités médicales des CRA (UMCRA) était fondée sur une circulaire de 1999, qui n'est plus du tout adaptée à la situation actuelle en rétention. En effet, 15 000 personnes étaient retenues en 1999, contre plus de 50 000 en 2019.

On observe ainsi une forte disparité financière entre les CRA, qui peut aller du simple au quadruple, et une prise en charge sanitaire des personnes retenues qui n'est pas suffisamment harmonisée, notamment en matière de présence des personnels de santé. Un groupe de travail sur la question existe depuis plus de dix ans. Quant à la circulaire de 1999, finalement abrogée en 2017, elle sert toujours de référence aux centres de rétention puisque le texte appelé à lui succéder n'a toujours pas été publié. Madame la ministre, pouvez-vous nous assurer que ce texte sera publié dans les meilleurs délais et permettra une prise en charge renforcée et harmonisée de la santé des personnes retenues ?

Comme je l'explique dans mon avis, en l'absence d'études épidémiologiques menées dans les centres de rétention, le seul indicateur permettant d'identifier les principales pathologies qui y sont rencontrées relève des demandes de protection contre l'éloignement pour raison médicale, formulées par les personnes retenues. En 2019, l'OFII a été saisi de 973 demandes, fondées pour 22 % sur des troubles mentaux et du comportement, ainsi que sur des maladies infectieuses et parasitaires, pour 19,3 %.

Au-delà de la nécessaire mise en place d'indicateurs de suivi sanitaire, je souhaite vous alerter sur l'état de santé mentale des personnes retenues, qui est devenu un vif sujet de préoccupation dans le double contexte de l'allongement de la durée de la rétention et de l'augmentation du taux moyen d'occupation des centres. Les tensions, les automutilations et les violences sont de plus en plus pesantes dans les CRA. Elles sont préjudiciables aux personnes retenues comme aux prestataires présents sur place et aux fonctionnaires de police, dont le travail, effectué parfois dans des conditions difficiles, mérite d'être salué.

Depuis 2020, des psychologues sont déployés en rétention, mais ce déploiement reste modeste et non uniforme. Surtout, il ne permet pas une prise en charge médicale, donc psychiatrique, des personnes dont les troubles mentaux sont parfois très importants. Je souhaite donc que des conventions puissent être signées entre les UMCRA et les établissements de santé mentale afin que soient organisés, dans les centres de rétention, le suivi et la prise en charge psychiatrique des personnes retenues qui en ont besoin.

En ce qui concerne la détection des infections, une meilleure prise en charge pourrait être assurée par une systématisation de la visite médicale à laquelle toute personne retenue a droit.

Dans mon rapport, je montre également qu'une attention particulière doit être prêtée à des situations spécifiques, notamment celles des personnes vulnérables, des personnes dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale et des personnes sortant de prison.

J'en viens à la question particulière de la covid-19. Vous le savez, pendant le confinement, dix des vingt et un centres de rétention ont poursuivi leur activité, sous couvert de la mise en place d'un protocole sanitaire strict, avec l'autorisation du Conseil d'État, qui a été saisi deux fois en référé de cette question. Depuis le déconfinement, l'ensemble des centres ont repris leur activité, mais à un rythme beaucoup moins soutenu que l'année dernière. Ainsi, depuis le 17 mars, 3 702 retenus ont été placés en CRA, contre 12 110 sur la même période en 2019. Depuis le début de la crise épidémique, 22 personnes retenues ont été testées positives à la covid-19.

Mon attention a été appelée sur deux points de vigilance, dont je souhaite vous faire part, madame la ministre. Tout d'abord, dans un CRA, la distribution de masques aurait été refusée à des retenus et, dans un autre, des fonctionnaires de police auraient refusé de porter un masque en présence des retenus, notamment en voiture lors d'escortes. Ensuite, l'obligation de présenter un test virologique négatif de dépistage de la covid-19, imposée par un certain nombre de pays de retour, serait utilisée par des personnes qui, pour empêcher l'exécution de leur mesure d'éloignement, refuseraient de se soumettre à un test PCR. Si l'acte de prélèvement constitue incontestablement un geste qui ne saurait être exécuté de force, sa nécessaire réalisation relève pourtant de l'obligation, pour l'étranger, de se soumettre à l'exécution de sa mesure d'éloignement. Disposez-vous, madame la ministre, d'informations complémentaires sur ces deux points ?

Pour conclure, je voudrais citer les mots d'un de mes illustres prédécesseurs, puisqu'il était député de l'Isère et rapporteur pour avis de cette commission. Je veux parler de Louis Mermaz qui, il y a vingt ans, présentait les centres de rétention comme des lieux « aux frontières de l'humanité ». Le constat que je viens de dresser n'est donc pas récent. Mais il n'en est que plus urgent, notamment en raison de la crise épidémique, qui a aggravé la situation sanitaire dans les centres de rétention. À cet égard, nous sommes nombreux à avoir regretté que la fonction de Contrôleur général des lieux de privation de liberté soit restée vacante tout au long de cette période. Nous ne pouvons donc que nous féliciter de la nomination, la semaine dernière, de Mme Dominique Simonnot, qui, lors de son audition par notre commission, a d'ailleurs pris l'engagement, symbolique mais révélateur, de consacrer l'une de ses premières visites à un centre de rétention. J'invite d'ailleurs chacune et chacun d'entre vous à vous rendre également dans un CRA afin de vous forger votre propre opinion.

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Je rappelle que la commission des Lois avait organisé une visite conjointe des CRA, à laquelle nombre d'entre nous ont participé. Pour ma part, je m'étais rendue, avec Stéphane Peu, au centre de rétention du Mesnil-Amelot. Cette opération a du reste été très fructueuse ; elle nous a permis notamment d'obtenir du ministre qu'il s'engage, en séance publique, à rénover un certain nombre de ces centres.

J'en viens à ma question, madame la ministre. Lors de l'examen du projet de loi « asile, immigration et intégration », nous avions évoqué la question des files d'attente que formaient devant les préfectures les personnes en attente d'un titre de séjour, lesquelles devaient parfois patienter des nuits entières avant d'obtenir un rendez-vous. Nous avons tenté de remédier à cette situation en privilégiant la prise de rendez-vous par voie électronique. Or, d'après les remontées du terrain, ce dispositif ne fonctionne pas de manière satisfaisante dans certaines préfectures. Les intéressés tentent de se connecter à minuit ou une heure du matin, en vain : tout est déjà complet, si bien qu'une sorte de marché noir s'est développée, certains revendant les rendez-vous qu'ils ont pris en ligne. Je sais qu'à Créteil, notamment, il est absolument impossible d'obtenir un rendez-vous, de sorte que certaines personnes en situation régulière se retrouvent dans l'incapacité de renouveler leur titre de séjour dans les délais impartis. Je souhaiterais donc que vous nous indiquiez quelles sont les actions que mène votre ministère dans ce domaine.

Nous allons entendre à présent les représentants des groupes.

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Je veux, en préambule, rendre hommage à mon tour au professeur Samuel Paty. Je fais miens les mots prononcés par Naïma Moutchou ; nous sommes en effet nombreux, ici, à avoir bénéficié de l'enseignement de l'école républicaine.

90 % des mineurs non accompagnés (MNA), en tout cas – les chiffres ne sont pas définitifs – la très grande majorité d'entre eux, ne sont pas des délinquants. Mais les actes de délinquance que commettent les autres se concentrent essentiellement dans certaines métropoles, dont Paris et la petite couronne, Bordeaux, Lyon, Montpelier, Rennes… Il s'agit de vols, avec ou sans violence, et il est très difficile d'en appréhender les auteurs ou d'éviter les récidives.

Ce phénomène soulevant de nombreux problèmes, la commission des Lois a décidé d'y consacrer une mission d'information dont je suis, avec M. Savignat, le corapporteur. Parmi ces problèmes, on peut citer l'évaluation de la minorité ainsi que les moyens de mise à l'abri et le développement de dispositifs évitant la judiciarisation, tels que la formation et la prise en charge professionnelle, sachant que ces enfants – j'insiste sur ce mot – adhèrent difficilement à de tels programmes.

Parmi ces 2 000 à 3 000 délinquants – leur nombre est approximatif –, qui viennent en majorité du Maghreb, notamment du Maroc, on compte un grand nombre de polytoxicomanes et de multirécidivistes. Or, face à ces délinquants, mineurs avérés – là encore, j'insiste sur ces termes –, on observe une certaine impuissance des forces de l'ordre et de l'institution judiciaire.

Comme il s'agit d'enfants, dans le cas où la minorité est démontrée, la France leur doit sa protection. Il est a priori impossible ou, tout au moins, très difficile de les éloigner vers leur pays d'origine, quand celui-ci est connu de façon objective. Une des voies d'amélioration possibles consisterait à établir des relations bilatérales avec les pays concernés, notamment le Maroc et l'Algérie, de façon à constituer ce qu'on pourrait appeler un continuum de protection de l'enfance qui permette de faciliter l'éloignement de ces enfants délinquants dans des conditions satisfaisantes.

Madame la ministre, pouvez-vous faire le point sur cette question, en particulier sur l'état des discussions bilatérales entre la France et les pays concernés ?

Par ailleurs – et cette question est très importante politiquement –, une évaluation financière de la prise en charge des mineurs non accompagnés serait la bienvenue, compte tenu du caractère approximatif des informations qui circulent en la matière.

En conclusion, le groupe La République en Marche est bien entendu favorable à l'adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

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Autant j'ai salué, tout à l'heure, les orientations de la mission « Sécurités », autant je dois dire que celles de la mission « Immigration, asile et intégration » me laissent très dubitatif. En effet, votre action s'appuie sur la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie ; or, force est de le constater que l'immigration n'est pas du tout maîtrisée, que la politique du droit d'asile n'est pas satisfaisante et que l'intégration n'est pas totalement réussie. Pourtant, vous persévérez en poursuivant dans la même direction, celle qui a conduit à l'échec.

Ainsi, plus de 90 % des crédits de la mission sont alloués à l'action relative au droit d'asile. Et le nombre des demandeurs d'asile augmente chaque jour sans que l'on sache où l'on s'arrêtera ; on observe même que certains d'entre eux proviennent de pays sûrs. Il y a donc probablement une difficulté à appréhender ce que doit être le droit d'asile. Disant cela, j'entends déjà des cris s'élever ici ou là. Mais, nous l'avons démontré à maintes reprises, nous sommes tous, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, plein d'humanité. Cependant, à l'impossible, nul n'est tenu ! C'est pourquoi nous souhaiterions, quant à nous, une évaluation financière du droit d'asile. En effet, 4 000 nouvelles places d'hébergement seront créées, dont 3 000 dans les CADA : manifestement, on continue, et on ne sait pas où cela s'arrêtera. Peut-être faudra-t-il qu'un jour, la représentation nationale soit éclairée sur cette question.

Le groupe Les Républicains constate que le vote de la loi du 10 septembre 2018 n'a pas changé grand-chose. Le flux migratoire a augmenté en France et les délais de traitement des demandes d'asile se sont allongés, alors qu'on nous avait présenté ce texte comme le meilleur moyen de réduire les délais et de renvoyer ceux dont la demande était rejetée. Actuellement, seulement 12 % des déboutés, nous dit-on, peuvent être reconduits à la frontière. Vous devriez, madame la ministre, prendre en compte dans votre calcul les éloignements réalisés depuis le département de Mayotte : ils sont aussi nombreux que ceux que vous effectuez au plan national. Vous multiplieriez ainsi vos chiffres par deux ! En tout état de cause, il est certain que, sur le territoire métropolitain, nous sommes encore loin de l'amélioration tant souhaitée.

Pourtant, les propositions que nous avions faites lors de l'examen du projet de loi, en 2018, d'abroger la « circulaire Valls » et de rendre définitive la décision de rejet rendue par l'OFPRA ou la CNDA en l'accompagnant d'une obligation de quitter le territoire auraient permis de lutter efficacement contre l'immigration irrégulière. Hélas, nous n'avons pas été entendus.

Je dirai un mot de la situation migratoire à Mayotte. Personne ne peut l'ignorer : elle est démentielle ! Aucun député ne supporterait que plus de 54 % de la population présente sur son territoire soient d'origine immigrée ; mais, quand il s'agit de Mayotte, on l'accepte. Lorsqu'on évoque ce département, vous nous regardez avec des yeux ébahis, la main sur le cœur… Nous souhaitons une action plus vigoureuse.

M. Eliaou a évoqué la situation des MNA : ils seraient entre 2 000 et 3 000, nous a-t-il dit. À Mayotte, ils sont entre 10 000 et 15 000… Oui, nous avons besoin d'une évaluation en la matière : au moins saurait-on combien coûte leur prise en charge et ne pointerait-on pas toujours du doigt les collectivités mahoraises, notamment le conseil départemental, en leur reprochant de ne rien faire pour ces mineurs. Encore une fois, à l'impossible, nul n'est tenu ! Si l'on retenait comme référence le montant moyen des crédits affectés aux collectivités locales de métropole pour faire face à cette obligation, il faudrait allouer quelque chose comme 1,5 milliard d'euros à Mayotte ! Où va-t-on ? Je m'associe donc à la demande de M. Eliaou : il faut savoir combien cela coûte, et l'on verra que si l'on poursuit dans cette direction, on ne parviendra jamais à maîtriser nos budgets.

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Vous le savez, monsieur Kamardine, nous sommes plusieurs, au sein de la commission des Lois, à nous être rendus à Mayotte. Nous ne négligeons donc pas du tout la situation de ce département. Je prends note de la nécessité d'évaluer la loi « asile, immigration et intégration » ; cette évaluation pourra se faire en temps utile.

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L'examen des crédits de la mission « Immigration asile et intégration » est l'occasion, pour le groupe MoDem, de réaffirmer l'impérieuse nécessité de mieux contrôler l'intégration des personnes que nous accueillons sur notre territoire et de continuer ainsi à travailler à une politique d'intégration toujours plus efficace.

Je souscris pleinement aux remarques de notre rapporteure pour avis sur l'inquiétante situation sanitaire des CRA et les nombreux dysfonctionnements constatés dans la prise en charge des personnes placées en rétention, et je la remercie d'avoir insisté sur ce point en cette période de crise sanitaire. Je la rejoins également sur la nécessité de remplacer au plus vite la circulaire du 7 décembre 1999 relative au dispositif sanitaire mis en place dans les CRA, laquelle, faute de nouveau texte et en dépit de son abrogation, reste la norme de référence.

J'en viens à la question qui intéresse plus particulièrement mon groupe, celle des places d'hébergement. Si je me félicite de la création de près de 4 000 places supplémentaires, je regrette que seulement 1 000 d'entre elles soient destinées aux CAES qui débordent, notamment en région parisienne, et qui ont grandement besoin de nouveaux moyens.

Quant à l'OFII, sa situation est désormais bien connue : le turnover des personnels y est très important car ils ont beaucoup de missions à gérer. Je m'étonne donc quelque peu qu'il n'y ait – pour vous citer, madame la rapporteure pour avis – « aucune revalorisation du plafond d'emplois cette année ». Certes, la loi de transformation de la fonction publique doit permettre le recrutement de personnels en contrat à durée indéterminée, mais cela fait plusieurs années que le problème persiste et je doute que cette loi suffise à y remédier entièrement. C'est d'autant plus dommageable que je n'observe pas la même dynamique à l'OFPRA, qui voit sa subvention augmenter de 1,3 %. L'OFII apparaît ainsi un peu comme le parent pauvre de notre politique d'immigration et d'intégration.

S'agissant de l'intégration, précisément, notre rapporteure pour avis indique que le volume horaire de la formation civique dispensée aux étrangers primo-arrivants double pour passer de douze à vingt-quatre heures. C'est bien, mais nous devons et nous pouvons aller plus loin.

Enfin, nos collègues Jean-Noël Barrot et Stella Dupont ont récemment remis un rapport comportant un certain nombre de préconisations concernant l'accès à l'emploi des demandeurs d'asile. J'en citerai trois : la réduction des délais d'instruction favorisant les autorisations de travail, la possibilité de percevoir l'allocation de retour à l'emploi et un accès anticipé aux formations linguistiques et au logement. Quelles suites pourraient être données à ces propositions ?

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L'actualité tragique que nous connaissons souligne plus que jamais l'importance de l'action à mener dans les domaines de l'immigration et de la demande d'asile. Comme nombre de collègues, et en bon produit de l'école républicaine, je m'associe à l'hommage rendu au professeur Samuel Paty, qui a payé de sa vie son investissement en faveur des valeurs républicaines.

On nous dit que le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » est en hausse, mais si l'on regarde attentivement, on voit que si les CP augmentent de 2 %, les AE sont quant à elles en très forte baisse. N'y a-t-il pas un décalage entre la politique que vous souhaitez mener et les moyens que vous y consacrez ?

Les dispositifs d'hébergement sont engorgés, voire saturés, et les durées de traitement des demandes d'asile sont, cette année encore, bien trop longues. Cela fait plusieurs années que nous répétons qu'il faut les réduire. Depuis la loi de 2018, le temps passé en CRA a augmenté significativement. Les gens sont enfermés de plus en plus longtemps : il conviendrait d'engager des actions pour les occuper ou les former. Il n'est donc pas surprenant que l'on y observe de plus en plus de troubles psychiatriques ou dépressifs. Or j'ai l'impression que les moyens budgétaires ne sont pas en rapport avec l'allongement de la durée de rétention. Bien évidemment, cette année, la crise sanitaire change quelque peu la donne et la pression s'est allégée. Néanmoins, je crains que, si les choses se rétablissent, nous soyons en 2021 loin de pouvoir répondre aux besoins. En outre, si les gens restent si longtemps dans les CRA, c'est en grande partie à cause des dysfonctionnements de la procédure Dublin. Si tout le monde a fini par prendre conscience des limites du règlement de Dublin, il commence à devenir urgent de faire bouger les choses. Comment le Gouvernement compte-t-il agir ?

En ce qui concerne les crédits consacrés à l'intégration, beaucoup d'actions extrêmement intéressantes sont menées, mais je me demande là encore si l'on est à la hauteur des besoins. Par exemple, on entend souvent dire – et plus encore en ce moment – qu'il importerait de mieux faire connaître les valeurs de la République aux personnes qui arrivent en France. Mais pour ce faire, il conviendrait d'augmenter très significativement les crédits en ce sens. Le dispositif de l'école ouverte aux parents me paraît particulièrement important et adapté à la situation actuelle car il permet aux parents de comprendre ce qui se passe à l'intérieur de l'école et d'engager un dialogue avec les enseignants ; ne serait-il pas bon de le renforcer, par exemple dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ? Le développement du service civique ne pourrait-il pas, dans le même ordre d'idées, contribuer à nourrir le dialogue avec les réfugiés ?

Pour terminer, je voudrais saluer le rapport de notre rapporteure pour avis sur la situation sanitaire dans les CRA, car c'est un sujet sensible sur lequel nous manquons d'informations.

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Sans grande surprise, le budget de la mission est en hausse et conforme à la trajectoire enclenchée par les précédents. Soulignons néanmoins que l'effort est surtout porté sur la lutte contre l'immigration irrégulière – ce qui, concrètement, correspond essentiellement aux moyens dédiés aux CRA –, alors que la hausse des crédits consacrés à l'accueil ne correspond en réalité, dans bien des cas, qu'à un rattrapage des années précédentes. Et s'il est toujours appréciable d'avoir un plus grand nombre de places d'accueil en CADA, on est encore très loin de répondre aux besoins, vu le nombre de personnes en attente d'un hébergement.

Dans le même temps, les actes politiques accomplis par le Gouvernement ne laissent pas présager d'une approche particulièrement humaine de la gestion des personnes qui se trouvent sur notre territoire. Je pense en particulier à la situation à Calais, ce jour étant aussi la date anniversaire de l'arrêté interdisant la distribution dans les rues du centre-ville de repas aux personnes qui ont faim, arrêté qui a été renouvelé aujourd'hui pour plusieurs semaines, avec un périmètre un peu étendu, ce qui était d'ailleurs prévisible.

M'étant rendu sur place avec trois collègues parlementaires, j'ai pu constater, aux côtés d'une association d'aide aux personnes dans le besoin, que l'interdiction était effectivement appliquée. On prétend que c'est pour éviter des troubles à l'ordre public, mais je ne sais pas quel est le trouble le plus important : errer dans la rue parce qu'on a faim, au risque de commettre des vols ou autres infractions de ce genre, ou donner de la nourriture à des gens qui ont faim ? On nous a dressé un procès-verbal – j'attends avec impatience l'avis de contravention, que je n'ai pas encore reçu, mais je ne doute pas qu'en la matière, les services de l'État sauront se montrer diligents. De plus, si tant de gens se trouvent dispersés dans le centre-ville de Calais, c'est en raison du démantèlement, pendant l'été, des points de fixation où l'on pouvait accéder à des points d'eau et à des sanitaires. Ils avaient été installés à la suite de l'action de la préfecture et sur demande du Conseil d'État. La France est en effet signataire d'un certain nombre de traités internationaux et de conventions internationales qui l'obligent à un minimum d'humanité envers les personnes qui sont en détresse. Après avoir dispersé ces gens, l'on s'étonne après de les retrouver un peu partout dans la ville et que ce soit plus compliqué de leur distribuer des repas !

C'est à cette situation que se sont adaptées les associations : elles ne donnent pas à manger dans la nature ; non, elles vont là où se trouvent ces exilés qui sont dans le besoin et qui, pour la plupart, ne sont de surcroît pas expulsables. En effet, quand on souhaite les expulser, ils se retrouvent au CRA à attendre l'audience du juge des libertés et de la détention qui finit par constater qu'ils ne sont pas expulsables, puis ils sont remis dehors. La voilà, la politique migratoire de la France, sa politique d'accueil ! C'est le chaos, un échec total pour tout le monde, à commencer pour les personnes concernées. J'ai vu de mes propres yeux, il y a trois mois, cette chose invraisemblable : les services de l'État viennent déloger le matin les personnes qui vivent sous des tentes près des points de fixation, celles-ci qui s'en vont, puis se réinstallent dans l'après-midi – et cela recommence tous les deux ou trois jours ! Tout cela parce qu'il faut faire respecter le droit de propriété, mais qu'en même temps, on ne veut pas déplacer sans cesse les douches et les points d'eau ! Le résultat ? C'est encore plus de pagaille. Et il y a la communication politique qui va avec et qui souligne que donner à manger à quelqu'un qui a faim constitue désormais une infraction.

Est-ce cela l'humanité ? Est-ce pour cela que nous votons des crédits ? Est-ce à cela que doivent servir les policiers dans notre pays ? Je ne le crois pas. Nous aurions toutes et tous mieux à faire. La principale conséquence de l'augmentation de la durée de rétention, c'est que des gens qui restaient en CRA auparavant pendant trente jours avant qu'on ne les laisse repartir faute de solution y restent soixante jours de plus, pour le même résultat. Ce que nous avions annoncé est arrivé. Ce n'est pas satisfaisant politiquement et c'est pourquoi le groupe France insoumise ne votera pas des crédits qui vont dans ce sens.

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Je reprends à mon compte tout ce qu'a dit la rapporteure pour avis sur les CRA, ainsi que les propos de Jean-François Eliaou sur les mineurs isolés. C'est un angle mort des politiques publiques, avec les conséquences que notre collègue a décrites et qui sont très inégales d'un endroit à l'autre du territoire national – les métropoles, notamment la région parisienne, et en particulier la Seine-Saint-Denis, étant particulièrement concernées.

Je centrerai mon propos sur la question de l'hébergement. Certes, il y a eu des avancées, avec notamment des places supplémentaires en CADA, mais je voudrais illustrer la situation actuelle par un exemple que je connais bien.

Cela fait maintenant plusieurs années qu'il y a un grand campement de réfugiés et de demandeurs d'asile aux portes de Paris : il s'est installé d'abord à la porte de la Chapelle, puis, après des évacuations successives, à la porte d'Aubervilliers, à la porte de la Villette et, aujourd'hui, à Saint-Denis, au pied du Stade de France. On trouve là un peu plus de 1 000 personnes qui vivent sous des tentes, dans des conditions parfaitement abjectes. Il s'agit, comme vous l'imaginez, d'un cluster de covid-19, les gens étant entassés dans de petites tentes sans précaution sanitaire, mais c'est aussi, disons-le, un cluster de délinquance, puisque ces personnes étant obligés de vivre d'expédients, elles sont la proie de tous ceux qui veulent leur faire faire les pires choses : vols, vente de cigarettes de contrebande, trafic de drogue… Au-delà de ces conditions de vie totalement inhumaines, c'est une source d'incompréhension pour les riverains – toujours les mêmes, d'ailleurs, à savoir les habitants des quartiers nord de Paris et du 93 –, qui, depuis des années, sont bien obligés de constater l'impuissance de l'État.

Comment peut-on parler, avec des trémolos dans la voix, de la République et de l'autorité de l'État, alors qu'on ne sait pas faire autre chose qu'expulser des gens au bout de plusieurs mois d'occupation, tout ça pour que dans les jours, voire les semaines qui suivent, ils se réinstallent ? On a l'impression que, contrairement à d'autres pays européens qui ont eu affaire à des problèmes similaires dans des proportions parfois bien plus importantes, nous sommes incapables de mettre ces personnes à l'abri, ne serait-ce que le temps d'instruire leur demande – si la réponse est positive, elles resteront, si elle est négative, elles devront repartir. C'est dangereux pour elles, c'est indigne de la France et cela affaiblit l'autorité de l'État. Personne ne peut comprendre que, dans un pays comme le nôtre, on ne soit pas capable de résorber un campement sauvage d'un millier de personnes qui ne cesse de se déplacer depuis plusieurs années !

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Marlène Schiappa, ministre

Pour évaluer les crédits de la demande d'asile, nous nous sommes fondés sur le volume de demandes enregistrées dans le courant de l'année 2019.

Les délais d'attente pour un rendez-vous ne seront jamais assez courts et la situation actuelle n'est pas encore satisfaisante, mais on enregistre néanmoins une amélioration consécutive à l'action menée par les services de l'État suite à l'adoption des dernières lois. Pour obtenir un rendez-vous en guichet unique pour demandeurs d'asile (GUDA), le délai moyen d'attente était de dix-huit jours en 2017, de huit en 2018 et de six en 2019 ; pour le début de l'année 2020, on en est à cinq jours. Si l'on développe les prises de rendez-vous par téléphone et les notifications par texto, c'est précisément pour éviter les très longues files d'attente et tout ce qui va avec : l'obligation d'arriver très tôt pour obtenir une place, les négociations, le marché noir etc. Nous sommes parfaitement conscients des effets collatéraux de ces délais d'attente et c'est pourquoi nous faisons tout notre possible pour les réduire. Pour ce qui concerne la situation à Créteil, je vais me renseigner et vous transmettrai ultérieurement la réponse, madame la présidente.

Les aspects psychologiques de la rétention sont en effet très importants, surtout dans le contexte actuel qui a déjà des répercussions fortes sur le mental de l'ensemble des Françaises et des Français – on peut imaginer ce que cela peut être s'agissant des situations que nous évoquons. Le budget consacré à l'accompagnement psychologique des personnes retenues s'élève à 200 000 euros ; ils doivent servir à la fois à prévenir et à prendre en charge les situations du type de celles qui ont été évoquées.

Nous suivons avec une grande vigilance l'évolution de la situation épidémique dans les CRA. Au 14 septembre, on y avait décompté vingt-deux cas positifs, soit 0,6 % de la population. Toutes ces personnes ont été orientées, conformément à la procédure, vers l'agence régionale de santé (ARS) pour être prises en charge. De manière préventive, le taux d'occupation a été réduit pour limiter les contacts et éviter une contamination de masse dans le cadre d'un cluster.

La question des MNA est particulièrement complexe, et on ne peut la traiter de manière manichéenne. Leur prise en charge est une préoccupation très importante tant pour l'État que pour les départements, du fait d'une augmentation significative du flux. Selon les chiffres transmis par l'Association des départements de France (ADF), environ 60 000 personnes ont fait l'objet d'une évaluation en 2018 ; en 2019, 16 760 ont été évaluées mineures, soit un fléchissement de 1,54 % par rapport à l'année précédente. C'est une question qui comporte de multiples dimensions.

L'action du Gouvernement est guidée par une double exigence. D'abord, nous devons considérer les MNA sur notre territoire comme des enfants qui ont besoin de notre protection et qui doivent être pris en charge – c'est absolument essentiel. En même temps, il nous faut regarder la réalité en face : la hausse du phénomène ces dernières années s'explique aussi par un nombre important de personnes majeures qui se font passer pour des mineurs et qui, ce faisant, prennent la place de ces derniers. Un accord a été trouvé à ce sujet entre l'ADF et le Gouvernement. Outre un effort important de démantèlement des filières, nous nous sommes engagés à fournir une contribution de l'État à l'évaluation des personnes qui se déclarent mineures, notamment par l'intermédiaire d'un fichier national exploité par les agents des préfectures. Cela permettra de lutter contre la pratique qui consiste, pour les faux mineurs, à passer d'un département à l'autre pour procéder à de nouvelles évaluations et multiplier les chances de succès, ce qui contribue à engorger les dispositifs d'accueil. Ce fichier d'appui à l'évaluation de la minorité (AEM) a été mis en place le 7 février 2019 dans soixante-treize départements et dans la métropole de Lyon. Je rappelle à ce sujet que le Conseil constitutionnel a reconnu, le 26 juillet 2019, la conformité à la Constitution des dispositions légales qui autorisent l'enrôlement des données biométriques des ressortissants étrangers qui se déclarent mineures dans le cadre de ce traitement. Un premier bilan tend à montrer que, dans plus d'un cas sur deux, l'évaluation conclut à la majorité de la personne, ce qui contribue à tarir le flux des arrivées ; cela confirme le diagnostic initial qui avait été posé, à savoir un détournement du dispositif de l'aide sociale à l'enfance par de faux mineurs.

Pour favoriser le déploiement de l'outil sur l'ensemble du territoire, le Gouvernement s'est engagé, dans le cadre du comité interministériel sur l'immigration et l'intégration du 6 novembre 2019, à inciter financièrement les conseils départementaux à travailler sur la base de l'AEM. Un décret du 23 juin 2020 a modifié l'article R. 221-12 du code de l'action sociale et des familles pour autoriser la réduction de la part de la contribution dédiée à l'évaluation des MNA lorsque le département n'est pas lié à l'État par une convention pour l'utilisation de la AEM. Ainsi, le remboursement de 500 euros par évaluation réalisée passera à 100 euros le 1er janvier 2021.

Nous souhaitons aussi travailler en amont, en dissuadant les départs de ces enfants de plus en plus jeunes et en luttant contre les passeurs et les réseaux qui les mettent en péril sur les routes migratoires. Nous le faisons dans le cadre du dialogue mené par les ministres de l'intérieur et des affaires étrangères avec les pays d'origine et de transit. Gérald Darmanin, qui était au Maroc la semaine dernière, poursuivra sa tournée au Maghreb dans les prochaines semaines. Nous avons demandé à la police aux frontières d'intensifier ses efforts dans la lutte contre le trafic d'êtres humains. Forts de nos valeurs et sans naïveté aucune, nous devons œuvrer pour le démantèlement de ces réseaux internationaux qui prospèrent sur l'espoir des migrants de trouver une vie meilleure.

Lors d'une réunion interministérielle, le 15 octobre, trois inspections générales ont été missionnées pour analyser le système actuel de prise en charge des MNA et proposer, dans un rapport attendu en début d'année 2021, des améliorations.

S'agissant des CRA, vous êtes plusieurs à avoir mentionné la circulaire santé de 1999. Cette circulaire sera réactualisée début 2021 pour donner une nouvelle impulsion sur ce sujet.

L'OFII est un office très utile, qui mène beaucoup d'actions concrètes dans les territoires pour l'accompagnement des personnes, ainsi que j'ai pu le constater lors des nombreux déplacements que j'ai effectués, dont certains avec des parlementaires. Il n'y a pas de concurrence entre les différents opérateurs. L'OFPRA joue un autre rôle et la création de 200 emplois permettra d'améliorer les conditions d'examen et de réduire les délais de réponse, il s'agit d'une volonté très forte du Gouvernement.

Contrairement à ce qui a pu être dit, personne ne hurle lorsque nous parlons d'asile, nous en débattons ici calmement. La position du Gouvernement est claire et notre approche résolue. J'ai l'habitude de dire que lorsque la maison de notre voisin s'écroule, il est de notre devoir de l'accueillir. Mais lorsque le voisin que nous avons accueilli commence à tabasser notre sœur, eh bien, nous ne le gardons pas chez nous ! Je m'en tiens à cette ligne, en toute sérénité. C'est ainsi que nous avons donné l'asile à Negzzia, cette jeune mannequin iranienne menacée de coups de fouet ou que nous avons accueilli des femmes yézidies pour les protéger des persécutions. En revanche, ceux qui tondent et torturent leur nièce n'ont pas leur place sur le territoire français. Je ne crois pas manquer d'humanité en disant cela, bien au contraire.

Le rapport dit Barrot-Dupont a été intégré à l'évaluation du dispositif et nous déterminerons dans les meilleurs délais quelles sont les propositions qui peuvent être mises en œuvre. Le plan de relance permettra de financer 2 000 places de départ, afin que les personnes puissent quitter le territoire dans les meilleures conditions. Il faut que, sur les questions d'immigration et d'intégration, nous parvenions à exécuter les dispositions votées par la représentation nationale et que les lois ne restent pas lettre morte.

Je voudrais préciser que les crédits immobiliers ne sont pas encore inscrits car ils sont portés par l'appel à projets.

La difficulté, concernant le règlement de Dublin, tient à l'écart qui existe entre la théorie et la pratique. Une des solutions passe par la numérisation. J'ai pu visiter plusieurs GUDA et constater comment les liens s'établissaient entre les pays. Le partage d'informations, grâce à la prise d'empreintes, et la coopération diplomatique permettent d'avancer sur ces questions.

S'agissant de l'intégration, je voudrais rappeler le niveau élevé des crédits ainsi que les objectifs du pacte européen sur la migration et l'asile. Je représentais Gérald Darmanin lors de la réunion des ministres de l'intérieur de l'Union européenne, le 8 octobre. Comme Jean-Yves Le Drian et Clément Beaune, Gérald Darmanin est à pied d'œuvre dans les négociations européennes. Le but du ministère est de renforcer les responsabilités que les États doivent prendre sur la durée, notamment les États d'entrée, afin que les autres pays, comme la France, ne pâtissent pas des mouvements « secondaires ».

Nous sommes dans une époque prompte à la caricature. Dès qu'une phrase un peu nuancée va au-delà du sujet-verbe-complément, elle donne lieu à des raccourcis, qui sont instantanément relayés. C'est ce qui s'est passé avec Calais : des articles ont expliqué que le Gouvernement affamait les migrants, refusait qu'on leur donne à manger. C'est ce que vous venez de répéter, monsieur Bernalicis.

Si tel était le cas, ce serait scandaleux ! Mais ce n'est pas ce qui se passe. Des associations agréées distribuent bien des repas, quatre fois par jour, à la totalité des migrants des camps de Calais. Simplement, la maire de la ville, Natacha Bouchart, a demandé que la préfecture prenne un arrêté pour que soient respectées les mesures sanitaires liées au covid et que les distributions « sauvages », dans le centre-ville, soient interdites. Il n'est donc pas interdit de donner à manger aux migrants, monsieur Bernalicis, et c'est sans doute la raison pour laquelle vous n'avez pas été verbalisé.

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Marlène Schiappa, ministre

Dans ce cas, adhérez à une association agréée, et vous pourrez procéder à ces distributions. Tout le reste est faux, je tiens à le dire.

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Marlène Schiappa, ministre

Non, monsieur le député, il s'agit bien de quatre distributions quotidiennes.

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Marlène Schiappa, ministre

Soyez respectueux ! Je vous ai écouté patiemment, je réponds en vous donnant les éléments. Soyez digne et évitez ce genre de propos dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, monsieur le député !

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Je dis ce que je veux, madame la ministre.

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Laissez madame la ministre s'exprimer et répondre à vos questions, même si vous n'êtes pas d'accord avec elle !

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Marlène Schiappa, ministre

Une opération de mise à l'abri des personnes occupant le campement du Stade de France se déroulera prochainement. Ce matin, d'autres opérations ont été réalisées, en lien avec la ministre du logement, à Calais, à Paris et à Dammarie-les-Lys. Personne ne doit rester dans la rue, et nous continuerons ces opérations, qui sont le visage humanitaire de la politique migratoire de la France.

Après le départ de la ministre, la Commission examine, pour avis, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration »

Article 33 et ÉTAT B

La Commission examine les amendements CL16 et CL17 de Mme George Pau-Langevin.

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Comme je l'ai dit, nous souhaitons que les procédures d'intégration et d'accès à la nationalité française, qui sont un aspect très positif de la politique migratoire, soient mieux dotées.

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S'il est vrai que du retard a été pris en matière d'hébergement, cette année, l'effort fourni est très substantiel. De plus, l'action 12, relative aux actions d'accompagnement des étrangers en situation régulière, est en croissance de 9 %. Le choix a été fait de mettent l'accent sur cette question et de renforcer les outils dont disposent les territoires en faveur de l'emploi. Je souhaite aussi souligner l'effort de rationalisation du parc d'hébergement, puisque les personnes qui ont obtenu le statut de réfugié entrent dans le droit commun.

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On le voit avec les campements, c'est bien à l'hébergement d'urgence que les crédits devraient aller. Certes, il est souhaitable d'aider les statutaires, mais ils ont déjà réglé l'essentiel.

La Commission rejette successivement les amendements.

Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la Commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » sans modification.

La réunion s'achève à 18 heures 50

Membres présents ou excusés

En raison de la crise sanitaire, les relevés de présence sont suspendus.