Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du lundi 19 octobre 2020 à 14h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérald Darmanin, ministre :

Je vais essayer de répondre le plus rapidement possible à vos questions avant de partir. Si j'oublie certains points, la ministre déléguée pourra compléter.

Le Livre blanc sera présenté début novembre. Nous en discuterons en même temps que la proposition de loi de M. Fauvergue et Mme Thourot, qui en sera le premier acte – maintien de l'ordre, mis à part. Ce n'est pas faire de la politique politicienne que de souligner que la mise en œuvre du Livre blanc exige aussi une police municipale – qui a grandement manqué à Saint-Denis – et des caméras de vidéoprotection. Nous accompagnons le nouveau maire de Saint-Denis dans sa volonté de s'équiper et de mettre en œuvre le continuum de sécurité, dans la philosophie de la proposition de loi.

Vous avez tout à fait raison concernant les OPJ : il en manque dans la police nationale et, pourtant, il y en a. Il en manque en région parisienne et dans les grandes métropoles où les officiers de police judiciaire ne sont pas assez nombreux pour effectuer les enquêtes. Parfois, les procureurs de la République ne poursuivent pas ou classent une affaire à cause de cela. Il importe de donner des moyens de mieux faire son travail à la justice mais aussi, concomitamment, aux policiers.

Dans le même temps, 3 000 OPJ ne font pas un travail d'OPJ. Certains OPJ diplômés, après avoir suivi une formation, repartent dans les bureaux sans être affectés à des missions d'OPJ. C'est un problème d'organisation. J'ai donc proposé aux syndicats, qui l'ont accepté, d'améliorer la situation sur proposition du directeur général de la police nationale – que je remercie : davantage de formations, plus de formateurs, augmentation des rémunérations en prélevant sur les moyens affectés aux OPJ qui n'exercent plus leur fonction d'OPJ. Nous aurons l'occasion d'en reparler. Ce n'est pas un problème de postes budgétaires : mon prédécesseur a autorisé l'ouverture de concours cette année, car nous avons des postes à pourvoir, mais nous n'avons eu que 50 % de réussite.

Monsieur Bernalicis, je ne vous savais aussi comptable. J'ai découvert votre attachement aux règles de Maastricht ! Je partage votre constat : il faut analyser la dépense publique et les déficits – c'est l'hommage du vice à la vertu.

Si vous ajoutez les crédits du plan de relance à ceux du projet de loi de finances, vous obtenez les crédits de l'an prochain. Nous n'avons pas fourni deux documents mais distingué les missions budgétaires de la mission « Relance ». C'est déjà ce qu'avait fait le président Sarkozy et M. Woerth lors du dernier plan de relance. Pour la police, hors titre 2, la hausse est de 11 %. Elle est de quasiment 2 % pour le titre 2. Cela correspond exactement aux chiffres que j'ai donnés. Je suis étonné que La France insoumise considère désormais que, quand il y en a plus, c'est qu'il y en a moins et vice-versa… Je ne suis pas sûr que nous ayons tous compris votre démonstration, mais je lirai le compte rendu, et je reviendrai vers vous si vous avez toujours des questions. Ne vous inquiétez pas, les policiers auront plus d'argent pour investir dans leurs moyens matériels. Je suis sûr que vous vous en réjouissez.

L'expérimentation moncommissariat.fr n'est pas tout à fait finalisée. Elle est extrêmement importante. Douze agents ont été affectés au commissariat numérique localisé à Bordeaux. L'an prochain, la montée en puissance sera rapide puisque nous passerons à trente-six. Ce dossier est particulièrement lié à celui de la plainte en ligne, cher à Mme Avia, et au signalement des violences sexistes et sexuelles. La gendarmerie a également créé une brigade numérique, inaugurée le 27 février par mon prédécesseur. Vingt équivalents temps plein y ont été affectés et 343 demandes sont enregistrées chaque jour, dont 1 690 demandes pendant le confinement.

Même si cela ne remplace évidemment pas la présence physique dans les territoires, cela présente des avantages, notamment lorsque les gens sont empêchés – ce fut le cas pendant le confinement – et le degré de « satisfaction client », si vous me permettez l'expression, est élevé tant pour le commissariat que pour la brigade de gendarmerie numériques. Il conviendra sans doute de développer et de généraliser le dispositif.

Vous avez mille fois raison concernant les pompiers agressés : deux l'ont encore été aujourd'hui dans le département du Rhône. Il faut davantage les protéger. J'espère que vous nous suivrez lorsque nous proposerons, à l'occasion des débats sur la proposition de loi dite Fauvergue-Thourot, de les équiper de caméras-piétons, et d'équiper leurs véhicules. En effet, ils se font souvent agresser dans des lieux sans caméra de vidéoprotection.

Vous aurez constaté que j'ai pris une circulaire afin que le ministère de l'intérieur porte plainte et poursuive systématiquement toute agression de sapeurs-pompiers. Enfin, je souhaite revoir très rapidement la protection fonctionnelle des policiers, des gendarmes, comme celle des pompiers, afin qu'ils n'aient pas à avancer les frais médicaux, et bénéficient d'un soutien plus rapide au regard des frais d'avocat pour engager des poursuites quand ils doivent répondre aux attaques – sauf bien sûr lorsqu'ils sont mis en cause.

S'agissant de l'accompagnement psychologique, quatre-vingt-treize psychologues cliniciens – quatre de plus qu'en 2019 – accompagnent tous les agents, quel que soit leur statut ; 6 % des effectifs sont reçus chaque année. Ces psychologues sont évidemment au contact des policiers. L'année dernière, ils ont effectué 33 932 entretiens de soutien psychologique.

L'activité des pompiers représente à 85 % du secours à la personne. On peut mettre au crédit des gouvernements précédents, et singulièrement de ceux d'Édouard Philippe, la hausse de 2 % du volontariat chez les sapeurs-pompiers. Évidemment, lors de l'examen de la proposition de loi de M. Fabien Matras visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers, nous aurons l'occasion d'en rediscuter et de faire encore progresser notre très beau modèle de sécurité civile, parfois attaqué par des décisions jurisprudentielles européennes. J'ai d'ailleurs écrit pour savoir comment les interpréter.

Je suis très heureux que le groupe Les Républicains trouve que le budget de la police et la gendarmerie va dans le bon sens – ce n'est pas toujours la tonalité des questions au Gouvernement. J'espère que, demain après-midi, les premières questions d'actualité souligneront combien ce budget va dans le bon sens et combien nous faisons beaucoup pour la police. Peut-être ajouterez-vous que vous le voterez et soulignerez que nous accompagnons davantage les créations de postes. Je ne manquerai évidemment pas de rappeler à votre groupe que nous avons doublé les moyens du renseignement et avons créé des postes, ce qui n'avait pas été le cas depuis extrêmement longtemps.

Mayotte est un territoire départementalisé très singulier de la République ; nous devons davantage le soutenir, et M. Lecornu est particulièrement mobilisé. Si je peux y aller le 10 novembre, j'irai bien volontiers. Je vais prendre votre attache, monsieur Kamardine, et celle des élus mahorais, eux-même déjà reçus plusieurs fois par mon directeur de cabinet. Je laisserai le soin à M. Blanquer de vous répondre sur les questions d'éducation nationale et de sécurité des écoles.

La police et la gendarmerie font preuve de courage à Mayotte. Vous le savez, ce n'est pas simple, du fait de la proximité des Comores. C'est la principale difficulté que nous rencontrons, qui engendre, en outre, des difficultés sociales parfois créatrices d'insécurité. Je suis très heureux que la société civile et élective mahoraise se penche sur la question des violences, et j'y apporterai mon concours.

Madame Florennes, vous avez raison, il faut mettre en perspective l'action de l'État avec les élus locaux. Encore faut-il que les élus locaux nous accompagnent. Certains maires continuent d'estimer et de dire au ministre de l'intérieur que la sécurité n'est pas leur affaire, mais celle de l'État. Et il ne s'agit pas toujours d'élus très à gauche de l'hémicycle – je vous prie de bien vouloir excuser la caricature. Certains, plus à droite de l'hémicycle, estiment que la sécurité, c'est l'État. Nous ne voulons forcer personne.

Certaines missions sont clairement de la compétence des élus locaux dans le code général des collectivités territoriales : caméras de vidéoprotection, salubrité publique, utilisation des établissements recevant du public (ERP), modalités d'intervention, etc. Les polices municipales – armées ou non – sont une compétence optionnelle des collectivités locales. Nous les encourageons à les créer. Dans le cadre de l'examen de la proposition de loi Fauvergue-Thourot, nous allons coudre du sur-mesure, ce que demande le Parlement depuis très longtemps. Au titre de l'article 37-1 de la Constitution, des expérimentations permettront aux polices municipales des maires qui le souhaitent d'accéder à certains fichiers.

Certaines limites actuelles ne sont pas acceptables. Quand j'étais maire, les deux chefs successifs de ma police municipale étaient deux officiers de gendarmerie devenus directeurs de police municipale. Il leur a fallu à chacun six mois pour obtenir leur autorisation de port d'arme, après une longue formation, qui prenait parfois jusqu'à un tiers de leur temps de travail, c'est absurde !

Il ne s'agit pas de transformer la police nationale ou la gendarmerie en FBI et les autres en polices locales. Ce n'est pas notre modèle républicain. Il ne s'agit pas non plus que l'État se défasse de certaines compétences et les transfère aux élus locaux sans les compenser. Il s'agit simplement que, dans certains cas, la police municipale puisse faire le même travail que la police nationale en termes d'accès à des fichiers, d'intervention, voire de rapports au procureur de la République. La proposition de loi dite Fauvergue-Thourot sera l'occasion d'un débat sur ce sujet très intéressant, et complexe. Je suis favorable au continuum de sécurité, mais pour danser la valse il faut être deux. J'espère que tous les maires de France voudront danser la valse avec l'État.

Je vous remercie de votre écoute et vous prie, encore une fois, d'excuser mon départ précoce. La ministre déléguée soutiendra la suite de la discussion.

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