Il faut regarder ce qui se passe dans les territoires. Former un policier municipal demande du temps et de l'argent. Or, dans certaines parties du territoire national, il existe une forte concurrence entre les polices municipales. C'est vrai en Île-de-France et dans les conurbations importantes mais tel n'est pas toujours le cas ailleurs. J'appelle l'attention de Mme Vichnievsky sur le fait qu'une telle concurrence n'existe pour aucun autre corps de fonctionnaires municipaux. Le corps, très spécialisé, des policiers municipaux a besoin de dispositions spécifiques, comme en témoigne ce texte.
Par ailleurs, cet agent peut faire valoir des motifs impérieux n'ayant rien à voir avec le copinage. Imaginons qu'il soit père d'un enfant devenu handicapé et qu'il doive déménager pour les besoins de cet enfant. Il ne change pas de territoire pour se vendre dans une autre collectivité, mais pour continuer à faire son travail tout en cherchant, par exemple, à se rapprocher d'un établissement spécialisé. Imaginons que cette personne soit confrontée à de graves difficultés familiales. Quiconque a été employeur municipal connaît cela, un fonctionnaire qui vient vous voir et vous dit : « J'aime bien votre collectivité, monsieur le maire, mais je dois me rapprocher de ma famille ; si vous connaissez quelqu'un dans le Sud, cela m'arrangerait, car ma mère est sur le point de mourir », ou je ne sais quoi d'autre. Et lorsque vous faites cette démarche, c'est non par copinage, mais pour essayer de l'aider, même si vous devez vous séparer d'un bon élément. Du fait de ces motifs impérieux, on ne va pas lui demander de rembourser sa formation, de même qu'on ne le demandera pas à la collectivité locale qui accepte de l'embaucher.
Il faut sans doute préciser la nature des motifs impérieux – nous pourrons le faire en séance publique. Mais il me semble normal de laisser sa liberté à l'employeur municipal. Vous dites volontiers qu'il faut faire confiance aux élus. Moi, je ne considère pas spontanément qu'un maire pratique le copinage. Au demeurant, le contrôle de légalité sert à le constater, et les syndicats sont là pour dire ce qu'il en est. Le maire tient compte en même temps de la situation personnelle de l'agent et de la concurrence à laquelle il est éventuellement soumis – il est facile de recruter des policiers municipaux dans certains endroits et pas dans d'autres.
Autre problème : on ne peut pas verser aux policiers municipaux des primes comme aux autres membres de la fonction publique territoriale. Pour compenser, de très nombreux élus, voire presque tous, trichent en leur rémunérant des heures supplémentaires qu'ils n'effectuent pas. Comment faites-vous pour inciter un policier municipal à travailler dans une commune plutôt qu'une autre ? Vous lui offrez un grade supplémentaire, des équipements supplémentaires, une commune un peu plus tranquille que celle où il a été formé, et, en plus de tout cela, vous lui offrez un surplus d'heures supplémentaires, qui relève d'une autre forme de gestion que celle qui est normalement compatible avec la fonction publique territoriale.
Le maire doit donc lutter pour l'attractivité de sa commune et contre la concurrence. À ce titre, la disposition proposée me semble frappée au coin du bon sens. Elle laisse sa liberté à l'employeur. Seuls ces fonctionnaires, formés spécifiquement et appartenant à un corps spécifique, font l'objet d'une telle concurrence, dont on peut estimer à titre personnel qu'elle est injuste. Il peut exister par ailleurs des motifs impérieux d'ordre personnel n'ayant rien à voir avec cette concurrence, ce qui justifie – même si tel peut être le cas d'agents appartenant à d'autres corps – qu'une disposition spécifique soit appliquée aux policiers municipaux. Plus généralement, il faudra réfléchir, d'ici à la fin de la législature, à la possibilité de traiter les policiers municipaux comme les autres fonctionnaires, notamment en modifiant leur statut afin qu'il autorise le versement de primes, ce qui éviterait de recourir à des heures supplémentaires qui ne sont pas effectuées.