Je reprends à mon compte tout ce qu'a dit la rapporteure pour avis sur les CRA, ainsi que les propos de Jean-François Eliaou sur les mineurs isolés. C'est un angle mort des politiques publiques, avec les conséquences que notre collègue a décrites et qui sont très inégales d'un endroit à l'autre du territoire national – les métropoles, notamment la région parisienne, et en particulier la Seine-Saint-Denis, étant particulièrement concernées.
Je centrerai mon propos sur la question de l'hébergement. Certes, il y a eu des avancées, avec notamment des places supplémentaires en CADA, mais je voudrais illustrer la situation actuelle par un exemple que je connais bien.
Cela fait maintenant plusieurs années qu'il y a un grand campement de réfugiés et de demandeurs d'asile aux portes de Paris : il s'est installé d'abord à la porte de la Chapelle, puis, après des évacuations successives, à la porte d'Aubervilliers, à la porte de la Villette et, aujourd'hui, à Saint-Denis, au pied du Stade de France. On trouve là un peu plus de 1 000 personnes qui vivent sous des tentes, dans des conditions parfaitement abjectes. Il s'agit, comme vous l'imaginez, d'un cluster de covid-19, les gens étant entassés dans de petites tentes sans précaution sanitaire, mais c'est aussi, disons-le, un cluster de délinquance, puisque ces personnes étant obligés de vivre d'expédients, elles sont la proie de tous ceux qui veulent leur faire faire les pires choses : vols, vente de cigarettes de contrebande, trafic de drogue… Au-delà de ces conditions de vie totalement inhumaines, c'est une source d'incompréhension pour les riverains – toujours les mêmes, d'ailleurs, à savoir les habitants des quartiers nord de Paris et du 93 –, qui, depuis des années, sont bien obligés de constater l'impuissance de l'État.
Comment peut-on parler, avec des trémolos dans la voix, de la République et de l'autorité de l'État, alors qu'on ne sait pas faire autre chose qu'expulser des gens au bout de plusieurs mois d'occupation, tout ça pour que dans les jours, voire les semaines qui suivent, ils se réinstallent ? On a l'impression que, contrairement à d'autres pays européens qui ont eu affaire à des problèmes similaires dans des proportions parfois bien plus importantes, nous sommes incapables de mettre ces personnes à l'abri, ne serait-ce que le temps d'instruire leur demande – si la réponse est positive, elles resteront, si elle est négative, elles devront repartir. C'est dangereux pour elles, c'est indigne de la France et cela affaiblit l'autorité de l'État. Personne ne peut comprendre que, dans un pays comme le nôtre, on ne soit pas capable de résorber un campement sauvage d'un millier de personnes qui ne cesse de se déplacer depuis plusieurs années !