Intervention de Amélie de Montchalin

Réunion du mardi 20 octobre 2020 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques :

Je suis très heureuse de présenter, pour cette première audition devant la commission des Lois, saisie pour avis, ce programme 148 relatif à la fonction publique. C'est une vraie marque d'intérêt que vous lui portez, en examinant les moyens que le Gouvernement consacre aux agents publics dont nous mesurons chaque jour davantage le rôle central. Nous l'avons encore vu très récemment, certains le payent de leur vie. À la suite de l'hommage qui a été rendu à M. Samuel Paty pendant les questions au Gouvernement, je souhaite avoir avec vous une pensée pour lui et pour sa famille, ses proches, ses collègues. Cet horrible assassinat nous montre aussi combien nos agents publics – singulièrement, les enseignants – sont en première ligne pour porter nos principes fondamentaux du service public, nos valeurs communes, et combien nous devons tout mettre en œuvre pour les protéger et les soutenir.

Les moyens que nous engageons sont bien sûr financiers, mais portent plus largement sur la formation et l'action sociale. Notre politique de ressources humaines n'est pas neutre à cet égard. Je vous présenterai donc les grandes lignes et les contours de cette nouvelle mission intitulée « Transformation et fonction publiques » au sein de laquelle le programme 148 « Fonction publique » occupe une place particulière. Je reviendrai ensuite brièvement sur la gestion de la crise sanitaire au sein de la fonction publique, sujet qui m'occupe beaucoup actuellement. Je profiterai enfin de l'occasion qui m'est donnée pour vous présenter les grandes lignes de ma feuille de route pour la fonction publique pour 2021.

Dès ma prise de fonction, j'ai souhaité mettre en cohérence les moyens budgétaires avec la mission qui m'était confiée, c'est-à-dire, placer en un seul ministère tous les leviers de transformation de nos administrations, les enjeux du numérique, la conduite de la modernisation de l'action publique et la stratégie de ressources humaines. Le programme 148 fait désormais partie de cette nouvelle mission « Transformation et fonction publiques », qui comprend les crédits destinés à accompagner la transformation durable de l'action de l'État – et de ses opérateurs – pour la rendre plus efficace au service de ses usagers en donnant de nouveaux moyens d'action aux agents. Regroupant l'ensemble des programmes destinés à financer les chantiers qui figurent en tête de ma feuille de route, cette nouvelle mission, dont je suis responsable, doit donner à tous les acteurs, notamment aux parlementaires, une plus grande lisibilité de l'action que je mène en tant que ministre de la transformation et de la fonction publiques.

Le programme 148 occupe une place centrale dans cette mission, puisqu'il regroupe tous les crédits dédiés à la fonction publique. Pilotés par la DGAFP, la direction générale de l'administration et de la fonction publique, ces crédits concernent la formation interministérielle, l'action sociale interministérielle et l'appui dans le domaine des ressources humaines. Je souhaite saluer devant vous l'action de son directeur Monsieur Thierry Le Goff qui conduit très activement ces chantiers avec ses équipes depuis près de cinq ans. Ce programme est doté pour 2021 de 217 millions d'euros en crédits de paiement et 224,5 millions en autorisations d'engagement, contre près de 210 millions d'euros en 2020. Ce relèvement des crédits en euros constants pour 2021 va notamment permettre de financer de manière significative le doublement du montant de l'allocation pour la diversité dans la fonction publique pour les élèves des classes préparatoires intégrées, qui va passer de 2 000 à 4 000 euros en 2021 pour huit cents élèves. Je crois que c'est un sujet sur lequel nous avons beaucoup à faire, bien au-delà de cette augmentation de l'allocation qui représente déjà un pas très significatif pour renforcer l'attractivité de ces voies de préparation aux concours de la haute fonction publique en particulier.

J'aimerais évoquer l'importance de l'action de notre fonction publique, des agents publics, tout au long de cette année 2020 si particulière. Dans une période de crise sanitaire, économique et sociale, nous voyons combien la continuité et le bon fonctionnement du service public sont des priorités absolues. Les agents publics ont été pleinement à la tâche pour permettre à notre pays de vivre et de fonctionner pendant le confinement. Je crois que c'est vraiment grâce à eux que l'État a pu tenir, que les collectivités ont pu trouver des interlocuteurs et je veux ici les remercier. Je pense naturellement d'abord aux agents professionnels de santé, aux soignants dans les hôpitaux dans les établissements sociaux et médico-sociaux, qui ont su faire preuve d'une mobilisation à toute épreuve au plus fort d'une crise que nous voyons désormais se poursuivre.

Au-delà des soignants, je voudrais aussi revenir sur la mobilisation de tous les agents publics, comme d'ailleurs d'autres travailleurs de première ligne, qui ont été au service de l'intérêt général, et se sont mobilisés et adaptés. Je pense notamment à l'apprentissage accéléré du télétravail, en particulier dans le domaine éducatif mais également dans celui des prestations sociales. Dans certains métiers, les fonctions ont continué à être exercées en présentiel dans des conditions parfois difficiles. Nous avons vu une forte sur-mobilisation d'agents qui ont mis les bouchées doubles pour faire face à des besoins accrus pendant le confinement, ou, depuis le déconfinement, pour rattraper des retards qui auraient pu être pris. Nous avons souhaité récompenser au travers d'une prime dédiée tous ceux qui avaient fait face à cette augmentation très forte de leur activité. Cette audition devant la représentation nationale est aussi l'occasion de leur rendre hommage et leur adresser les remerciements qu'ils méritent.

Tout au long de cette crise, et aujourd'hui encore, nous avons tenu une ligne très ferme de protection des agents et des usagers du service public face à la pandémie. C'est notre priorité et le Premier ministre l'a rappelé dans sa circulaire du 1er septembre 2020 adressée à tous les ministres. Nous avons rappelé les règles protectrices, les responsabilités des employeurs publics sur le port du masque, sur la protection des personnes vulnérables, sur l'aménagement des espaces de travail et sur l'organisation du travail. L'instauration, le 17 octobre dernier, d'un couvre-feu dans certaines métropoles et en Île-de-France a appelé à la poursuite de ces efforts. Nous devons nous organiser pour tenir dans une durée potentiellement longue. Avant même les annonces d'instauration de couvre-feux, au regard de la dégradation de la situation sanitaire au cours des dernières semaines, j'ai pu prendre – après consultation des organisations syndicales et de l'ensemble des parties prenantes – des mesures qui visaient à faciliter et à renforcer encore le recours au télétravail dans la fonction publique. Je suis très attentive à sa mise en œuvre, notamment à l'accompagnement des agents, des encadrants, des managers. Nous avons ainsi pu diffuser à très large échelle un guide à destination des agents et managers qui se retrouvent quelques jours – deux ou trois – par semaine en télétravail, pour organiser à la fois leur efficacité et leur vie collectives, ainsi que le dialogue social.

Cette crise mobilise beaucoup d'énergie dans la gestion quotidienne. Mais elle ne doit pas nous faire oublier les enjeux de fond et nous devons toujours poursuivre cette transformation de la fonction publique, engagée par la loi du 6 août 2019, à laquelle le Parlement a apporté des contributions majeures. Je pense notamment à sa rapporteure, qui est également votre rapporteure aujourd'hui. La pleine application de cette loi est vraiment ma priorité : elle est indispensable pour que les services publics puissent répondre en toutes circonstances aux besoins de nos concitoyens. Un énorme travail a été fait depuis le 6 août 2019, puisque 90 % des textes d'application ont déjà été pris. L'intégralité des textes prévus seront bien applicables au 1er janvier 2021. Il reste effectivement des décrets à prendre dans certains domaines. Ma priorité, au-delà de la partie normative que je vais bien évidemment poursuivre très activement, est de faire vivre concrètement cette loi, pour que chaque agent, dans chaque administration, puisse s'en emparer.

Cette loi offre beaucoup de possibilités – tout en préservant les grands principes du statut auquel nous sommes tous attachés – dont certaines ne sont pas encore suffisamment connues. Il va nous falloir les développer avec beaucoup de volontarisme. C'est ce que je porte depuis ma nomination, en lien bien sûr avec les organisations syndicales, avec les employeurs publics des trois versants. Je les rencontre tous très régulièrement, je dialogue avec eux en permanence, et nous le savons : nous verrons en 2021 se concrétiser plusieurs des grands chantiers entamés par cette loi, chantiers que j'ai mis au plus haut de ma feuille de route. Je pense en premier lieu à la réforme de la haute fonction publique. Mon objectif est simple : que la fonction publique puisse redevenir le moteur de l'ascenseur social dans notre pays. Le Président de la République l'a formulé assez clairement à Clermont-Ferrand il y a quelques jours : il a souhaité créer une petite révolution dans l'accès aux grands concours de la fonction publique. C'est un des chantiers centraux sur lesquels je travaille, avec le développement des classes préparatoires intégrées, des parcours de préparation et l'accompagnement des jeunes préparationnaires. Des moyens sont bien sûr nécessaires, au-delà de ce que nous concrétisons déjà dans ce projet de loi de finances avec le doublement de l'allocation diversité.

Au-delà du renforcement de l'égalité des chances dans l'accès aux concours, nous devons aussi nous soucier de l'égalité des chances tout au long des carrières en multipliant les passerelles et tout ce qui permettra aux talents de la fonction publique d'occuper des postes à responsabilité. Identifier les talents, faire vivre les viviers dans chacun de nos ministères, en interministériel, c'est vraiment pour moi essentiel à la poursuite de l'engagement des hauts fonctionnaires aujourd'hui et à l'attractivité de la haute fonction publique pour demain.

Par ailleurs, la crise a mis en lumière des différences entre les salariés et les agents publics, notamment en termes de protection sociale complémentaire que ce soit dans le cadre de la prévoyance ou de la complémentaire santé. Je souhaite vraiment m'engager sur ce sujet : nous commençons un dialogue avec les partenaires sociaux pour poser les jalons d'une amélioration que je veux nette et réelle dans la protection des agents dans les années à venir. Nous avons également à poursuivre les travaux en matière de santé au travail et de négociations collectives.

Dans le contexte très particulier que nous traversons, nous voyons que l'attente des Français vis-à-vis de l'action publique, des services publics, est très élevée. Elle est légitime. Mon rôle en tant que ministre de la transformation et de la fonction publiques est de m'assurer que la fonction publique, l'action publique, soient, à travers les hommes et les femmes qu'elles mobilisent chaque jour, à la hauteur de ces attentes ; que nous remplissions les missions que les Français nous confient ; et que nous ayons pour les agents des outils de travail modernes qui leur permettent de répondre à ces attentes – à la fois les leurs, bien sûr, et également celles des citoyens. Je dis souvent que les agents seront en première ligne de la relance, les premiers à rendre cette relance possible. Nous devons nous assurer que toute notre action publique, tous nos services publics, soient bien accessibles à chacun sur tout le territoire. Pour cela, nous devons nous assurer que notre fonction publique ressemble davantage à la diversité de la France, de tous ses territoires, de tous ses milieux sociaux, qu'elle ressemble à ce que nous sommes aujourd'hui et qu'elle puisse rester attractive, agile et protectrice.

Vous l'avez compris : c'est ce à quoi je m'emploie depuis juillet dernier. Et pour remplir cette mission, je voudrais lancer un appel : beaucoup de choses peuvent être faites bien sûr depuis Paris, depuis mon ministère, ou au gré de déplacements que je mène chaque semaine dans les départements. Mais j'ai besoin de vous, parlementaires, pour faire remonter les difficultés, les blocages, dans cette dynamique de transformation que nous souhaitons tous. Et pour que nous puissions aussi, ensemble, défendre nos agents publics qui sont – c'est malheureusement souvent le cas – très injustement attaqués. Nous devons à tout prix faire cesser cette opposition stérile entre les Français, entre ceux du public et ceux du privé. Nous avons, dans un contexte de crise sanitaire, de relance économique et, aujourd'hui, d'action résolue contre le terrorisme islamiste, un objectif commun à porter : celui de la cohésion nationale, de l'unité. Et les agents publics, plus que jamais, en sont les acteurs de terrain. Nous sommes tous, je le crois, à leurs côtés. Nous souhaitons les encourager, les protéger, les soutenir et c'est l'une des missions de ce budget, par des moyens très concrets.

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