Intervention de Ugo Bernalicis

Réunion du lundi 19 octobre 2020 à 14h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Sans grande surprise, le budget de la mission est en hausse et conforme à la trajectoire enclenchée par les précédents. Soulignons néanmoins que l'effort est surtout porté sur la lutte contre l'immigration irrégulière – ce qui, concrètement, correspond essentiellement aux moyens dédiés aux CRA –, alors que la hausse des crédits consacrés à l'accueil ne correspond en réalité, dans bien des cas, qu'à un rattrapage des années précédentes. Et s'il est toujours appréciable d'avoir un plus grand nombre de places d'accueil en CADA, on est encore très loin de répondre aux besoins, vu le nombre de personnes en attente d'un hébergement.

Dans le même temps, les actes politiques accomplis par le Gouvernement ne laissent pas présager d'une approche particulièrement humaine de la gestion des personnes qui se trouvent sur notre territoire. Je pense en particulier à la situation à Calais, ce jour étant aussi la date anniversaire de l'arrêté interdisant la distribution dans les rues du centre-ville de repas aux personnes qui ont faim, arrêté qui a été renouvelé aujourd'hui pour plusieurs semaines, avec un périmètre un peu étendu, ce qui était d'ailleurs prévisible.

M'étant rendu sur place avec trois collègues parlementaires, j'ai pu constater, aux côtés d'une association d'aide aux personnes dans le besoin, que l'interdiction était effectivement appliquée. On prétend que c'est pour éviter des troubles à l'ordre public, mais je ne sais pas quel est le trouble le plus important : errer dans la rue parce qu'on a faim, au risque de commettre des vols ou autres infractions de ce genre, ou donner de la nourriture à des gens qui ont faim ? On nous a dressé un procès-verbal – j'attends avec impatience l'avis de contravention, que je n'ai pas encore reçu, mais je ne doute pas qu'en la matière, les services de l'État sauront se montrer diligents. De plus, si tant de gens se trouvent dispersés dans le centre-ville de Calais, c'est en raison du démantèlement, pendant l'été, des points de fixation où l'on pouvait accéder à des points d'eau et à des sanitaires. Ils avaient été installés à la suite de l'action de la préfecture et sur demande du Conseil d'État. La France est en effet signataire d'un certain nombre de traités internationaux et de conventions internationales qui l'obligent à un minimum d'humanité envers les personnes qui sont en détresse. Après avoir dispersé ces gens, l'on s'étonne après de les retrouver un peu partout dans la ville et que ce soit plus compliqué de leur distribuer des repas !

C'est à cette situation que se sont adaptées les associations : elles ne donnent pas à manger dans la nature ; non, elles vont là où se trouvent ces exilés qui sont dans le besoin et qui, pour la plupart, ne sont de surcroît pas expulsables. En effet, quand on souhaite les expulser, ils se retrouvent au CRA à attendre l'audience du juge des libertés et de la détention qui finit par constater qu'ils ne sont pas expulsables, puis ils sont remis dehors. La voilà, la politique migratoire de la France, sa politique d'accueil ! C'est le chaos, un échec total pour tout le monde, à commencer pour les personnes concernées. J'ai vu de mes propres yeux, il y a trois mois, cette chose invraisemblable : les services de l'État viennent déloger le matin les personnes qui vivent sous des tentes près des points de fixation, celles-ci qui s'en vont, puis se réinstallent dans l'après-midi – et cela recommence tous les deux ou trois jours ! Tout cela parce qu'il faut faire respecter le droit de propriété, mais qu'en même temps, on ne veut pas déplacer sans cesse les douches et les points d'eau ! Le résultat ? C'est encore plus de pagaille. Et il y a la communication politique qui va avec et qui souligne que donner à manger à quelqu'un qui a faim constitue désormais une infraction.

Est-ce cela l'humanité ? Est-ce pour cela que nous votons des crédits ? Est-ce à cela que doivent servir les policiers dans notre pays ? Je ne le crois pas. Nous aurions toutes et tous mieux à faire. La principale conséquence de l'augmentation de la durée de rétention, c'est que des gens qui restaient en CRA auparavant pendant trente jours avant qu'on ne les laisse repartir faute de solution y restent soixante jours de plus, pour le même résultat. Ce que nous avions annoncé est arrivé. Ce n'est pas satisfaisant politiquement et c'est pourquoi le groupe France insoumise ne votera pas des crédits qui vont dans ce sens.

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