Il peut être difficile de comprendre le sens de certaines évolutions : nous examinons ce texte après avoir affaibli la justice de proximité, notamment en programmant la suppression des tribunaux d'instance. Il faut toujours se placer du côté des victimes : celles qui avaient affaire aux tribunaux d'instance, notamment pour des troubles de voisinage, des escroqueries à la carte bancaire ou des différends en matière de loyer sont encore un peu plus privées de justice. Renforcer sa crédibilité implique de le faire, d'abord, vis-à-vis des victimes. Les réformes menées ces dernières années sont allées à l'opposé.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine voit plutôt d'un bon œil la possibilité de traiter rapidement, avec des sanctions proportionnées, ce qu'on appelle la petite délinquance. Pas mal de choses se font déjà, mais c'est en ce qui concerne les délais dans lesquels les sanctions sont prises que le bât blesse, parce que la justice est très sous-dotée et encombrée. Je ne veux pas revenir sur des exemples que j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer, mais lorsqu'un délinquant de seize ou dix-sept ans qui a soixante vols à la portière à son actif passe devant le tribunal et qu'on lui dit que sa sanction sera applicable dans un an et demi, c'est absolument incompréhensible pour lui, et encore plus pour les victimes. Ce n'est pas un problème de procédure mais de moyens et d'encombrement des tribunaux.
Nous n'avons pas une approche négative de ce texte, notamment de ses articles 3 et 4, qui ne nous posent aucun problème. Nous avons néanmoins un doute. Si vous voulez trouver un service plus encombré que le tribunal de Bobigny, allez donc voir le SPIP du 93, dont Cécile Untermaier a dit qu'elle avait auditionné des agents. Transférer des responsabilités de l'un à l'autre ne me paraît pas nécessairement un gage d'efficience, mais je ne parle que de mon département : ce n'est peut-être pas le cas ailleurs. Il faut dire que la Seine-Saint-Denis est, avec les Bouches-du-Rhône, le département où la criminalité est la plus forte.
Je voudrais d'ailleurs rappeler le contexte, même si ce n'est pas l'objet de la proposition de la loi. Dans mon département – je m'exprime après avoir en avoir discuté avec la procureure et les présidents des tribunaux –, une économie parallèle, mafieuse pour tout dire, s'instaure, et nous sommes désarmés face à sa mainmise sur les territoires. Afin de lutter contre le trafic de stupéfiants, il faut sanctionner rapidement et proportionnellement tous ceux qui servent de guetteurs, mais sans oublier que des millions d'euros sont recyclés dans les commerces, l'immobilier et des entreprises du bâtiment ou du secteur de la sécurité. La police et la justice n'ont aucunement les moyens de lutter efficacement contre le blanchiment de cet argent, et donc contre la maîtrise exercée par des systèmes d'économie parallèle sur des populations entières, notamment des jeunes. Il ne faudrait pas que la justice soit efficace pour le traitement des conséquences et totalement absente en matière de lutte contre les causes.