Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du mardi 24 novembre 2020 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Entre le détournement de fonds européens, la fraude à la TVA, la corruption ou le blanchiment d'argent, ce sont chaque année plusieurs dizaines de milliards d'euros qui échappent au budget de l'Union européenne et des États membres. Aussi le groupe Libertés et territoires se réjouit-il qu'après de longues années de négociations soit enfin mis en œuvre le Parquet européen.

C'est un grand texte. Cela permettra de définir un cadre européen efficace pour renforcer, mais aussi pour homogénéiser la réponse pénale apportée aux délits financiers affectant les intérêts de l'Union européenne. Il nous semble, en effet, que le dispositif proposé pour les procureurs européens délégués est relativement équilibré et qu'il leur permettra de disposer de prérogatives étendues relevant normalement du juge d'instruction, afin de mener à bien les enquêtes et les poursuites nécessaires. Ces prérogatives seront toutefois limitées et encadrées. Le procureur européen délégué ne pourra pas prendre seul des mesures attentatoires aux libertés, comme l'assignation à résidence avec surveillance électronique ou le placement en détention provisoire. Des questions restent en suspens, notamment la capacité de ces procureurs de demeurer indépendants. Si l'article 6 du règlement prévoit l'indépendance du Parquet européen, aucune garantie statutaire n'est prévue et le projet de loi évoque seulement un détachement du procureur européen délégué.

Notre groupe redoute que le projet de loi se cantonne à des effets d'annonce sur le volet environnemental, sans permettre de véritable saut qualitatif. Il ne reprend que deux des vingt-et-une recommandations du rapport Une justice pour l'environnement du Conseil général de l'environnement et du développement durable et de l'Inspection générale de la justice. Néanmoins, l'annonce de la création d'un délit d'écocide nous permet d'être optimistes quant à la poursuite des infractions concernées.

Concernant les juridictions dédiées au domaine de l'environnement, il ne s'agit pas de créer des tribunaux spécifiques en matière d'environnement, mais de spécialiser dans chaque cour d'appel un tribunal judiciaire. Cela permettra sans doute une plus grande familiarité de ces juridictions avec les questions environnementales, sans garantir pour autant une véritable expertise, d'autant que l'étude d'impact précise que cette création se fera à moyens constants. Il nous semble nécessaire, afin d'accroître l'effectivité de la justice environnementale, d'accorder plus de moyens aux polices de l'environnement. Or, l'office français pour la biodiversité, l'office national des forêts (ONF) et les parcs nationaux n'ont pas les ressources humaines et matérielles suffisantes pour constater les infractions.

Nous sommes quelque peu sceptiques quant à la mise en place de la convention judiciaire écologique : elle instaure une justice d'exception, qui libère les principaux pollueurs d'un procès en bonne et due forme et qui fait abstraction de l'une des sanctions les plus dissuasives pour les entreprises – celle entachant leur réputation. En outre, le fait que seules les personnes morales puissent bénéficier de ce dispositif pose des difficultés pratiques, avec le risque que la personne morale soit exonérée pénalement tandis que la personne physique restera poursuivie. Nous avons proposé des amendements afin d'améliorer cela.

Pour conclure, notre groupe a deux motifs d'inquiétude. Le premier concerne l'article 5 visant à élargir le champ de compétences du parquet national antiterroriste aux crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la nation, une notion trop large selon le Conseil national des barreaux (CNB), qui risque d'entraîner certaines dérives dans des réponses pénales d'exception sur des crimes et des délits qui ne relèvent pas du terrorisme. Par ailleurs, nous pensons qu'il faut maintenir l'obligation pour les officiers de police judiciaire de se référer au procureur de la République pour leurs missions de collecte et de traitement des empreintes génétiques ou digitales, ainsi que pour l'accès aux différents systèmes de vidéoprotection : c'est une garantie de respect des droits fondamentaux des personnes.

Un regret, enfin : l'irrecevabilité d'un amendement qui reprenait un article ayant fait consensus lors de l'examen de la proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations. Néanmoins, nous convenons que ce texte est un grand texte et qu'il faut avancer en ce sens.

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