Je remercie les deux rapporteurs pour avis.
J'ai effectivement abordé la question du plan de relance, monsieur Fauvergue, mais je vais repréciser les choses. Il faut distinguer ce qui relève, d'une façon certaine, des crédits que nous avons obtenus et ce qui se rattache, d'une façon incertaine, à un appel à projets – le ministre de l'économie, des finances et de la relance étudiera à la fin du mois de novembre, sauf erreur de ma part, les projets proposés par les ministères, notamment en ce qui concerne l'immobilier et le numérique, ce dernier sujet entrant dans les attributions d'Amélie de Montchalin. Les projets doivent respecter deux critères : une consommation très rapide des crédits, en trois ans pour l'immobilier et en deux ans pour les projets numériques ; une action, s'agissant de l'immobilier, au service de l'environnement, comme la rénovation thermique des bâtiments, dans le cadre du programme « Écologie » du plan de relance.
Il y aura, de façon certaine, 160 millions d'euros supplémentaires pour la gendarmerie nationale, et 123 millions pour la police nationale. S'agissant des projets immobiliers que je viens d'évoquer, nous proposons 330 opérations, représentant 684 millions d'euros, pour la police nationale, 472 opérations, représentant 433 millions d'euros, pour la gendarmerie nationale, et 32 opérations, représentant 12 millions d'euros, pour la sécurité civile, soit un total de 1,1 milliard d'euros au titre de la mission « Sécurités » et de 1,63 milliard pour l'ensemble du ministère de l'intérieur. Nous demandons entre un quart et un tiers de l'enveloppe prévue pour les actions immobilières du plan de relance – nous n'aurons sans doute pas tous ces crédits, mais nous avons proposé des rénovations qui respectent les critères prévus et qui font parfois écho à vos propres demandes au sujet des gendarmeries et des commissariats.
Le Président de la République a demandé la généralisation des caméras-piétons, selon la proposition qui lui a été faite. Ce dispositif a des avantages et des inconvénients.
Tout d'abord, il permet aux policiers et aux gendarmes, lorsqu'ils interviennent et que les caméras fonctionnent – il y a parfois un problème en la matière –, de filmer la scène. Cela protège les policiers et les gendarmes, qui sont souvent agressés : les vidéos permettent de confondre, dans le cadre d'une enquête judiciaire, les auteurs des faits, ou de vérifier, par exemple, comment une arrestation s'est passée.
En revanche, le policier ou le gendarme ne peut pas utiliser les images pour revoir ce qui s'est passé, soit afin de retrouver quelqu'un très rapidement – il n'y a pas de caméras de vidéoprotection absolument partout, ni de centre de supervision urbain (CSU) dans toutes les communes de France, en particulier en milieu rural –, soit pour pouvoir bien décrire ce qu'on a vu car, lorsqu'on est en intervention, en état de stress extrême, on peut confondre certaines choses et on n'a pas la même vision que la caméra – pour cela, il faudrait que les policiers et les gendarmes puissent avoir accès aux images : c'est interdit à l'heure actuelle –, soit pour permettre au ministère de l'intérieur de lutter contre les images sauvages mises en ligne par des gens qui filment les policiers et les gendarmes, à 5 centimètres de leur visage, et qui publient sur Twitter ou Facebook des images tronquées, susceptibles de montrer que la police ou la gendarmerie n'a pas fait correctement son travail dans le respect de la déontologie, alors qu'une vue d'ensemble révélerait que la scène est plus complexe et que les policiers ou les gendarmes ont utilisé la force d'une manière proportionnelle.
Vous travaillez à une proposition de loi, monsieur le rapporteur pour avis, qui permettrait de débloquer la situation juridique en permettant d'utiliser toutes les images des caméras-piétons, en conformité totale avec ce que demande la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) – vous savez qu'elle souhaite que le Parlement légifère sur certains sujets…
Vous savez aussi que beaucoup de policiers achètent eux-mêmes leur propre caméra-piéton. On peut les comprendre – je ne les blâme pas –, mais ils utilisent un matériel qui n'est pas celui de l'administration et qui n'est pas soumis aux mêmes règles que les caméras-piétons achetées par le ministère.
Ces caméras-piétons ont le mérite d'exister, mais elles posent des problèmes. Elles gardent en mémoire les trente secondes précédant le déclenchement et les trente secondes suivant l'extinction. Le policier doit entrer son numéro d'identification au sein du référentiel des identités et de l'organisation (RIO) pour déclencher l'enregistrement, ce qui n'est pas facile en pleine intervention, d'autant qu'elles n'ont pas d'écran digital. La durée des brigades excédant l'autonomie de la batterie, il n'est pas possible de maintenir les caméras activées pendant l'intégralité de la brigade, il faut les éteindre et les rallumer en intervention. En concertation avec les policiers et les gendarmes de terrain et les organisations syndicales, nous avons conclu que ce modèle de caméra ne convenait plus. D'autant qu'elles posent d'autres problèmes : la glissière se cassait facilement, et le harnais de fixation central pouvait offrir une prise aux voyous et handicaper les forces de l'ordre lors des interventions.
J'ai donc décidé d'équiper les forces de l'ordre de nouvelles caméras, grâce aux crédits attribués par le Président de la République et le Premier ministre pour la généralisation des caméras-piétons. Nous relançons un appel d'offres pour des caméras dont l'autonomie sera beaucoup plus longue et l'utilisation plus simple, en réponse aux demandes du terrain. Ce sont d'ailleurs les policiers et les gendarmes qui ont choisi les modèles, sans préjuger des résultats de l'appel d'offres. Mais le cahier des charges a été rédigé en faisant venir des policiers et des gendarmes de divers endroits du pays dans la cour de l'hôtel de Beauvau, où ils ont pu choisir leurs voitures, leurs vélos et leurs caméras. Ce ne sont pas des personnes installées dans des bureaux à Paris qui ont choisi pour eux.
Je confirme donc la généralisation de ces caméras au 1er janvier prochain. Nous en avons prévu 30 000, plus que le nombre de brigades, pour compenser les pertes. Actuellement, il n'y a que 10 000 caméras à disposition, dans les conditions que j'ai évoquées. Les crédits seront suffisants : 7 millions d'euros sont prévus en deux ans pour ces caméras, qui coûtent 447 euros pièce.
S'agissant de la sécurité civile, certaines des questions posées relèvent des travaux de la commission d'enquête, ou concernent mon jugement sur le fonctionnement du ministère de l'intérieur vis-à-vis des pompiers.
Concernant le budget consacré aux moyens nationaux d'intervention de la sécurité civile, deux appareils DASH-8 commandés en 2018 vont être livrés, ce qui représente 80 millions d'euros de crédits de paiement. Il est également prévu de consacrer 6 millions d'euros à la location d'hélicoptères bombardiers d'eau. Le PLFR3 a prévu l'achat de deux hélicoptères EC 145 pour 32 millions d'euros, l'un sera livré en décembre 2021, l'autre en janvier 2022. J'ai effectué un déplacement avec Clément Beaune pour mettre en valeur la façon dont l'Union européenne nous aide en finançant des avions ou des hélicoptères, grâce à une proposition de M. Barnier lorsqu'il s'occupait de ces sujets.
À propos des associations agréées, nous avons augmenté le budget du ministère de l'intérieur pour faire face aux urgences que vous évoquez. Les sommes dédiées ont été portées de 100 000 à 600 000 euros, et nous sommes en train de trouver une voie de règlement avec le ministère de la santé, car ce sont les paiements par les ARS qui sont concernés. J'ai écrit dès mon arrivée au ministère à ces associations, et j'ai travaillé avec Olivier Véran à ce sujet. Ces associations font un travail très important, et l'État est effectivement en retard de paiement à leur égard. Une partie des sommes dues a été versée, et le ministère de la santé se charge du reste.
Vous évoquez la place des pompiers dans le continuum de sécurité civile ; elle est essentielle, et en tant que ministre des tutelles des pompiers, je la défends. Le centre interministériel de crise de Beauvau est présidé dans les faits par le Premier ministre, et le préfet Denis Robin cogère ces sujets. Les services du ministère de l'intérieur et du ministère de la santé y sont mobilisés. Le Parlement fera l'évaluation de cette crise sanitaire, mais il est sûr que les pompiers doivent être mis à contribution, car ils ont l'expérience, l'engagement et la proximité – pas uniquement en milieu rural.
Nous travaillons à des évolutions, mais je n'ai pas voulu lancer de grand chantier de réorganisation de la direction générale de la sécurité civile en pleine urgence, chacun le comprendra. Je m'engage, dès la crise sanitaire passée, à y travailler.
Le numéro unique, annoncé par le Président de la République, est une affaire compliquée qu'il nous faut résoudre. Il est prévu par la proposition de loi de M. Matras, et j'espère qu'elle sera inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale pour nous permettre d'en débattre. Dans l'attente, je peux encore retarder la discussion entre les « rouges » et les « blancs ». Il faut que les pompiers puissent jouer un rôle important dans les services d'urgence.
Je ne partage pas les remarques sur l'action de l'État pour résoudre les difficultés des pompiers. En tant que ministre de l'intérieur, je ne suis pas l'employeur des pompiers. Je suis trop soucieux des libertés des collectivités locales pour oublier que les SDIS en sont des émanations, au sein desquelles siègent des élus – d'ailleurs ceux qui les président touchent des indemnités à ce titre. Une recette miroir existe entre les départements et les SDIS, et lorsque j'étais ministre des comptes publics, j'ai invité le Parlement à s'intéresser aux transferts financiers entre les départements et les SDIS. Les pompiers sont les employés des SDIS, nous pouvons étudier si l'État doit augmenter ses contributions, mais je rappelle que cette recette spécifique doit être versée aux SDIS.
Nous devons continuer à assainir les relations entre l'État, les employeurs et les syndicats de pompiers professionnels et volontaires, les professionnels étant souvent également volontaires. Le Président de la République avait prévu de se rendre ce week-end au congrès des sapeurs-pompiers, mais il n'a pu le faire. Je remercie le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, M. Grégory Allione, de sa compréhension en ces circonstances. Le Président de la République recevra des pompiers volontaires et le président Allione, et cette rencontre aura certainement des suites dans les discussions parlementaires sur le projet de loi de finances ou le PLFSS.
Les organisations syndicales de sapeurs-pompiers professionnels attendent beaucoup de la proposition de loi déposée par le député Matras et des relations avec les SDIS, notamment le financement de la prime de feu, négocié par mon prédécesseur, qui doit faire l'objet d'une délibération dans chaque SDIS. J'ai proposé des solutions aux SDIS, dont j'ai discuté avec M. Olivier Richefou, président de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, et M. Dominique Bussereau, président de l'Association des départements de France. Nous pouvons nous entendre, mais ce sont les SDIS qui emploient les pompiers. Il ne faut pas faire peser sur l'État une responsabilité qui n'est pas la sienne.