Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Réunion du mardi 24 novembre 2020 à 18h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • délit
  • délégué
  • infraction
  • instruction
  • juridiction
  • parquet
  • procureur
  • spécialisée

La réunion

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La réunion débute à 18 heures 05.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.

La Commission auditionne M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, et procède à une discussion générale sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée (n° 2731) (Mme Naïma Moutchou, rapporteure).

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Nous allons procéder à une audition de M. le garde des Sceaux, à qui je souhaite la bienvenue, et à une discussion générale sur le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée. L'examen des amendements débutera à 21 heures.

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éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la justice

Je suis particulièrement heureux de me trouver parmi vous afin de présenter le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée. Il s'agit d'un projet ambitieux, d'une part, en ce qu'il apporte un nouveau et important développement à la construction européenne, et, d'autre part, en ce qu'il vise à améliorer le fonctionnement de la justice spécialisée, notamment en matière de protection de l'environnement. Ce projet de loi permet des progrès dans deux domaines particulièrement chers à cette assemblée et à sa majorité : l'Europe et l'écologie.

Le volet européen de ce texte adapte, en son titre Ier, notre législation au règlement du Conseil européen du 12 octobre 2017, qui a prévu la création d'un Parquet européen. La mise en place effective de celui-ci est historique, car c'est un chantier commencé il y a plus de vingt ans qui trouve sa consécration. La France, depuis toujours motrice dans la construction de l'espace judiciaire européen, peut s'enorgueillir d'avoir joué un rôle important dans la conception et l'organisation du Parquet européen, qui mêle ambition européenne et préservation de la souveraineté nationale.

Le Parquet européen sera compétent en matière de fraudes portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne. Dans son étude d'impact, la Commission européenne estimait ces fraudes, qui présentent un fort caractère transnational, à 3 milliards d'euros par an. Cela inclut toutes les fraudes au budget de l'Union, y compris les fraudes dites « carrousels à la TVA » contre lesquelles les poursuites sont aujourd'hui difficiles et en réalité peu efficaces.

L'échelon central du Parquet européen siège à Luxembourg. Il est dirigé, depuis le mois de septembre, par Mme Laura Codruţa Kövesi, qui s'est illustrée par son combat contre la corruption en Roumanie et que l'Assemblée nationale a récemment auditionnée. Ce procureur sera assisté de vingt-deux procureurs – un par État membre participant. Le Parquet comporte également un échelon décentralisé : dans chaque État, des procureurs européens délégués (PED) dirigeront les enquêtes et pourront engager des poursuites sous l'autorité de l'échelon central. En France, nous avons, pour le moment, prévu de nommer cinq de ces procureurs, dont le recrutement interviendra dans la foulée de l'adoption du projet de loi.

Afin de leur permettre d'exercer leur mission, ce texte modifie le code de procédure pénale, le code de l'organisation judiciaire et le code des douanes. Ces modifications ont deux objets majeurs. Le premier consiste à garantir une totale indépendance aux procureurs européens délégués, puisqu'ils ne pourront recevoir d'instructions que du Parquet européen. Aucune directive ne pourra leur être donnée par le ministre de la justice ni par un procureur général.

Le second objet de ces modifications est de permettre la conduite de leurs investigations et l'exercice de leurs poursuites devant les juridictions françaises. Les procureurs européens délégués disposeront des mêmes prérogatives qu'un procureur de la République, mais également – et c'est plus novateur – de certaines prérogatives d'un juge d'instruction, le cas échéant sous le contrôle du juge des libertés et de la détention (JLD). Le procureur européen délégué pourra ainsi procéder à des mises en examen, mais il devra obtenir l'autorisation du JLD pour assigner à résidence et, bien sûr, placer en détention provisoire.

Certaines craintes se sont exprimées d'un risque de perte de souveraineté lié au fait qu'un parquet siégeant à Luxembourg pourrait diriger des enquêtes pénales en France. Ces craintes sont infondées. Dans l'avis rendu le 23 janvier dernier sur ce texte, le Conseil d'État a abordé cette question importante et légitime. La haute juridiction a considéré, en particulier, que l'introduction du Parquet européen dans notre droit n'appelait pas de révision constitutionnelle. J'ajoute que les affaires qui seront diligentées sous la direction du Parquet européen seront jugées par des juridictions françaises, par des juges du tribunal et de la cour d'appel de Paris. De même, les enquêtes seront menées par les services de police judiciaire, ce qui doit dissiper toute crainte d'entorse à notre souveraineté.

Certains craignent aussi que ce nouveau parquet, au vu des pouvoirs dont il sera doté, soit un premier pas vers la remise en cause du juge d'instruction. Laissons ces craintes de côté ! Le Parquet européen doit être pris pour ce qu'il est : une adaptation en droit français d'une nouveauté européenne. Rien de plus, rien de moins !

Le second volet du projet de loi a trait à la justice pénale spécialisée. Il consolide l'efficacité et la cohérence des dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée, la délinquance économique et financière et les atteintes à l'environnement. Afin de mieux prendre en considération l'expertise des parquets spécialisés, l'exercice de leurs compétences sera facilité. Ce dispositif permettra également de résoudre les conflits de compétences de manière efficace. Les compétences du parquet national antiterroriste (PNAT) seront renforcées, en particulier en matière d'entraide avec la Cour pénale internationale (CPI). Celles du parquet national financier (PNF) seront étendues à des pratiques anticoncurrentielles délicates à traiter pour des juridictions locales.

La question des atteintes à l'environnement figure parmi les points majeurs de ce renforcement de la justice pénale spécialisée. Vous connaissez l'ambition du Président de la République : la protection de l'environnement est certainement le combat de notre génération, celui qui motive nos enfants et pour lequel ils nous interpellent à juste titre. Le ministère de la justice veut prendre toute sa part dans le combat pour l'écologie. Dans ce domaine, je l'avoue, nous disposons d'une marge de progression importante. La faiblesse du contentieux environnemental a été mise en lumière dans un rapport conjoint de l'inspection des services judiciaires et du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), l'année dernière : il représente 1 % des condamnations pénales et 0,5 % des condamnations civiles. Ces chiffres ne rendent compte ni de la réalité de cette délinquance ni des attentes des Français.

Le texte qui vous est soumis est un premier pas, une première marche pour améliorer les choses. Certaines dispositions de fond, relatives en particulier à la création de nouvelles infractions et à une aggravation substantielle des peines encourues, n'ont pu, pour des raisons procédurales, y trouver place. J'en prends acte. Cela n'affecte ni ma vision globale, ni, surtout, mes ambitions. Je souhaite un renforcement global du dispositif pénal en matière de droit de l'environnement, du stade de l'enquête à celui de la répression, en portant une attention particulière à la prévention et à la réparation. Il nous faut de meilleures incriminations, des sanctions dissuasives, une justice mieux organisée et mieux équipée pour s'assurer de l'effectivité de ses décisions, et des enquêteurs opérationnels, coordonnés, efficaces. C'est ce que je vous propose dès ce texte aujourd'hui, et plus tard avec celui mettant en œuvre les propositions de la Convention citoyenne pour le climat.

Dans ce contentieux assez technique, il faut une meilleure spécialisation des juridictions. On y pense depuis longtemps puisque des propositions avait été faites dès 2013 ; je vous propose de le faire enfin en créant, dans chaque cour d'appel, une véritable juridiction spécialisée avec, outre un pôle dédié au niveau des parquets déjà adopté par le Sénat, une nouveauté sous la forme d'une juridiction civile spécialisée en matière de préjudice environnemental notamment. Il faut, en effet, que le même juge soit compétent pour prévenir les atteintes à l'environnement, les sanctionner et ordonner leur réparation dans un cadre pénal comme civil. Ces juridictions doivent pouvoir compter sur des enquêteurs spécialisés. C'est pourquoi nous souhaitons conférer le statut d'officier de police judiciaire à des inspecteurs de l'office français de la biodiversité (OFB), qui pourront ainsi pleinement participer aux enquêtes et rendre celles-ci plus efficaces.

Si vous l'acceptez, nous allons également créer une nouvelle réponse judiciaire, plus rapide, ciblant la réparation du préjudice occasionné et responsabilisant les entreprises : une convention judiciaire d'intérêt public (CJIP) en matière d'écologie. Ce dispositif a fait ses preuves dans la lutte contre la corruption ; je vous propose d'ailleurs de l'élargir au blanchiment de corruption. Il permet en particulier de prononcer, pour les personnes morales, des peines d'amendes substantielles, jusqu'à 30 % du chiffre d'affaires annuel. Il permet surtout de s'assurer, sous contrôle judiciaire, des modalités de la réparation du préjudice écologique. Ce n'est que si celle-ci est satisfaisante que le procureur suspendra définitivement les poursuites. C'est bien là le plus important.

Le Gouvernement complétera ce projet de loi afin de tirer les conclusions de la décision du Conseil constitutionnel n° 2020‑858/859 QPC du 2 octobre 2020 sur un autre sujet qui m'est cher : la possibilité d'un recours judiciaire pour les personnes en détention provisoire qui considèrent leurs conditions de détention indignes. Je l'ai déjà évoqué avec certains d'entre vous : au regard de la sensibilité et de la technicité juridique qu'appelle cette évolution, j'ai formulé une demande d'avis auprès du Conseil d'État. Je serai en mesure de vous proposer un amendement juridiquement solide lors de l'examen du projet de loi en séance publique.

L'article 11, enfin, crée une peine complémentaire d'interdiction de paraître dans les réseaux de transports publics, afin de sanctionner les personnes ayant commis des infractions graves ou répétées dans les transports en commun. Il s'agit de la reprise, sous une forme améliorée car plus proportionnée, d'une disposition déjà adoptée par le Parlement dans la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, dite « loi LOM », mais censurée en tant que cavalier par le Conseil constitutionnel. Cette disposition comble une lacune. Le Conseil d'État a d'ailleurs rappelé que la loi n'assurait pas « avec sécurité juridique la possibilité légale de prononcer cette peine lorsque les faits ont été commis dans des véhicules roulants ».

En conclusion, en créant le Parquet européen, ce projet de loi permet à la France de se conformer à un engagement européen qu'elle a porté avec force depuis plus de vingt ans. Améliorer le fonctionnement de notre justice pénale au regard du traitement des contentieux spécialisés les plus complexes, particulièrement en matière d'atteinte à l'environnement, c'est répondre à l'un des défis majeurs de notre époque. Nous nous proposons de les relever avec vous, dans le cadre de ce débat qui, j'en suis sûr, permettra à chacun de mesurer la force de nos propositions et de les enrichir le cas échéant.

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Il y a, dans ce projet de loi, plus que ce que son titre laisse entendre. Il y a, d'abord, le Parquet européen, étape significative dans la construction d'une compétence européenne commune en matière judiciaire. Il y a, ensuite, le renforcement de la justice pénale spécialisée en matière de criminalité organisée, de grande délinquance financière, de terrorisme et d'atteintes à l'environnement. Il y a, enfin, la réponse à plusieurs décisions du Conseil constitutionnel ainsi que diverses dispositions.

C'est un projet de loi technique, c'est vrai, mais il est également éminemment politique. Il a été adopté par le Sénat le 3 mars dernier, soit juste avant le premier confinement. Les sénateurs y ont apporté des améliorations tout à fait adaptées, sans trop s'éloigner de la rédaction du Gouvernement. Je propose que nous nous inscrivions également sur cette ligne, qui me paraît harmonieuse.

L'intégration du Parquet européen dans notre droit interne, au travers de la transposition du règlement européen du 12 octobre 2017, fait l'objet des trois premiers articles. Ils procèdent à l'insertion, dans le code de procédure pénale, dans le code de l'organisation judiciaire et dans le code des douanes, de plusieurs dispositions permettant de prendre en compte le statut et le rôle particulier des procureurs européens et de leurs délégués. L'architecture proposée est cohérente, pragmatique et équilibrée. D'abord, le futur Parquet européen nous permettra de mieux lutter contre une délinquance financière que nous savons astucieuse, qui s'est largement internationalisée – d'où l'intérêt d'une compétence européenne – et qui représente, selon les évaluations, pas moins de 50 milliards d'euros. C'est un véritable défi qui nous engage et qui engage l'ensemble des pays partenaires. Relèveront ainsi du champ de compétence de ce parquet les atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne : les escroqueries à la TVA, les faits de corruption, de détournement de fonds publics, d'abus de confiance, de blanchiment d'argent ainsi que certains délits douaniers.

Le Parquet européen siégera à Luxembourg, capitale judiciaire de l'Union européenne, avec à sa tête un procureur européen, Mme Laura Codruţa Kövesi, assisté de vingt‑deux procureurs nationaux, soit un par État participant. À l'échelle nationale, des procureurs européens délégués – au moins deux par État – seront chargés du suivi des enquêtes et des poursuites. Pour ce qui concerne la France, ils seront cinq, basés à Paris, près du PNF.

Le système envisagé est astucieux : ce double degré permet de combiner tout à la fois collégialité et efficacité ainsi qu'autonomie et souveraineté, puisque le procureur européen délégué français s'intégrera pleinement au cadre procédural national et que ce sont les juges du tribunal judiciaire de Paris qui seront compétents pour juger de ces infractions. Le procureur délégué sera indépendant. Il disposera des mêmes prérogatives que le procureur de la République et – chose inédite mais qui se règle finalement sans difficulté – de certaines prérogatives du juge d'instruction. Je salue cette avancée ambitieuse qui concrétise des négociations qui durent, en effet, depuis près de vingt ans et dont la France a été l'un des moteurs.

La seconde partie du projet de loi concerne les juridictions pénales dites spécialisées. Les modifications ponctuelles apportées aux structures existantes soulèvent peu de débat. Un mécanisme d'arbitrage simple a été proposé par le procureur général François Molins : il donne priorité au juge spécialisé sur le juge de droit commun et à la juridiction nationale sur celle qui exerce à l'échelon local. La même cohérence préside à l'élargissement de la compétence du PNAT ; celle du PNF étant élargie à des infractions au droit de la concurrence. Ces modifications procèdent de la logique ; je n'ai donc pas de critique particulière à formuler les concernant.

La procédure pénale applicable au droit de l'environnement est traitée à l'article 8. Nous sommes nombreux à vouloir aller plus loin dans la protection de la biodiversité. Je sais que nombre d'amendements allant dans le sens d'une réforme profonde du droit de l'environnement avaient été déposés. Cependant, mon homologue Philippe Bonnecarrère l'a dit au printemps dernier à ses collègues sénateurs : le texte n'a pas cette ambition. Nous prendrons donc notre mal en patience jusqu'au projet de loi que le Gouvernement présentera en réponse aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat.

Pour autant, le projet de loi n'est pas neutre puisqu'il ouvre le droit de l'environnement aux CJIP imaginées pour lutter contre la corruption par la loi Sapin 2. Ces instruments transactionnels ont remarquablement fonctionné en permettant de recouvrir des sommes importantes sans risquer les aléas d'un procès et, surtout, en imposant à l'entreprise concernée un programme de mise en conformité visant à mettre fin aux comportements délictueux, le tout sous l'œil du grand public grâce aux obligations de publicité. Bien sûr, le succès suppose un compromis : si une personne morale accepte des mesures de réparation pouvant atteindre 30 % du chiffre d'affaires ainsi qu'un suivi serré de ses activités, c'est en contrepartie d'une extinction de l'action publique. Ainsi donc, le droit permet d'éviter la condamnation, donc l'exclusion des procédures de marchés publics, et donc les licenciements qui en découleraient. Les torts sont corrigés dans l'intérêt de tous. Ce qui a fonctionné contre la délinquance financière devrait tout aussi bien entrer dans le paysage de la lutte contre les dégradations de l'environnement.

Des juridictions spécialisées dans les atteintes à l'environnement seront installées au niveau de chaque cour d'appel. C'est une création nécessaire tant la matière est technique et complexe. Ces juridictions, qui pourraient être compétentes à la fois en matière pénale et en matière civile, constituaient l'échelon manquant de notre système judiciaire. Les juridictions de droit commun, c'est-à-dire celles de proximité, continueront, quant à elles, de connaître des infractions mineures. Pour les affaires les plus lourdes, comme les accidents industriels majeurs, les deux pôles de santé publique demeureront compétents. Au milieu s'inséreront donc ces nouvelles juridictions, avec magistrats et enquêteurs dédiés, et disposant, à chaque fois que le besoin le commandera, de moyens supplémentaires. Tout cela va dans le bon sens.

Le projet de loi est aussi l'occasion de corriger quelques erreurs légistiques et de prendre en compte les récentes décisions du Conseil constitutionnel. Deux sujets nous intéresseront plus particulièrement.

D'abord, s'agissant de la visioconférence devant la chambre de l'instruction, je note que le Parlement s'est définitivement prononcé dans le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique. Il nous revient de prendre acte de ces dispositions actuellement soumises à l'examen du Conseil constitutionnel.

Ensuite, une récente décision a montré que nos règles en matière de détention ne permettent pas la garantie optimale de conditions de détention conformes à la dignité humaine. Vous réfléchissez, monsieur le ministre, à un nouveau dispositif en ce sens, sur lequel vous consultez le Conseil d'État. C'est une très bonne chose. Mais la commission des Lois est très investie sur la question pénitentiaire. Sa présidente a mis en place des groupes de travail au sein desquels la question des conditions d'incarcération a été largement évoquée. Plus récemment, nous avons modifié l'ordonnance qui permettait la prolongation automatique des détentions provisoires en période d'état d'urgence sanitaire. C'est donc un sujet sur lequel nous voulons avancer. Je vous présenterai un amendement en ce sens, de même que mes collègues Didier Paris et Caroline Abadie.

Parmi les dispositions diverses que comprend le texte, la création d'une peine complémentaire d'interdiction de paraître dans les transports publics constituera peut-être notre seul point de désaccord. J'ai du mal à en voir l'intérêt en ce qu'il s'agit d'une redite de ce que le code pénal prévoit déjà par deux fois sous le nom d'interdiction de séjour, qui peut déjà concerner des catégories de lieux. Qui plus est, elle est très délicate à mettre en œuvre. Ne croyant pas au succès inattendu d'une telle disposition, je proposerai un amendement de suppression tout en me montrant attentive à vos arguments, monsieur le ministre.

L'article 12 aborde la question des officiers publics et ministériels. Cet article a été profondément remanié par le Sénat. Dans sa rédaction d'origine, il habilitait le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi pour prévoir le financement du fonds interprofessionnel d'accès au droit et à la justice (FIADJ) par les notaires, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires. Ce fonds a été créé par la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron », en contrepartie de la réforme du tarif des professions réglementées et de leurs modalités d'installation. Déplorant que ce fonds n'ait toujours aucune existence, car ses modalités de financement n'ont pas été définies à la suite de plusieurs censures du Conseil constitutionnel, le Sénat a substitué à l'habilitation une autorisation des ordres professionnels concernés à percevoir directement des contributions volontaires obligatoires. Il a également introduit une disposition réformant la procédure d'installation des nouveaux offices. Si des ajustements pourront certainement être envisagés, je suis favorable à cette nouvelle version de l'article 12. Nous avions voté un mécanisme de redistribution en 2015 ; nous devons avancer, même si cela implique de modifier la stratégie initiale.

Sur la base d'amendements déposés par M. Didier Paris et moi, nous aborderons les moyens de renforcer la justice pénale au regard de la durée de l'enquête préliminaire et d'une meilleure protection du secret professionnel, par un meilleur encadrement des réquisitions sur les factures détaillées de téléphonie. Ce sont deux sujets majeurs car ils concourent à la confiance, mais actuellement plutôt à la défiance, qu'éprouvent nos concitoyens à l'égard de la justice.

Mes travaux ont été particulièrement riches puisque j'ai procédé à plus de vingt auditions. J'ai été accompagnée par Mmes Souad Zitouni, rapporteure pour avis de la commission du Développement durable et de l'aménagement du territoire, et Liliana Tanguy, rapporteure pour observations de la commission des Affaires européennes. Je profite de l'occasion pour les remercier.

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Mon rapport est consacré au titre Ier du projet de loi. Bien que le Parquet européen ait été créé par un règlement d'application directe, une adaptation du droit national est nécessaire dans les vingt-deux États membres participants. Le projet de loi en décline les incidences en droit français.

L'architecture du Parquet européen est le résultat de compromis entre la Commission et les États membres, comme sa base juridique en témoigne : il s'agit d'une coopération renforcée qui a pu voir le jour grâce à une volonté forte du couple franco-allemand. De prime abord, elle peut sembler complexe, avec un organe collégial formé de vingt-deux procureurs européens, et décentralisé, puisque les procureurs européens délégués conduiront dans chaque État les enquêtes et les poursuites. Le Parquet européen devra coopérer étroitement avec les autres organes que sont Europol, l'Office européen de lutte anti‑fraude (OLAF) et, surtout, Eurojust.

La compétence du Parquet européen porte sur les fraudes aux intérêts financiers de l'Union européenne, définies par la directive du 5 juillet 2017 relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au moyen du droit pénal, dite « directive PIF ». Il est très pertinent d'avoir commencé par-là : toute fraude au budget de l'Union européenne, en soustrayant de la TVA aux recettes publiques ou en détournant des subventions, revient à priver les citoyens et les contribuables européens du juste retour sur leurs contributions : chaque euro détourné ne finance pas Erasmus, la politique agricole commune ou une politique spatiale ambitieuse. C'est pour ces raisons que le Parquet européen est un projet qui mérite d'être connu des citoyens.

Nous devons nous engager pleinement dans sa réussite parce qu'il correspond parfaitement au principe de subsidiarité. Bien sûr, il procède d'un transfert de souveraineté, mais uniquement pour des infractions qui seront, par essence, mieux poursuivies au niveau européen. Le présent projet de loi est, à mon sens, satisfaisant et équilibré. Il répond aux grands objectifs fixés par le règlement européen. Il crée les procureurs européens délégués en droit français, préalable nécessaire au lancement des travaux du Parquet européen, avec des garanties d'indépendance vis-à-vis du ministère public français. Leurs compétences particulières, qui leur permettront d'exercer les prérogatives d'un procureur et d'un juge d'instruction, ont été pensées à partir des catégories existantes. Ce n'est pas un nouveau type de procureur, bouleversement que pouvaient craindre ceux qui souhaitent que notre procédure pénale conserve le juge d'instruction.

Désormais, il importe de créer les conditions adéquates pour que le Parquet européen puisse commencer à exercer sa mission. Cela implique d'en soutenir les moyens budgétaires et humains. Au niveau national, nous devrons veiller à ce que les procureurs européens délégués soient bien rémunérés et qu'ils disposent des moyens nécessaires. Au niveau européen, cela signifie plaider en faveur de l'augmentation de la dotation budgétaire que le commissaire à la justice estime sous-dimensionnée. Un bon démarrage est fondamental pour que le Parquet européen fasse la démonstration de sa pertinence. Mieux il est doté, plus il est susceptible de rapatrier les fonds détournés dans le budget européen, ce qui créera un cercle vertueux.

S'il faut, bien sûr, que le Parquet européen fasse d'abord la preuve de son utilité dans son domaine, le Président de la République a, dès le discours dit de la Sorbonne, évoqué l'extension de ses compétences à la lutte contre le terrorisme. J'ai la conviction qu'un tel élargissement est souhaitable, l'actualité nous ayant montré que ce type de criminalité s'attaque à des valeurs européennes. C'est donc une réponse européenne qui peut la contrer. De la même manière, un élargissement à la protection de l'environnement permettrait de poursuivre des infractions contre ce bien commun. En la matière, le Gouvernement français fait preuve d'un volontarisme remarquable en faisant d'ores et déjà évoluer notre législation nationale. C'est en ce sens que j'ai déposé des amendements.

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Je salue le rôle fondamental qu'a joué le couple franco-allemand dans des négociations conformes à notre vision d'une construction brique par brique de l'Europe, s'agissant des intérêts financiers que nous sommes également chargés de défendre. Cet outil juridique n'était pas, loin s'en faut, facile à construire. Il fallait tout à la fois que le Parquet européen conserve la main sur les enquêtes et qu'il reste une instance européenne indépendante dans chaque État membre, tout en appliquant des droits nationaux qui ne sont pas tous identiques.

Je ne reviens pas sur l'architecture, avec le collège et les chambres permanentes, composées de trois procureurs, ni sur la personnalité de Mme Laura Codruţa Kövesi, premier chef du Parquet européen, déjà bien connue des cercles spécialisés pour sa lutte contre la corruption en Roumanie. Le système fonctionnera grâce aux procureurs européens délégués, au nombre de cinq en France, de onze en Allemagne et de vingt en Italie. Peut-être pourrez-vous nous expliquer ces chiffres, monsieur le ministre ? Quoi qu'il en soit, la rapporteure a longuement auditionné M. Frédéric Baab, qui nous a paru parfaitement adapté à la situation.

Comme il n'existe pas de juridiction pénale européenne, il est bien évident que les juridictions nationales auront à connaître des infractions, quand bien même elles sont au préjudice de l'Europe. On aurait pu adopter une procédure différente, à l'allemande par exemple, avec un procureur et un juge des enquêtes. Si vous aviez retenu ce schéma, nous nous serions éloignés sensiblement de la procédure à la française et de nos modes de fonctionnement. Les Luxembourgeois et les Espagnols ont fait un choix sensiblement identique au nôtre. Les Belges se sont montrés beaucoup plus prudents en retenant un système dépendant des autorités nationales, ce qui pose une autre difficulté : comment concilier ce choix avec l'impérative indépendance du Parquet européen ?

On a trouvé un système politiquement intelligent pour intégrer la fonction de juge d'instruction, qui est l'une des caractéristiques de notre modèle judiciaire. S'il n'y a de juge d'instruction que dans quatre pays européens, son rôle est puissant dans notre corps judiciaire. Afin de garantir son indépendance et de lui permettre de conserver la maîtrise des enquêtes, le procureur européen délégué ne pourra pas ouvrir une information judiciaire devant un juge d'instruction : il pourra, en revanche, en exercer les fonctions. Pour la même raison, il n'a pas de subordination aux procureurs généraux.

Il est indispensable d'assurer la préservation des libertés individuelles. En France, le procureur européen délégué endosse ainsi le rôle du juge d'instruction, ce qui est original mais concevable, pour mettre en examen, placer sous statut de témoin assisté, effectuer les actes d'investigation selon les règles de procédure habituelles. Mais il ne peut prendre aucune mesure de sûreté comme les assignations à résidence avec bracelet électronique, la détention provisoire ou le mandat d'arrêt, ni attenter à la vie privée avec la géolocalisation, la perquisition sans assentiment, les écoutes ou les techniques spéciales d'enquête sans l'intervention du juge des libertés et de la détention, qui tend à prendre de plus en plus d'importance.

Les modifications effectuées par le Sénat sont bienvenues pour assurer les droits de la défense.

Pour conclure, il est clair que nous accusons une faiblesse en matière de contentieux environnemental. Le texte comporte deux dispositions centrales : la création de juridictions spécialisées et la CJIP environnementale, qui donne lieu à discussion mais qui a prouvé son efficacité. Nous attendrons avec intérêt le texte à venir sur la prévention, la réparation et la répression de ce que vous avez bien voulu qualifier de banditisme environnemental, contre lequel nous devons absolument lutter.

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Ce texte est en réalité un deux‑en‑un, ce qui lui donne un côté un peu fourre‑tout. Vous avez rappelé que le Parquet européen est une histoire ancienne, même si sa concrétisation date de 2017. Il vise à lutter contre les atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne, pour des dizaines de milliards d'euros, même si la partie invisible de l'iceberg est parfois compliquée à appréhender. Une première instance européenne va disposer de compétences judiciaires propres ; cela pose un certain nombre de questions de souveraineté nationale. Certaines ont été tranchées, puisqu'il n'y a pas de nouvelle révision constitutionnelle, mais le principe de subsidiarité est maintenu, ce qui montre bien que la frontière est relativement floue. Pas plus que mon groupe, je ne souhaiterais que ce soit un cheval de Troie pour la fin du juge d'instruction – vous avez répondu à notre crainte, monsieur le ministre, mais elle demeure. Globalement, même si des améliorations peuvent être apportées, il nous paraît que cette partie du texte va dans le bon sens. Qui pourrait être opposé à la lutte contre les atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne, au budget de laquelle chaque contribuable participe ?

S'agissant des juridictions spécialisées, l'intention est également bienvenue pour lutter contre le terrorisme, la délinquance économique et les atteintes à l'environnement. Les têtes de chapitre sont attrayantes, j'en conviens. La spécialisation au niveau des cours d'appel des questions environnementales peut être pertinente ; nous avons d'ailleurs quelques propositions à vous faire, Mme Laurence Vichnievsky et moi, en matière d'action de groupe environnementale. C'est une chose d'avoir des juridictions spécialisées, mais attention à ce qu'elles ne constituent pas une porte d'entrée pour le délit d'écocide qui sera proposé dans un texte à venir et sur lequel il y aura beaucoup à dire. L'objectif peut être partagé, encore une fois, mais nous pouvons diverger sur les moyens. Ce sera bien l'occasion de mettre un pied dans la porte, puisque l'on va créer des structures avant même que le droit n'existe. C'est un peu bancal.

Le texte joue aussi un rôle de voiture-balai puisqu'on y trouve des dispositions sur les notaires, d'autres pour répondre à des décisions du Conseil constitutionnel, ou encore l'article 11 sur l'interdiction d'accès aux transports publics – cet aspect me convient, contrairement à notre rapporteure, mais il m'apparaît curieusement déplacé.

En somme, demeure un besoin de clarification qui nous conduit, à ce stade, à conserver quelques réserves de forme et de fond.

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Certains contentieux pénaux présentent, en raison de leur nature et de leur gravité, une spécificité justifiant qu'ils fassent l'objet de règles de procédure adaptées faisant intervenir des juridictions ou des magistrats spécialisés. C'est le cas des infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne, pour lesquelles a été créé un Parquet européen dans le cadre du mécanisme de coopération renforcée. Celui‑ci aura pour mission de rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs d'infraction portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union au titre de la directive 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil, ainsi que des infractions qui leur sont indissociables. La nomination des vingt‑deux procureurs européens a eu lieu le 22 juillet 2020, avec notamment M. Frédéric Baab comme procureur européen français. Les conditions d'emploi des procureurs européens délégués ont été fixées le 29 septembre dernier – je crois d'ailleurs que le Gouvernement a déposé un amendement afin d'en tenir compte.

Le projet de loi entend adapter la législation française – les codes de procédure pénale, de l'organisation judiciaire et des douanes – à la création du Parquet européen. Il renforce la justice pénale spécialisée, notamment en donnant aux parquets spécialisés le pouvoir de faire prévaloir leur compétence sur leurs homologues de droit commun, en confiant au procureur de la République antiterroriste la compétence d'exécution des demandes d'entraide émanant de la Cour pénale internationale, en renforçant les prérogatives du parquet national financier. Il institue aussi une convention judiciaire d'intérêt public en matière environnementale et crée, dans chaque ressort de cour d'appel, un tribunal judiciaire chargé du traitement des délits complexes du code de l'environnement. Ce projet de loi entend enfin prendre en compte plusieurs décisions prises par le Conseil constitutionnel ainsi qu'une jurisprudence de la Cour de cassation, et corriger des malfaçons issues de la loi de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice.

Nous notons cependant l'absence de mesures issues des récentes décisions de la Cour de justice de l'Union européenne confirmant la jurisprudence Tele2. Nous comprenons que, face à une question préjudicielle adressée par le Conseil d'État, le Gouvernement attende la décision dudit Conseil avant de tirer des conclusions. En revanche, les véhicules juridiques idoines sont rares et, compte tenu de l'urgence à venir sur les conséquences probables de l'arrêt, cela imposera de légiférer rapidement.

Ce texte est une nécessité pour lutter contre la criminalité financière et protéger l'argent des contribuables européens. Il était attendu depuis longtemps. J'ai une pensée pour notre collègue Laurence Vichnievsky qui, le 1er octobre 1996, alors qu'elle était magistrate, a participé à l'appel de Genève en faveur d'une relance de la création du procureur européen. Cette évolution, bien loin de constituer un pas conséquent vers une Europe plus intégrée comme ont pu le craindre certains États membres, est surtout l'illustration de la capacité des États à créer une approche unifiée pour lutter contre les crimes qui affectent les intérêts financiers de tous. Plus que jamais, il est essentiel de rendre la justice dans un domaine où l'impunité est fréquente et où les pertes sont importantes, tant pour l'Union européenne que pour les nations.

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La transposition du règlement relatif au Parquet européen n'appelle pas d'observation au fond. C'est une formidable avancée institutionnelle, qui tend à harmoniser la justice des États membres. Parions que nous harmoniserons aussi nos budgets consacrés à la justice ! L'arrivée d'un Parquet européen indépendant et intégré dans notre système national pose plus que jamais la question de la nécessaire indépendance statutaire du parquet français. Les justiciables français n'auront pas les mêmes garanties quant à l'indépendance du parquet, selon que l'infraction commise préjudicie aux intérêts financiers de l'Union ou non. C'est pourquoi la seule réponse est d'imposer que le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) propose la nomination des plus hauts magistrats de l'ordre judiciaire. Mais je crois, monsieur le garde des Sceaux, que vous avez l'intention de vous engager dans ce combat que nous menons depuis des années.

Le Parquet européen doit faire ses preuves. Il pourrait voir sa compétence étendue plus tard aux crimes environnementaux les plus graves – l'écocide, qui ne sera pas traité dans ce texte. C'est un objectif que nous devons viser au niveau européen. Il est d'ailleurs question de justice pénale environnementale dans ce projet de loi. En l'état, il ne porte pas l'ambition que les citoyens attendent. Vous avez évoqué un délit d'atteinte à l'environnement et un délit de mise en danger. Comme vous, je considère que la justice environnementale doit accompagner l'ambition écologique. Nous avons d'ailleurs commencé à le faire dans le Green Deal, en travaillant au sein de l'assemblée parlementaire franco‑allemande. Nous avions déposé des amendements malheureusement irrecevables. Mais c'est bien que le Gouvernement s'engage dans cette voie, où il aura tout notre soutien.

La création de juridictions spécialisées avec des magistrats formés à la question environnementale est sans doute aussi le résultat d'une indigente activité judiciaire s'agissant des litiges environnementaux. Alors que les manquements sont nombreux concernant les déchets, les zones Natura 2000 ou les infractions à la police de l'eau, trop peu de constatations et de contentieux ont été établis, du fait du faible nombre d'inspecteurs de l'environnement capables de dresser un constat et d'engager des poursuites. En matière environnementale, c'est l'impuissance et, partant, l'impunité. Le maire est bien seul sur son territoire. Ce constat impose une organisation judiciaire de proximité.

La convention judiciaire d'intérêt public appelle une remarque principielle. En matière de fraude fiscale, une telle convention, qui permet à l'État de récupérer de l'argent qu'il ne pourrait obtenir rapidement sans la transaction, a tout son sens. Dans le domaine de l'écologie, peut‑être moins. Comment parler de réparation pour ce qui ne se répare jamais vraiment ? La gravité des conséquences requiert, au contraire, toute la force d'un procès, sans quoi on risque de donner le sentiment de se compromettre. Nous ne sommes pas hostiles à cet outil, mais nous souhaitons que des dispositions viennent l'accompagner, au regard de la nature même du litige et de sa gravité, l'atteinte à l'environnement ayant pour nous une toute autre dimension que l'infraction financière.

Enfin, l'article 12 vient concrétiser une promesse de Mme Nicole Belloubet – nous l'en remercions. On atterrit certes mollement, au regard de ce que nous avions voté en 2015, les puissants lobbies professionnels ayant fait leur travail, mais nous ne reviendrons pas sur ce sujet. En revanche, nous espérons vous avoir convaincu, monsieur le garde des Sceaux, de la pertinence et l'efficience des travaux parlementaires menés depuis deux ans.

Vous avez évoqué un amendement sur la détention provisoire. Serait‑il possible de l'avoir avant la séance publique afin de pouvoir travailler dessus et de construire ensemble un dispositif plus consensuel ?

Globalement, il s'agit d'un texte important. Il emporte par ses amendements une dimension environnementale dont nous mesurons l'importance. Le tout sera d'y mettre les moyens, comme c'est toujours la question en matière de justice.

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Les objectifs principaux du projet de loi sont, d'une part, d'adapter notre législation à la création du Parquet européen et, d'autre part, d'améliorer les dispositifs actuels relatifs à la justice pénale spécialisée. Comme cela a été rappelé, le Parquet européen est chargé de rechercher, poursuivre et renvoyer devant la justice les auteurs d'infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne – la fraude, la corruption ou la fraude transfrontalière à la TVA supérieure à 10 millions d'euros. Il sera aussi compétent pour diligenter des enquêtes, effectuer des actes de poursuite ou exercer l'action publique. Le groupe Agir ensemble, attaché au renforcement de notre identité européenne, se réjouit de la création de cette entité dotée de moyens et d'outils pour lutter contre la criminalité financière. C'est une nouvelle preuve de l'utilité de l'Union européenne, à l'heure où certains la remettent violemment en cause. La Commission européenne estime que la fraude transnationale représente une perte de 50 milliards d'euros de recettes de TVA pour les États membres et que les détournements de fonds européens sont estimés à 700 millions d'euros.

Avant d'aborder le projet de loi, nous souhaitons mentionner le rapport effectué par la commission des Affaires européennes, lequel rappelle quelques éléments fâcheux qu'il convient de citer. D'une part, cinq membres de l'Union européenne manquent à l'appel – la Hongrie, la Pologne, l'Irlande, la Suède et le Danemark. D'autre part, bien qu'aucun des vingt‑deux participants à ce Parquet européen ne soit anglophone, l'anglais sera la langue de travail. Même si le rapport précise que la maîtrise du français était irréalisable, la langue de Molière a encore perdu des points. Alors que 80 % des fonctionnaires européens sont francophones, le nombre de documents rédigés en français par la Commission européenne ne dépassait pas 3,7 % en 2016 contre 35 % en 1999.

Pour revenir au projet de loi, notre groupe relève qu'il assure un juste équilibre entre l'efficacité de la répression contre une délinquance astucieuse, largement internationale, et la préservation de l'autonomie et de la souveraineté de notre ordre judiciaire, puisque les juges du tribunal judiciaire de Paris demeureront compétents pour juger ces infractions et, le cas échéant, condamner leurs auteurs aux peines prévues par le code pénal. On constate une évolution pragmatique des compétences du procureur européen délégué, qui reprendrait des compétences du procureur de la République et du juge d'instruction dans certains cas. Cette évolution est‑elle un premier pas vers une remise en cause progressive du statut du juge d'instruction à la française ?

S'agissant de la lutte contre les atteintes à l'environnement, le projet de loi hisse notre organisation judiciaire à la hauteur de notre ambition politique et des attentes de nos concitoyens. Notre justice tient un rôle incontournable de régulation, en prévenant, en sanctionnant et en réparant les atteintes écologiques. Cependant, à ce jour, le contentieux environnemental représente seulement 1 % des condamnations pénales et 0,5 % des condamnations civiles, des chiffres qui ne reflètent pas la réalité des atteintes quotidiennement portées. Certaines exigent une réponse judiciaire effective, car elles constituent des dommages graves et irréversibles pour lesquels une réponse administrative est insuffisante.

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Entre le détournement de fonds européens, la fraude à la TVA, la corruption ou le blanchiment d'argent, ce sont chaque année plusieurs dizaines de milliards d'euros qui échappent au budget de l'Union européenne et des États membres. Aussi le groupe Libertés et territoires se réjouit-il qu'après de longues années de négociations soit enfin mis en œuvre le Parquet européen.

C'est un grand texte. Cela permettra de définir un cadre européen efficace pour renforcer, mais aussi pour homogénéiser la réponse pénale apportée aux délits financiers affectant les intérêts de l'Union européenne. Il nous semble, en effet, que le dispositif proposé pour les procureurs européens délégués est relativement équilibré et qu'il leur permettra de disposer de prérogatives étendues relevant normalement du juge d'instruction, afin de mener à bien les enquêtes et les poursuites nécessaires. Ces prérogatives seront toutefois limitées et encadrées. Le procureur européen délégué ne pourra pas prendre seul des mesures attentatoires aux libertés, comme l'assignation à résidence avec surveillance électronique ou le placement en détention provisoire. Des questions restent en suspens, notamment la capacité de ces procureurs de demeurer indépendants. Si l'article 6 du règlement prévoit l'indépendance du Parquet européen, aucune garantie statutaire n'est prévue et le projet de loi évoque seulement un détachement du procureur européen délégué.

Notre groupe redoute que le projet de loi se cantonne à des effets d'annonce sur le volet environnemental, sans permettre de véritable saut qualitatif. Il ne reprend que deux des vingt-et-une recommandations du rapport Une justice pour l'environnement du Conseil général de l'environnement et du développement durable et de l'Inspection générale de la justice. Néanmoins, l'annonce de la création d'un délit d'écocide nous permet d'être optimistes quant à la poursuite des infractions concernées.

Concernant les juridictions dédiées au domaine de l'environnement, il ne s'agit pas de créer des tribunaux spécifiques en matière d'environnement, mais de spécialiser dans chaque cour d'appel un tribunal judiciaire. Cela permettra sans doute une plus grande familiarité de ces juridictions avec les questions environnementales, sans garantir pour autant une véritable expertise, d'autant que l'étude d'impact précise que cette création se fera à moyens constants. Il nous semble nécessaire, afin d'accroître l'effectivité de la justice environnementale, d'accorder plus de moyens aux polices de l'environnement. Or, l'office français pour la biodiversité, l'office national des forêts (ONF) et les parcs nationaux n'ont pas les ressources humaines et matérielles suffisantes pour constater les infractions.

Nous sommes quelque peu sceptiques quant à la mise en place de la convention judiciaire écologique : elle instaure une justice d'exception, qui libère les principaux pollueurs d'un procès en bonne et due forme et qui fait abstraction de l'une des sanctions les plus dissuasives pour les entreprises – celle entachant leur réputation. En outre, le fait que seules les personnes morales puissent bénéficier de ce dispositif pose des difficultés pratiques, avec le risque que la personne morale soit exonérée pénalement tandis que la personne physique restera poursuivie. Nous avons proposé des amendements afin d'améliorer cela.

Pour conclure, notre groupe a deux motifs d'inquiétude. Le premier concerne l'article 5 visant à élargir le champ de compétences du parquet national antiterroriste aux crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la nation, une notion trop large selon le Conseil national des barreaux (CNB), qui risque d'entraîner certaines dérives dans des réponses pénales d'exception sur des crimes et des délits qui ne relèvent pas du terrorisme. Par ailleurs, nous pensons qu'il faut maintenir l'obligation pour les officiers de police judiciaire de se référer au procureur de la République pour leurs missions de collecte et de traitement des empreintes génétiques ou digitales, ainsi que pour l'accès aux différents systèmes de vidéoprotection : c'est une garantie de respect des droits fondamentaux des personnes.

Un regret, enfin : l'irrecevabilité d'un amendement qui reprenait un article ayant fait consensus lors de l'examen de la proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations. Néanmoins, nous convenons que ce texte est un grand texte et qu'il faut avancer en ce sens.

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Je partage votre déception, Monsieur Acquaviva : j'avais moi‑même déposé un amendement sur le même sujet, dont j'ai constaté à l'examen qu'il n'entrait malheureusement pas dans le champ du texte et que j'ai donc également déclaré irrecevable.

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Je formulerai une remarque liminaire méthodologique : depuis plusieurs mois, en dépit des difficultés liées à la crise sanitaire, nous voyons se multiplier en commission des Lois des textes souvent d'importance, qui demandent un travail approfondi. À ce stade de la discussion, notre groupe n'a pas déposé d'amendement, non par manque d'intérêt, mais parce qu'ayant particulièrement travaillé sur la proposition de loi visant à réformer l'adoption, nous étions dans l'impossibilité de nous consacrer à celui‑ci.

Le projet de loi modifie notre droit pour tenir compte de la création d'un Parquet européen, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir puisque nous militons depuis longtemps en faveur d'un renforcement de la coopération européenne dans le domaine de la justice. Celle-ci viendra compléter celle qui existe en matière de renseignement et de police. Nous souhaitons que ces coopérations renforcées et ce Parquet européen voient leurs compétences étendues à la grande criminalité et au terrorisme, tant ce type de délinquance et d'atteinte à la sûreté de nos États dépasse largement les frontières nationales, voire s'en sert pour prospérer.

La transcription dans notre droit de la directive heurte nos traditions judiciaires puisque le procureur européen délégué sera totalement indépendant du procureur général et de la Chancellerie, et qu'il pourra être à la fois procureur et juge d'instruction pour un certain nombre d'actes liés à l'enquête. Nous pouvons le comprendre mais ce n'est pas si simple à intégrer, même pour les procureurs européens délégués. Quand et comment ces procureurs européens délégués seront‑ils choisis ? Comment leur travail va‑t‑il s'articuler avec celui des autres procureurs nationaux ?

S'agissant du possible conflit de compétences, nous avons cru comprendre que c'est toujours le niveau national qui choisira la compétence du procureur national ou européen. Mais nous avons vu, à deux endroits du texte, des mentions qui semblaient contradictoires.

Le deuxième champ d'intervention du projet de loi est celui de la justice spécialisée, en particulier de la justice environnementale, pour répondre à la complexité des enjeux de ces contentieux, mais aussi pour affirmer une nouvelle priorité de la politique pénale du ministère. Un mécanisme transactionnel existant en matière financière sera demain applicable en matière environnementale. Je reste assez circonspect à son sujet d'autant que, si j'ai bien compris, il n'implique pas la reconnaissance préalable de la culpabilité de l'entreprise ou de la personne morale mise en cause.

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Je sais qu'il est difficile de travailler dans ces conditions car les textes s'enchaînent. Mais celui‑ci a été déposé le 4 mars sur le bureau de l'Assemblée nationale et nous devions même l'examiner au début du printemps. La crise sanitaire a modifié le calendrier mais nous n'avons pas été pris par surprise.

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La commission des Lois est quand même très sollicitée !

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Je voulais simplement expliquer pourquoi nous n'avions pas déposé d'amendement.

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Ce projet de loi est, en effet, accessible depuis longtemps. En revanche, nous avons eu connaissance très récemment de tous les ajouts que souhaitent faire le ministre et la rapporteure pour répondre aux décisions du Conseil constitutionnel, à la visioconférence et à tout un tas de problématiques, la majorité et l'exécutif voulant saisir l'occasion de ce véhicule pour remplacer plusieurs dispositions pénales. Cela n'étant pas une mince affaire, nous devrions avoir un débat plus approfondi que celui qui s'annonce.

Pour ce qui nous concerne, nous sommes opposés au Parquet européen, les questions de souveraineté n'étant absolument pas réglées. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas coopérer judiciairement entre pays européens, bien évidemment, alors que la longueur des commissions rogatoires internationales est l'un des principaux obstacles dans les enquêtes du PNF. Le système doit être fluidifié. Mais un Parquet européen, qui ne tire sa légitimité que d'une décision multilatérale entre les États, peut-il garantir une adhésion du justiciable ? Je ne le crois pas. Nous pensons, à La France insoumise, que c'est dans le cadre des États nations que doit agir l'institution judiciaire.

Par ailleurs, il y a une lutte au sein de l'Europe concernant le référentiel juridique, depuis la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne de 2000. Ce texte est une étape supplémentaire de l'ancrage dans l'Union européenne au détriment de la vision défendue par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), que nous privilégions sur le référentiel de l'Union européenne où les quatre libertés fondatrices priment le reste.

Qui plus est, ce règlement marque une incursion du droit européen dans le système juridique français. Il vient préfigurer de manière inquiétante la conception d'un parquet sans juge d'instruction et au détriment des parties civiles. Je n'ai pas été le seul à m'inquiéter de la disparition du juge d'instruction, dont le « super-procureur » récupère les deux compétences – il peut même prononcer un contrôle judiciaire, la contestation étant laissée aux parties pour faire intervenir un magistrat du siège. Heureusement, le juge des libertés et de la détention doit intervenir pour toutes les autres mesures attentatoires aux libertés, le risque d'inconstitutionnalité ayant sans doute permis de résister à la tentation de l'écarter. Renoncer, encore une fois, à réformer le statut du parquet en France alors que ce texte préfigure un nouveau parquet revient à laisser à l'Union européenne le soin de décider à notre place. Le droit de l'Union européenne a d'ailleurs toujours fonctionné ainsi, par intégration.

Cet objet juridique non identifié entend lutter contre une partie des délinquances financière et environnementale, dès lors qu'elles touchent aux intérêts de l'Union européenne. La France insoumise y voit un recul de la lutte contre ces deux délinquances. Plusieurs collègues ont, en effet, relevé qu'il y aurait assez peu d'affaires et, partant, assez peu de procureurs européens délégués en France, alors que notre parquet est déjà sous‑doté et sous‑dimensionné. Vous ne pouvez pas apporter une affaire en justice sans enquête préalable avec des éléments de preuve : c'est au stade de l'enquête et de la matérialisation des faits qu'il faut mettre le paquet.

Relevons également, en matière environnementale, que, d'une part, il n'y a pas de crime d'écocide et que, d'autre part, on crée une convention judiciaire d'intérêt public qui a été introduite dans notre droit de manière très large contre la délinquance économique et financière. Le but était de faire rentrer l'argent rapidement grâce à une procédure transactionnelle, étant entendu que la procédure pénale classique était très longue. Pour un délit financier, je peux concevoir ce recours, même si je m'y oppose. Pour une atteinte à l'environnement, cela perd de son sens. Nous nous opposerons donc également à cette innovation.

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Nous ne partageons pas totalement cette analyse puisque nous sommes favorables au Parquet européen pour lequel, depuis longtemps, des ministres et des parlementaires militent. On voit que c'est plutôt le modèle allemand qui prédomine, avec un juge de l'enquête incarné par le juge des libertés et de la détention, qui devra être omniprésent aux côtés des procureurs européens délégués. On peut imaginer que la phase d'enquête sera plus courte et celle du jugement plus longue, à l'inverse de ce qui se passe en France. Quels pourront être les effets sur la procédure pénale ? Peut‑on espérer une coordination des politiques pénales incluant Eurojust, Europol et le Centre européen de lutte contre le terrorisme ? Enfin, alors que les procureurs européens délégués seront au total 140, on regrette qu'il n'y en ait que cinq en France. Dispose‑t‑on de statistiques sur les affaires qui devraient relever du Parquet européen, par exemple sur la fraude à la TVA ?

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Le texte comporte trois volets, dont le premier porte sur le Parquet européen qui sera opérationnel d'ici à la fin de l'année. Celui-ci est issu d'un règlement européen adopté en 2017. Le Gouvernement et le Parlement n'ont guère d'autre choix que de mettre le droit national en conformité, faute de quoi la France risque d'être condamnée par les institutions européennes.

Cette perte de souveraineté dans le domaine de la justice pénale est regrettable, d'autant que les Français ont majoritairement rejeté tout projet fédéraliste lors du référendum de 2005. Certes, les parlements nationaux ont contraint la Commission européenne à réviser les contours de sa proposition afin de mieux respecter le principe de subsidiarité. Mais, dans le fond, c'est une stratégie de petits pas et ce projet n'est qu'une étape vers un transfert de compétences toujours plus large, qui se traduira à terme par l'établissement d'un code pénal unique. Les magistrats jugeront alors, non plus au nom du peuple français, mais au nom d'un Léviathan européen. Quelle sera la prochaine étape ?

À terme également, le juge d'instruction risque de disparaître. Quel est votre avis, monsieur le ministre, quant au maintien de ce juge instruisant à charge et à décharge ?

En outre, je suis étonnée que la langue de travail de ce nouveau parquet soit l'anglais, ou plutôt le globish, alors qu'aucun des États participants n'est anglophone. Comment se fait-il que les langues nationales aient été écartées ? Quitte à choisir une langue de travail, comment se fait-il que le français, langue diplomatique par excellence, n'ait pas été retenu ?

Concernant le troisième volet, je m'interroge sur la peine complémentaire d'interdiction de paraître dans les transports publics, qui vise notamment les fraudeurs dans le métro. Leur identité sera inscrite au fichier des personnes recherchées et communiquée aux entreprises de transport collectif par les préfets. Très bien, mais quelles sont les modalités d'application de cette peine ? Combien de personnes sont concernées ?

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Je vous soumets l'interrogation, que je partage, de ma collègue Blandine Brocard. Vous avez indiqué que nos concitoyens, notamment les plus jeunes, attendent que nous apportions une réponse aux enjeux écologiques. Tous les ministères doivent être engagés. Je vous remercie d'y prendre part puisque ce projet de loi prépare nos juridictions à connaître des délits prévus par le code de l'environnement. En outre, dimanche dernier, vous avez indiqué vouloir mettre fin au banditisme environnemental en créant un délit d'écocide, reprenant ainsi une proposition de la Convention citoyenne pour le climat.

Nous sommes, je pense, tous d'accord pour lutter contre le banditisme environnemental. En plus de porter une atteinte grave à notre environnement, il expose souvent les élus locaux à des situations dangereuses. Chacun se souvient de ce maire tué en tentant de verbaliser le déversement sauvage de gravats d'une entreprise, dans le Var, en août 2018. Les élus locaux sont les premiers témoins de ces pollutions. Dans l'Isère, les maires sont fortement mobilisés contre la pollution des rivières. Les élus doivent être étroitement associés à la transition écologique. Certains se demandent comment va s'articuler la création de ce nouveau délit avec les responsabilités qui pèsent déjà sur eux. S'agira-t-il d'une responsabilité supplémentaire sur leurs épaules ?

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Je m'interroge sur la suite qui pourrait être donnée au Parquet européen. Je pense qu'il a vocation à voir ses compétences étendues à d'autres sujets, notamment la lutte contre le terrorisme. Il s'agit d'un défi européen, les attaques récentes en France et en Autriche l'ont malheureusement souligné et d'autres pays ont été endeuillés par le terrorisme. Quel est votre sentiment ?

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Monsieur le ministre, comme ma collègue, je voudrais disposer le plus rapidement possible de vos amendements à venir pour pouvoir travailler sur leur rédaction.

Je souhaite vous faire part d'un étonnement d'ordre sémantique. Avec Mme Pompili, à plusieurs reprises, vous avez évoqué l'écocide et votre ambition de poursuivre le banditisme et les délinquants environnementaux. Je suis sensible au sujet : je siège à la commission du Développement durable et mon prédécesseur dans ma circonscription, M. Christophe Bouillon, avait défendu une proposition de loi sur l'écocide. Elle me semblait plus ambitieuse et avait, malheureusement, été balayée par la majorité. Il s'agirait d'un délit général de pollution et de mise en danger de l'environnement, avancée certaine mais néanmoins plus modeste que ce que vous laissez entendre. En fait, vous abandonnez l'idée et l'ambition d'un crime d'écocide au profit d'un délit dont le périmètre semble limité aux pollutions des airs et des eaux. Cela ne correspond donc pas réellement à une atteinte grave, étendue et durable à la nature. Quid de la déforestation que le Président Macron qualifiait cet été d'écocide ? Quid de l'extraction de pétrole qui, bien que non effectuée en France, est parfois le fait de compagnies françaises ou réalisée avec des capitaux français ? À ma connaissance, elle ne peut être qualifiée de délit d'écocide. Que comptez-vous faire pour éviter de banaliser le terme ?

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éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux

Je vais vous répondre aussi complètement que possible, quitte à revenir sur certains points au cours de l'examen des amendements – notamment, madame la rapporteure, pour ce qui concerne la peine d'interdiction de paraître dans les transports publics.

Madame Untermaier, vous parlez du statut et de l'indépendance du parquet. Vous évoquez la réunion du Congrès, me rappelant mes propos, et vous avez raison. Je ne les ai pas oubliés. Mais vous n'ignorez pas que la convocation du Congrès est entre les mains du Président de la République. J'espère que nous pourrons avancer sur le sujet. Bien entendu, je vous communiquerai l'amendement qui sera déposé en séance publique sur la question de la dignité des conditions de détention. C'est la moindre des choses afin que vous puissiez exercer toutes vos prérogatives. Nous attendons simplement l'avis du Conseil d'État.

Monsieur Houbron, c'est vrai : la France s'est battue pour la langue française et elle a perdu. Mais nous avons tout de même gagné cette bataille devant la Cour de justice de l'Union européenne : si nous avons perdu dans l'affaire Tele2, c'est en français !

Monsieur Paris, pourquoi la France comptera-t-elle cinq procureurs, l'Italie vingt et l'Allemagne onze ? En Allemagne, c'est lié au nombre de Länder et, en Italie, c'est à raison de l'importance du contentieux… Bien entendu, ces effectifs pourront évoluer en fonction des besoins. J'espère que l'Italie aura bientôt besoin de moins de vingt procureurs et que la France n'en nécessitera pas davantage que les cinq envisagés.

Monsieur Gosselin, nous n'allons pas toucher aux juges d'instruction par un cheval de Troie. Je ne vous dirai pas ce que je pense du statut du juge d'instruction et du juge d'instruction ; je crois que vous le savez. Ce n'est vraiment pas à l'ordre du jour et ce serait, pour le coup, bien cavalier – un terme dont vous affectionnez l'usage, tant par courtoisie que dans un sens parlementaire. Non, nous n'allons pas attaquer le juge d'instruction par le truchement de ce texte. Si, un jour, cette discussion devait avoir lieu, ce serait de façon totalement différente.

Monsieur Latombe, je reviendrai sur les conditions d'emploi des procureurs européens délégués en présentant l'amendement du Gouvernement. S'agissant de l'arrêt Tele2, nous attendons une décision du Conseil d'État. Vous allez un peu vite, mais je le comprends, car le sujet est d'une extrême importance. Vous comprendrez aussi que la décision du Conseil d'État est essentielle pour savoir comment progresser en matière de conservation des données. Je donnerai davantage de détails tout à l'heure, si vous le souhaitez.

Monsieur Jean-Félix Aquaviva, vous estimez qu'il s'agit d'un grand texte ; je vous en remercie. Je n'ai pas souhaité qu'il n'y ait qu'une juridiction nationale spécialisée sur l'environnement, à Paris, car il faut tenir compte des spécificités territoriales. Il est préférable que le braconnage de civelles soit traité devant le tribunal judiciaire spécialisé de la cour d'appel de Bordeaux. De même, la Corse possède certaines spécificités écologiques. Une spécialisation au niveau des différentes cours d'appel sera plus efficace.

M. Brindeau et d'autres ont exprimé leurs réticences concernant la convention judiciaire d'intérêt public. Cet outil existe pourtant déjà et fonctionne bien ; il est même extrêmement efficace. S'agissant d'un éventuel conflit de compétence entre Parquet européen et parquet national, la question est réglée par le paragraphe 6 de l'article 25 du règlement européen : c'est le parquet national qui l'emporte.

Le nouveau Parquet européen dispose d'une compétence ratione materiae clairement délimitée aux infractions économiques dont l'Europe est directement victime. Pour y faire entrer le terrorisme, comme certains d'entre vous l'ont évoqué et comme c'est le souhait du Président de la République, il faut l'unanimité. Nous n'en sommes pas là. Laissons ce jeune Parquet européen prendre ses marques, grandir un peu, et voyons comment il fonctionne !

Madame Karamanli, la procédure pénale française sera respectée, sauf pour la compétence que je viens d'évoquer. Entre soixante-dix et quatre-vingt des affaires actuelles seraient du ressort du Parquet européen. Toutefois, en la matière, on estime qu'il existe un chiffre noir et que le Parquet européen sera beaucoup plus efficace, par exemple sur les carrousels à la TVA lorsque plusieurs pays sont impliqués.

Madame Jacquier-Laforge, contre les atteintes à l'environnement, nous nous dotons d'abord d'outils : nous créons des tribunaux spécialisés dans chaque cour d'appel ; nous instaurons une convention judiciaire d'intérêt public pour nous assurer de l'efficacité de la réparation du préjudice écologique ; nous créons des officiers de police judiciaire spécialisés dans le domaine environnemental afin que les enquêtes soient de meilleure qualité. Ensuite, nous définissons des infractions, au premier rang desquelles l'infraction générale de pollution de l'eau et du sol – les services ont également travaillé afin que l'on puisse appréhender la pollution de l'air, ce qui n'est pas simple d'un point de vue légistique. Nous avons également imaginé une infraction aggravée, que nous appellerons écocide, visant les comportements volontaires ayant causé un dommage irréversible. Des gradations sont prévues, en fonction de l'intentionnalité. Les peines vont de trois à dix ans d'emprisonnement. Trois ans, ce n'est pas une peine plancher, ce peut aussi être un maximum. Enfin, les amendes sont renforcées.

Nous n'avons pas qualifié l'écocide de crime car le terme est fort. Pour des raisons de proportionnalité, nous ne pouvons le qualifier comme tel. Plutôt qu'un délit, d'aucuns auraient souhaité qu'il s'agisse d'un crime puni de vingt ans d'emprisonnement, mais l'infraction la plus grave fait tout de même encourir à celui qui la commet dix ans d'emprisonnement – vingt ans en cas de récidive. Ce n'est pas rien ! Nous avons estimé qu'il était préférable d'éviter l'inconstitutionnalité pour des raisons de proportionnalité.

En outre, la création d'une infraction de mise en danger vise la pollution qui n'a pas encore eu lieu mais dont les conditions sont réunies pour qu'elle se produise.

Nous avons également prévu un dispositif novateur : une amende égale à dix fois l'économie procurée. Celui qui déverse dans un fleuve des produits dangereux le fait pour gagner de l'argent car cela lui évite de solliciter des entreprises spécialisées. Pour fixer le montant de l'amende, la justice calculera l'économie attendue et la multipliera par dix. Pour résumer de manière simpliste : autrefois, je polluais mais je ne payais pas, et c'est pour cela que je polluais ; demain, je paierai dix fois l'économie que je pensais faire.

Lorsque nous examinerons les propositions de la Convention citoyenne dans un projet de loi dédié, nous demanderons la création d'un titre spécifique pour les dispositions relevant du code pénal.

Monsieur Bernalicis, vous êtes par principe, par posture, opposé au Parquet européen. Je ne peux rien dire d'autre.

S'agissant du statut du juge d'instruction, j'ai donné ma position, rassurant certains députés et en désolant d'autres – mais ce n'est pas la discussion du jour. En tout cas, ce n'est pas ainsi que l'on y touchera. M. Paris a souligné que les Belges, en maintenant le rôle de leur juge d'instruction, ont choisi une option différente de la nôtre, dont ils reconnaissent d'ailleurs qu'elle crée des complications. À l'heure des choix, nous en avons fait qui sont exceptionnels au regard de notre procédure, mais qui traduisent les orientations du Parlement européen dans toute sa légitimité.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie, monsieur le ministre. Nous nous retrouvons à 21 heures pour l'examen des amendements.

La réunion se termine à 19 heures 45.

Information relative à la Commission

La Commission a désigné Mme Catherine Kamowski, rapporteure sur le projet de loi organique relatif aux délais d'organisation des élections législatives et sénatoriales partielles (n° 3583) et sur le projet de loi relatif aux délais d'organisation des élections municipales partielles et des élections des membres des commissions syndicales (n° 3584).

Membres présents ou excusés

En raison de la crise sanitaire, les relevés de présence sont suspendus.