Intervention de Arnaud Viala

Réunion du lundi 19 octobre 2020 à 14h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Viala, rapporteur pour avis pour le programme « Sécurité civile » :

Le budget de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises sera stable l'an prochain – à hauteur de 520 millions d'euros –, exception faite des moyens supplémentaires que vous venez d'indiquer, monsieur le ministre, lorsque vous avez évoqué le plan de relance. J'aimerais d'ailleurs avoir des détails sur la répartition de ces crédits.

Le présent budget comporte quelques éléments positifs, comme la poursuite du renouvellement de la flotte d'avions, même si cela ne suffira pas à compenser la mise à l'arrêt définitive de l'ensemble des bombardiers d'eau Tracker, à la suite d'un accident survenu en septembre 2019.

Autre observation, le programme que nous examinons cet après-midi ne représente qu'une faible part des 6,5 milliards d'euros de crédits qui sont consacrés chaque année à la sécurité civile en France. L'État en finance un tiers, notamment par l'intermédiaire de la fraction de taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) transférée pour le financement des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).

L'an dernier, je m'étais intéressé de près à l'organisation des secours, à leurs moyens humains et matériels et à la question des numéros d'appel d'urgence. Cette année, compte tenu du contexte, j'ai choisi de travailler sur la participation des acteurs de la sécurité civile à la gestion de la crise de la covid-19.

Les sapeurs-pompiers ont effectué plus de 122 000 interventions de secours d'urgence aux personnes en lien avec la covid-19 entre mars et mai 2020. Comme le pilotage des premières semaines de la crise – qui dépassait pourtant le cadre sanitaire – a été confié au seul ministère de la santé, les sapeurs-pompiers ont été peu sollicités dans de nombreux départements. Leur sentiment de frustration et de sous-emploi a été d'autant plus fort qu'ils avaient les moyens d'agir, notamment les matériels et les équipements indispensables. Dans les départements les plus touchés par la crise, en revanche, on s'est souvenu de l'utilité des sapeurs-pompiers quand les services de santé étaient saturés. Même à Paris, toutefois, l'agence régionale de santé (ARS) et les services d'aide médicale d'urgence (SAMU) ont refusé d'associer la brigade de sapeurs-pompiers à leurs réunions de crise quotidiennes, alors qu'elle participe à l'aide médicale urgente, avec ses médecins et ses ambulances de réanimation. Si le système a tenu, malgré des problèmes institutionnels majeurs, c'est grâce aux relations informelles avec des médecins que les sapeurs-pompiers ont l'habitude de côtoyer sur le terrain ou avec des responsables de l'ARS qu'ils connaissent personnellement.

De leur côté, les associations agréées de sécurité civile ont effectué près de trois millions d'heures de bénévolat en lien avec la covid-19 et 18 000 interventions en véhicules de secours entre mars et mai 2020. Ces acteurs ont fait face à une grande méconnaissance de leurs capacités et de leurs compétences du côté du ministère de la santé, qui les a peu sollicités dans un premier temps. Ils ont ensuite dû répondre à de nombreuses demandes qui leur parvenaient sans aucune coordination et de manière parfois contradictoire.

Ces problèmes semblent avoir leur source dans la gestion bicéphale de la crise au niveau national : il y a, d'un côté, le ministère de la santé et son centre de crise sanitaire, créé dès le 27 janvier dernier, et d'un autre côté, le ministère de l'intérieur et sa cellule interministérielle de crise, qui a été activée tardivement par le Premier ministre, le 17 mars. Ce choix a eu des répercussions préoccupantes au niveau local : certaines ARS auraient donné pour instruction à leurs délégués territoriaux et à des directeurs d'hôpital de limiter la communication avec les préfets, ce qui a privé ces derniers des informations nécessaires à la coordination des opérations de secours menées par les pompiers.

Les SDIS, la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et les associations agréées ont été obligés de contourner une collaboration interministérielle défaillante, au niveau local comme au niveau national, pour mener à bien des interventions indispensables à la population. Quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour améliorer la coordination entre le ministère de l'intérieur et celui de la santé face à la deuxième vague de la covid-19 ?

Dans ce contexte, les sapeurs-pompiers et les associations agréées souhaitent, en premier lieu, une meilleure reconnaissance.

S'agissant des SDIS, il s'agit de mieux reconnaître leurs compétences en matière de soins d'urgence : 85 % de leurs interventions sont consacrées au secours d'urgence aux personnes, ce qui fait des sapeurs-pompiers des acteurs incontournables de notre système de santé. Cela doit conduire à un renforcement du rôle de leur service de santé et de secours médical et à un élargissement des gestes techniques que peuvent pratiquer les sapeurs-pompiers dans le cadre du secours d'urgence aux personnes.

Il faut aussi leur témoigner de la reconnaissance pour le rôle indispensable qu'ils ont joué dans la gestion de la crise au niveau local, en permettant de reconnaître automatiquement la covid-19 comme maladie professionnelle mais aussi en prévoyant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), comme vous l'avez annoncé fin août, monsieur le ministre, la suppression de la surcotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) pour la prise en compte de la prime de feu dans le calcul des pensions. Cette mesure permettra aux conseils départementaux d'accorder une augmentation de la prime de feu qui est d'autant plus méritée que les sapeurs-pompiers n'ont pas bénéficié d'une prime covid-19. Répondrez-vous à ces demandes de reconnaissance, monsieur le ministre ?

En ce qui concerne les associations agréées, il faudrait définir plus précisément les modalités de leur engagement opérationnel et celles de son financement, afin que ces acteurs ne soient plus obligés de quémander des indemnisations. Si les associations agréées se sont investies sans compter pendant la crise, leurs interventions ont un coût. Par ailleurs, la crise leur a fait perdre une grande partie de leurs ressources financières, faute de grands rassemblements, lors desquels elles organisent des postes de secours, et à cause de l'interruption des formations de secourisme. De nombreuses associations appartenant à des fédérations et antennes locales d'associations unitaires risquent tout simplement de disparaître en l'absence de dotation budgétaire d'urgence. J'ai donc déposé un amendement visant à leur accorder une subvention exceptionnelle. Envisagez-vous, monsieur le ministre, de soutenir cette initiative ?

En second lieu, les sapeurs-pompiers et les associations agréées demandent une meilleure coordination. Les sapeurs-pompiers souhaitent que le pilotage opérationnel des crises intervenant sur le territoire national revienne au ministère de l'intérieur et, au niveau local, aux préfets. Ils demandent aussi la création d'un état-major opérationnel auprès du directeur général de la sécurité civile, comme il en existe déjà pour la police et pour la gendarmerie. Cette direction générale doit pouvoir exercer un rôle de coordination opérationnelle des SDIS, qui fait défaut depuis le début de la crise. De leur côté, les associations agréées veulent un lien plus fort et permanent avec les ministères de l'intérieur et de la santé ainsi qu'avec leurs réseaux territoriaux. Elles souhaitent notamment disposer d'un interlocuteur privilégié de haut niveau au sein de la direction générale de la sécurité civile. Répondrez-vous à ces demandes, monsieur le ministre ?

Je tiens à évoquer trois autres défauts de coordination entre les ministères de l'intérieur et de la santé, qui durent depuis des années et que la crise de la covid-19 a rendus particulièrement visibles et critiques.

L'an dernier, j'ai abordé devant votre prédécesseur la question du numéro unique d'appel d'urgence et des plateformes communes de réception des appels. La saturation du 15 que l'on a constatée au début de la crise n'aurait pas eu lieu si des plateformes départementales réunissant le 15, le 17, le 18 et le 112 avaient été mises en place. L'expérimentation de ces plateformes a commencé dans les années 90, et les points de blocage qui empêchent leur généralisation ont été identifiés dans de multiples rapports. De plus, le futur service d'accès aux soins du ministère de la santé jette le trouble : aurons-nous un numéro unique de santé ou bien un numéro unique d'appel d'urgence ? Il me paraît essentiel qu'un arbitrage interministériel soit rendu dans les meilleurs délais.

Autre difficulté, les pompiers ont effectué de nombreux transports sanitaires pendant la crise, dans le cadre des carences ambulancières, en faisant parfois figure de dernier recours puisqu'ils ne disposent pas d'un droit de retrait. Or la définition des carences diffère entre les SDIS et les SAMU depuis des années et le montant de l'indemnisation fait l'objet d'un désaccord entre l'Intérieur, la Santé et l'Assemblée des départements de France (ADF). Le Gouvernement entend-il rendre un arbitrage, afin de permettre aux sapeurs-pompiers de se concentrer sur leurs véritables missions et aux SDIS et aux SAMU de collaborer plus sereinement ?

Enfin, les hélicoptères de la sécurité civile ont joué un rôle décisif en effectuant 254 missions de transport de patients entre mars et juillet. La faible coordination entre ces hélicoptères et les héliSMUR des SAMU, que mon prédécesseur en tant que rapporteur pour avis, Éric Ciotti, avait déjà soulignée en 2017, a été une source de difficultés pour l'évacuation et le transport interhospitalier de patients. Quels sont les obstacles à la création d'un organisme interministériel qui serait chargé de coordonner l'utilisation de tous les hélicoptères de service public, conformément à la recommandation formulée lors de la revue des dépenses de 2016 ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.