Intervention de éric Dupond-Moretti

Réunion du mercredi 21 octobre 2020 à 15h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice :

Je suis heureux de vous présenter le projet de budget de la justice pour 2021. Exceptionnel et historique, il donnera, grâce à vous, à la justice des moyens inégalés depuis plus d'un quart de siècle, permettant à la fois le rattrapage prévu par la loi de programmation et de réforme pour la justice (LPJ) et le financement des priorités que j'ai affirmées lors de ma prise de fonction, au premier rang desquelles je place la justice de proximité.

Historique, car c'est la première fois depuis plus de vingt-cinq ans qu'il augmente autant : de plus de 8 %, soit 607 millions d'euros supplémentaires, plus du double de l'augmentation votée en 2019 pour l'année 2020. Exceptionnel par son montant – 8,2 milliards d'euros – et par le renforcement inédit des moyens humains de l'ensemble des métiers de justice prévu. En 2021, 1 500 recrutements nets auront lieu – soit 240 de plus que ce qui est inscrit dans la LPJ pour 2021 – auxquels s'ajoutent les 950 emplois supplémentaires que j'ai obtenus en 2020, déjà en cours de recrutement pour renforcer sans attendre les tribunaux, les établissements pénitentiaires et ceux de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Ce sont donc en tout 2 450 recrutements nets dont je vais vous donner la répartition.

Avec 1 100 recrutements nets pour les tribunaux, dont 50 magistrats, 130 directeurs de greffe et 596 greffiers et renforts de greffe, il n'y aura plus de vacances de poste structurelles ni dans les greffes ni chez les magistrats à la fin de l'année 2021. Seront aussi recrutés 1 200 renforts pour l'administration pénitentiaire, dont 711 surveillants et 335 conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation et 126 personnels supplémentaires pour la PJJ, dont 107 éducateurs. Ces moyens supplémentaires sont particulièrement bienvenus dans le contexte que nous connaissons : c'est un surcroît de ressources pour le renseignement pénitentiaire, la création de places destinées aux détenus radicalisés et le recrutement et la formation d'agents spécialisés, des psychologues en particulier.

Pour améliorer le fonctionnement général de notre justice, tous les maillons de la chaîne judiciaire seront renforcés pour mieux accueillir le justiciable, juger plus vite et mieux faire exécuter les peines.

Parce que la justice garantit le respect du droit dans la vie quotidienne, elle doit être accessible à tous les justiciables ; c'est le sens de la justice de proximité. Pour la mettre en œuvre, nous disposerons avec ce projet de budget de moyens inédits : 200 millions d'euros et 1 100 des 2 450 emplois mentionnés. En tout, 914 juristes assistants et renforts pour les greffes seront recrutés, dont 764 sont déjà en cours de recrutement. Ainsi magistrats et greffiers pourront-ils se concentrer sur la tâche essentielle : juger. Les délais de jugement seront significativement réduits, la présence d'un juriste assistant permettant, selon les situations, d'aller jusqu'à doubler le nombre de jugements rendus par un magistrat.

Les services judiciaires seront également renforcés par le recours accru aux magistrats à titre temporaire, aux magistrats honoraires et aux délégués du procureur. Aujourd'hui, près de 2 000 personnes concourent, selon les besoins, au service public de la justice : 484 magistrats exerçant à titre temporaire, 455 magistrats honoraires et 919 délégués du procureur. Leur apport est essentiel ; je souhaite le développer en portant leur nombre à 3 000 et en augmentant significativement le nombre de vacations qu'ils pourront réaliser ; 28 millions d'euros supplémentaires sont fléchés à cet effet et 1 000 personnes s'ajouteront ainsi aux 2 450 recrutements mentionnés.

L'administration pénitentiaire et la PJJ bénéficient également des moyens alloués à la justice de proximité. Nous recrutons dès maintenant 100 conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation supplémentaires, qui complètent par anticipation les 1 092 créations nettes prévues pour l'administration pénitentiaire, et 86 éducateurs pour la PJJ qui compléteront également par anticipation les 40 créations nettes projetées en 2021.

Les moyens alloués à la justice de proximité portent également sur les dépenses de fonctionnement, d'investissement et d'intervention. La hausse des crédits alloués aux frais de justice est de 127 millions d'euros, soit plus de 26 % d'augmentation. Cette augmentation considérable servira à renforcer les moyens destinés aux frais médicaux, aux frais d'expertise, aux enquêtes sociales rapides et aussi au maillage territorial des unités médico-légales : 20 millions d'euros supplémentaires sont destinés à la médecine légale. On permettra ainsi une meilleure prise en charge des justiciables, au plus près de leur lieu de résidence.

La justice de proximité passe également par l'accélération et la diversification de la réponse pénale, avec le déploiement des bracelets électroniques et des bracelets anti‑rapprochement et le développement des travaux d'intérêt général et du travail non rémunéré. En tout, 17 millions d'euros y seront dévolus.

La justice de proximité, c'est aussi l'accompagnement des mineurs délinquants, ce pourquoi nous consacrerons 20 millions d'euros au soutien des associations habilitées à intervenir au bénéfice des mineurs pris en charge par la PJJ.

La justice de proximité se voit donc allouer des moyens massifs destinés à rendre une justice plus rapide et de qualité, mettre les peines à exécution plus rapidement et permettre une meilleure prise en charge dans les établissements pénitentiaires pour mieux accompagner les mineurs délinquants afin d'éviter les récidives.

Mais ce budget ne donne pas uniquement des moyens remarquables à la justice de proximité ; il permet d'aller au-delà du simple rattrapage prévu par la LPJ. Avec 8,2 milliards d'euros, l'enveloppe est de près de 200 millions plus élevée que ce que prévoyait la LPJ pour 2021. Les 607 millions supplémentaires nous permettront de poursuivre et d'amplifier les politiques mises en œuvre depuis le début du quinquennat.

Pour les services judiciaires, outre ce que j'ai dit des frais de justice, nous allons investir plus encore dans l'immobilier pour améliorer l'état des tribunaux. Fin septembre, j'ai accompagné le Premier ministre au tribunal judiciaire de Bobigny, qui prend littéralement l'eau, et nous avons annoncé la construction d'un nouveau palais de justice pour 2025, avec l'engagement de 120 millions en crédits de paiement dès 2021. L'investissement immobilier augmente de 6 %, pour s'établir à 227 millions d'euros. Ils permettront la réalisation de projets concernant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, le palais de justice de Bastia, la construction de nouveaux palais de justice à Lille, Mont-de-Marsan, Perpignan et, bien sûr, la restructuration du palais de justice de l'île de la Cité à Paris. En tout, les services judiciaires bénéficieront, avec 203 millions supplémentaires, soit plus de 7 % de hausse de crédits en un an, de 3 milliards d'euros.

L'administration pénitentiaire n'est pas oubliée : ses crédits augmentent de 9 %. Nous consacrerons 3,3 milliards d'euros au recrutement des surveillants, à la poursuite de la construction de prisons et à l'amélioration de la sécurité pénitentiaire. Ainsi, 556 millions de crédits de paiement seront consacrés au plan de construction des 15 000 places de prison annoncées, l'objectif étant toujours de programmer l'ensemble de la deuxième phase de 8 000 places d'ici à la fin du quinquennat. Ces crédits permettront, en 2021, la livraison du centre pénitentiaire de Lutterbach et de celui de Koné en Nouvelle-Calédonie, et l'ouverture des places prévues en structures d'accompagnement vers la sortie (SAS) – comme prévu dans la LPJ, 2 000 places en SAS seront ouvertes d'ici à 2022 par construction ou transformation. De plus, 63 millions d'euros – une hausse de plus de 10 % – permettront d'améliorer la sécurité pénitentiaire par le renforcement de la vidéo-surveillance, la lutte contre les drones malveillants et la poursuite de l'installation des systèmes de brouillage des communications.

La PJJ est également au cœur du projet de budget 2021 pour la justice. Avec 50 millions d'euros supplémentaires et 7 % d'augmentation en crédits de paiement, le ministère de la Justice se donne les moyens de renforcer les associations qui accompagnent les jeunes et de mettre en œuvre la réforme de la justice pénale des mineurs en 2021. Ces crédits supplémentaires serviront à développer les alternatives aux poursuites et à apporter une réponse plus rapide et plus efficace aux actes délinquants les moins graves. Des moyens financeront aussi des structures de prise en charge des mineurs qui, en raison de troubles du comportement, trouvent difficilement leur place dans les structures classiques : ainsi, 2,4 millions d'euros iront à la création de trois internats socio-éducatifs médicalisés pour adolescents. Le budget 2021 permet aussi de poursuivre la construction de vingt centres éducatifs fermés.

Ce projet de budget permettra également d'améliorer l'accès de tous à la justice. Pour mettre en œuvre sans attendre la réforme et la revalorisation de l'aide juridictionnelle, 50 millions d'euros supplémentaires sont alloués à cette ligne, en hausse de plus de 10 %. Nous entendons augmenter substantiellement la rémunération de l'heure travaillée par chaque avocat au titre de l'aide juridictionnelle dès le 1er janvier 2021, réviser le barème pour mieux rémunérer les médiations et l'assistance éducative et aussi développer des modes alternatifs de règlement des différends.

Enfin, pour le personnel du ministère, j'ai décidé de mettre en œuvre une politique de ressources humaines visant à reconnaître le professionnalisme, les compétences et les responsabilités. Ainsi, nous avons souhaité mieux valoriser les sujétions des éducateurs de la PJJ qui accompagnent les mineurs la nuit et le week-end en augmentant différentes primes qui, pour certaines, n'avaient pas été revalorisées depuis vingt ans. Nous souhaitons aussi rendre nos métiers plus attrayants pour les jeunes ; à cette fin, nous revaloriserons l'indemnité pour charge pénitentiaire des surveillants, en donnant en 2021 priorité aux jeunes professionnels, dont la rémunération augmentera de 300 euros. Nous nous attacherons aussi à fidéliser le personnel de la justice en revalorisant le régime indemnitaire des greffiers et des directeurs de greffe, qui a décroché par rapport à des corps équivalents alors que le greffe est un rouage essentiel du fonctionnement de la justice.

Tel est le projet de budget que je soumets à l'approbation de votre commission.

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