Cette loi comporte trois parties. La première s'intéresse aux polices municipales. Il nous semble effectivement nécessaire de mettre en adéquation le pilotage de la politique de sécurité, donc les actions menées sur les territoires. L'expérimentation que vous proposez sur trois ans nous semble bien encadrée et l'élargissement des domaines d'action de la police municipale bienvenu lorsque celui-ci vient compléter les missions de la police nationale. À ce titre, la participation de la police municipale à la sécurisation des manifestations sportives, récréatives ou culturelles sans critère de seuil nous paraît une bonne chose. La question de l'armement ou des polices à l'échelon intercommunal est laissée aux maires ; cela nous semble avoir du sens puisque c'est à eux qu'il revient de coordonner les actions et d'évaluer les besoins dans leurs territoires.
La deuxième partie relative aux agences et entreprises privées de sécurité nous pose davantage de problèmes puisqu'une telle loi pourrait se solder par une confusion accrue entre les forces régaliennes et les entreprises qui ne répondent pas aux mêmes contraintes légales et qui ne suivent pas les mêmes formations initiale et continue. On peut craindre certaines dérives sur des aspects régaliens comme dresser des procès-verbaux ou recueillir l'identité et l'adresse des auteurs, qui nous semblent relever de la police nationale et de la gendarmerie. J'ai, par ailleurs, bien entendu les arguments de notre rapporteur sur la possibilité d'avoir recours à la sous-traitance, mais il reste malgré tout trois niveaux de sous‑traitance, ce qui paraît beaucoup et risque de favoriser une certaine opacité.
La dernière partie de cette loi concerne les forces de police. C'est sans doute celle qui pose le plus de problèmes dans la mesure où ses dispositions pourraient porter atteinte à la liberté d'informer. L'usage des caméras piétons présente le double objectif d'éviter des débordements de la part des citoyens, mais également des forces de l'ordre. Les images doivent donc être prises dans le respect de la vie privée des individus filmés et leur publicité doit être encadrée. Si l'utilisation d'images d'intervention des forces de l'ordre dans le seul but de nuire pose problème, je ne suis pas sûr que ce que vous proposez soit proportionné par rapport à la liberté d'informer. Voilà ce qui nous gêne. En ce moment, une vidéo circule dans laquelle on voit un policier qui gaze un journaliste. C'est un acte répréhensible. Cette vidéo est passée directement sur les réseaux sociaux. Cette immédiateté ne serait plus possible puisqu'il faudrait au préalable passer par un logiciel pour flouter tous les visages. Sur la vidéo dont je parlais, on ne reconnaissait pas les policiers et les gendarmes parce qu'ils portaient des masques, mais on voit bien qu'il y a là deux principes en contradiction. Cela nous semble disproportionné et, ce faisant, vous vous attaquez à la loi de 1881 qui est, tout de même, un totem.
S'agissant des drones, il faut strictement encadrer leur usage, en particulier sur la question de la proportionnalité, mais aussi sur le traitement des images recueillies afin qu'elles ne puissent être utilisées pour la reconnaissance faciale. Des pays le font, qui ne sont pas forcément des modèles de démocratie.
Quant à donner aux forces de l'ordre la possibilité de conserver leur arme de service dans les établissements recevant du public, j'appelle votre attention sur plusieurs dérives possibles. Si un fonctionnaire se rend dans une discothèque avec son arme de service, on peut risquer un vol ou une utilisation inadaptée. Par ailleurs, je me souviens qu'à une époque, dans la police nationale, il était interdit d'emmener son arme à la maison pour éviter les suicides et les problèmes conjugaux. Je ne suis donc pas sûr que cette mesure ne soit pas dangereuse pour les fonctionnaires eux-mêmes.