La réunion débute à 18 heures 30.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.
La Commission auditionne, en visioconférence, Mme Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, sur les crédits du programme « Fonction publique » de la mission « Transformation et fonction publiques » (Mme Émilie Chalas, rapporteure pour avis).
Nous vous auditionnons aujourd'hui, Madame la ministre, en visioconférence car vous êtes actuellement confinée, dans le cadre de l'examen pour avis des crédits du programme « Fonction publique » de la mission « Transformation et fonction publiques ».
Je suis très heureuse de présenter, pour cette première audition devant la commission des Lois, saisie pour avis, ce programme 148 relatif à la fonction publique. C'est une vraie marque d'intérêt que vous lui portez, en examinant les moyens que le Gouvernement consacre aux agents publics dont nous mesurons chaque jour davantage le rôle central. Nous l'avons encore vu très récemment, certains le payent de leur vie. À la suite de l'hommage qui a été rendu à M. Samuel Paty pendant les questions au Gouvernement, je souhaite avoir avec vous une pensée pour lui et pour sa famille, ses proches, ses collègues. Cet horrible assassinat nous montre aussi combien nos agents publics – singulièrement, les enseignants – sont en première ligne pour porter nos principes fondamentaux du service public, nos valeurs communes, et combien nous devons tout mettre en œuvre pour les protéger et les soutenir.
Les moyens que nous engageons sont bien sûr financiers, mais portent plus largement sur la formation et l'action sociale. Notre politique de ressources humaines n'est pas neutre à cet égard. Je vous présenterai donc les grandes lignes et les contours de cette nouvelle mission intitulée « Transformation et fonction publiques » au sein de laquelle le programme 148 « Fonction publique » occupe une place particulière. Je reviendrai ensuite brièvement sur la gestion de la crise sanitaire au sein de la fonction publique, sujet qui m'occupe beaucoup actuellement. Je profiterai enfin de l'occasion qui m'est donnée pour vous présenter les grandes lignes de ma feuille de route pour la fonction publique pour 2021.
Dès ma prise de fonction, j'ai souhaité mettre en cohérence les moyens budgétaires avec la mission qui m'était confiée, c'est-à-dire, placer en un seul ministère tous les leviers de transformation de nos administrations, les enjeux du numérique, la conduite de la modernisation de l'action publique et la stratégie de ressources humaines. Le programme 148 fait désormais partie de cette nouvelle mission « Transformation et fonction publiques », qui comprend les crédits destinés à accompagner la transformation durable de l'action de l'État – et de ses opérateurs – pour la rendre plus efficace au service de ses usagers en donnant de nouveaux moyens d'action aux agents. Regroupant l'ensemble des programmes destinés à financer les chantiers qui figurent en tête de ma feuille de route, cette nouvelle mission, dont je suis responsable, doit donner à tous les acteurs, notamment aux parlementaires, une plus grande lisibilité de l'action que je mène en tant que ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Le programme 148 occupe une place centrale dans cette mission, puisqu'il regroupe tous les crédits dédiés à la fonction publique. Pilotés par la DGAFP, la direction générale de l'administration et de la fonction publique, ces crédits concernent la formation interministérielle, l'action sociale interministérielle et l'appui dans le domaine des ressources humaines. Je souhaite saluer devant vous l'action de son directeur Monsieur Thierry Le Goff qui conduit très activement ces chantiers avec ses équipes depuis près de cinq ans. Ce programme est doté pour 2021 de 217 millions d'euros en crédits de paiement et 224,5 millions en autorisations d'engagement, contre près de 210 millions d'euros en 2020. Ce relèvement des crédits en euros constants pour 2021 va notamment permettre de financer de manière significative le doublement du montant de l'allocation pour la diversité dans la fonction publique pour les élèves des classes préparatoires intégrées, qui va passer de 2 000 à 4 000 euros en 2021 pour huit cents élèves. Je crois que c'est un sujet sur lequel nous avons beaucoup à faire, bien au-delà de cette augmentation de l'allocation qui représente déjà un pas très significatif pour renforcer l'attractivité de ces voies de préparation aux concours de la haute fonction publique en particulier.
J'aimerais évoquer l'importance de l'action de notre fonction publique, des agents publics, tout au long de cette année 2020 si particulière. Dans une période de crise sanitaire, économique et sociale, nous voyons combien la continuité et le bon fonctionnement du service public sont des priorités absolues. Les agents publics ont été pleinement à la tâche pour permettre à notre pays de vivre et de fonctionner pendant le confinement. Je crois que c'est vraiment grâce à eux que l'État a pu tenir, que les collectivités ont pu trouver des interlocuteurs et je veux ici les remercier. Je pense naturellement d'abord aux agents professionnels de santé, aux soignants dans les hôpitaux dans les établissements sociaux et médico-sociaux, qui ont su faire preuve d'une mobilisation à toute épreuve au plus fort d'une crise que nous voyons désormais se poursuivre.
Au-delà des soignants, je voudrais aussi revenir sur la mobilisation de tous les agents publics, comme d'ailleurs d'autres travailleurs de première ligne, qui ont été au service de l'intérêt général, et se sont mobilisés et adaptés. Je pense notamment à l'apprentissage accéléré du télétravail, en particulier dans le domaine éducatif mais également dans celui des prestations sociales. Dans certains métiers, les fonctions ont continué à être exercées en présentiel dans des conditions parfois difficiles. Nous avons vu une forte sur-mobilisation d'agents qui ont mis les bouchées doubles pour faire face à des besoins accrus pendant le confinement, ou, depuis le déconfinement, pour rattraper des retards qui auraient pu être pris. Nous avons souhaité récompenser au travers d'une prime dédiée tous ceux qui avaient fait face à cette augmentation très forte de leur activité. Cette audition devant la représentation nationale est aussi l'occasion de leur rendre hommage et leur adresser les remerciements qu'ils méritent.
Tout au long de cette crise, et aujourd'hui encore, nous avons tenu une ligne très ferme de protection des agents et des usagers du service public face à la pandémie. C'est notre priorité et le Premier ministre l'a rappelé dans sa circulaire du 1er septembre 2020 adressée à tous les ministres. Nous avons rappelé les règles protectrices, les responsabilités des employeurs publics sur le port du masque, sur la protection des personnes vulnérables, sur l'aménagement des espaces de travail et sur l'organisation du travail. L'instauration, le 17 octobre dernier, d'un couvre-feu dans certaines métropoles et en Île-de-France a appelé à la poursuite de ces efforts. Nous devons nous organiser pour tenir dans une durée potentiellement longue. Avant même les annonces d'instauration de couvre-feux, au regard de la dégradation de la situation sanitaire au cours des dernières semaines, j'ai pu prendre – après consultation des organisations syndicales et de l'ensemble des parties prenantes – des mesures qui visaient à faciliter et à renforcer encore le recours au télétravail dans la fonction publique. Je suis très attentive à sa mise en œuvre, notamment à l'accompagnement des agents, des encadrants, des managers. Nous avons ainsi pu diffuser à très large échelle un guide à destination des agents et managers qui se retrouvent quelques jours – deux ou trois – par semaine en télétravail, pour organiser à la fois leur efficacité et leur vie collectives, ainsi que le dialogue social.
Cette crise mobilise beaucoup d'énergie dans la gestion quotidienne. Mais elle ne doit pas nous faire oublier les enjeux de fond et nous devons toujours poursuivre cette transformation de la fonction publique, engagée par la loi du 6 août 2019, à laquelle le Parlement a apporté des contributions majeures. Je pense notamment à sa rapporteure, qui est également votre rapporteure aujourd'hui. La pleine application de cette loi est vraiment ma priorité : elle est indispensable pour que les services publics puissent répondre en toutes circonstances aux besoins de nos concitoyens. Un énorme travail a été fait depuis le 6 août 2019, puisque 90 % des textes d'application ont déjà été pris. L'intégralité des textes prévus seront bien applicables au 1er janvier 2021. Il reste effectivement des décrets à prendre dans certains domaines. Ma priorité, au-delà de la partie normative que je vais bien évidemment poursuivre très activement, est de faire vivre concrètement cette loi, pour que chaque agent, dans chaque administration, puisse s'en emparer.
Cette loi offre beaucoup de possibilités – tout en préservant les grands principes du statut auquel nous sommes tous attachés – dont certaines ne sont pas encore suffisamment connues. Il va nous falloir les développer avec beaucoup de volontarisme. C'est ce que je porte depuis ma nomination, en lien bien sûr avec les organisations syndicales, avec les employeurs publics des trois versants. Je les rencontre tous très régulièrement, je dialogue avec eux en permanence, et nous le savons : nous verrons en 2021 se concrétiser plusieurs des grands chantiers entamés par cette loi, chantiers que j'ai mis au plus haut de ma feuille de route. Je pense en premier lieu à la réforme de la haute fonction publique. Mon objectif est simple : que la fonction publique puisse redevenir le moteur de l'ascenseur social dans notre pays. Le Président de la République l'a formulé assez clairement à Clermont-Ferrand il y a quelques jours : il a souhaité créer une petite révolution dans l'accès aux grands concours de la fonction publique. C'est un des chantiers centraux sur lesquels je travaille, avec le développement des classes préparatoires intégrées, des parcours de préparation et l'accompagnement des jeunes préparationnaires. Des moyens sont bien sûr nécessaires, au-delà de ce que nous concrétisons déjà dans ce projet de loi de finances avec le doublement de l'allocation diversité.
Au-delà du renforcement de l'égalité des chances dans l'accès aux concours, nous devons aussi nous soucier de l'égalité des chances tout au long des carrières en multipliant les passerelles et tout ce qui permettra aux talents de la fonction publique d'occuper des postes à responsabilité. Identifier les talents, faire vivre les viviers dans chacun de nos ministères, en interministériel, c'est vraiment pour moi essentiel à la poursuite de l'engagement des hauts fonctionnaires aujourd'hui et à l'attractivité de la haute fonction publique pour demain.
Par ailleurs, la crise a mis en lumière des différences entre les salariés et les agents publics, notamment en termes de protection sociale complémentaire que ce soit dans le cadre de la prévoyance ou de la complémentaire santé. Je souhaite vraiment m'engager sur ce sujet : nous commençons un dialogue avec les partenaires sociaux pour poser les jalons d'une amélioration que je veux nette et réelle dans la protection des agents dans les années à venir. Nous avons également à poursuivre les travaux en matière de santé au travail et de négociations collectives.
Dans le contexte très particulier que nous traversons, nous voyons que l'attente des Français vis-à-vis de l'action publique, des services publics, est très élevée. Elle est légitime. Mon rôle en tant que ministre de la transformation et de la fonction publiques est de m'assurer que la fonction publique, l'action publique, soient, à travers les hommes et les femmes qu'elles mobilisent chaque jour, à la hauteur de ces attentes ; que nous remplissions les missions que les Français nous confient ; et que nous ayons pour les agents des outils de travail modernes qui leur permettent de répondre à ces attentes – à la fois les leurs, bien sûr, et également celles des citoyens. Je dis souvent que les agents seront en première ligne de la relance, les premiers à rendre cette relance possible. Nous devons nous assurer que toute notre action publique, tous nos services publics, soient bien accessibles à chacun sur tout le territoire. Pour cela, nous devons nous assurer que notre fonction publique ressemble davantage à la diversité de la France, de tous ses territoires, de tous ses milieux sociaux, qu'elle ressemble à ce que nous sommes aujourd'hui et qu'elle puisse rester attractive, agile et protectrice.
Vous l'avez compris : c'est ce à quoi je m'emploie depuis juillet dernier. Et pour remplir cette mission, je voudrais lancer un appel : beaucoup de choses peuvent être faites bien sûr depuis Paris, depuis mon ministère, ou au gré de déplacements que je mène chaque semaine dans les départements. Mais j'ai besoin de vous, parlementaires, pour faire remonter les difficultés, les blocages, dans cette dynamique de transformation que nous souhaitons tous. Et pour que nous puissions aussi, ensemble, défendre nos agents publics qui sont – c'est malheureusement souvent le cas – très injustement attaqués. Nous devons à tout prix faire cesser cette opposition stérile entre les Français, entre ceux du public et ceux du privé. Nous avons, dans un contexte de crise sanitaire, de relance économique et, aujourd'hui, d'action résolue contre le terrorisme islamiste, un objectif commun à porter : celui de la cohésion nationale, de l'unité. Et les agents publics, plus que jamais, en sont les acteurs de terrain. Nous sommes tous, je le crois, à leurs côtés. Nous souhaitons les encourager, les protéger, les soutenir et c'est l'une des missions de ce budget, par des moyens très concrets.
Nous sommes réunis pour examiner pour avis les crédits du programme « Fonction publique » dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2021. Ce PLF s'inscrit cette année dans un contexte particulier : la crise sanitaire qui a frappé et frappe encore notre pays représente une épreuve majeure. Dans le combat permanent contre le virus, la fonction publique a permis à la nation de se tenir debout. Je tiens à saluer l'exceptionnel engagement et le dévouement des 5,5 millions d'agents publics, quels que soient leurs statuts, leurs catégories et leurs fonctions, qui œuvrent chaque jour au service de l'intérêt général. Permettez-moi à cet instant d'avoir également une pensée pour Samuel Paty, un enseignant qui incarnait pleinement, par sa profession, les valeurs de la République, et qui symbolisait, par son courage, l'un des visages de notre fonction publique. L'hommage qui lui a été rendu cet après-midi par notre Assemblée témoigne de la reconnaissance unanime de la représentation nationale.
Comme chaque année, je ne souhaite pas développer outre mesure l'analyse budgétaire des crédits, c'est un travail dont s'acquitte en premier lieu la commission des Finances. Je noterai tout de même l'augmentation de l'enveloppe budgétaire globale, grâce à la revalorisation des prestations d'action sociale individuelle et collective à hauteur de 5 millions d'euros. Dans le prolongement de la trajectoire financière enclenchée l'année dernière, c'est une évolution bien sûr positive, qui contribuera à l'amélioration des conditions de travail et de vie des agents de l'État et de leurs familles.
J'ai choisi cette année de consacrer la partie thématique de mon rapport pour avis à la gestion des ressources humaines dans la fonction publique à l'épreuve de la crise de la covid-19. En quelques semaines seulement, le cadre réglementaire a été profondément adapté, sous l'impulsion du Gouvernement et sous le contrôle attentif du Parlement dans le cadre de la loi du 23 mars 2020 créant l'état d'urgence sanitaire. Les règles organisationnelles et les moyens de fonctionnement en ressources humaines ont ainsi évolué en un temps record, dans le but de répondre de façon efficace et opérationnelle au confinement généralisé de la population pendant près de deux mois. Ainsi, le recours au télétravail s'est développé massivement et quasiment instantanément, soulignant l'étendue des opportunités mais aussi des risques que ce mode d'organisation peut générer. Le dialogue social s'est poursuivi par la voie dématérialisée, afin de maintenir un contact permanent entre les employeurs publics et les organisations syndicales. Les modalités de mise à disposition des agents ont été assouplies dans le but de faciliter les renforts de personnel en faveur du versant hospitalier, qui a été bien sûr fortement mis à contribution par la crise sanitaire.
Toutes ces mesures visaient un double objectif : d'une part, préserver le principe de continuité du service public, d'autre part, protéger celles et ceux qui en assurent le fonctionnement, dans la diversité de leurs missions. À ce titre, je me félicite de la suspension du jour de carence au cours de l'état d'urgence sanitaire. Tous les arrêts de travail ont donc été indemnisés dès le premier jour d'arrêt entre le 24 mars et le 10 juillet 2020. Cependant, depuis le 11 juillet dernier, force est de reconnaître que la levée de cette suspension suscite une incompréhension légitime. En effet, comment comprendre que les agents mis en arrêt en raison de leur contamination par la covid-19, qu'ils soient ou non symptomatiques, se voient infliger un jour de carence alors que ceux placés à l'isolement en tant que « cas-contacts » ne se voient pas infliger de délai de carence ? Au moment précis où l'état d'urgence sanitaire a été rétabli sur l'ensemble du territoire national depuis le 17 octobre et dans le contexte épidémiologique actuel d'augmentation constante du nombre de personnes contaminées, je demande, madame la ministre, le rétablissement de la suspension du délai de carence, dans un souci de cohérence et de justice sociale.
Au-delà de la nécessaire adaptation du régime juridique, la crise a renouvelé les pratiques et méthodes managériales. Elle a ainsi accéléré un processus de mutation déjà engagé par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. Plus qu'une évolution des mentalités relatives à l'organisation du travail et à la conduite du changement, la crise actuelle rend indispensable la réflexion collective autour de l'ensemble des enjeux relatifs à la gestion des ressources humaines dans la fonction publique. En tant que rapporteure pour avis, j'avais consacré mon rapport budgétaire en 2018 au thème du management. Deux ans après, je constate que ce sujet est au cœur du débat. Être manager, quel que soit son grade ou sa fonction, ne s'improvise pas, encore moins en période de crise. C'est un apprentissage jamais achevé, qui requiert des savoirs et des savoir-faire. C'est une aptitude qui n'est pas réservée aux seuls hauts fonctionnaires, mais bien à tous les personnels en situation d'encadrement, aux échelons intermédiaires et de proximité, dans les filières administratives et techniques.
Lors des auditions que j'ai conduites, tous les intervenants, dans les trois versants, ont souligné l'importance d'accompagner et de former l'ensemble des agents aux pratiques managériales, notamment en période de crise durable. Je sais, madame la ministre, que vous travaillez avec vos services sur ces enjeux essentiels de formation. Ils prendront une dimension capitale dans les années à venir, à l'heure où émergent les premiers retours d'expérience de gestion de la crise sanitaire. À ce titre, je salue les initiatives menées par plusieurs employeurs publics consistant à réaliser des guides de bonnes pratiques et de préconisations à destination des managers et de l'ensemble des agents publics. Si le travail à distance sur le long terme peut présenter des atouts non négligeables, il comporte aussi des dangers pouvant entraîner un isolement préjudiciable à la cohésion des équipes et à leur solidarité.
En tant que rapporteure de la loi de transformation de la fonction publique, il m'apparaît nécessaire de réaliser le suivi des textes règlementaires que doit prendre le Gouvernement en application de la loi. La très grande majorité des décrets prévus par la loi a été publiée à ce jour : lignes directrices de gestion, procédures de recrutement contractuel, de rupture conventionnelle et de contrôles déontologiques, nominations équilibrées dans l'encadrement supérieur ou encore lutte contre les discriminations. Mais je constate aussi que des décrets concernant des sujets très attendus par nos concitoyens doivent encore être publiés d'ici à la fin de l'année : il s'agit par exemple de l'instauration de la prime de précarité pour les contrats de courte durée, du rapport social unique (RSU) et de la création des comités sociaux. Pouvez-vous nous préciser l'état d'avancement de ce travail, au regard de son contenu et de son calendrier ?
En outre, la loi du 6 août 2019 a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnances à cinq reprises. Les délais d'expiration de ces habilitations s'échelonnent de décembre 2020 à décembre 2021. Je pense, par exemple, à l'ordonnance relative à la protection sociale complémentaire dans la fonction publique pour laquelle les concertations se déroulent en ce moment. Les obligations applicables aux employeurs publics dans le financement de la couverture santé et prévoyance des agents ne doivent pas rester lettre morte, en raison d'un pourcentage de la contribution versée par l'employeur trop faible voire fixé à 0 %, à l'image de ce que l'on peut hélas observer pour le complément indemnitaire d'activité (CIA). L'esprit de la loi que nous avons votée doit être respecté.
Un mot rapide de l'ordonnance de codification du droit de la fonction publique dont l'échéance est fixée à décembre 2021 : comme tout processus de codification, je suis parfaitement consciente qu'il s'agit d'un chantier juridique titanesque. Vos services m'ont indiqué être pleinement engagés dans cette mission, et je ne doute pas de leur investissement. C'est un sujet d'apparence technique mais qui permettra d'améliorer la lisibilité et l'unité du droit applicable à l'ensemble de fonction publique. J'espère donc que les engagements pris par le Gouvernement en la matière seront tenus.
Je souhaite surtout m'arrêter quelques instants sur une ordonnance particulièrement importante : celle relative à la réforme des écoles de la haute fonction publique et aux modalités de recrutement des agents de catégorie A. Je constate, avec un certain étonnement à ce stade, que la représentation nationale n'a pas encore été associée au travail de concertation et de rédaction de cette ordonnance, contrairement aux engagements qui avaient été pris. Il s'agit, pourtant, d'un sujet fondamental, qui ne peut pas être traité à l'abri des regards, dans un entre soi contre lequel nous entendions précisément lutter. Fondamental, car il s'inscrit dans la politique d'égalité des chances et de diversité qui constitue l'une des priorités du Président de la République et de notre majorité. Fondamental car l'on ne saurait à cette occasion remettre en cause les fondements méritocratiques sur lequel repose notre modèle républicain. Fondamental car nous devons respecter l'esprit et la lettre de l'article VI de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen qui proclame que tous les citoyens sont « également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. » C'est précisément pour rester fidèle à ce principe garanti par nos textes constitutionnels que j'ai plaidé l'année dernière, dans mon avis budgétaire, pour le renforcement du dispositif des classes préparatoires intégrées – les CPI – aux écoles de service public.
Au nombre de 28, les CPI offrent un soutien pédagogique ainsi qu'un accompagnement individualisé afin de préparer leurs élèves – une vingtaine chaque année par CPI – aux concours d'accès à la fonction publique de catégories A et B. Elles recrutent principalement des étudiants issus de milieux modestes, notamment originaires des quartiers prioritaires de la ville et des zones de revitalisation rurale, et, dans une moindre mesure, demandeurs d'emploi. Elles représentent de véritables leviers de promotion sociale et de diversification des profils au sein de la fonction publique. À ce titre, je me félicite vivement du doublement du montant des allocations versées aux élèves des CPI, qui passeront de 2 000 à 4 000 euros par an. Cette évolution améliorera sensiblement les conditions matérielles dans lesquelles ces candidats préparent les concours administratifs, ce qui contribuera à leur réussite.
Il est temps de passer à la vitesse supérieure. Aussi, pouvez-vous nous préciser quelles orientations sont à l'étude afin de renforcer l'égalité des chances et l'ouverture de l'accès à la fonction publique, notamment de la haute fonction publique, dans le respect de l'égalité de traitement des candidats ? C'est une politique ambitieuse qu'il convient de mener et je sais pouvoir compter sur votre détermination.
J'en profite pour mêler ma voix à la vôtre concernant certains décrets. Je vous ai écrit, madame la ministre, très récemment : cinq décrets auraient dû être pris entre janvier et février 2020 et ils ne l'ont pas été. Trois rapports doivent aussi être remis au Parlement, et ne l'ont pas encore été. Je vous remercie de veiller à ce que le nécessaire soit fait…
Nous examinons le rapport pour avis d'Émilie Chalas sur le programme 148 pour la quatrième année consécutive et un peu plus d'un an après la promulgation de la loi sur la transformation de la fonction publique du 6 août 2019.
Préalablement à mon propos, je tiens bien entendu au nom de mon groupe à rendre à mon tour un hommage à M. Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie, fonctionnaire, serviteur de la République. Je tiens également à saluer, comme l'ont fait madame la ministre et madame la rapporteure, l'engagement de nos 5,5 millions d'agents de la fonction publique pendant la crise de la covid-19, un engagement sans faille en faveur de la continuité et du bon fonctionnement de nos services publics.
Depuis le début de ce quinquennat, nous poursuivons une ambition très claire, qui doit continuer à imprégner nos travaux : transformer la fonction publique pour ne pas qu'elle s'enlise dans un dialogue social sourd et une opacité entre les trois versants, mais au contraire pour qu'elle apporte aux agents publics plus de protection, plus de fluidité dans le parcours de leur carrière, au final pour améliorer le fonctionnement de nos services publics au service de tous nos concitoyens. Les attentes de nos agents publics sont nombreuses et fortes en la matière.
Je salue l'évolution des crédits de ce programme 148, qui présente une hausse globale favorisant la formation des fonctionnaires à l'ÉNA et aux IRA ainsi que la formation interministérielle, mais aussi une augmentation substantielle du montant de l'allocation pour les élèves de CPI. Les crédits sont aussi augmentés afin de revaloriser les prestations sociales individuelles et collectives ou en faveur de différents fonds afin d'améliorer les politiques de ressources humaines au sein des administrations, notamment de l'État. Aussi, nous voterons bien entendu ces crédits.
J'en viens toutefois à quelques questions qui animent nos réflexions. Je ne reviendrais pas sur celles déjà posées par la rapporteure, sur la prime de précarité et sur la réforme de la haute fonction publique et son accès. Ma première question concerne l'apprentissage. De nombreuses avancées ont été obtenues en la matière : meilleures conditions d'accès à la titularisation pour les personnes en situation de handicap pour une période expérimentale de cinq ans ; frais de financement pris en charge à hauteur de 50 % par le CNFPT, le Centre national de la fonction publique territoriale… Aussi, j'aimerais savoir si l'État et les collectivités se sont emparés de ce dispositif. En effet, ces filières sont encore trop peu attractives et dénigrées alors même qu'elles offrent aux jeunes motivés par l'intérêt général une formation professionnelle au plus près de leurs attentes et de celles des collectivités employeuses.
Une deuxième question concerne l'égalité entre les femmes et les hommes. Nous avons pu aller plus loin dans la loi en parallèle de l'accord relatif à l'égalité professionnelle qui avait été signé le 30 novembre 2018, notamment en luttant contre les écarts de rémunération, en exonérant les femmes enceintes du jour de carence, en maintenant le régime indemnitaire pendant le congé maternité. Aussi, la loi de 2019 étend le dispositif des nominations équilibrées dans les administrations, les établissements publics hospitaliers, les collectivités, les EPCI (Établissements publics de coopération intercommunale) de plus de 40 000 habitants. Le programme 148 prévoit un financement à hauteur d'un million d'euros pour le Fonds en faveur de l'égalité professionnelle, le FEP, qui a vocation à être financé par les pénalités payées par les employeurs publics de l'État ne respectant pas les obligations légales de nomination. Pourquoi, madame la ministre, avoir sorti les collectivités territoriales du dispositif de sanction alimentant le programme 148, donc le FEP ? Et comment les employeurs publics se sont-ils engagés dans cette démarche ?
Enfin, concernant le fonds pour la transformation de l'action publique, ma question ne touche pas directement aux sujets budgétaires. Doté d'une enveloppe de 700 millions d'euros sur cinq ans, ce fonds a vocation à accompagner la transformation des administrations à l'échelon national ou déconcentré, afin d'investir dans les projets visant à améliorer la qualité du service délivré aux citoyens et aux entreprises, ainsi que l'environnement de travail des agents. Le 6 octobre dernier, le comité de pilotage que vous présidez a décidé d'investir pour cette seconde session plus de 112 millions au profit de dix-neuf projets organisés autour de cinq thématiques, tels que la transition écologique ou la sécurité. Concrètement, à quels enjeux vont devoir répondre ces projets ? Pouvez-vous nous faire un point d'étape ?
Le groupe La République en Marche votera bien entendu en faveur des crédits du programme 148.
Je me permets quelques mots, à mon tour et au nom du groupe Les Républicains, pour saluer de tout cœur la mémoire de M. Samuel Paty, un exemple de fonctionnaire, un hussard de la République, mort pour la défense des valeurs de la République.
Je m'associe également aux félicitations adressées aux autres très nombreux agents de la fonction publique, des fonctions publiques – qu'elles soient d'État, hospitalière ou territoriale – qui, ces derniers temps, avec la crise de la covid-19, n'ont pas ménagé leur peine. C'est l'occasion de le redire. Mais il ne faut pas pour autant dresser un tableau général qui ne serait que laudateur. Au-delà des très sincères louanges, il faut également reconnaitre que dans un certain nombre de territoires ou d'administrations, la continuité du service public a tout de même par moments posé quelques questions. Différentes raisons peuvent l'expliquer : il a fallu s'adapter ; la rapidité des évènements a pu empêcher de trouver des réponses totalement satisfaisantes ; le télétravail, par définition, a empêché une présence physique et a conduit à la clôture de certains guichets, provoquant des difficultés d'accès au service public, et aux services au public. Ce n'est pas un procès que j'instruis. Il faut retenir la reconnaissance et les louanges, mais aussi, si l'on souhaite faire un bilan complet, quelques points plus délicats dont il faut tirer des enseignements.
J'aimerais aborder trois sujets. D'abord, des difficultés de recrutement pour certains concours demeurent, ce qui conduit à développer l'emploi contractuel : cela pose question et je serais heureux d'entendre la ministre sur ce point.
Ensuite, malgré la réforme d'août 2019 sur la transparence des rémunérations dans la haute fonction publique, de vraies questions subsistent à ce sujet. Certes, Paris ne s'est pas fait en un jour, mais ces questions demeurent et elles sont renforcées par le fait que certains textes d'application sont toujours attendus, plus d'un an après l'adoption de la loi. Je n'incrimine pas nécessairement la titulaire actuelle du ministère, arrivée il y a peu, mais il faudra bien que ces textes soient publiés.
Au-delà des pétitions de principe, j'ajoute qu'il y a toujours de grands écarts de traitements injustifiés entre les hommes et les femmes. Cela doit demeurer une préoccupation importante dans les fonctions publiques.
Enfin, nous sommes nombreux à dénoncer – cela va sans doute au-delà du programme 148 – une dématérialisation un peu à marche forcée dans les territoires. Les points d'accès pour les CNI (cartes nationale d'identité), les passeports, sont parfois bien compliqués et encombrés : il faut prendre des rendez-vous, l'élaboration est un peu lente, et ce n'est pas lié à la covid-19. Pour les titres de circulation et les cartes grises, la dématérialisation est également bien compliquée et un certain nombre de nos concitoyens ne s'y retrouvent pas.
Pour terminer, j'aimerais mettre l'accent sur un point un peu douloureux concernant l'attribution de primes dans la fonction publique hospitalière. Certains services ont été bien reconnus, d'autres moins bien : au lieu de primes de reconnaissance, certaines sont hélas devenues des primes de discorde. Peut-être aurait-on pu l'éviter.
Voilà quelques touches, plutôt qu'une réflexion structurée point par point, autour de l'actualité de la fonction publique et de l'état du pays.
Je me joins bien évidemment à mes collègues pour saluer la mémoire de M. Samuel Paty à qui l'Assemblée nationale a rendu hommage aujourd'hui.
Refonder le contrat social avec les agents publics est une nécessité au regard des évolutions de la société, des attentes de nos concitoyens et des besoins des agents. Nous avons relevé ces défis à travers la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019. Je tiens à rappeler que cette loi est issue d'une large phase de concertation ; c'est en procédant ainsi que nous pouvons légiférer au plus juste et faire en sorte que chacun s'approprie un texte pour le rendre plus efficace. Cette notion d'appropriation pour plus d'efficacité sera l'objet de ma première question.
Nous avons tous souhaité aller vers une plus grande égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. La loi prévoit entre autres que les administrations ainsi que les établissements hospitaliers élaborent un plan d'action en faveur de l'égalité professionnelle, au plus tard pour le 31 décembre 2020. Pouvez-vous m'indiquer si cette obligation sera remplie dans les délais impartis, ou si la crise a eu un impact sur l'élaboration de ces plans ? Pouvez-vous également nous donner votre sentiment en ce qui concerne l'appropriation de la politique de votre ministère en faveur de l'égalité femmes-hommes ? J'aimerais également que vous nous fassiez un point d'étape sur les employeurs publics de l'État qui ne respectent pas leurs obligations en la matière. Il ne s'agit pas de nommer les personnes en question, mais de nous dire qui sont-ils et quel est le montant des pénalités qu'ils doivent payer.
La crise sanitaire a modifié la façon de travailler de nos agents. Ils ont été confrontés à des suspensions d'activité, à des modifications de leurs conditions de travail et d'accueil des usagers. Notre groupe se joint aux remerciements que vous avez formulés pour leur implication pendant toute cette période. L'incertitude qui entoure le cadre de travail des agents de la fonction publique n'est pas prête de se lever. Le Président de la République l'a indiqué : nous devrons vraisemblablement vivre avec la covid-19 au moins jusqu'à l'été 2021. Aussi, je souhaite que vous nous expliquiez comment ce budget anticipe les éventuelles évolutions des conditions de travail qui peuvent, dans certaines situations, entraîner un coût supplémentaire.
L'emploi des personnes en situation de handicap est une priorité essentielle et l'implication exemplaire de l'État employeur est primordiale. Pouvez-vous nous indiquer quel budget est alloué à cette action, et quels sont les leviers pour continuer d'avancer en ce domaine ?
Par ailleurs, l'amélioration des conditions de travail dans la fonction publique est un enjeu essentiel de la rénovation de la politique de ressources humaines et de relations sociales. Une concertation sur un plan santé au travail a été lancée à la suite du rapport rendu par notre collègue Charlotte Lecocq et des travaux doivent s'ouvrir sur la protection sociale complémentaire des agents publics. Les grandes lignes du futur plan de santé au travail étaient attendues pour le 30 mars 2020, et la conclusion des travaux prévue avant l'été. Le confinement a malheureusement modifié le calendrier ; où en sommes-nous ?
S'agissant enfin de l'appel à candidatures que vous avez lancé pour le recrutement de sous-préfets à la relance, notre groupe s'interroge sur cet échelon supplémentaire de hauts-fonctionnaires que vous souhaitez instaurer pour décliner le plan de relance dans les territoires. Ne suffirait-il pas de s'appuyer sur les sous-préfets déjà en poste pour remplir cette mission ? Ils connaissent très bien leur arrondissement, les acteurs des territoires et les projets des collectivités. Il existe une vraie relation de confiance entre eux et les élus locaux, et celle-ci est indispensable pour réussir le plan de relance.
Le groupe MODEM et démocrates apparentés votera les crédits de cette mission.
En mon nom et au nom du groupe Socialistes et apparentés, je veux dire combien cette mission nous met devant l'importance du service public, de ce qu'il représente, au travers bien sûr de la crise de la covid-19 qui bouleverse notre société. J'ai une pensée émue pour M. Samuel Paty, qui illustrait de la manière la plus emblématique et attachante la place d'un fonctionnaire – notamment d'un enseignant – dans la société.
Le service public est d'abord le garant de la fermeté, de la qualité de la présence de l'État. Il me semble que c'est l'occasion de lui adresser nos éloges et de considérer ensemble que les propos délétères qui ont souvent été tenus sur la fonction publique, et qu'on oublie aujourd'hui, ont été durement ressentis pas ces agents. Il nous faut tous ensemble lutter contre les désengagements et contre les intimidations à l'égard de ceux qui s'engagent dans la voie de l'intérêt général.
Je vous remercie, madame la rapporteure, pour la qualité de votre rapport et pour vos questions. Vous avez le souci légitime de voir le texte sur lequel vous a beaucoup travaillé se concrétiser, et nous serons à vos côtés parce qu'il est en effet important que ce que le législateur a décidé soit concrétisé. J'ai particulièrement apprécié vos propos sur la nécessité de revenir à la suspension du jour de carence et d'instaurer vraiment la prime de précarité, particulièrement utile dans les moments que nous vivons.
Dans cette mission, le Gouvernement met fortement l'accent sur la transformation numérique de l'action publique. Il veut dématérialiser 100 % des démarches administratives d'ici 2022, dans le cadre de son initiative Action publique 2022. Pourquoi pas ? Mais comprenez nos inquiétudes : dans une grande partie de nos campagnes, le numérique n'est pas une réalité et cette transformation ne peut se faire sans prendre d'abord en considération ces carences. Or je n'ai pas l'impression que cette ambition s'accompagne d'une volonté de garantir non seulement l'accès de la population au numérique, mais aussi sa formation : il ne s'agit pas simplement que des câbles arrivent à son domicile, il faut être formé pour s'en servir. J'aimerais être sûre que vous avez bien le souci d'aider nos concitoyens en la matière, car cela relève de la volonté réaffirmée de veiller à la cohésion sociale et à la bonne intelligence entre nous.
Comme beaucoup de mes collègues sans doute, j'ai reçu dans ma permanence des personnes qui étaient dans l'incapacité d'obtenir un titre auprès de l'ANTS, l'Agence nationale des titres sécurisés, comme auprès d'autres plateformes. Il est profondément décourageant pour elles de devoir demander à un parlementaire qu'il actionne – de manière assez compliquée, d'ailleurs – toute une chaine pour pouvoir exercer leur droit à une carte grise ou à tout autre titre. Il y va de la continuité du service public afin de ne pas entraver l'exercice d'une liberté, ce qui pourrait être sanctionné par un juge.
Quand j'entends parler d'une transformation numérique totale pour 2022, je suis donc très inquiète, et c'est essentiellement sur ce point que j'aimerais vous entendre, y compris sur la question jamais évoquée du bilan carbone du numérique : une étude d'impact est-elle menée à ce propos ?
Je tiens tout d'abord, en mon nom comme au nom de mon groupe, à m'associer à l'émotion de la nation et à l'hommage rendu à M. Samuel Paty, qui fut l'exemple parfait de ce que représente la fonction publique en France.
Le groupe Agir ensemble entend souligner deux points positifs de ce budget. Bien qu'elle ne relève pas de cette audition, nous saluons d'abord l'augmentation de 65 % des crédits consacrés à la rénovation des cités administratives : cette politique immobilière de l'État améliorera les conditions de travail de nos agents et l'effectivité de leur mission. Nous nous réjouissons ensuite de l'augmentation des crédits dédiés à la formation des fonctionnaires, une nécessité pour adapter le service public aux évolutions des besoins des usagers. En résumé, nous soulignons ces efforts de modernisation de l'action publique.
Dans le prolongement des objectifs de ce budget, nous aimerions connaitre les financements qui, au-delà du doublement de l'allocation diversité, seront ciblés vers la promotion de l'égalité des chances, qui figure sur votre feuille de route. Dans un avis rendu en décembre 2018, le Conseil économique, social et environnemental soulignait une dévalorisation des métiers de la fonction publique chez les jeunes diplômés. Cet état de fait expliquerait la baisse du nombre de candidats aux concours. Concrètement, ce jeune public pointe d'abord les conditions de travail difficiles dans certains métiers comme la police, l'enseignement ou la santé ; ensuite, les faibles rémunérations en début de carrière ; enfin les évolutions de carrière plus intéressantes dans le secteur privé.
Je salue bien évidemment votre volonté de développer les classes préparatoires intégrées, étant moi-même passé par ce type de classe : étudiant en droit et boursier, j'ai profité de ces formidables outils. Malgré l'effort de votre ministère, je crains toutefois qu'ils demeurent insuffisants au regard de notre ambition d'égalité des chances. C'est un sujet ô combien important à l'heure actuelle : alors que naissent des tensions et que la République recule dans certains territoires, il est indispensable d'envoyer un message fort à ces publics, à ces jeunes qui vivent souvent dans les quartiers difficiles, de leur faire savoir que la République a quelque chose à leur offrir, de belles perspectives d'avenir, de belles fonctions au service de l'intérêt général et de nos concitoyens. Il faut envoyer ce message beaucoup plus fortement que nous ne le faisons aujourd'hui. Je salue bien évidemment votre investissement, mais je souhaite que nous allions plus loin pour promouvoir cette égalité des chances et en faire une réalité.
Je souhaite donc savoir quels moyens seront consacrés à améliorer l'attractivité de la fonction publique et à ramener ces jeunes diplômés vers les concours de la fonction publique.
Je m'associe évidemment aux collègues qui ont rendu hommage à M. Samuel Paty, comme nous l'avons fait hier lors de l'examen d'autres crédits. Il ne faut pas oublier que ce qui fait vivre la fonction publique, ce sont avant toute chose des fonctionnaires, qui se lèvent chaque matin, non pas juste pour percevoir leur salaire à la fin du mois, mais pour faire vivre une idée du vivre ensemble et du bien commun que, j'espère, nous partageons tous dans le pays.
Pour en venir au programme 148, j'ai bien compris que chacun ici souhaite tenir un propos général sur la fonction publique. Je ne serai pas très long à ce sujet : je rappelle que j'étais en totale opposition avec la loi de transformation de la fonction publique, et je ne suis donc pas, non plus que le groupe de La France insoumise, pressé qu'elle soit mise en application. Que certains se plaignent de ne pas être associé à des ordonnances me fait sourire puisque c'est un peu leur principe… Si vous ne voulez pas vous trouver dans la position de l'arroseur arrosé, soyez donc plus prudent avant d'accepter le recours à des ordonnances !
S'agissant du programme 148, je note tout d'abord l'arrêt du déploiement du RIFSEEP, le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel, et la modification de l'indicateur de suivi. On nous dit que cela tient à un changement de politique. Il est vrai qu'au début de la législature, M. Gérald Darmanin, alors ministre du Budget, nous avait expliqué que le RIFSEEP n'était pas un bon système et qu'on allait sans doute le revoir. Où en est-on ? Êtes-vous vous-même satisfaite du RIFSEEP ? Produit-il ce que l'on escomptait : favoriser la mobilité au sein de la fonction publique de l'État ? Je ne le pense pas, mais peut-être avez-vous des éléments à ce propos.
Par ailleurs, c'est par ce biais du programme 148 que sont financés les IRA et de l'ÉNA. Je connais assez bien les IRA puisque j'en suis issu. Je ne suis pas le seul député à en être issu, et c'est tant mieux puisque c'est une formation de qualité. Le document budgétaire se contente de montrer qu'avec la réforme, les IRA coûtent un peu moins cher et qu'il y a deux sessions par an. Pouvez-vous être dresser un bilan plus précis ? Pour ma part, j'ai le sentiment qu'on a basculé vers six mois de formation initiale sans donner aux IRA les moyens suffisants pour un accompagnement individualisé lors des six mois suivants, passés au sein d'une administration dans laquelle il est prévu que l'élève stagiaire soit recruté à la fin. Au terme des six premiers mois, on lui dit en quelque sorte « au revoir, pourvu que la suite se passe bien ». Avant, les élèves effectuaient deux stages et acquéraient une petite expérience. On faisait preuve d'une certaine souplesse, en étudiant le profil des agents pour leur proposer les postes qui semblaient les mieux adaptés pour eux-mêmes comme pour l'administration, et cela débouchait sur une titularisation. Aujourd'hui, si vous ne convenez pas à l'administration dans laquelle vous êtes pré-affecté, vous en êtes exclus.
Vous avez donné au journal « Le Monde » une interview dans laquelle vous déploriez qu'il n'y ait toujours pas assez d'ouverture au sein de l'ÉNA et constatiez un certain conformisme sociologique. Je peux partager cette opinion, mais quelles sont vos perspectives ? Le financement des IPAG, les instituts de préparation à l'administration générale, des autres organismes de préparation et des classes préparatoires relèvent du programme 148. Que proposez-vous en la matière ? Souhaitez-vous que l'ÉNA puisse prendre sur dossiers des personnes issues des quartiers populaires ? Ou êtes-vous favorable au renforcement des dispositifs égalitaires afin que des gens issus des quartiers réussissent le concours et puisse accéder par cette voie à cette école prestigieuse ? C'est un vrai sujet et nous n'avons pas d'indications à cet égard.
Enfin, du fait de la covid-19, le nombre de contractuels explose dans un certain nombre d'administrations pour faire face à de nombreuses problématiques. Quelles sont les intentions de la DGAFP ? S'agit-il seulement de satisfaire un besoin ponctuel, avant de rouvrir au concours autant de postes que les années précédentes ? Ou s'agit-il d'atteindre le véritable objectif de la loi de transformation de la fonction publique en profitant de la crise sanitaire pour remplacer d'un coup tous les titulaires par des contractuels ?
Je m'associe à l'hommage de mes collègues au professeur d'histoire M. Samuel Paty, décédé de manière brutale et inacceptable.
La crise sanitaire a bousculé les pratiques de travail en mettant en avant le télétravail, qui n'était pas très habituel dans la fonction publique, mais qui s'y est installé comme dans de nombreux endroits de façon quelque peu brutale, ni anticipée, ni préparée. De nombreuses administrations s'en sont saisi, permettant avec plus ou moins de facilité la continuité des services publics pendant le confinement. Quel bilan pouvez-vous tirer de cette expérience et quelles leçons en avez-vous tirées pour prolonger cette pratique en cette rentrée ?
Le gouvernement avait par ailleurs pour objectif de diminuer le nombre de fonctionnaires, en réponse à une assez forte sollicitation européenne. Notre taux de fonctionnaires est, il est vrai, assez élevé par rapport aux autres pays européens sans que nous ayons toujours pour autant les meilleurs services ou les meilleurs résultats. Or, avec la crise, les crédits dégagés et le plan de relance montrent une importante augmentation du nombre de postes dans tous les secteurs de la fonction publique : police, justice, pénitentiaire, enseignement supérieur, armée, santé… Ces recrutements sont-ils réalisés sous la forme de recrutements par concours ou de contrats ? Quel impact ont-ils sur le budget ?
Enfin, quel sera le profil des trente sous-préfets à la relance et quel type de contrat leur sera proposé ? Pourquoi ajouter une strate alors qu'on peut s'appuyer sur les sous-préfets actuels qui déclinent assez bien les actions dans le territoire ?
Madame la rapporteure a évoqué les décrets et je vais donc faire le point. Le décret sur la création des comités sociaux sera publié fin octobre-début novembre – nous avons déjà eu les échanges avec les organisations syndicales – et il nous permettra donc bien de disposer d'instances uniques. Le décret sur les lignes directrices de gestion et l'organisation des commissions administratives paritaires sera également publié fin octobre. Le décret sur le rapport social unique le sera plutôt au mois de novembre : il est actuellement examiné par le Conseil d'État. Celui sur la prime de fin de contrat d'une durée inférieure ou égale à un an, est en contreseing et sa parution est donc imminente. D'autres décrets, notamment sur les autorisations spéciales d'absence ou sur le recours aux contractuels, seront eux aussi publiés avant la fin de l'année. Je tiens scrupuleusement les délais pour que toutes les dispositions puissent s'appliquer effectivement au 1er janvier 2021.
Je vous le préciserai par écrit, mais nous avons bien noté que nous vous devions d'ici la fin de l'année 2020 un rapport sur les priorités d'affectation légale dans la fonction publique de l'État pour les fonctionnaires d'outre-mer ; un rapport sur le temps de travail dans la fonction publique de l'État ; un rapport sur les freins au développement de l'apprentissage dans la fonction publique, et l'identification des mesures envisageables pour lever ces freins… J'ai bien noté vos demandes et nous y répondrons dans les meilleurs délais. Les équipes de la DGAFP et les équipes interministérielles ont été très mobilisées pendant la crise sanitaire, mais le Parlement recevra bien sûr les éléments d'information qu'il demande. C'est le minimum que nous vous devons dans votre mission d'évaluation et de contrôle qui est par définition essentielle à notre travail collectif.
S'agissant du jour de carence, vous connaissez la situation : aucune pénalité financière n'est appliquée aux personnes qui sont « cas contact » et qui attendent le résultat d'un test. Il est extrêmement important que l'isolement volontaire individuel soit sans conséquence financière, dans le privé comme dans le public, et un arrêté dérogatoire permet que ce soit le cas. Pour les personnes malades, la décision nécessite d'abord une disposition législative – vous débattrez dans les prochains jours de la prorogation de l'état d'urgence sanitaire. Ce n'est pas une décision que je peux pendre unilatéralement d'une simple signature. De surcroit, je pense qu'il est important d'éviter de distinguer les salariés du secteur privé et les agents publics sur ce point. Nous sommes face à une situation sanitaire difficile. Si le jour de carence est suspendu, je crois qu'il est important de le faire pour tous les Français, comme c'était le cas entre le 23 mars et le 10 juillet. Enfin je pense qu'il est important de regarder, notamment avec la communauté médicale, si une telle disposition ne doit s'appliquer qu'à la seule covid-19 ou à toutes les maladies. Vous imaginez bien que les enjeux dépassent très largement mon seul ministère : c'est un enjeu sanitaire, qui concerne potentiellement tous les actifs, tous les salariés, tous les agents de notre pays. Cela demande d'être regardé dans le détail.
Je l'ai toujours dit : nous devons prendre toutes les mesures qui sont efficaces pour lutter contre la propagation de ce virus. C'est une discussion que nous avons avec l'ensemble des ministres concernés. Je ne réponds aujourd'hui ni un « oui », ni un « non » fermes à la question de la disparition du jour de carence. Nous travaillons et nous pourrons dans les prochains jours préciser les choses, notamment pendant le débat législatif.
Vous m'avez interrogée sur les enjeux de la formation qui – on le voit dans le cas du télétravail et des nouvelles organisations du travail – est absolument essentielle. Car le sujet du numérique, s'il est important pour les usagers l'est également pour les agents : on en sous-estime souvent l'enjeu. J'ai voulu le porter très fortement dans le plan de relance, qui consacrera 200 millions d'euros à la formation aux outils numériques mais également à l'accompagnement des agents, sans lequel on ferait les choses de manière déséquilibrée et assez peu efficiente.
Il existe donc un schéma directeur de la formation tout au long de la vie des agents de l'État. Je suis très attachée à ce que nous faisions davantage de formation, notamment en ligne, pour permettre à chacun de se former dans des temps dédiés, sans avoir à traverser le pays ni à interrompre la continuité de son travail. Nous allons mettre à jour une plateforme de formation interministérielle en ligne, qui sera disponible dès le début 2021. Nous allons également par ce biais mutualiser beaucoup de formations que certains ministères déploient aujourd'hui très bien, afin d'en faire bénéficier d'autres agents. Je pense notamment à des enjeux de formation comme l'égalité professionnelle, la dynamique des achats et les budgets. Ce sont des sujets essentiels si nous voulons créer des parcours de carrière qui répondent davantage aux aspirations et aux demandes.
Je vous confirme que nous avons lancé un travail de codification, avec le soutien du Conseil d'État, qui dispose désormais d'une commission dédiée. Cela va renforcer la lisibilité des règles qui s'appliquent à la fois aux employeurs et aux agents. Un code unifié bénéficiera à tous.
Je me permets d'insister sur le rapport social unique, car cet outil très important sera le baromètre de nos progrès en ressources humaines. J'aimerais pouvoir en faire un suivi régulier, pour voir comment cet outil peut ouvrir un dialogue social authentique et dense sur une base factuelle partagée. Au-delà d'un outil statistique, c'est un outil de dialogue social que nous pourrons valoriser. Le Conseil d'État est en cours de consultation sur le projet de décret, que nous essayerons de publier dès le mois de novembre.
Je suis très attachée à ce que les parlementaires soient pleinement associés à la réflexion sur la haute fonction publique et je serais ravie d'être auditionnée sur ce point spécifique, pour vous permettre d'enrichir nos travaux. J'engagerai la concertation avec vous lorsque j'aurais moi-même clarifié un certain nombre de points juridiques ou d'options sur lesquelles nous pourrions travailler ensemble.
L'accès, le contenu des formations, la gestion des carrières : telles sont les clés. Nous devons travailler sur l'accès dans une logique pleinement républicaine et constitutionnelle : il n'est pas question d'aller chercher tel ou tel sur des critères définis auparavant, mais bien d'amener toute une génération, de tous nos territoires, à se préparer à ces concours et de s'assurer que des voies d'accès permettent effectivement de les réussir. Nous connaissons tous le principe de l'égal accès à la fonction publique posé par l'article VI de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, et je ne compte pas m'éloigner de ce cadre républicain. Mais nous avons à faire beaucoup plus, beaucoup mieux, pour permettre à cette jeunesse d'aller vers ces métiers du service de l'intérêt général : servir son pays ne doit pas être réservé à une élite.
Les classes préparatoires intégrées ont déjà permis à beaucoup de jeunes de franchir le cap : nous devons les renforcer. Nous devons regarder comment travailler avec les universités de manière plus approfondie. Les IPAG (instituts de préparation à l'administration générale), les CPAG (centres de préparation à l'administration générale) ont bien sûr un rôle à jouer tout comme les IEP (instituts d'études politiques) parisien ou de province. Nous avons tout un écosystème totalement prêt et avec qui je travaille de très près afin qu'une nouvelle organisation donne des moyens de préparation à beaucoup plus de jeunes. Bien sûr, il y a un enjeu social, mais j'insiste aussi sur l'aspect territorial, notamment avec le maillage des universités. Il existe beaucoup d'autres outils à mobiliser. Je pense aux tutorats, aux cordées de service public dans le cadre des cordées de la réussite, à la connaissance des métiers car il est difficile d'être attiré si l'on ne voit pas concrètement les fonctions auxquelles on aspire… Voilà ce qui concerne l'accès.
Il y a ensuite des enjeux de formation : à quoi forme-t-on nos hauts fonctionnaires ? Quelle culture commune peut-on leur transmettre ? N'oublions pas la formation continue : le rapport « Thiriez » faisait des propositions sur la haute fonction publique, sur le modèle, notamment, de l'école de guerre, et sur la manière de créer des passerelles d'accès à des postes à responsabilité, par des concours internes ou par une formation.
Il faut enfin s'intéresser à la gestion des carrières, des viviers, et se demander comment on identifie les talents. Cela vaut notamment dans le cadre de la féminisation de la haute fonction publique : comment ouvrir beaucoup plus l'accès des femmes aux postes à responsabilité ? Un énorme effort a été accompli depuis trois ans : on en est à plus de 40 % de femmes primo-nominées, notamment dans les postes à la discrétion du gouvernement. Nous devons aller plus loin dans un certain nombre de ministères.
Tels sont pour moi les enjeux qui concernent la haute fonction publique et la mobilité au cours des carrières, les différentes étapes de promotion et d'avancement.
L'ordonnance portant sur la santé et la famille est très importante, comme celle sur la négociation collective. Je continue d'avancer, avec les partenaires sociaux, de même qu'à propos de la protection sociale complémentaire. Vous avez dit que nous devions réaliser des choses concrètes : je partage pleinement cet avis et cela vaut notamment pour les arrêts de longue durée et l'accès à des soins de qualité.
Nous devons vraiment réfléchir aux moyens que l'on consacre aux classes préparatoires intégrées et nous assurer que l'on casse ce déterminisme social qui conduit à ce que seulement 1 % – c'est-à-dire un seul élève ! – de la promotion actuelle de l'ENA ait un père ouvrier. Nous avons fait beaucoup de progrès pour les doctorats, avec quatre places au concours en 2020 : c'est 50 % de plus qu'en 2019. C'est aussi une voie de diversification.
Il faut le dire et le redire : nous avons pris des mesures exceptionnelles pour que l'apprentissage se déploie en 2021 dans la fonction publique territoriale, tout comme nous souhaitons qu'il se développe dans toutes les entreprises, PME et TPE comprises. Le Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, finance 50 % du coût de la formation des apprentis. Nous avons ajouté une prime exceptionnelle – rétroactive – de 3 000 euros pour tous les contrats signés entre le 1er juillet 2020 et le 28 février 2021. Nous prenons, l'engagement d'avoir 11 000 apprentis dans la fonction publique de l'État pour la séquence 2020-2021. Dans la fonction publique territoriale, on avoisinait les 9 000 apprentis en 2019. Le but est là aussi de renforcer nos dispositifs pour monter en charge : beaucoup de métiers peuvent s'apprendre en apprentissage. La semaine dernière, j'ai rencontré en Mayenne des jeunes qui font des Masters dans le numérique, et qui font leur apprentissage dans la fonction publique territoriale. Il y a un déficit d'image de la filière de l'apprentissage mais aussi des possibilités qui sont ouvertes dans la fonction publique territoriale. Il est essentiel que nous fassions mieux connaître les dispositifs financiers du CNFPT, exceptionnels cette année, pour pouvoir utiliser ce levier d'ascension sociale, d'ouverture sociale et de diversité de nos recrutements. Beaucoup de jeunes y voient aussi l'intérêt de financer des études parfois couteuses, en ayant plus rapidement accès à une rémunération, à un soutien financier.
Si le fonds en faveur de l'égalité professionnelle ne s'applique aujourd'hui qu'à l'État, il sera bien décliné dans les deux autres versants puisque nous créons trois fonds : un pour la fonction publique hospitalière, un pour la fonction publique de l'État et un pour la fonction publique territoriale. Les collectivités vont bien sûr rester dans le dispositif mais les fonds seront distincts : nous sommes en train d'instruire la manière dont celui qui leur sera dédié sera alimenté, mais il sera bien financé par les collectivités territoriales ciblées par le dispositif et qui ne respectent pas un taux de 40 % de primo-nominations féminines. Je suis très attachée à ce que ce dispositif se poursuive. Le but n'est pas que les administrations et les employeurs publics paient des amendes mais que des femmes accèdent aux responsabilités. Nous devons être stricts envers ceux qui n'atteignent pas les résultats, mais nous devons collectivement alimenter les recrutements de femmes, les former, nous assurer qu'il n'y ait pas de promotion ou de nomination sans au moins un dossier de femme candidate, etc.
En 2018, 56 % des collectivités locales et des EPCI avaient respecté le taux légal de 40 % ; vingt collectivités avaient été astreintes au versement d'une pénalité financière et, au total, 2,25 millions d'euros avaient été collectés. En 2019, on a enregistré une vraie progression puisque quatorze collectivités ont versé une pénalité financière. Pour autant, mon objectif est que l'on arrive à zéro le plus rapidement possible.
En ce qui concerne le télétravail dans la fonction publique territoriale, la circulaire que j'avais moi-même signée le 7 octobre dernier a été déclinée le 16 octobre par une note de la DGCL, la direction générale des collectivités locales, pour que les dispositifs d'incitation – et d'incitation impérative dans les zones sujettes au couvre-feu – soient bien déployés. Selon les derniers chiffres en ma possession, 28 % des agents ont été au moins un jour en télétravail. La semaine précédente, nous étions à 24 %. On atteint des chiffres très élevés au-delà de 40 % et parfois même 50 % dans certains départements d'Île-de-France. J'accompagne ce suivi et, évidemment, les employeurs territoriaux sont des partenaires. Je vois d'ailleurs assez peu de réticence au plus haut niveau des collectivités, pour peu que le télétravail puisse véritablement être déployé.
Le fonds pour la transformation de l'action publique, le FTAP, est très important : il a permis d'acter qu'on pouvait investir pour se transformer et qu'on a parfois besoin de temps pour qu'une dépense publique produise pleinement son effet et permette soit des économies, soit des gains de productivité et d'efficience, soit un meilleur service rendu aux usagers. Ce fonds s'est déployé à partir de 2018. La montée en charge des grands projets est suivie très précisément. Un certain nombre de projets commencent à devenir concrets ; nous en avons encore validé dix-neuf nouveaux la semaine dernière. Depuis le lancement du fonds, 97 projets ont été soutenus et 580 millions mobilisés sur les 700 millions budgétés sur le quinquennat.
Parmi les nouveaux projets, on peut citer le portail commun du recouvrement fiscal et social ; un outil de résorption des bidonvilles ; un outil traque-déchets pour gérer la traçabilité des déchets en toute sécurité ; Géopole nouvelle génération, outil numérique de gestion notamment du temps de travail dans la Police nationale, coopération interministérielle pour les services de l'État en région Pays de la Loire… Ce sont des outils très différents, souvent numériques mais pas seulement, et qui, selon moi, doivent toujours comprendre un accompagnement et la formation des agents. On ne transforme pas une organisation sans les hommes et les femmes qui la font vivre. J'y suis extrêmement attachée et c'est d'ailleurs l'un des intérêts de mon ministère que d'avoir rapproché la transformation numérique, la transformation de nos procédures, notamment celles du service public rendu aux usagers, et les agents publics.
Nous devons en effet avoir un retour d'expérience extrêmement précis sur la continuité du service public pendant le confinement. Il faut, bien sûr, remercier les agents qui se sont mobilisés mais aussi tirer les leçons de ce que nous avons constaté en termes de télétravail, de guichets fermés. C'est tout l'enjeu de l'enveloppe de 500 millions du plan de relance qui est dédiée à mon ministère et que je pilote. Il s'agit à la fois de renforcer les outils de travail numériques des agents, de faciliter la numérisation, et d'associer les collectivités à cette modernisation, afin que nous puissions partager davantage de données, et que les services puissent continuer à travailler ensemble même quand les guichets sont clos.
Face à ces guichets clos, des expérimentations ont été lancées pour créer des maisons France Service par téléphone, et pour recréer – dans certains départements, ce sera fait très prochainement – des guichets uniques téléphoniques. Je crois que ce sont des outils utiles, par rapport à ce qui s'est produit, mais également utiles pour un certain public pour qui la maison ou l'espace France Service est certes un endroit très précieux pour accompagner les démarches numériques, mais à qui le téléphone offre une réponse rapide et un accompagnement adapté.
S'agissant des difficultés de recrutement par certains concours, nous devons œuvrer collectivement pour rendre ces concours attrayants et avoir suffisamment de candidats, pour renforcer l'attractivité de la fonction publique, et ainsi la connaissance des métiers. Dans la fonction publique territoriale, on manque aussi de candidats aux concours, souvent parce que l'on pense qu'ils sont réservés aux Bac+5 – ce n'est pas le cas – ou qu'ils sont trop sélectifs, ou encore parce que les métiers ne sont pas connus. Il y a beaucoup d'autocensure en amont des concours et nous devons travailler à la lever.
Parce que nous devons assurer la continuité du service public, nous avons évidemment recours à un certain nombre de contractuels quand c'est nécessaire. Je pense notamment à la Caisse primaire d'assurance maladie qui a vu ses missions élargies : elle est un opérateur de droit privé mais elle travaille avec des contractuels sur le traçage de la covid-19. Nous le faisons aussi dans d'autres secteurs.
À votre demande et au nom de la transparence, nous produisons un rapport sur les dix plus hautes rémunérations. Les régions, les départements, les communes de plus de 80 000 habitants sont concernés, comme les hôpitaux. Les collectivités doivent publier leurs données et 200 d'entre elles sur 366 l'ont fait, comme 39 hôpitaux sur 80. Pour l'État, les dix plus hautes rémunérations – nous l'avons publié – représentaient un salaire brut moyen de 15 000 euros en 2019. Pour les collectivités, cela représente 7 318 € brut mensuel. À titre de comparaison, dans le secteur privé, plus de 1 000 personnes perçoivent un salaire net de plus de 100 000 € par mois. Je crois que nous restons à des niveaux de rémunérations qui sont très largement compréhensibles, et en tout cas maitrisés. Les comparaisons entre les trois versants ne sont pas toujours très pertinentes, parce qu'elles ne prennent pas toujours bien en compte les missions ou la taille des employeurs concernés. Seulement 28 % de femmes figurent parmi les plus hautes rémunérations au sein des départements ministériels concernés : cela ne me satisfait pas et il faut progresser.
Sur ce sujet de l'égalité hommes-femmes, je cherche à mobiliser sur plusieurs aspects. D'abord, je viens de l'évoquer, l'aspect salarial : il existe un écart de salaire et nous avons veillé à ce que chaque ministère propose un plan d'action, qui doit aussi s'intéresser aux carrières dites féminisées. C'est un effort que nous avons fait lors de notre rendez-vous salarial du mois de juillet, et qui se traduira dans les faits en 2021 pour que, dans les filières sociales comme dans d'autres où il y a peut-être eu des oublis, notamment dans le régime indemnitaire de revalorisation, nous rattrapions ces retards qui sont bien sûr inacceptables.
Le deuxième enjeu, c'est de suivre les plans d'action des différents ministères pour que cette égalité salariale soit pleine et entière. Ces plans d'action comportent également des éléments relatifs aux cellules de signalement – de harcèlement, de discrimination –, et plus largement au dispositif d'accès aux postes à responsabilité pour atteindre l'objectif des 40 %. Je tiens à dire que beaucoup d'efforts ont été faits en trois ans, puisque sur les trois premiers mois de 2020, nous étions à 47 % de primo-nominations. Toutefois, on ne compte que 30 % de directrices d'administrations centrales. Certes, on était à 22 % en 2014, et il y a donc un vrai progrès, mais ce n'est pas encore satisfaisant. Pour arriver aux 40 %, il faut bien sûr tenir un discours politique et de mobilisation clair, et il est tenu. Mais il existe aussi des procédures de recrutement s'appuyant sur des viviers féminisés, larges, paritaires… Je souhaite m'impliquer en ce sens.
J'ai entendu vos craintes quant à la « dématérialisation à marche forcée », ou aux « 100 % des démarches administratives en ligne en 2022 ». Je tiens d'abord à préciser que ma feuille de route vise d'abord à numériser les 250 démarches les plus usuelles accomplies par les Français. Se concentrer sur ces 250 démarches permet de faire des choses précises et surtout de la bonne dématérialisation, c'est-à-dire accessible à tous, notamment aux personnes en situation de handicap. Mais la dématérialisation doit aussi être attentive à l'avis des usagers : si certaines démarches donnent peu satisfaction, il faut les revoir en profondeur. Pour éviter qu'elles soient très lourdes, voire faussement numériques, ces démarches doivent faciliter les procédures, privilégier le pré-remplissage, aller chercher automatiquement des données dans d'autres ministères. Je pense notamment à toutes celles où, au milieu du processus, on vous demande d'imprimer le document, de le signer et de l'envoyer par la poste…
Mon objectif n'est pas de mettre tout en ligne et d'en être content ; c'est de faire de la bonne numérisation pour les 250 démarches les plus usuelles. Un observatoire des démarches en ligne est publié tous les trois mois sur le site www.numerique.gouv.fr : évidemment, j'ai besoin de vos yeux de parlementaires sur ces progrès. Je fais remonter ces sujets au niveau des ministres. Ces sujets sont éminemment politiques puisque c'est désormais souvent le premier lien que les citoyens ont avec le service public. La dématérialisation doit aussi s'accompagner de lieux d'accompagnement. Vous avez parlé de couverture réseau, de déploiement de la fibre, de tous ces pylônes qu'on édifie pour que les applications sur smartphone fonctionnent bien : c'est bien sûr essentiel. Vous avez parlé de la formation et c'est tout l'enjeu du Pass numérique que promeut Cédric O avec beaucoup de collectivités locales, pour former au numérique. Mais cela ne suffit pas, d'où l'importance des lieux comme les maisons France Service où l'on bénéficie d'un accompagnement personnalisé pour réaliser ces démarches.
Je tiens à ce que, pour les cas compliqués, il reste une voie d'accès d'humain à humain. Il faut sortir de cette idée que l'on serait dans un dogme du 100 % numérique : j'aimerais déjà qu'on fasse du numérique de bonne qualité pour les démarches les plus usuelles des citoyens et des entreprises – car on oublie trop souvent l'usager-entreprise, le patron de TPE, de PME : le numérique lui est aussi essentiel.
Le bilan carbone du numérique est très important : plus les sites sont légers, sans trop de mots, bien conçus et bien développés, plus ils sont accessibles à tous les Français et moins ils sont lourds à héberger, donc meilleur est leur bilan carbone.
S'agissant de ce que vous avez appelé la « prime covid de la discorde », nous avons à créer une culture collective du dialogue social décentralisé. Quand il y a eu une déception, c'est souvent parce que le dialogue social n'a pas été à la hauteur des attentes.
Pour le plan Santé au travail, les négociations ont repris. Elles se déroulent également dans le secteur privé, et nous tiendrons les délais. J'aimerais que ce soit terminé début 2021, au plus tard au printemps.
Avec les sous-préfets à la relance, je ne crée pas un nouvel échelon. Évidemment, les sous-préfets d'arrondissements sont extrêmement liés aux entreprises, aux élus, et donc c'est avec eux, bien sûr, que ce plan de relance sera déployé. Dans chaque département, un sous-préfet ou un secrétaire général de préfecture, bref un acteur de terrain bien identifié, sera en charge de la relance. Nous avons demandé aux préfets s'ils avaient besoin de renforts compétents. Dans certains territoires, des enjeux, notamment de sécurité, font que les équipes en place, certes dévouées et pleinement mobilisées – je tiens à les remercier de leur action quotidienne –, voyant un nouveau défi arriver, ont demandé des renforts. Dans toutes les organisations, quand un nouveau projet arrive, on se réorganise. Les trente premiers postes ouverts à candidature relèvent des besoins exprimés par le terrain. Nous cherchons des jeunes fonctionnaires, et plus largement des personnes intéressées pour jouer ce rôle d'animateur, de facilitateur, de point d'entrée, qui travailleront bien entendu de manière extrêmement proche avec les sous-préfets en place, avec le corps préfectoral, avec les différentes directions déconcentrées, notamment la DIRECCTE, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, et d'autres, pour que ce plan de relance devienne une réalité. L'idée est vraiment de réarmer l'action de l'État proche des territoires, de s'appuyer sur ce qui existe, mais de tenir compte du besoin que certains expriment d'un soutien plus grand.
Le RIFSEEP continuera à être déployé. Il est bien sûr utile d'harmoniser les différents régimes indemnitaires pour favoriser les mobilités. Cet outil permet un bon équilibre entre statut, fonction et performance. Les conditions d'usage dans la fonction publique territoriale ont été assouplies. Un nouvel instrument a été donné aux employeurs pour lever des freins qui avaient pu apparaitre. Aujourd'hui, nous voyons bien que nous avons à nous appuyer, notamment en ce qui concerne les enjeux de carrière et de parcours personnels, sur des outils de formation, d'évolution, de passage de concours, afin de gérer les parcours individuels avec une attention beaucoup plus grande aux ressources humaines.
J'ai rendu visite très récemment aux IRA de Nantes et de Metz. J'ai vu des équipes très mobilisées pour continuer à suivre, avec des outils numériques de pointe, les étudiants qui partent en stage dans différentes administrations. Ils continuent d'avoir des animations collectives, des retours d'expérience et des points réguliers. Bien sûr, il faudra tirer un bilan mais ce que j'ai vu m'a semblé assez bien accepté par les étudiants que j'ai rencontrés.
Enfin, concernant les effectifs pour l'année 2021, je précise – car on a parfois l'impression que les choses ne sont pas aussi claires qu'elles le devraient – que nous sommes sur un schéma d'emploi de stabilité, avec, d'un côté, la création de postes au ministère de l'intérieur et chez ses opérateurs, aux ministères de la justice, des armées, de l'enseignement supérieur et de la recherche, et de l'autre des efforts, notamment de la part des ministères de l'économie et des finances, de la transition écologique, de l'emploi et de l'insertion. Au total, le solde est proche de zéro.
En 2020, nous avons pu créer notamment au sein de Pôle Emploi ou de l'Éducation nationale des postes en gestion pour faire face à la crise et répondre aux besoins qui s'étaient fait jour pendant le confinement. Il ne s'agit pas de contractuels, comme vous semblez le penser, monsieur Bernalicis : je pourrai le préciser par écrit si vous le souhaitez. Toutefois, même si les embauches sont stables, nous nous plaçons, comme pour les sous-préfets à la relance, dans l'optique d'une réorganisation interne. Comme l'a dit le Premier ministre dans son discours de politique générale, on remet les équipes sur le terrain, on réarme et on déconcentre la fonction publique territoriale, et on s'assure par conséquent qu'on a la capacité de réallouer nos moyens. Cela signifie, plus de formation, plus de mobilité interne, des parcours mieux gérés. Parallèlement, le recrutement des contractuels présentant des compétences précieuses que nous n'avons pas en interne – notamment dans le numérique, mais pas uniquement – va se poursuivre.
Je vous remercie beaucoup pour vos questions nombreuses qui montrent combien ces femmes et ces hommes qui composent la fonction publique font que nos lois deviennent réalité, que l'action publique devienne tangible, et combien nous devons les soutenir en leur donnant des outils de travail adaptés et en accompagnant les usagers dans nos transformations.
Merci beaucoup, madame la ministre. Nous avons bien noté les engagements que vous avez pris en termes de remises de rapports, de prises de décrets et d'association des membres de la commission aux réformes de la haute fonction publique.
Après la déconnexion de la ministre, la Commission en vient à l'examen pour avis des crédits du programme « Fonction publique » de la mission « Transformation et fonction publiques » (Mme Émilie Chalas, rapporteure pour avis).
Article 33 et état B
Conformément aux conclusions de Mme Émilie Chalas, rapporteure pour avis, la Commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Fonction publique » de la mission « Transformation et fonction publiques » pour 2021.
La réunion s'achève à 20 heures 05
Information relative à la Commission
La Commission a désigné M. Jean-Pierre Pont rapporteur sur le projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire (n° 3464).
Membres présents ou excusés
En raison de la crise sanitaire, les relevés de présence sont suspendus.