Intervention de Amélie de Montchalin

Réunion du mardi 20 octobre 2020 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Amélie de Montchalin, ministre :

Madame la rapporteure a évoqué les décrets et je vais donc faire le point. Le décret sur la création des comités sociaux sera publié fin octobre-début novembre – nous avons déjà eu les échanges avec les organisations syndicales – et il nous permettra donc bien de disposer d'instances uniques. Le décret sur les lignes directrices de gestion et l'organisation des commissions administratives paritaires sera également publié fin octobre. Le décret sur le rapport social unique le sera plutôt au mois de novembre : il est actuellement examiné par le Conseil d'État. Celui sur la prime de fin de contrat d'une durée inférieure ou égale à un an, est en contreseing et sa parution est donc imminente. D'autres décrets, notamment sur les autorisations spéciales d'absence ou sur le recours aux contractuels, seront eux aussi publiés avant la fin de l'année. Je tiens scrupuleusement les délais pour que toutes les dispositions puissent s'appliquer effectivement au 1er janvier 2021.

Je vous le préciserai par écrit, mais nous avons bien noté que nous vous devions d'ici la fin de l'année 2020 un rapport sur les priorités d'affectation légale dans la fonction publique de l'État pour les fonctionnaires d'outre-mer ; un rapport sur le temps de travail dans la fonction publique de l'État ; un rapport sur les freins au développement de l'apprentissage dans la fonction publique, et l'identification des mesures envisageables pour lever ces freins… J'ai bien noté vos demandes et nous y répondrons dans les meilleurs délais. Les équipes de la DGAFP et les équipes interministérielles ont été très mobilisées pendant la crise sanitaire, mais le Parlement recevra bien sûr les éléments d'information qu'il demande. C'est le minimum que nous vous devons dans votre mission d'évaluation et de contrôle qui est par définition essentielle à notre travail collectif.

S'agissant du jour de carence, vous connaissez la situation : aucune pénalité financière n'est appliquée aux personnes qui sont « cas contact » et qui attendent le résultat d'un test. Il est extrêmement important que l'isolement volontaire individuel soit sans conséquence financière, dans le privé comme dans le public, et un arrêté dérogatoire permet que ce soit le cas. Pour les personnes malades, la décision nécessite d'abord une disposition législative – vous débattrez dans les prochains jours de la prorogation de l'état d'urgence sanitaire. Ce n'est pas une décision que je peux pendre unilatéralement d'une simple signature. De surcroit, je pense qu'il est important d'éviter de distinguer les salariés du secteur privé et les agents publics sur ce point. Nous sommes face à une situation sanitaire difficile. Si le jour de carence est suspendu, je crois qu'il est important de le faire pour tous les Français, comme c'était le cas entre le 23 mars et le 10 juillet. Enfin je pense qu'il est important de regarder, notamment avec la communauté médicale, si une telle disposition ne doit s'appliquer qu'à la seule covid-19 ou à toutes les maladies. Vous imaginez bien que les enjeux dépassent très largement mon seul ministère : c'est un enjeu sanitaire, qui concerne potentiellement tous les actifs, tous les salariés, tous les agents de notre pays. Cela demande d'être regardé dans le détail.

Je l'ai toujours dit : nous devons prendre toutes les mesures qui sont efficaces pour lutter contre la propagation de ce virus. C'est une discussion que nous avons avec l'ensemble des ministres concernés. Je ne réponds aujourd'hui ni un « oui », ni un « non » fermes à la question de la disparition du jour de carence. Nous travaillons et nous pourrons dans les prochains jours préciser les choses, notamment pendant le débat législatif.

Vous m'avez interrogée sur les enjeux de la formation qui – on le voit dans le cas du télétravail et des nouvelles organisations du travail – est absolument essentielle. Car le sujet du numérique, s'il est important pour les usagers l'est également pour les agents : on en sous-estime souvent l'enjeu. J'ai voulu le porter très fortement dans le plan de relance, qui consacrera 200 millions d'euros à la formation aux outils numériques mais également à l'accompagnement des agents, sans lequel on ferait les choses de manière déséquilibrée et assez peu efficiente.

Il existe donc un schéma directeur de la formation tout au long de la vie des agents de l'État. Je suis très attachée à ce que nous faisions davantage de formation, notamment en ligne, pour permettre à chacun de se former dans des temps dédiés, sans avoir à traverser le pays ni à interrompre la continuité de son travail. Nous allons mettre à jour une plateforme de formation interministérielle en ligne, qui sera disponible dès le début 2021. Nous allons également par ce biais mutualiser beaucoup de formations que certains ministères déploient aujourd'hui très bien, afin d'en faire bénéficier d'autres agents. Je pense notamment à des enjeux de formation comme l'égalité professionnelle, la dynamique des achats et les budgets. Ce sont des sujets essentiels si nous voulons créer des parcours de carrière qui répondent davantage aux aspirations et aux demandes.

Je vous confirme que nous avons lancé un travail de codification, avec le soutien du Conseil d'État, qui dispose désormais d'une commission dédiée. Cela va renforcer la lisibilité des règles qui s'appliquent à la fois aux employeurs et aux agents. Un code unifié bénéficiera à tous.

Je me permets d'insister sur le rapport social unique, car cet outil très important sera le baromètre de nos progrès en ressources humaines. J'aimerais pouvoir en faire un suivi régulier, pour voir comment cet outil peut ouvrir un dialogue social authentique et dense sur une base factuelle partagée. Au-delà d'un outil statistique, c'est un outil de dialogue social que nous pourrons valoriser. Le Conseil d'État est en cours de consultation sur le projet de décret, que nous essayerons de publier dès le mois de novembre.

Je suis très attachée à ce que les parlementaires soient pleinement associés à la réflexion sur la haute fonction publique et je serais ravie d'être auditionnée sur ce point spécifique, pour vous permettre d'enrichir nos travaux. J'engagerai la concertation avec vous lorsque j'aurais moi-même clarifié un certain nombre de points juridiques ou d'options sur lesquelles nous pourrions travailler ensemble.

L'accès, le contenu des formations, la gestion des carrières : telles sont les clés. Nous devons travailler sur l'accès dans une logique pleinement républicaine et constitutionnelle : il n'est pas question d'aller chercher tel ou tel sur des critères définis auparavant, mais bien d'amener toute une génération, de tous nos territoires, à se préparer à ces concours et de s'assurer que des voies d'accès permettent effectivement de les réussir. Nous connaissons tous le principe de l'égal accès à la fonction publique posé par l'article VI de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, et je ne compte pas m'éloigner de ce cadre républicain. Mais nous avons à faire beaucoup plus, beaucoup mieux, pour permettre à cette jeunesse d'aller vers ces métiers du service de l'intérêt général : servir son pays ne doit pas être réservé à une élite.

Les classes préparatoires intégrées ont déjà permis à beaucoup de jeunes de franchir le cap : nous devons les renforcer. Nous devons regarder comment travailler avec les universités de manière plus approfondie. Les IPAG (instituts de préparation à l'administration générale), les CPAG (centres de préparation à l'administration générale) ont bien sûr un rôle à jouer tout comme les IEP (instituts d'études politiques) parisien ou de province. Nous avons tout un écosystème totalement prêt et avec qui je travaille de très près afin qu'une nouvelle organisation donne des moyens de préparation à beaucoup plus de jeunes. Bien sûr, il y a un enjeu social, mais j'insiste aussi sur l'aspect territorial, notamment avec le maillage des universités. Il existe beaucoup d'autres outils à mobiliser. Je pense aux tutorats, aux cordées de service public dans le cadre des cordées de la réussite, à la connaissance des métiers car il est difficile d'être attiré si l'on ne voit pas concrètement les fonctions auxquelles on aspire… Voilà ce qui concerne l'accès.

Il y a ensuite des enjeux de formation : à quoi forme-t-on nos hauts fonctionnaires ? Quelle culture commune peut-on leur transmettre ? N'oublions pas la formation continue : le rapport « Thiriez » faisait des propositions sur la haute fonction publique, sur le modèle, notamment, de l'école de guerre, et sur la manière de créer des passerelles d'accès à des postes à responsabilité, par des concours internes ou par une formation.

Il faut enfin s'intéresser à la gestion des carrières, des viviers, et se demander comment on identifie les talents. Cela vaut notamment dans le cadre de la féminisation de la haute fonction publique : comment ouvrir beaucoup plus l'accès des femmes aux postes à responsabilité ? Un énorme effort a été accompli depuis trois ans : on en est à plus de 40 % de femmes primo-nominées, notamment dans les postes à la discrétion du gouvernement. Nous devons aller plus loin dans un certain nombre de ministères.

Tels sont pour moi les enjeux qui concernent la haute fonction publique et la mobilité au cours des carrières, les différentes étapes de promotion et d'avancement.

L'ordonnance portant sur la santé et la famille est très importante, comme celle sur la négociation collective. Je continue d'avancer, avec les partenaires sociaux, de même qu'à propos de la protection sociale complémentaire. Vous avez dit que nous devions réaliser des choses concrètes : je partage pleinement cet avis et cela vaut notamment pour les arrêts de longue durée et l'accès à des soins de qualité.

Nous devons vraiment réfléchir aux moyens que l'on consacre aux classes préparatoires intégrées et nous assurer que l'on casse ce déterminisme social qui conduit à ce que seulement 1 % – c'est-à-dire un seul élève ! – de la promotion actuelle de l'ENA ait un père ouvrier. Nous avons fait beaucoup de progrès pour les doctorats, avec quatre places au concours en 2020 : c'est 50 % de plus qu'en 2019. C'est aussi une voie de diversification.

Il faut le dire et le redire : nous avons pris des mesures exceptionnelles pour que l'apprentissage se déploie en 2021 dans la fonction publique territoriale, tout comme nous souhaitons qu'il se développe dans toutes les entreprises, PME et TPE comprises. Le Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, finance 50 % du coût de la formation des apprentis. Nous avons ajouté une prime exceptionnelle – rétroactive – de 3 000 euros pour tous les contrats signés entre le 1er juillet 2020 et le 28 février 2021. Nous prenons, l'engagement d'avoir 11 000 apprentis dans la fonction publique de l'État pour la séquence 2020-2021. Dans la fonction publique territoriale, on avoisinait les 9 000 apprentis en 2019. Le but est là aussi de renforcer nos dispositifs pour monter en charge : beaucoup de métiers peuvent s'apprendre en apprentissage. La semaine dernière, j'ai rencontré en Mayenne des jeunes qui font des Masters dans le numérique, et qui font leur apprentissage dans la fonction publique territoriale. Il y a un déficit d'image de la filière de l'apprentissage mais aussi des possibilités qui sont ouvertes dans la fonction publique territoriale. Il est essentiel que nous fassions mieux connaître les dispositifs financiers du CNFPT, exceptionnels cette année, pour pouvoir utiliser ce levier d'ascension sociale, d'ouverture sociale et de diversité de nos recrutements. Beaucoup de jeunes y voient aussi l'intérêt de financer des études parfois couteuses, en ayant plus rapidement accès à une rémunération, à un soutien financier.

Si le fonds en faveur de l'égalité professionnelle ne s'applique aujourd'hui qu'à l'État, il sera bien décliné dans les deux autres versants puisque nous créons trois fonds : un pour la fonction publique hospitalière, un pour la fonction publique de l'État et un pour la fonction publique territoriale. Les collectivités vont bien sûr rester dans le dispositif mais les fonds seront distincts : nous sommes en train d'instruire la manière dont celui qui leur sera dédié sera alimenté, mais il sera bien financé par les collectivités territoriales ciblées par le dispositif et qui ne respectent pas un taux de 40 % de primo-nominations féminines. Je suis très attachée à ce que ce dispositif se poursuive. Le but n'est pas que les administrations et les employeurs publics paient des amendes mais que des femmes accèdent aux responsabilités. Nous devons être stricts envers ceux qui n'atteignent pas les résultats, mais nous devons collectivement alimenter les recrutements de femmes, les former, nous assurer qu'il n'y ait pas de promotion ou de nomination sans au moins un dossier de femme candidate, etc.

En 2018, 56 % des collectivités locales et des EPCI avaient respecté le taux légal de 40 % ; vingt collectivités avaient été astreintes au versement d'une pénalité financière et, au total, 2,25 millions d'euros avaient été collectés. En 2019, on a enregistré une vraie progression puisque quatorze collectivités ont versé une pénalité financière. Pour autant, mon objectif est que l'on arrive à zéro le plus rapidement possible.

En ce qui concerne le télétravail dans la fonction publique territoriale, la circulaire que j'avais moi-même signée le 7 octobre dernier a été déclinée le 16 octobre par une note de la DGCL, la direction générale des collectivités locales, pour que les dispositifs d'incitation – et d'incitation impérative dans les zones sujettes au couvre-feu – soient bien déployés. Selon les derniers chiffres en ma possession, 28 % des agents ont été au moins un jour en télétravail. La semaine précédente, nous étions à 24 %. On atteint des chiffres très élevés au-delà de 40 % et parfois même 50 % dans certains départements d'Île-de-France. J'accompagne ce suivi et, évidemment, les employeurs territoriaux sont des partenaires. Je vois d'ailleurs assez peu de réticence au plus haut niveau des collectivités, pour peu que le télétravail puisse véritablement être déployé.

Le fonds pour la transformation de l'action publique, le FTAP, est très important : il a permis d'acter qu'on pouvait investir pour se transformer et qu'on a parfois besoin de temps pour qu'une dépense publique produise pleinement son effet et permette soit des économies, soit des gains de productivité et d'efficience, soit un meilleur service rendu aux usagers. Ce fonds s'est déployé à partir de 2018. La montée en charge des grands projets est suivie très précisément. Un certain nombre de projets commencent à devenir concrets ; nous en avons encore validé dix-neuf nouveaux la semaine dernière. Depuis le lancement du fonds, 97 projets ont été soutenus et 580 millions mobilisés sur les 700 millions budgétés sur le quinquennat.

Parmi les nouveaux projets, on peut citer le portail commun du recouvrement fiscal et social ; un outil de résorption des bidonvilles ; un outil traque-déchets pour gérer la traçabilité des déchets en toute sécurité ; Géopole nouvelle génération, outil numérique de gestion notamment du temps de travail dans la Police nationale, coopération interministérielle pour les services de l'État en région Pays de la Loire… Ce sont des outils très différents, souvent numériques mais pas seulement, et qui, selon moi, doivent toujours comprendre un accompagnement et la formation des agents. On ne transforme pas une organisation sans les hommes et les femmes qui la font vivre. J'y suis extrêmement attachée et c'est d'ailleurs l'un des intérêts de mon ministère que d'avoir rapproché la transformation numérique, la transformation de nos procédures, notamment celles du service public rendu aux usagers, et les agents publics.

Nous devons en effet avoir un retour d'expérience extrêmement précis sur la continuité du service public pendant le confinement. Il faut, bien sûr, remercier les agents qui se sont mobilisés mais aussi tirer les leçons de ce que nous avons constaté en termes de télétravail, de guichets fermés. C'est tout l'enjeu de l'enveloppe de 500 millions du plan de relance qui est dédiée à mon ministère et que je pilote. Il s'agit à la fois de renforcer les outils de travail numériques des agents, de faciliter la numérisation, et d'associer les collectivités à cette modernisation, afin que nous puissions partager davantage de données, et que les services puissent continuer à travailler ensemble même quand les guichets sont clos.

Face à ces guichets clos, des expérimentations ont été lancées pour créer des maisons France Service par téléphone, et pour recréer – dans certains départements, ce sera fait très prochainement – des guichets uniques téléphoniques. Je crois que ce sont des outils utiles, par rapport à ce qui s'est produit, mais également utiles pour un certain public pour qui la maison ou l'espace France Service est certes un endroit très précieux pour accompagner les démarches numériques, mais à qui le téléphone offre une réponse rapide et un accompagnement adapté.

S'agissant des difficultés de recrutement par certains concours, nous devons œuvrer collectivement pour rendre ces concours attrayants et avoir suffisamment de candidats, pour renforcer l'attractivité de la fonction publique, et ainsi la connaissance des métiers. Dans la fonction publique territoriale, on manque aussi de candidats aux concours, souvent parce que l'on pense qu'ils sont réservés aux Bac+5 – ce n'est pas le cas – ou qu'ils sont trop sélectifs, ou encore parce que les métiers ne sont pas connus. Il y a beaucoup d'autocensure en amont des concours et nous devons travailler à la lever.

Parce que nous devons assurer la continuité du service public, nous avons évidemment recours à un certain nombre de contractuels quand c'est nécessaire. Je pense notamment à la Caisse primaire d'assurance maladie qui a vu ses missions élargies : elle est un opérateur de droit privé mais elle travaille avec des contractuels sur le traçage de la covid-19. Nous le faisons aussi dans d'autres secteurs.

À votre demande et au nom de la transparence, nous produisons un rapport sur les dix plus hautes rémunérations. Les régions, les départements, les communes de plus de 80 000 habitants sont concernés, comme les hôpitaux. Les collectivités doivent publier leurs données et 200 d'entre elles sur 366 l'ont fait, comme 39 hôpitaux sur 80. Pour l'État, les dix plus hautes rémunérations – nous l'avons publié – représentaient un salaire brut moyen de 15 000 euros en 2019. Pour les collectivités, cela représente 7 318 € brut mensuel. À titre de comparaison, dans le secteur privé, plus de 1 000 personnes perçoivent un salaire net de plus de 100 000 € par mois. Je crois que nous restons à des niveaux de rémunérations qui sont très largement compréhensibles, et en tout cas maitrisés. Les comparaisons entre les trois versants ne sont pas toujours très pertinentes, parce qu'elles ne prennent pas toujours bien en compte les missions ou la taille des employeurs concernés. Seulement 28 % de femmes figurent parmi les plus hautes rémunérations au sein des départements ministériels concernés : cela ne me satisfait pas et il faut progresser.

Sur ce sujet de l'égalité hommes-femmes, je cherche à mobiliser sur plusieurs aspects. D'abord, je viens de l'évoquer, l'aspect salarial : il existe un écart de salaire et nous avons veillé à ce que chaque ministère propose un plan d'action, qui doit aussi s'intéresser aux carrières dites féminisées. C'est un effort que nous avons fait lors de notre rendez-vous salarial du mois de juillet, et qui se traduira dans les faits en 2021 pour que, dans les filières sociales comme dans d'autres où il y a peut-être eu des oublis, notamment dans le régime indemnitaire de revalorisation, nous rattrapions ces retards qui sont bien sûr inacceptables.

Le deuxième enjeu, c'est de suivre les plans d'action des différents ministères pour que cette égalité salariale soit pleine et entière. Ces plans d'action comportent également des éléments relatifs aux cellules de signalement – de harcèlement, de discrimination –, et plus largement au dispositif d'accès aux postes à responsabilité pour atteindre l'objectif des 40 %. Je tiens à dire que beaucoup d'efforts ont été faits en trois ans, puisque sur les trois premiers mois de 2020, nous étions à 47 % de primo-nominations. Toutefois, on ne compte que 30 % de directrices d'administrations centrales. Certes, on était à 22 % en 2014, et il y a donc un vrai progrès, mais ce n'est pas encore satisfaisant. Pour arriver aux 40 %, il faut bien sûr tenir un discours politique et de mobilisation clair, et il est tenu. Mais il existe aussi des procédures de recrutement s'appuyant sur des viviers féminisés, larges, paritaires… Je souhaite m'impliquer en ce sens.

J'ai entendu vos craintes quant à la « dématérialisation à marche forcée », ou aux « 100 % des démarches administratives en ligne en 2022 ». Je tiens d'abord à préciser que ma feuille de route vise d'abord à numériser les 250 démarches les plus usuelles accomplies par les Français. Se concentrer sur ces 250 démarches permet de faire des choses précises et surtout de la bonne dématérialisation, c'est-à-dire accessible à tous, notamment aux personnes en situation de handicap. Mais la dématérialisation doit aussi être attentive à l'avis des usagers : si certaines démarches donnent peu satisfaction, il faut les revoir en profondeur. Pour éviter qu'elles soient très lourdes, voire faussement numériques, ces démarches doivent faciliter les procédures, privilégier le pré-remplissage, aller chercher automatiquement des données dans d'autres ministères. Je pense notamment à toutes celles où, au milieu du processus, on vous demande d'imprimer le document, de le signer et de l'envoyer par la poste…

Mon objectif n'est pas de mettre tout en ligne et d'en être content ; c'est de faire de la bonne numérisation pour les 250 démarches les plus usuelles. Un observatoire des démarches en ligne est publié tous les trois mois sur le site www.numerique.gouv.fr : évidemment, j'ai besoin de vos yeux de parlementaires sur ces progrès. Je fais remonter ces sujets au niveau des ministres. Ces sujets sont éminemment politiques puisque c'est désormais souvent le premier lien que les citoyens ont avec le service public. La dématérialisation doit aussi s'accompagner de lieux d'accompagnement. Vous avez parlé de couverture réseau, de déploiement de la fibre, de tous ces pylônes qu'on édifie pour que les applications sur smartphone fonctionnent bien : c'est bien sûr essentiel. Vous avez parlé de la formation et c'est tout l'enjeu du Pass numérique que promeut Cédric O avec beaucoup de collectivités locales, pour former au numérique. Mais cela ne suffit pas, d'où l'importance des lieux comme les maisons France Service où l'on bénéficie d'un accompagnement personnalisé pour réaliser ces démarches.

Je tiens à ce que, pour les cas compliqués, il reste une voie d'accès d'humain à humain. Il faut sortir de cette idée que l'on serait dans un dogme du 100 % numérique : j'aimerais déjà qu'on fasse du numérique de bonne qualité pour les démarches les plus usuelles des citoyens et des entreprises – car on oublie trop souvent l'usager-entreprise, le patron de TPE, de PME : le numérique lui est aussi essentiel.

Le bilan carbone du numérique est très important : plus les sites sont légers, sans trop de mots, bien conçus et bien développés, plus ils sont accessibles à tous les Français et moins ils sont lourds à héberger, donc meilleur est leur bilan carbone.

S'agissant de ce que vous avez appelé la « prime covid de la discorde », nous avons à créer une culture collective du dialogue social décentralisé. Quand il y a eu une déception, c'est souvent parce que le dialogue social n'a pas été à la hauteur des attentes.

Pour le plan Santé au travail, les négociations ont repris. Elles se déroulent également dans le secteur privé, et nous tiendrons les délais. J'aimerais que ce soit terminé début 2021, au plus tard au printemps.

Avec les sous-préfets à la relance, je ne crée pas un nouvel échelon. Évidemment, les sous-préfets d'arrondissements sont extrêmement liés aux entreprises, aux élus, et donc c'est avec eux, bien sûr, que ce plan de relance sera déployé. Dans chaque département, un sous-préfet ou un secrétaire général de préfecture, bref un acteur de terrain bien identifié, sera en charge de la relance. Nous avons demandé aux préfets s'ils avaient besoin de renforts compétents. Dans certains territoires, des enjeux, notamment de sécurité, font que les équipes en place, certes dévouées et pleinement mobilisées – je tiens à les remercier de leur action quotidienne –, voyant un nouveau défi arriver, ont demandé des renforts. Dans toutes les organisations, quand un nouveau projet arrive, on se réorganise. Les trente premiers postes ouverts à candidature relèvent des besoins exprimés par le terrain. Nous cherchons des jeunes fonctionnaires, et plus largement des personnes intéressées pour jouer ce rôle d'animateur, de facilitateur, de point d'entrée, qui travailleront bien entendu de manière extrêmement proche avec les sous-préfets en place, avec le corps préfectoral, avec les différentes directions déconcentrées, notamment la DIRECCTE, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, et d'autres, pour que ce plan de relance devienne une réalité. L'idée est vraiment de réarmer l'action de l'État proche des territoires, de s'appuyer sur ce qui existe, mais de tenir compte du besoin que certains expriment d'un soutien plus grand.

Le RIFSEEP continuera à être déployé. Il est bien sûr utile d'harmoniser les différents régimes indemnitaires pour favoriser les mobilités. Cet outil permet un bon équilibre entre statut, fonction et performance. Les conditions d'usage dans la fonction publique territoriale ont été assouplies. Un nouvel instrument a été donné aux employeurs pour lever des freins qui avaient pu apparaitre. Aujourd'hui, nous voyons bien que nous avons à nous appuyer, notamment en ce qui concerne les enjeux de carrière et de parcours personnels, sur des outils de formation, d'évolution, de passage de concours, afin de gérer les parcours individuels avec une attention beaucoup plus grande aux ressources humaines.

J'ai rendu visite très récemment aux IRA de Nantes et de Metz. J'ai vu des équipes très mobilisées pour continuer à suivre, avec des outils numériques de pointe, les étudiants qui partent en stage dans différentes administrations. Ils continuent d'avoir des animations collectives, des retours d'expérience et des points réguliers. Bien sûr, il faudra tirer un bilan mais ce que j'ai vu m'a semblé assez bien accepté par les étudiants que j'ai rencontrés.

Enfin, concernant les effectifs pour l'année 2021, je précise – car on a parfois l'impression que les choses ne sont pas aussi claires qu'elles le devraient – que nous sommes sur un schéma d'emploi de stabilité, avec, d'un côté, la création de postes au ministère de l'intérieur et chez ses opérateurs, aux ministères de la justice, des armées, de l'enseignement supérieur et de la recherche, et de l'autre des efforts, notamment de la part des ministères de l'économie et des finances, de la transition écologique, de l'emploi et de l'insertion. Au total, le solde est proche de zéro.

En 2020, nous avons pu créer notamment au sein de Pôle Emploi ou de l'Éducation nationale des postes en gestion pour faire face à la crise et répondre aux besoins qui s'étaient fait jour pendant le confinement. Il ne s'agit pas de contractuels, comme vous semblez le penser, monsieur Bernalicis : je pourrai le préciser par écrit si vous le souhaitez. Toutefois, même si les embauches sont stables, nous nous plaçons, comme pour les sous-préfets à la relance, dans l'optique d'une réorganisation interne. Comme l'a dit le Premier ministre dans son discours de politique générale, on remet les équipes sur le terrain, on réarme et on déconcentre la fonction publique territoriale, et on s'assure par conséquent qu'on a la capacité de réallouer nos moyens. Cela signifie, plus de formation, plus de mobilité interne, des parcours mieux gérés. Parallèlement, le recrutement des contractuels présentant des compétences précieuses que nous n'avons pas en interne – notamment dans le numérique, mais pas uniquement – va se poursuivre.

Je vous remercie beaucoup pour vos questions nombreuses qui montrent combien ces femmes et ces hommes qui composent la fonction publique font que nos lois deviennent réalité, que l'action publique devienne tangible, et combien nous devons les soutenir en leur donnant des outils de travail adaptés et en accompagnant les usagers dans nos transformations.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.