Intervention de Michel Zumkeller

Réunion du mardi 1er décembre 2020 à 17h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Zumkeller :

Je souhaiterais, en préambule, revenir sur la méthode. Lorsque Mme Belloubet nous avait annoncé, lors de l'examen de la loi de programmation et de réforme pour la justice, qu'elle voulait légiférer par ordonnance, notre groupe s'en était ému, par la voix de son président. Nous avions souhaité alors la mise en place d'un groupe de travail et l'organisation de réunions. Cela a été le cas, et nous ne pouvons que nous en satisfaire, car cela a constitué une bonne manière de légiférer et de préparer un texte ; celui-ci respecte globalement les échanges que nous avons eus au cours de ces réunions et nous tenions à le souligner.

Dans l'ensemble, cette réforme nous paraît satisfaisante. Je citerai trois points importants. Le premier concerne l'instauration d'un seuil de non-discernement pour l'engagement de la responsabilité pénale, même si nous préférerions comme nos collègues qu'il s'agisse d'une présomption irréfragable. Si tel n'est pas le cas, comment le juge apportera-t-il la preuve contraire ? Par la voie d'un amendement d'appel, nous souhaiterions appeler l'attention sur un sujet important : ce seuil de présomption et de non-responsabilité pourrait s'avérer dangereux dans le cas où les plus âgés y verraient une occasion d'utiliser les plus jeunes ainsi protégés pour commettre des infractions. Nous aimerions recueillir votre avis sur ce point, monsieur le ministre.

Le deuxième concerne la mise en place d'une procédure claire et, nous l'espérons, plus rapide. Il importe cependant de mettre effectivement à profit la période de césure pour engager un travail éducatif avec le mineur. Les moyens de l'assistance éducative devront donc être nettement augmentés pour que la prise en charge puisse se faire dans de bonnes conditions, la continuité éducative étant la clef du succès de cette nouvelle procédure.

Enfin, troisièmement, le regroupement des mesures éducatives en un seul ensemble de modules correspond à une nécessité de clarification. En effet, la multiplicité des mesures et des peines pouvant être prononcées à l'égard des mineurs rend souvent l'éventail des sanctions peu lisible.

Si nous sommes satisfaits sur certains points, d'autres nous posent question. Nous avons du mal à envisager, tout d'abord, que la détention provisoire puisse s'appliquer à des mineurs. Nous considérons qu'elle doit être réduite au strict nécessaire, ce qui semble d'ailleurs correspondre à l'objectif de votre réforme. Notre groupe proposera donc des amendements en ce sens. S'agissant des peines, nous nous interrogeons également sur l'opportunité de la surveillance électronique pour des enfants et des adolescents dont nous discuterons.

Par ailleurs, la réforme doit aller dans le sens de la réduction du recours à l'enfermement, la peine d'emprisonnement devant demeurer l'exception. Nous considérons que ce principe pourrait utilement être inscrit dans la loi et nous aimerions avoir votre avis sur ce point.

En revanche, nous sommes plus en désaccord sur certains sujets. Les procédures rapides, telles que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) ou l'audience unique sur la culpabilité et la peine, ne nous paraissent pas du tout adaptées à des enfants. Pouvez-vous nous confirmer que le juge sera in fine décisionnaire, s'il constate que l'orientation du parquet n'est pas adaptée ?

Enfin, nous considérons que le projet de loi comporte de bonnes mesures, mais qu'elles ne pourront être efficaces que si les moyens sont améliorés. Chacun sait que la justice française est encore le parent pauvre en Europe. Dans le cadre de la loi de programmation et de réforme pour la justice, nous avions proposé de hisser les moyens dédiés à la justice au niveau de ceux d'un pays comme l'Espagne par exemple – qui n'est d'ailleurs pas le mieux doté parmi nos voisins. Des efforts restent à faire dans ce domaine, s'agissant notamment des moyens mis à la disposition de la protection de l'enfance.

Voilà les points que vous voulions aborder à ce stade. Nous avons déposé quelques amendements et nous espérons qu'ils bénéficieront d'une oreille attentive du Gouvernement.

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