Je formulerai une remarque liminaire méthodologique : depuis plusieurs mois, en dépit des difficultés liées à la crise sanitaire, nous voyons se multiplier en commission des Lois des textes souvent d'importance, qui demandent un travail approfondi. À ce stade de la discussion, notre groupe n'a pas déposé d'amendement, non par manque d'intérêt, mais parce qu'ayant particulièrement travaillé sur la proposition de loi visant à réformer l'adoption, nous étions dans l'impossibilité de nous consacrer à celui‑ci.
Le projet de loi modifie notre droit pour tenir compte de la création d'un Parquet européen, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir puisque nous militons depuis longtemps en faveur d'un renforcement de la coopération européenne dans le domaine de la justice. Celle-ci viendra compléter celle qui existe en matière de renseignement et de police. Nous souhaitons que ces coopérations renforcées et ce Parquet européen voient leurs compétences étendues à la grande criminalité et au terrorisme, tant ce type de délinquance et d'atteinte à la sûreté de nos États dépasse largement les frontières nationales, voire s'en sert pour prospérer.
La transcription dans notre droit de la directive heurte nos traditions judiciaires puisque le procureur européen délégué sera totalement indépendant du procureur général et de la Chancellerie, et qu'il pourra être à la fois procureur et juge d'instruction pour un certain nombre d'actes liés à l'enquête. Nous pouvons le comprendre mais ce n'est pas si simple à intégrer, même pour les procureurs européens délégués. Quand et comment ces procureurs européens délégués seront‑ils choisis ? Comment leur travail va‑t‑il s'articuler avec celui des autres procureurs nationaux ?
S'agissant du possible conflit de compétences, nous avons cru comprendre que c'est toujours le niveau national qui choisira la compétence du procureur national ou européen. Mais nous avons vu, à deux endroits du texte, des mentions qui semblaient contradictoires.
Le deuxième champ d'intervention du projet de loi est celui de la justice spécialisée, en particulier de la justice environnementale, pour répondre à la complexité des enjeux de ces contentieux, mais aussi pour affirmer une nouvelle priorité de la politique pénale du ministère. Un mécanisme transactionnel existant en matière financière sera demain applicable en matière environnementale. Je reste assez circonspect à son sujet d'autant que, si j'ai bien compris, il n'implique pas la reconnaissance préalable de la culpabilité de l'entreprise ou de la personne morale mise en cause.