Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

C'est-à-dire dans la moitié de la France ! Cette fois, il faudra partout des isoloirs en double : on ne pourra pas compter sur le village du canton d'à côté pour se faire prêter un isoloir. Ces élections seront sans doute particulièrement difficiles à organiser dans les communes rurales. D'autres questions se posent : certains bureaux de vote étaient installés dans des établissements pour personnes âgées. Faut-il les déménager ? Cela suppose des arrêtés préfectoraux… Autant de questions sur lesquelles va devoir se pencher le président Jean-Louis Debré. Ce sont des sujets difficiles et qui doivent être tranchés d'une manière incontestable, pour que les résultats des élections ne soient pas eux-mêmes contestés.

Vous regrettez une banalisation de l'état d'urgence sanitaire, mais elle est liée à une banalisation du virus. Le ministre de l'intérieur préfèrerait de ne pas avoir à défendre devant vous un projet de loi relatif à l'état d'urgence sanitaire ; il préférerait que les policiers et les gendarmes puissent enquêter et interpeller les « méchants ». Mais le Parlement est amené à voter ou à rejeter les textes proposés par le Gouvernement. Un débat démocratique a lieu dans les deux chambres et il est d'ailleurs arrivé au Sénat d'approuver nos options. En votant ces textes, le Parlement accepte l'idée même qu'il puisse exister un état d'urgence, prévu dans les institutions de la Ve République. Dès que l'état d'urgence sera voté – s'il l'est, car je ne préjuge pas du vote du Parlement –, je serai évidemment à la disposition des députés, comme tous les ministres : ils pourront m'interroger sur ce qu'ils souhaitent et je rendrai compte de tous les actes pris dans le cadre de l'action gouvernementale, dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

Effectivement, monsieur Houlié, 12 000 policiers et gendarmes, dont seize unités mobiles, sont mobilisés et répartis dans les métropoles, ce qui représente environ 40 % du territoire national. Mais de fait, l'instauration d'un couvre-feu réduit la délinquance – il y a moins de trafic de drogue, de vols de voitures, d'agressions aux feux rouges, de vols dans les restaurants puisqu'ils sont fermés après 21 heures. Du coup, les policiers et gendarmes font autre chose que ce qu'ils font d'habitude. Il serait d'ailleurs intéressant de dresser un bilan de l'activité de la délinquance et des forces de l'ordre durant le confinement, en analysant notamment la façon dont les trafiquants de drogue ont su innover dans leur commerce crapuleux en organisant, par exemple, des livraisons à domicile.

Nous n'avons pas réquisitionné les polices municipales ; elles sont placées sous l'autorité des maires : ce sont eux qui leur donnent les consignes. Les polices municipales sont habilitées à faire respecter les règles de couvre-feu, mais toutes ne travaillent pas la nuit. De larges concertations ont été menées entre les préfectures et les maires des grandes villes. Mais certains d'entre eux ont explicitement demandé aux policiers municipaux de ne pas verbaliser les personnes dans la rue ou les restaurants ouverts après 21 heures. La concertation, cela fonctionne des deux côtés, pas seulement de celui des préfets…

Vous avez raison, monsieur Pancher, concertation ne signifie pas unanimité, et le dialogue ne se conclut pas toujours dans le sens de l'intérêt général ou de la préservation de l'état sanitaire des populations. Lorsque, connaissant les chiffres de la situation sanitaire que le préfet, le ministre de la santé, parfois même le Premier ministre leur avaient communiqués, des élus ont souhaité maintenir les bars et restaurants ouverts, il a bien fallu que le préfet, en responsabilité, prenne une décision. Mais j'entends vos remarques et je donnerai à nouveau instruction aux préfets d'associer au maximum les élus. On comprend que ces mesures ne fassent plaisir à personne, nous aimons tous la vie telle qu'elle existait avant le coronavirus.

Les mesures imposées outre-mer étaient territorialisées et prenaient notamment en compte le nombre insuffisant de lits de réanimation. En Guyane, la prévalence du covid-19 est aujourd'hui moins forte que dans les autres territoires ultramarins ou métropolitains. Les difficultés, nombreuses, que rencontre Mayotte ont été évoquées ; la proximité des Comores complique la situation, mais il n'y a pas que cela. Je partage le constat de la faillite de l'organisation de la vie civile et je répondrai volontiers à votre invitation, monsieur Kamardine. Mais je ne suis pas certain que l'état d'urgence sanitaire puisse à lui seul régler les problèmes structurels auxquels votre département est confronté.

Pourquoi faire figurer les mesures transitoires dans ce texte ? Sans doute par volonté de donner un peu de perspectives aux acteurs économiques et aux élus locaux. Un des aspects terribles de cette crise, c'est le manque de prévisibilité. Si nous savions à quel moment cette crise allait prendre fin, dans trois, six ou neuf mois, nous pourrions nous organiser et limiter les conséquences économiques des mesures – le ministre de l'économie a évoqué le chiffre de 1 milliard par mois. Sans certitude aucune, nous avons décidé d'inscrire dans ces textes des mesures transitoires pour accompagner la sortie de l'état d'urgence. Le ministre de la santé sera plus à même de vous répondre sur la durée de l'état d'urgence sanitaire et des mesures transitoires, qui courent jusqu'au printemps 2021.

Les ministères de la santé et des affaires étrangères ont établi une « liste rouge » des pays en provenance desquels les voyageurs doivent présenter un test PCR négatif au départ ou à l'arrivée en France. La police aux frontières fait respecter ces mesures et les choses se passent bien, hormis les inévitables files d'attente. Les frontières hors Schengen sont toujours fermées en dehors des exceptions prévues par la circulaire du Premier ministre, qui n'a pas été modifiée depuis la fin du confinement. Les choses se passent, si j'ose dire, pour le mieux, d'autant que les tests sont en voie de modernisation.

Enfin, s'agissant de l'évolution du couvre-feu, le Premier ministre prendra ses décisions et les communiquera à la population en fin de journée.

Je me tiens à la disposition de la commission des Lois. Je ne doute pas que M. Olivier Véran, ministre de la santé, répondra à la frustration de ceux auxquels je n'aurais pas apporté d'explications suffisamment précises.

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