Intervention de Liliana Tanguy

Réunion du mardi 24 novembre 2020 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLiliana Tanguy, rapporteure pour observations de la commission des Affaires européennes :

Mon rapport est consacré au titre Ier du projet de loi. Bien que le Parquet européen ait été créé par un règlement d'application directe, une adaptation du droit national est nécessaire dans les vingt-deux États membres participants. Le projet de loi en décline les incidences en droit français.

L'architecture du Parquet européen est le résultat de compromis entre la Commission et les États membres, comme sa base juridique en témoigne : il s'agit d'une coopération renforcée qui a pu voir le jour grâce à une volonté forte du couple franco-allemand. De prime abord, elle peut sembler complexe, avec un organe collégial formé de vingt-deux procureurs européens, et décentralisé, puisque les procureurs européens délégués conduiront dans chaque État les enquêtes et les poursuites. Le Parquet européen devra coopérer étroitement avec les autres organes que sont Europol, l'Office européen de lutte anti‑fraude (OLAF) et, surtout, Eurojust.

La compétence du Parquet européen porte sur les fraudes aux intérêts financiers de l'Union européenne, définies par la directive du 5 juillet 2017 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal, dite « directive PIF ». Il est très pertinent d'avoir commencé par-là : toute fraude au budget de l'Union européenne, en soustrayant de la TVA aux recettes publiques ou en détournant des subventions, revient à priver les citoyens et les contribuables européens du juste retour sur leurs contributions : chaque euro détourné ne finance pas Erasmus, la politique agricole commune ou une politique spatiale ambitieuse. C'est pour ces raisons que le Parquet européen est un projet qui mérite d'être connu des citoyens.

Nous devons nous engager pleinement dans sa réussite parce qu'il correspond parfaitement au principe de subsidiarité. Bien sûr, il procède d'un transfert de souveraineté, mais uniquement pour des infractions qui seront, par essence, mieux poursuivies au niveau européen. Le présent projet de loi est, à mon sens, satisfaisant et équilibré. Il répond aux grands objectifs fixés par le règlement européen. Il crée les procureurs européens délégués en droit français, préalable nécessaire au lancement des travaux du Parquet européen, avec des garanties d'indépendance vis-à-vis du ministère public français. Leurs compétences particulières, qui leur permettront d'exercer les prérogatives d'un procureur et d'un juge d'instruction, ont été pensées à partir des catégories existantes. Ce n'est pas un nouveau type de procureur, bouleversement que pouvaient craindre ceux qui souhaitent que notre procédure pénale conserve le juge d'instruction.

Désormais, il importe de créer les conditions adéquates pour que le Parquet européen puisse commencer à exercer sa mission. Cela implique d'en soutenir les moyens budgétaires et humains. Au niveau national, nous devrons veiller à ce que les procureurs européens délégués soient bien rémunérés et qu'ils disposent des moyens nécessaires. Au niveau européen, cela signifie plaider en faveur de l'augmentation de la dotation budgétaire que le commissaire à la justice estime sous-dimensionnée. Un bon démarrage est fondamental pour que le Parquet européen fasse la démonstration de sa pertinence. Mieux il est doté, plus il est susceptible de rapatrier les fonds détournés dans le budget européen, ce qui créera un cercle vertueux.

S'il faut, bien sûr, que le Parquet européen fasse d'abord la preuve de son utilité dans son domaine, le Président de la République a, dès le discours dit de la Sorbonne, évoqué l'extension de ses compétences à la lutte contre le terrorisme. J'ai la conviction qu'un tel élargissement est souhaitable, l'actualité nous ayant montré que ce type de criminalité s'attaque à des valeurs européennes. C'est donc une réponse européenne qui peut la contrer. De la même manière, un élargissement à la protection de l'environnement permettrait de poursuivre des infractions contre ce bien commun. En la matière, le Gouvernement français fait preuve d'un volontarisme remarquable en faisant d'ores et déjà évoluer notre législation nationale. C'est en ce sens que j'ai déposé des amendements.

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