La mission « Administration générale et territoriale de l'État » poursuit trois principaux objectifs : garantir l'exercice de leurs droits par les citoyens, assurer la présence et la continuité de l'État sur l'ensemble du territoire, appliquer sur le plan local les politiques publiques nationales.
Cette mission regroupe ainsi les crédits consacrés aux administrations déconcentrées du ministère, à ses fonctions supports, ainsi qu'aux subventions publiques dont il assure la gestion.
Au total, plus de 4 milliards d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement sont budgétés pour 2021, en légère hausse par rapport à l'exercice précédent. Cette augmentation tient principalement à l'organisation, l'année prochaine – sous réserve des discussions en cours à ce sujet –, des élections départementales et régionales, ainsi que des élections territoriales en Corse, en Martinique et en Guyane. Les crédits de l'action « Organisation des élections » du programme 232 augmentent fortement, de plus de 200 millions.
Par ailleurs, comme l'a rappelé Mme la ministre, plusieurs réformes engagées au cours des dernières années se poursuivent, dont la mise en place des secrétariats généraux communs départementaux, qui doivent regrouper à terme les fonctions supports des préfectures et des directions départementales interministérielles. Je rappelle à ce titre que si je soutiens, comme chacun d'entre nous, les mesures permettant de rationaliser l'organisation de ces services, ceux-ci connaissant d'importantes tensions, notamment en termes de personnel et de moyens, pour accomplir leurs missions prioritaires. C'est en particulier le cas pour le contrôle de légalité et, plus généralement, le soutien juridique aux collectivités territoriales. Sur ce point, ce budget n'apportera malheureusement pas les améliorations attendues.
Par ailleurs, la labellisation « France Services » de guichets uniques se poursuit pour assurer un meilleur accès aux services publics sur l'ensemble du territoire. Si l'on peut s'en féliciter, elle ne permettra pas toutefois de répondre au sentiment d'éloignement des services publics que nombre de citoyens éprouvent. Trop souvent, c'est l'absence d'accompagnement dans leur démarche administrative qui crée des obstacles à l'exercice de leurs droits.
Enfin, les investissements se poursuivent en matière de systèmes d'information et de communication. Si la dématérialisation de certaines procédures va dans le bon sens, elle peut aussi contribuer à l'éloignement du service public des personnes les plus fragiles. Il convient donc de conserver également des interlocuteurs physiques pouvant orienter celles qui, parmi elles, en auraient besoin. Ces réformes visant à répondre à la dégradation des conditions d'exercice des missions des services de l'État et au désengagement de ce dernier dans les territoires, nous ne pouvons qu'y être favorables, hors les réserves que j'ai formulées.
Par ailleurs, les services de l'État doivent faire face à deux missions particulièrement sensibles.
Tout d'abord, gérer les effets de la crise migratoire que connait notre pays, et plus généralement l'Europe, depuis plusieurs années. Cette crise met en tension les services des ressortissants étrangers des préfectures pour accomplir leurs différentes tâches d'instruction des titres de séjour, de gestion de l'asile et de maîtrise de l'immigration irrégulière.
Ensuite, les services de l'État doivent maintenir une capacité d'accueil du public dans le contexte de l'épidémie de covid-19 et du respect des protocoles sanitaires. Si les moyens des services déconcentrés sont stabilisés, il n'en demeure pas moins que ceux-ci doivent faire face à un bien plus grand nombre de demandes en raison de la crise sanitaire et sociale, mais également du contrôle de légalité, de plus en plus sollicité, alors que les crédits affectés à cette action n'ont pas augmenté.
Enfin, la dématérialisation de nombreuses procédures, dont les effets sont positifs en termes d'efficacité et de gestion des deniers publics, ne doit pas faire oublier l'importance d'un accueil physique et d'un accompagnement de qualité pour certains usagers sur l'ensemble du territoire.
Je souhaite donc insister sur la nécessité d'accompagner les services concernés par des directives claires et des moyens adaptés. En effet, ces derniers sont souvent en première ligne et doivent pouvoir remplir leurs missions dans des conditions satisfaisantes pour les usagers comme pour les agents.
Pour la partie thématique de mon rapport, j'ai choisi cette année de m'intéresser aux conséquences de l'épidémie de covid-19 sur le déroulement des élections municipales de 2020 et sur les principaux enseignements à en tirer pour préparer les prochaines échéances électorales.
Les conditions dans lesquelles ont été organisées les élections municipales ont, en effet, entraîné de nombreuses difficultés pour les candidats comme pour les équipes municipales chargées des opérations de vote.
Nombre d'électeurs, craignant une contamination, ont renoncé à se rendre dans leur bureau de vote, contribuant ainsi à accroître une abstention déjà en hausse. Plus d'un électeur sur deux ne s'est pas déplacé, constat d'autant plus inquiétant que, jusqu'alors, les élections municipales suscitaient, avec l'élection présidentielle, une participation relativement forte. Le protocole sanitaire s'est révélé insuffisant pour rassurer les électeurs, le niveau d'abstention étant encore plus fort au second tour. Le manque d'informations nationales sur l'organisation des élections et les protocoles engagés en est l'une des causes. La courte campagne électorale, avec des moyens inadaptés à la crise, en est une autre, alors qu'il s'agit d'une élection importante dans la vie publique locale. Les mesures prises pour encourager le recours aux procurations ont été, de surcroît, trop tardives pour avoir un impact sur la participation. Autant de choses qu'il ne faut pas revivre pour ne pas créer une crise de légitimité.
Alors que nous connaissons une seconde vague de propagation de l'épidémie conduisant à la réactivation de l'état d'urgence sanitaire, il convient d'anticiper dès à présent les conditions dans lesquelles pourront se tenir les prochaines échéances électorales. À ce titre, madame la ministre, nous comprenons que le Président de la République réfléchit à un éventuel report de ces élections de plusieurs mois, voire après la prochaine élection présidentielle. Une « commission de sages » impliquant tous les partis politiques serait réunie à cette fin. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Nous devons avoir un véritable débat sur le fonctionnement de notre démocratie.
Je souhaite que le report des élections ne soit pas la seule solution envisagée face à une situation épidémiologique qui semble s'inscrire dans la durée. D'autres pays confrontés aux mêmes difficultés ont engagé des réformes plutôt que de remettre le calendrier électoral en question. Nous pourrions nous en inspirer pour moderniser les opérations de vote et assurer une meilleure participation aux différents scrutins.
Je souhaiterais, à ce titre, savoir si des réflexions sont engagées pour améliorer la visibilité de la campagne électorale, par exemple avec une campagne en ligne, voire à la télévision ou sur les réseaux sociaux ; pour sécuriser le vote « physique » dans les bureaux, des amplitudes horaires plus longues ou la possibilité d'un vote anticipé pourraient être envisagées ; enfin, nous pourrions également développer le vote par correspondance, comme l'ont fait d'autres pays voisins, avec un taux de fraude nul et des conditions de sécurité très satisfaisantes.
Ces réflexions sont importantes, car le niveau d'abstention que nous constatons à chaque élection est encore renforcé par le contexte épidémiologique actuel. Nous ne pouvons nous en satisfaire, quel que soit notre parti, quelles que soient nos idées, car c'est le sens même de la représentation qui se joue dans notre capacité à tenir ou non des élections et à assurer la participation.