Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le ministre des solidarités et de la santé, qui vous présentera ce projet de loi au nom du Gouvernement, pourra sans doute répondre mieux que moi à nombre de vos questions. Il détaillera la situation sanitaire, mais nous devons tous avoir conscience qu'elle s'aggrave rapidement, avec une forte accélération de la circulation du virus depuis une quinzaine de jours. C'est le cas en France, comme chez nos voisins européens et dans une grande partie de l'hémisphère Nord.
Cette aggravation a exigé une réponse très forte et rapide de l'État afin d'éviter la saturation de notre système de soins, durement éprouvé lors de la première vague. Le Président de la République et le Premier ministre ont ainsi décidé de faire passer l'ensemble du territoire national en état d'urgence sanitaire et d'appliquer, dans les huit départements d'Île-de-France et dans huit métropoles, un couvre-feu sanitaire de vingt et une heures à six heures à partir du samedi 17 octobre.
Le dispositif juridique actuel permet au Gouvernement de prendre des mesures relevant de l'état d'urgence sanitaire pendant quatre semaines. Compte tenu de l'urgence de la situation, un décret a été pris dès samedi. Cela étant, parce que certaines mesures exceptionnelles touchent aux droits les plus fondamentaux de nos concitoyens, comme celui d'aller et venir ou de poursuivre certaines activités, la prorogation de l'état d'urgence doit être validée par le Parlement.
Le Gouvernement a donc l'honneur de vous présenter ce projet de loi élaboré par les services du ministère de l'intérieur et du ministère des solidarités et de la santé, qui a été examiné par le Conseil d'État en moins d'une semaine. Il dote notre pays d'un cadre et d'outils adaptés et efficaces pour faire face à la crise sanitaire la plus grave qu'il ait eu à traverser depuis plus d'un siècle.
Il proroge pour trois mois, jusqu'au 17 février 2021, l'état d'urgence sanitaire en vigueur sur le territoire national, en application du décret du 17 octobre, et qui permet de prendre des mesures plus restrictives, notamment concernant les sorties hors du domicile en soirée, pour freiner la propagation du virus. Ces mesures se justifient par la situation sanitaire grave, voire critique, qui est décrite dans l'étude d'impact : un taux de positivité des tests de 13,4 %, contre 1,4 % en juin ; le passage du nombre de reproduction « R effectif » à 1,37 alors qu'il était redescendu à 0,76 en juin ; enfin, un taux d'occupation des lits en réanimation supérieur à 40 %.
Le projet de loi prévoit également, comme lors de la première phase de l'épidémie, un régime de sortie qui s'appliquera de mi-février au 1er avril 2021 : il s'agit d'un ensemble de mesures transitoires et graduées pour maîtriser la circulation du virus.
Au-delà du projet de loi qui vous est présenté, je voudrais revenir sur la stratégie que nous poursuivons depuis cet été. Nous avons fait le choix d'une riposte graduée et, surtout, territorialisée, dont le rouage et le garant est le préfet du département, responsable de l'ordre public. Dans un cadre défini au niveau national, c'est lui qui prend les mesures de freinage du virus adaptées à la situation sanitaire de son territoire. Si nous avons adopté cette approche, c'est parce que nous avons fait le pari de l'intelligence territoriale, mais aussi celui de la confiance envers les élus locaux – les maires, les élus départementaux et régionaux – et bien sûr les parlementaires. Le préfet est sans doute celui qui est le plus en contact avec eux. Dans les territoires, j'ai demandé aux préfets d'intensifier leur travail de pédagogie et de concertation avec les élus locaux, mais également et surtout avec les acteurs économiques et sociaux. Sans les élus, sans le concours des collectivités locales, sans la mobilisation de tous les acteurs économiques et de tous les Français, nous ne parviendrons pas à constituer ce front contre le virus.
C'est en suivant cette approche territorialisée, souhaitée par le Premier ministre, que nous avons restauré l'état d'urgence sanitaire samedi dernier. Dès vendredi, dans la soirée, l'attestation dérogatoire de déplacement pouvait être téléchargée sur le site du ministère de l'intérieur ou sur smartphone – mais il est tout à fait possible de rédiger une attestation sur papier libre. Dès la nuit de vendredi à samedi, 12 000 policiers et gendarmes ont été mobilisés pour exercer des contrôles, avec la consigne de faire preuve de pédagogie pour commencer. Je profite de cette occasion pour remercier les forces de sécurité intérieure pour leur mobilisation dans cette action prioritaire de sécurité sanitaire, indépendamment des nombreuses autres activités menées parallèlement.
Au total, depuis la nuit de vendredi à samedi – même si cette première nuit n'a donné lieu qu'à de rares infractions, essentiellement dans des établissements recevant du public –, 4 777 verbalisations ont été dressées au titre du non-respect du couvre-feu. Les remontées des forces de l'ordre et des préfets montrent que les Français acceptent cette mesure : on relève très peu d'incidents sur le territoire national.
Si le contrôle des règles sanitaires est essentiel, c'est évidemment la responsabilisation individuelle de chacune et de chacun qui nous permettra de faire face. Tous le savent et le montrent : pratiquement une semaine après sa mise en place, nous pouvons affirmer que ce couvre-feu est respecté dans les territoires où il s'applique.
Enfin, je sais que la gravité de la situation amène certains d'entre vous à s'interroger sur le calendrier des élections régionales et départementales prévues en mars 2021. Je tiens à rappeler que cette date est inscrite dans la loi et que c'est donc au législateur qu'il appartiendra de la modifier, s'il le souhaite : cela ne saurait évidemment résulter d'une décision unilatérale du Gouvernement. Les rendez-vous démocratiques sont importants : on ne peut envisager de les modifier que d'une main tremblante et sur la base d'avis éclairés, n'émanant pas, dans la mesure du possible, de l'exécutif. C'est pourquoi le Premier ministre a décidé hier soir, pour répondre à la question légitime que lui posaient les partis politiques qu'il avait réunis, de confier à M. Jean-Louis Debré, ancien président de l'Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, autorité morale incontestable, la mission de mener une concertation avec l'ensemble des parties prenantes afin d'émettre des recommandations sur la tenue des élections et leur éventuel report.
Tels sont, mesdames et messieurs les députés, les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance. Je me tiens évidemment à votre disposition, sachant que toute question relative à la situation sanitaire pourra être adressée au ministre des solidarités et de la santé.