Monsieur Bernalicis, j'émets un avis défavorable à votre amendement pour deux raisons. D'abord, vous affirmez que les procureurs européens délégués pourront mener des enquêtes préliminaires et des instructions selon leur bon vouloir. C'est faux. Le règlement européen le précise noir sur blanc. En outre, le Sénat a précisé la définition du moment où le procureur délégué « changera de casquette ». L'alinéa 21 est désormais ainsi rédigé : « Toutefois, lorsqu'il est nécessaire soit de mettre en examen une personne ou de la placer sous le statut de témoin assisté, soit de recourir à des actes d'investigation qui ne peuvent être ordonnés qu'au cours d'une instruction, en raison de leur durée ou de leur nature, le procureur européen délégué conduit les investigations conformément aux dispositions applicables à l'instruction, sous réserve des dispositions de la section III du présent chapitre. » Ce point est tout à fait clair.
Ensuite, vous estimez que les pouvoirs du procureur européen délégué sont si étendus qu'ils menacent l'existence même du juge d'instruction. Si nous devions un jour réformer la procédure pénale française et le statut du juge d'instruction, ce à quoi je suis personnellement favorable, rien ne nous obligera à nous inspirer de ce modèle qui a pour seule vocation de répondre aux prescriptions du règlement européen. Celui-ci prévoit que le procureur européen délégué exerce l'action publique jusqu'à ce que l'affaire soit définitivement jugée. L'intervention du juge d'instruction français aurait pour conséquence de le dessaisir de l'enquête, à rebours des dispositions dudit règlement. Ainsi s'explique ce statut hybride et astucieux du procureur européen délégué.