Monsieur le député Schellenberger, le rapporteur a raison : le principe est que les mineurs bénéficient d'une excuse de minorité ; l'exception, parfaitement encadrée par le texte que nous examinons, c'est qu'il soit exclu du bénéfice de l'excuse de minorité en raison de la gravité des faits, de sa personnalité, de sa maturité. Vous voulez faire du principe l'exception, c'est-à-dire que vous posez comme principe de base qu'un mineur doit être jugé comme un majeur. Mais dans quelle folle société vivrions-nous si nous devions considérer qu'un mineur, enfant ou adolescent, doit être jugé comme un adulte ?
Laissez-moi vous dire autre chose : savez-vous quel est l'âge requis pour être juré devant une cour d'assises ? Ce n'est évidemment pas seize ou dix-huit ans : le législateur a considéré que, pour juger les autres, il fallait avoir au moins vingt-trois ans. Et vous voudriez me dire qu'un gamin de seize ans peut être jugé comme un adulte ?
Je vais vous faire une confidence : depuis que j'ai des enfants, comme avocat, j'ai toujours pensé dans la dualité : et s'ils étaient victimes ? Et s'ils dérapaient et étaient coupables ? Alors je vous le dis très simplement : j'aimerais qu'un gamin de seize ans soit jugé comme un gamin de seize ans. Franchement, je ne comprends pas que l'on utilise encore ces divergences à des fins idéologiques et politiciennes. Je veux vous dire du fond du cœur ce que je pense : ces clivages sont stériles.
Pardonnez-moi de vous interpeller de cette façon un peu personnelle et intime, mais quand vous avez des enfants, vous ne considérez pas qu'ils ont la même responsabilité à quinze ans qu'à quarante-cinq ans. Pourquoi refuser de traduire cela dans une loi qui vise, dans un consensus louable, à assurer la protection des mineurs ? Vous ne pouvez pas poser comme principe qu'un gamin doit être jugé comme un adulte. Je vous le dis sans agressivité aucune : je ne me reconnais pas dans une société comme celle-là. On peut diverger sur le plan idéologique, on peut ne pas être d'accord sur un certain nombre de points, mais, sur une telle question, il devrait y avoir consensus.