Intervention de Cécile Untermaier

Réunion du mardi 24 novembre 2020 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

La transposition du règlement relatif au Parquet européen n'appelle pas d'observation au fond. C'est une formidable avancée institutionnelle, qui tend à harmoniser la justice des États membres. Parions que nous harmoniserons aussi nos budgets consacrés à la justice ! L'arrivée d'un Parquet européen indépendant et intégré dans notre système national pose plus que jamais la question de la nécessaire indépendance statutaire du parquet français. Les justiciables français n'auront pas les mêmes garanties quant à l'indépendance du parquet, selon que l'infraction commise préjudicie aux intérêts financiers de l'Union ou non. C'est pourquoi la seule réponse est d'imposer que le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) propose la nomination des plus hauts magistrats de l'ordre judiciaire. Mais je crois, monsieur le garde des Sceaux, que vous avez l'intention de vous engager dans ce combat que nous menons depuis des années.

Le Parquet européen doit faire ses preuves. Il pourrait voir sa compétence étendue plus tard aux crimes environnementaux les plus graves – l'écocide, qui ne sera pas traité dans ce texte. C'est un objectif que nous devons viser au niveau européen. Il est d'ailleurs question de justice pénale environnementale dans ce projet de loi. En l'état, il ne porte pas l'ambition que les citoyens attendent. Vous avez évoqué un délit d'atteinte à l'environnement et un délit de mise en danger. Comme vous, je considère que la justice environnementale doit accompagner l'ambition écologique. Nous avons d'ailleurs commencé à le faire dans le Green Deal, en travaillant au sein de l'assemblée parlementaire franco‑allemande. Nous avions déposé des amendements malheureusement irrecevables. Mais c'est bien que le Gouvernement s'engage dans cette voie, où il aura tout notre soutien.

La création de juridictions spécialisées avec des magistrats formés à la question environnementale est sans doute aussi le résultat d'une indigente activité judiciaire s'agissant des litiges environnementaux. Alors que les manquements sont nombreux concernant les déchets, les zones Natura 2000 ou les infractions à la police de l'eau, trop peu de constatations et de contentieux ont été établis, du fait du faible nombre d'inspecteurs de l'environnement capables de dresser un constat et d'engager des poursuites. En matière environnementale, c'est l'impuissance et, partant, l'impunité. Le maire est bien seul sur son territoire. Ce constat impose une organisation judiciaire de proximité.

La convention judiciaire d'intérêt public appelle une remarque principielle. En matière de fraude fiscale, une telle convention, qui permet à l'État de récupérer de l'argent qu'il ne pourrait obtenir rapidement sans la transaction, a tout son sens. Dans le domaine de l'écologie, peut‑être moins. Comment parler de réparation pour ce qui ne se répare jamais vraiment ? La gravité des conséquences requiert, au contraire, toute la force d'un procès, sans quoi on risque de donner le sentiment de se compromettre. Nous ne sommes pas hostiles à cet outil, mais nous souhaitons que des dispositions viennent l'accompagner, au regard de la nature même du litige et de sa gravité, l'atteinte à l'environnement ayant pour nous une toute autre dimension que l'infraction financière.

Enfin, l'article 12 vient concrétiser une promesse de Mme Nicole Belloubet – nous l'en remercions. On atterrit certes mollement, au regard de ce que nous avions voté en 2015, les puissants lobbies professionnels ayant fait leur travail, mais nous ne reviendrons pas sur ce sujet. En revanche, nous espérons vous avoir convaincu, monsieur le garde des Sceaux, de la pertinence et l'efficience des travaux parlementaires menés depuis deux ans.

Vous avez évoqué un amendement sur la détention provisoire. Serait‑il possible de l'avoir avant la séance publique afin de pouvoir travailler dessus et de construire ensemble un dispositif plus consensuel ?

Globalement, il s'agit d'un texte important. Il emporte par ses amendements une dimension environnementale dont nous mesurons l'importance. Le tout sera d'y mettre les moyens, comme c'est toujours la question en matière de justice.

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