Ce texte est en réalité un deux‑en‑un, ce qui lui donne un côté un peu fourre‑tout. Vous avez rappelé que le Parquet européen est une histoire ancienne, même si sa concrétisation date de 2017. Il vise à lutter contre les atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne, pour des dizaines de milliards d'euros, même si la partie invisible de l'iceberg est parfois compliquée à appréhender. Une première instance européenne va disposer de compétences judiciaires propres ; cela pose un certain nombre de questions de souveraineté nationale. Certaines ont été tranchées, puisqu'il n'y a pas de nouvelle révision constitutionnelle, mais le principe de subsidiarité est maintenu, ce qui montre bien que la frontière est relativement floue. Pas plus que mon groupe, je ne souhaiterais que ce soit un cheval de Troie pour la fin du juge d'instruction – vous avez répondu à notre crainte, monsieur le ministre, mais elle demeure. Globalement, même si des améliorations peuvent être apportées, il nous paraît que cette partie du texte va dans le bon sens. Qui pourrait être opposé à la lutte contre les atteintes aux intérêts financiers de l'Union européenne, au budget de laquelle chaque contribuable participe ?
S'agissant des juridictions spécialisées, l'intention est également bienvenue pour lutter contre le terrorisme, la délinquance économique et les atteintes à l'environnement. Les têtes de chapitre sont attrayantes, j'en conviens. La spécialisation au niveau des cours d'appel des questions environnementales peut être pertinente ; nous avons d'ailleurs quelques propositions à vous faire, Mme Laurence Vichnievsky et moi, en matière d'action de groupe environnementale. C'est une chose d'avoir des juridictions spécialisées, mais attention à ce qu'elles ne constituent pas une porte d'entrée pour le délit d'écocide qui sera proposé dans un texte à venir et sur lequel il y aura beaucoup à dire. L'objectif peut être partagé, encore une fois, mais nous pouvons diverger sur les moyens. Ce sera bien l'occasion de mettre un pied dans la porte, puisque l'on va créer des structures avant même que le droit n'existe. C'est un peu bancal.
Le texte joue aussi un rôle de voiture-balai puisqu'on y trouve des dispositions sur les notaires, d'autres pour répondre à des décisions du Conseil constitutionnel, ou encore l'article 11 sur l'interdiction d'accès aux transports publics – cet aspect me convient, contrairement à notre rapporteure, mais il m'apparaît curieusement déplacé.
En somme, demeure un besoin de clarification qui nous conduit, à ce stade, à conserver quelques réserves de forme et de fond.