La réunion débute à 9 heures 30.
Présidence de M. Stéphane Mazars, vice-président.
La Commission poursuit l'examen du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs (n° 2367) (M. Jean Terlier, rapporteur).
Après l'article unique (suite)
La Commission examine l'amendement CL167 de Mme Cécile Untermaier.
Nous proposons, dans l'ensemble du texte, de parler d'un « accompagnement éducatif » plutôt que d'une « mise à l'épreuve éducative ». Dans la mesure où nous nous situons en amont de la sanction, il convient d'insister sur le caractère éducatif de la mesure. Cela ne change rien, mais la sémantique est importante s'agissant des enfants.
Nous nous sommes longtemps posé la question dans le cadre des auditions. Le Défenseur des droits notamment trouvait le terme de mise à l'épreuve un peu barbare. Je le trouve au contraire pertinent : il intervient après l'audience de culpabilité, alors que le juge doit statuer sur la sanction ; le mineur est prévenu qu'il s'agit d'une mise à l'épreuve, ce qui induit une sorte de clause de revoyure, à l'occasion d'une audience consacrée à la sanction. Ce terme me paraît tout à fait adapté à ce qu'il veut dire et à la période qui nous intéresse. Avis défavorable.
C'est vous, la majorité, le ministre, qui avez changé ce terme et nous qui souhaitons rester dans l'état actuel du droit… Je trouve cette inversion argumentative assez cocasse ! Il nous semble important de maintenir une terminologie qui marque bien la primauté de l'éducatif sur le répressif. Cela ne veut pas dire qu'il ne s'agit pas d'une sanction – c'en est une, bien sûr –, mais la mesure n'est pas encore dans le domaine répressif. Je sais que le ministre ne supporte pas que l'on dise que son texte est répressif, mais s'il nous donne tous les arguments pour, nous finirons par le croire.
Les termes de mise à l'épreuve éducative n'ont pas de caractère répressif. Ils soulignent, me semble-t-il, l'exigence éducative de la procédure. Au-delà, nous avons affirmé, dès l'article préliminaire, le grand principe de la primauté de la réponse éducative sur le répressif, qui vient irriguer l'ensemble des dispositions du code de la justice pénale des mineurs. En conséquence, je suis défavorable à cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CL86 de M. Ugo Bernalicis.
Nous proposons de supprimer toute possibilité de mention au casier judiciaire du mineur de la dispense de mesure éducative ou de la déclaration de réussite éducative prononcée par la juridiction, qui, pour l'heure, reste à l'appréciation du magistrat.
Nous avons déposé plusieurs amendements sur l'inscription dans des fichiers ou au casier judiciaire. D'après les retours que nous ont faits des avocats, des magistrats et des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), la construction d'un casier judiciaire et le fichage des mineurs aboutissent à suivre le jeune dans une escalade judiciaire et répressive où son parcours spécifique n'est pas pris en compte, en contradiction avec le principe de la primauté de l'éducatif sur le répressif.
Avis défavorable, pour plusieurs raisons. La première est que l'inscription des mesures de dispense de mesure éducative ou de déclaration de réussite éducative est encadrée par l'article L. 631-3 du code de la justice pénale des mineurs, qui prévoit leur effacement au bout de trois ans. En outre, nous parlons du bulletin n° 1 (B1), exclusivement réservé aux magistrats et aux établissements pénitentiaires.
Sur le fond, il est plutôt intéressant pour le mineur que son casier judiciaire montre qu'il a été dispensé de mesure éducative ou qu'il a reçu une déclaration de réussite éducative. C'est plutôt positif pour lui, puisque cela signifie qu'il a satisfait les obligations qui lui ont été assignées dans le cadre de mesures éducatives. Je suis donc très défavorable à cet amendement.
Les décisions qui concernent les mineurs ne sont inscrites qu'au bulletin n° 1, exclusivement consultable par l'autorité judiciaire. Par ailleurs, les conditions de suppression de l'inscription garantissent le droit à l'oubli. Je suis donc doublement défavorable à cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL64 de M. Stéphane Peu.
L'ordonnance du 11 septembre 2019 abroge le dispositif prévu à l'article 12-3 de l'ordonnance du 2 février 1945. Ainsi, l'obligation de convocation du mineur et de ses représentants légaux, dans un délai maximal de cinq jours ouvrables, devant le service de la protection judiciaire de la jeunesse désigné pour la mise en œuvre de la décision est purement et simplement supprimée. Le présent amendement vise à réinstaurer cette obligation, afin de prendre en charge au plus vite le mineur faisant l'objet d'une mesure éducative.
Avis défavorable, pour plusieurs raisons. Le code de la justice pénale des mineurs dispose que ces mesures sont exécutoires : elles sont censées s'appliquer immédiatement, non dans un délai de cinq jours. Ce délai, qui existait auparavant, n'était pas respecté. Le remplacer par le caractère exécutoire de la mesure semble plus pertinent. Enfin, des moyens supplémentaires sont prévus pour permettre une exécution plus rapide des mesures éducatives.
Les dispositions de l'article 12-3 de l'ordonnance de 1945 prévoyant une convocation sous cinq jours relèvent de la partie réglementaire, laquelle maintient cette obligation. Votre amendement est donc satisfait.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle en vient à l'amendement CL43 de M. Antoine Savignat.
Nous proposons de préciser la rédaction de l'article L. 112-2 du code de la justice pénale des mineurs, pour évaluer de manière la plus proportionnée possible la mesure éducative à prendre. À cette fin, il est nécessaire de prendre en compte « la gravité des faits reprochés au mineur et du trouble à l'ordre public qui en ont résulté », en plus des considérations déjà inscrites dans le texte, à savoir l'évaluation de la situation personnelle, familiale, sanitaire et sociale du mineur. Nous souhaitons donc intégrer dans le texte la prise en compte des faits eux-mêmes.
Avis défavorable. Il va de soi que la mesure éducative qui répond à l'infraction est d'abord prise en fonction de celle-ci, et selon des critères davantage en lien avec la personnalité du mineur.
Il est évident que la gravité des faits, le trouble à l'ordre public et le préjudice à la victime sont autant d'éléments nécessairement travaillés. Dès lors, le Gouvernement ne peut qu'émettre un avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL312 du rapporteur.
Elle est saisie de l'amendement CL87 de Mme Danièle Obono.
Nous proposons de supprimer l'interdiction de paraître dans les lieux de l'infraction, et celle d'entrer en contact avec la victime ou les coauteurs ou complices de la liste des mesures éducatives judiciaires. Ces interdictions, loin d'être éducatives et judiciaires, s'apparentent à des mesures de sûreté, qui ne pourraient être prononcées que dans le cadre d'un contrôle judiciaire.
L'article L. 112-2 prévoit que la mesure éducative judiciaire consiste en « un accompagnement individualisé du mineur construit à partir d'une évaluation de sa situation personnelle, familiale, sanitaire et sociale ». Elle remplace notamment l'ancienne mesure de liberté surveillée.
La juridiction peut prononcer un ou plusieurs des modules, interdictions ou obligations suivants : un module d'insertion ; un module de réparation ; un module de santé ; un module de placement ; une interdiction d'aller et venir sur la voie publique entre vingt-trois heures et six heures sans être accompagné de l'un de ses représentants légaux ; une obligation de remettre un objet détenu ou appartenant au mineur et ayant servi à la commission de l'infraction ou qui en est le produit ; et une obligation de suivre un stage de formation civique. S'y ajoutent une interdiction de paraître pour une durée qui ne saurait excéder un an, dans le ou les lieux dans lesquels l'infraction a été commise et qui sont désignés par la juridiction, à l'exception des lieux dans lesquels le mineur réside habituellement ainsi qu'une interdiction d'entrer en contact avec la victime ou les coauteurs ou complices, désignés par la juridiction, pour une durée d'un an maximum. Ces mesures ne sont pas des mesures éducatives judiciaires, mais des mesures pouvant être apparentées à de la sûreté.
Il paraît souhaitable que le prononcé des mesures éducatives soit assorti de certaines obligations et interdictions à l'encontre du mineur. La suppression des deux alinéas que vous envisagez me semble contre-productive : en les retirant, on serait obligé de prononcer un contrôle judiciaire pour éloigner un auteur d'infraction de sa victime, avec tous les risques qui en résulteraient. Votre amendement ne répond pas à la finalité que vous souhaitez.
Il ne me paraît pas mal que l'on puisse interdire à un gamin de paraître dans certains lieux et d'entrer en contact avec la victime, les coauteurs ou les complices. Cela me paraît d'excellentes mesures ; elles seront appropriées et prises en toute connaissance de cause par le juge. Pour le reste, puisque vous parlez de mesures de sûreté, il faut rappeler que si ces obligations ne sont pas respectées, cela n'emporte aucune conséquence : cela ne s'apparente pas au non-respect d'un contrôle judiciaire. Dès lors, je suis évidemment défavorable à cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CL303 de Mme Yaël Braun-Pivet.
Je partage l'avis de M. le rapporteur : Mme la présidente est pleine de bon sens. Je suis favorable à cet amendement.
La Commission adopte l'amendement.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel CL313 du rapporteur.
Puis elle examine l'amendement CL238 de Mme Alexandra Louis.
Dans le même esprit que celui que j'ai présenté hier, cet amendement permet de cumuler certains modules de la mesure éducative judiciaire afin que le juge puisse s'adapter et faire du sur-mesure. On ne peut pas avoir la même réponse éducative pour un petit voleur à l'étalage dont c'est le premier méfait et pour un multirécidiviste ou un mineur déjà très enferré dans un trafic de stupéfiants, qui a commencé à douze ans à être guetteur et qui devient vendeur à treize ou quatorze ans. L'approche doit être différente.
Il faut permettre au magistrat de pouvoir choisir, cumuler les mesures éducatives en fonction de la santé, de la scolarité, de la situation familiale, de tout ce qui concerne la vie du mineur, en prenant évidemment en compte les intérêts des victimes et la gravité des faits, auxquels les juges sont particulièrement attachés. Cet amendement pratique répond à l'intérêt du mineur, de la société et des victimes.
Je suis favorable à cet amendement de simplification de la rédaction de l'article L. 112-3.
Le Garde des sceaux pense avec gourmandise que, ce matin, le bon sens est une vertu partagée… Il est donc favorable à cet amendement.
Notre groupe lui apportera son soutien. La complexité de l'article L. 112-3 posait problème et nous-mêmes pensions déposer un amendement en ce sens en séance publique.
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine les amendements identiques CL229 de M. Ugo Bernalicis et CL247 de M. Jean-Michel Clément.
Nous proposons de modifier l'âge mentionné dans l'article L. 112-3, pour le porter de dix à treize ans. En dessous de treize ans, on ne peut pas prononcer de sanctions telles que les mesures éducatives : nous réaffirmons que seules des mesures civiles et d'assistance éducative sont possibles pour ces mineurs. Cela va dans le sens des débats que nous avons eus sur la présomption irréfragable, la présomption simple et l'âge des mineurs.
Avis défavorable. L'article L. 112-3 prévoit un cas limite, celui où une mesure éducative est prononcée à l'encontre d'un mineur de moins de dix ans. Si l'on précisait « treize ans » et dès lors que les mineurs de moins de treize ans peuvent faire l'objet d'une mesure éducative, votre amendement conduirait à autoriser ces mesures de dix à treize ans au lieu de les interdire… Cela ne me semble pas pertinent.
La Commission rejette les amendements.
Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CL88 de Mme Danièle Obono et CL248 de M. Jean-Michel Clément, ainsi que l'amendement CL168 de Mme Cécile Untermaier.
L'amendement CL88 dispose que le délai de mise en œuvre de la mesure éducative judiciaire a pour point de départ la date de prise en charge effective de l'enfant.
Il intègre à l'article L. 112-4 du code de la justice pénale des mineurs les dispositions qui figuraient à l'article 16 bis de l'ordonnance de 1945, qui prévoient la mise sous protection judiciaire. Appréciée des professionnels de la justice des enfants, cette mesure de protection des adolescents est utilisée pour consolider le travail d'insertion déjà engagé et éviter un retour à la délinquance.
Il prévoit également que le juge des enfants pourra, à tout moment, jusqu'à l'expiration du délai de la mesure éducative judiciaire, prescrire une ou plusieurs des mesures visées à la première phrase du premier alinéa et aux 1°, 3° et 4° de l'article L. 112-2, soit un accompagnement individualisé du mineur, construit à partir d'une évaluation de sa situation personnelle, familiale, sanitaire et sociale, un module d'insertion, un module de santé ou un module de placement.
Enfin, il dispose que le juge des enfants pourra, dans les mêmes conditions, soit supprimer une ou plusieurs mesures d'accompagnement et modules auxquels le mineur aura été soumis, soit mettre fin à la mesure éducative judiciaire.
L'amendement CL168 tend à préciser que le point de départ du délai de mise en œuvre de la mesure éducative judiciaire est la date de prise en charge effective de l'enfant. C'est une évidence, mais la loi est souvent là pour rappeler les évidences et éviter des contentieux et des discussions inutiles.
Avis défavorable. Nous avons déjà eu ce débat à propos d'un amendement de Mme Buffet : préciser que la durée de la mesure est calculée à partir de la prise en charge effective du mineur ne me paraît pas pertinent. Les mesures éducatives judiciaires sont en effet exécutoires. L'amendement CL88 est donc satisfait.
S'agissant des autres dispositions, l'article L. 611-1 de l'ordonnance de 1945 dispose : « Lorsqu'une mesure éducative judiciaire est prononcée, son déroulement est placé sous le contrôle du juge des enfants. Il peut, à tout moment, modifier les modalités et le contenu de la mesure ou en ordonner la main levée ». Ce contrôle par le juge me semble sain.
Ces amendements contredisent un des objectifs du texte : la réduction des délais. En conséquence, j'y suis défavorable.
Monsieur le Garde des sceaux, vous me plongez dans la perplexité. Faire courir la durée à partir du démarrage effectif de la mesure permet précisément de s'assurer que la mesure éducative, qui conduira à un certain dispositif, a bien eu la durée que le législateur a entendu lui donner. Cela ne contrarie pas la rapidité.
Je partage avec vous le souci d'encadrer les mesures dans des délais – cela fait cinq ans que j'en parle. Les dispositions sur la justice n'encadrent pas suffisamment la réponse qui doit être apportée et qui est attendue par les justiciables. L'amendement CL168 vise justement à garantir la durée effective de la mesure éducative, non à ralentir la procédure. Parce que c'est une mesure éducative et que le législateur en a déterminé la durée, il me semble évident que ce qui compte, c'est bien sa durée effective ; je suis persuadée qu'il en va de même dans votre esprit. Quand on fait courir un délai, on doit en préciser le point de départ. C'est la moindre des choses, ne serait-ce que pour éviter tout contentieux ou complication ultérieurs.
Peut-être me suis-je mal exprimée, ou mon amendement CL168 est-il mal rédigé : je ne voulais pas rallonger les délais, mais seulement garantir la durée de la mesure, telle que la loi la prévoit.
L'article L. 111-4 du code de la justice pénale des mineurs prévoit que les mesures éducatives sont exécutoires : autrement dit, elles devront être exécutées à compter du prononcé du jugement rendu. Cela me semble plus pertinent car cela incitera à une prise en charge beaucoup plus rapide. En revanche, la précision qu'apportent ces amendements ne rendra la mise en œuvre de la mesure ni plus simple ni plus rapide. Je maintiens mon avis défavorable.
Je vais dans le sens de Mme Untermaier car la disposition figure aussi dans l'amendement CL88 que je défends. Il y a une différence entre le caractère exécutoire d'une mesure, c'est-à-dire le fait qu'elle doit être exécutée sans délai, et la durée effective de sa mise en œuvre, qui suppose d'avoir un certain point de départ. Ce sont deux notions différentes, plutôt complémentaires, pour garantir à la fois que la mesure sera mise en œuvre rapidement – le caractère exécutoire – et que la durée soit bien celle prévue, à partir d'une certaine date. Je ne comprends pas pourquoi vous faites un blocage là-dessus.
Je soutiens aussi l'amendement CL168. Dans la discussion liminaire, nous avons mis l'accent sur le caractère éducatif : M. le Garde des sceaux a insisté sur le fait que le projet de loi n'était pas répressif mais qu'il privilégiait le volet éducatif. L'amendement de ma collègue Untermaier précise bien que c'est le temps éducatif qui est pris en compte.
La sanction est exécutoire, donc mise en œuvre le jour où elle est prononcée. En adoptant ces amendements, on rallongerait mécaniquement la procédure, que vous le vouliez ou non. Cela me paraît une évidence.
Fixer le délai de procédure à partir de la prise en charge effective de l'enfant introduit par ailleurs un manque de prévisibilité pour le mineur et sa famille. La proposition d'intégrer l'actuelle mise sous protection judiciaire dans la nouvelle mesure éducative n'apparaît pas utile, celle-ci consistant en un suivi éducatif modulable, comme l'est actuellement la mise sous protection judiciaire.
Dès lors, je ne puis qu'être défavorable à ces amendements.
La Commission rejette successivement les amendements CL88 et CL248, puis l'amendement CL168.
Elle en vient aux amendements identiques CL169 de Mme Cécile Untermaier et CL249 de M. Jean-Michel Clément.
L'amendement CL169 a le même objet que l'amendement CL168 : nous voulons simplement nous assurer que la durée de la mesure éducative est bien respectée. Si le juge a décidé que ce serait trois mois à tel endroit, elle doit bien durer trois mois. Or nous savons comment cela se passe dans les faits : elle se met en œuvre seulement un ou deux mois après. Il faut rattraper cela.
L'avis reste défavorable. Auparavant, un délai de cinq jours était prévu, qui n'était jamais respecté. Fixer des délais ou envisager un autre point de départ que le prononcé du jugement, aboutit dans les faits à créer une difficulté de mise en œuvre, une forme de nonchalance ou de facilité à ne pas mettre en place la mesure éducative. Encore une fois, c'est contre-productif. À l'inverse, le fait que la mesure est exécutoire se matérialisera, notamment à l'audience, par la remise de certains documents, dont une convocation. La mesure sera effective dès le prononcé du jugement. C'est à mon avis plus pertinent.
La convocation est remise dès l'audience : c'est très important. Madame Untermaier, votre amendement est fondé sur la crainte que les choses ne se passent pas comme nous allons les fixer. Il ne faut pas être pessimiste : si nous fixons des règles et des délais, c'est pour qu'ils soient respectés. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous mettons des moyens supplémentaires, notamment pour les éducateurs. Tout cela peut nous permettre d'espérer que la loi sera respectée.
La Commission rejette les amendements.
Elle examine l'amendement CL44 de M. Antoine Savignat.
Il nous paraît important que les représentants légaux soient présents au moment du prononcé de la mesure éducative judiciaire, notamment si elle inclut un module de réparation, qui peut consister en une activité d'aide ou de réparation à l'égard de la victime ou dans l'intérêt de la collectivité, ou une médiation entre le mineur et la victime.
Cette disposition me paraît intéressante, mais je la crois satisfaite par l'article L. 12-5 qui prévoit, dès lors qu'une mesure est prise vis-à-vis du mineur, que les parents sont informés, d'une part, et que le mineur peut être accompagné de ses parents, d'autre part. Faut-il rendre leur présence obligatoire ? Je n'en suis pas sûr.
Notre amendement est effectivement partiellement satisfait, monsieur le rapporteur, mais cette rédaction n'est pas satisfaisante, puisque le mineur a le droit, et non l'obligation, d'être accompagné par ses parents. Dans la mesure où il s'agit d'une mesure réparatrice dans le cadre d'une conciliation, il me semblerait opportun d'impliquer les parents dans cette démarche et de leur imposer d'être présents pour prendre part à la discussion – à plus forte raison quand il s'agit de mesures à vocation éducative.
Je ne suis pas d'accord avec vous, monsieur Savignat : parfois, la présence des parents peut bloquer un enfant. Je l'ai souvent constaté et j'en garde des souvenirs très précis. Parfois, on demande aux uns et aux autres de sortir, on laisse l'enfant seul et cela libère sa parole, qu'il soit d'ailleurs auteur ou victime. Il faut laisser au juge le soin d'apprécier cela : il arrive que les mômes ne disent pas la vérité parce que leurs parents sont là ; et d'ailleurs, ils ne disent pas toujours la vérité à leurs parents. Je suis donc contre la systématisation d'une telle mesure.
Je comprends vos explications, monsieur le ministre, mais nous parlons ici d'une étape qui a lieu plus tard, après l'établissement de la culpabilité. Le jeune a déjà eu l'occasion de s'exprimer en l'absence de ses parents ; il ne s'agit plus d'établir les faits, déjà reconnus ou prouvés, mais de choisir la mesure éducative judiciaire qui va s'appliquer. Or les parents vont l'accompagner dans l'exécution de cette mesure.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine les amendements identiques CL235 de Mme Alexandra Louis et CL250 de M. Jean-Michel Clément.
Cet amendement, qui s'inspire d'une proposition du Conseil national des barreaux (CNB), nous ramène au débat de tout à l'heure : il propose que le point de départ du module de réparation soit fixé à la date de la prise en charge effective de l'enfant.
Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur, que la mesure était exécutoire, mais le monde judiciaire est rempli de décisions exécutoires qui ne sont pas exécutées dans les délais. Il est vrai que nombre de difficultés étaient dues, jusqu'ici, au manque de moyens et que leur augmentation donne certaines garanties. Cela étant, de nombreux aléas de la vie judiciaire peuvent faire qu'un module de réparation ne soit pas forcément mis en œuvre dans un délai raisonnable.
Je suis très sensible à la proposition du CNB, car elle donne une garantie supplémentaire, sans avoir de conséquences organisationnelles démentielles. Imaginons un module de réparation auquel la victime serait aussi appelée à participer : si elle a une indisponibilité et que le module commence avec un peu de retard, le fait de prendre en compte le moment de la prise en charge effective de l'enfant garantit que la mesure sera bien appliquée de A à Z.
Cet amendement me semble être une fausse bonne idée. Dire que le délai court à compter de la prise en charge effective de l'enfant risque de donner aux personnes chargées d'appliquer la mesure le sentiment qu'ils peuvent prendre un certain temps entre le prononcé de la décision et celui de la prise en charge effective du mineur. Or ce temps de latence sera préjudiciable au mineur. C'est pourquoi il semble préférable de dire que la mesure éducative s'applique dès le prononcé du jugement.
C'est plus contraignant et cela garantira une mise en œuvre plus rapide. Avis défavorable.
Madame la députée, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) va appliquer la loi. Un amendement comme celui-ci, je l'ai déjà dit, présuppose une défaillance a priori des services de la PJJ. En modifiant le point de départ du délai maximum, on touche, me semble-t-il, à la philosophie de la loi. Partons du principe que la PJJ sera à la hauteur et qu'elle appliquera les dispositions nouvelles. Avis défavorable.
Je ne dis pas que la PJJ ne sera pas capable d'appliquer ces mesures. Je veux seulement souligner que la vie judiciaire est parsemée d'aléas. Je retire mon amendement, car j'entends aussi les arguments du rapporteur sur le délai de latence, mais je vais continuer à réfléchir à cette question.
L'amendement CL235 est retiré.
La Commission rejette l'amendement CL250.
Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel CL314 du rapporteur.
La Commission examine l'amendement CL376 du Gouvernement.
Cet amendement vise à supprimer la possibilité de placer à l'aide sociale à l'enfance des mineurs condamnés, et ce, éventuellement jusqu'à leurs vingt et un ans. Le placement demeure évidemment possible dans un établissement relevant de la PJJ ou du secteur associatif habilité.
Cette disposition crée une double charge supplémentaire pour les départements qui vont devoir accueillir non seulement des mineurs, mais également de jeunes majeurs délinquants. Le retrait de cette disposition permettra de garder les places disponibles pour les mineurs dans le cadre de la protection de l'enfance.
À noter que le placement à l'aide sociale à l'enfance reste possible dans le cadre pré-sentenciel pour les mineurs uniquement, en vertu de l'article L. 323-1, comme c'est le cas actuellement avec l'ordonnance de 1945.
Suivant l'avis du rapporteur, la Commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL315, CL316 et CL317 du rapporteur.
La Commission examine l'amendement CL89 de M. Ugo Bernalicis.
Nous proposons que les avocats bénéficient d'une autorisation à visiter, à tout moment, les établissements publics ou privés accueillant des mineurs en application des dispositions du code de la justice pénale des mineurs. Le code prévoit des dispositions relatives aux lieux de placement, qui peuvent faire l'objet de différents contrôles. L'article L. 113-3 prévoit que ces lieux sont visités une fois par an par le magistrat du parquet spécialement désigné et le juge des enfants dont ils dépendent territorialement. L'article L113-4 prévoit quant à lui que ces lieux peuvent être visités à tout moment par les députés et les sénateurs ainsi que les représentants au Parlement européen élus en France. On ne voit pas pourquoi les avocats ne bénéficieraient pas de la même autorisation, en tant qu'auxiliaires de justice, pour garantir le bon fonctionnement de ces lieux accueillant des mineurs.
Je suis très défavorable à ce que je considère comme un mauvais amendement corporatiste. Qu'un avocat accompagne son client mineur, cela se conçoit et c'est déjà possible, mais on ne voit pas pourquoi il faudrait autoriser les avocats à visiter ces lieux sans aucune raison. Cela ne me paraît vraiment pas une bonne idée.
Même avis. Contrairement aux parlementaires, les avocats n'ont pas le pouvoir de contrôler ces établissements. De surcroît, ils sont au nombre de 69 900, selon les chiffres de septembre 2019. Imaginez que ces 69 900 avocats aient possiblement accès aux lieux accueillant des mineurs en application du CJPM ! Je suis totalement défavorable à cet amendement : les avocats n'ont pas vocation à contrôler quelque lieu que ce soit.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CL302 de Mme Yaël Braun-Pivet.
L'amendement de notre présidente est intéressant : il part du constat que des magistrats essaient de bloquer des places, notamment dans les centres éducatifs fermés (CEF), ce qui pose effectivement des problèmes. Le dispositif qu'elle propose me semble pertinent, mais je souhaiterais connaître l'avis du Garde des sceaux à ce sujet.
L'idée est extrêmement intéressante et pragmatique, mais il faut s'assurer que sa mise en pratique est possible. Je serais donc favorable à un retrait, contre la promesse d'y retravailler.
La Commission rejette l'amendement.
Puis, suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CL134 de M. Michel Zumkeller.
La Commission examine l'amendement CL45 de M. Antoine Savignat.
Nous proposons qu'à chaque entrée d'un mineur dans un centre fermé, les responsables dudit centre puissent procéder au contrôle visuel des effets personnels du mineur et, le cas échéant, à un contrôle des chambres, le tout assorti d'un certain nombre de garanties, dont la présence du mineur, la consignation de ce contrôle dans un registre tenu à cet effet au sein de l'établissement, lesdits contrôles ne pouvant être effectués que selon les principes de nécessité, de proportionnalité, de gradation et d'individualisation, afin d'éviter les contrôles généralisés à l'ensemble de l'établissement.
Votre amendement répond à une demande des éducateurs, qui souhaitent pouvoir éviter l'introduction d'armes ou de stupéfiants dans les établissements. Il fallait prévoir des garanties suffisantes : c'est ce que fait votre amendement, avec la présence du mineur, le contrôle visuel – et non les fouilles –, le rappel des principes de nécessité et de proportionnalité. Il me paraît de bon sens et j'y suis favorable.
J'attendais, monsieur le député Savignat, le moment où je serais enfin d'accord avec vous et je crois qu'il est arrivé. La disposition que vous proposez sera effectivement très utile aux éducateurs, qui la demandent. Je tiens d'ailleurs, à cet instant précis, à leur rendre hommage pour le travail exceptionnel qu'ils accomplissent au quotidien pour nos mineurs. Avis favorable.
La Commission adopte l'amendement.
Puis, suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CL17 de M. Éric Ciotti.
Ensuite de quoi, elle adopte l'amendement rédactionnel CL318 du rapporteur.
La Commission examine les amendements identiques CL90 de M. Ugo Bernalicis et CL251 de M. Jean-Michel Clément.
Nous proposons d'inclure, dans la liste des peines qui ne peuvent pas être prononcées à l'encontre des mineurs, la peine d'amende pour les mineurs de moins de seize ans.
L'amende peut parfois être utile pour un mineur si elle est proportionnée. Il ne me semble pas judicieux de l'interdire. Avis défavorable.
Plus il y a de mesures et plus on peut affiner la décision. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Plus il y a de mesures, plus on peut affiner la décision, dites-vous… Mais cela dépend de la procédure et du cadre dans lequel elles sont prononcées. En l'occurrence, nous proposons de fixer une limite car une mesure éducative nous semble préférable à une amende, qui n'a que peu de vertu éducative en soi.
Les amendes ne sont prononcées que rarement, dans 5 % des cas. Je suis désolé de le dire, mais elles peuvent avoir un effet intéressant sur un gamin. Ce que j'ai voulu dire, c'est que plus il y a de dispositions et plus le juge peut prendre une décision adaptée à la situation et à la personnalité de celui qu'il a la charge de juger. Nous avons déjà eu le débat sur les contraventions de cinquième classe. Je suis défavorable à votre amendement, car la grande difficulté de la justice des mineurs, c'est d'affiner la décision au plus près de la personnalité de l'enfant, à raison évidemment des faits.
Dans ce cas, je ne comprends pas pourquoi vous avez donné un avis défavorable à notre proposition de réintroduire la remise à parents : le magistrat aurait ainsi disposé d'une mesure de plus pour affiner sa décision. Vos argumentaires ne tiennent pas la route d'un amendement à l'autre.
La Commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL319 du rapporteur.
La Commission examine les amendements identiques CL91 de Mme Danièle Obono et CL252 de M. Jean-Michel Clément.
Nous proposons que seul le juge des enfants soit compétent pour les contraventions des quatre premières classes, et non le tribunal de police.
Même avis. Je voudrais revenir un peu en arrière, puisque j'ai reçu une petite leçon : nous n'avons pas supprimé la remise à parents, nous avons seulement dit que cette terminologie ne correspondait à rien et qu'elle était susceptible de troubler un gamin, puisque la remise à parents, a priori, n'est pas une sanction. Pour être tout à fait exact et précis, nous n'avons pas supprimé cette mesure, mais nous l'avons rebaptisée « avertissement judiciaire », car nous trouvons que c'est plus parlant.
Si nous estimons qu'il est très important que ce soit le juge des enfants, et non le tribunal de police, qui soit compétent pour les amendes des quatre premières classes, c'est précisément parce que le juge des enfants a en tête l'intégralité des mesures, y compris éducatives, qui peuvent s'appliquer : il peut donc avoir une discussion beaucoup plus globale avec l'enfant que le tribunal de police.
S'agissant de la remise à parents, pour être tout à fait exact, monsieur le ministre, vous ne l'avez pas seulement transformée en avertissement judiciaire : vous avez fusionné deux mesures. Or, l'avertissement judiciaire ne mentionnant pas les parents, il est tout à fait possible qu'il soit prononcé en leur absence. Vous avez donc bel et bien fait disparaître une mesure qui mentionnait explicitement les parents.
La Commission rejette les amendements.
Elle examine les amendements identiques CL92 de M. Ugo Bernalicis et CL253 de M. Jean-Michel Clément.
Nous proposons de supprimer la peine d'amende pour les enfants de moins de seize ans, car sa vertu éducative nous paraît limitée. Vous-même reconnaissez, monsieur le Garde des sceaux, qu'elle n'est prononcée que dans 5 % des cas. L'utilité de cette mesure est donc très contestable.
Nous prévoyons également que puisse être prononcée une mesure éducative judiciaire allégée, afin que le mineur prenne conscience de la portée et du sens de l'acte qu'il a commis. Cette mesure allégée prendrait la forme d'un stage de formation civique, d'une durée maximale d'un mois, ayant pour objet de rappeler au mineur les obligations résultant de la loi, ainsi qu'une activité d'aide ou de réparation à l'égard de la victime ou dans l'intérêt de la collectivité. Ce qui nous paraît beaucoup plus pédagogique qu'une amende pour les enfants de moins de seize ans.
Avis défavorable. Je crois que votre amendement vise à permettre au tribunal de police de prononcer les mêmes mesures que le juge des enfants en chambre du conseil.
Le tribunal de police intervient sur des faits de très faible gravité, pour lesquelles les peines seront rares, puisqu'on recourra plutôt à l'avertissement judiciaire. Les places dans des stages, difficiles à organiser car ils impliquent une prise en charge par un nombre élevé d'éducateurs, doivent être réservées aux mineurs qui ont commis des infractions d'une certaine gravité. Avis défavorable.
Au-delà de l'idéologie, il faut faire preuve de pragmatisme et de bons sens. J'espérais ce matin, mais en vain, que ce serait une vertu partagée. Quand on inflige une amende à un gamin qui s'est enrichi grâce an trafic de stup', est-ce qu'on est à côté des clous ou est-ce qu'on tape juste ? Moi, j'estime qu'on tape juste. Avis défavorable.
Donc on va lui proposer de continuer à dealer pour payer son amende ? Bonne idée, faisons cela !
La Commission rejette les amendements.
Elle examine l'amendement CL207 de M. Erwan Balanant.
(Sourires.)
Lors de l'examen de la partie législative, le Conseil d'État a supprimé la possibilité initialement envisagée à l'article L. 121-3 pour le tribunal de police de prononcer des peines complémentaires, estimant que dans le silence de l'ordonnance de 1945, cette possibilité n'était pas offerte actuellement aux tribunaux de police et que l'ajouter ne permettrait donc pas de demeurer dans le périmètre de l'habilitation, c'est-à-dire à droit constant en matière de droit pénal de fond.
Le Conseil d'État a dans le même temps souligné l'utilité d'une telle disposition qui permettrait d'étendre le périmètre d'action très restreint du tribunal de police à l'égard des mineurs. L'article 131-16 de code pénal permet notamment la confiscation, l'interdiction de conduire certains types de véhicule et le stage. Il paraît donc opportun d'ajouter cette précision.
Vous avez raison, monsieur Balanant, votre amendement est plein de bon sens. Il me semble en effet louable de laisser au tribunal de police le soin de prononcer des peines complémentaires, notamment le stage. Avis favorable.
Monsieur le député Balanant, je vous donne ma bénédiction laïque et républicaine.
(Sourires.)
La Commission adopte l'amendement.
Elle examine les amendements identiques CL37 de Mme Marie-George Buffet, CL114 de M. Ugo Bernalicis et CL254 de M. Jean-Michel Clément.
Les auteurs de cet amendement dénoncent un recul de la collégialité, inédit en ce qui concerne les enfants. Un enfant ne doit pouvoir être condamné à une peine que par une juridiction collégiale, ou, lorsqu'il s'agit d'un simple délit, en présence d'assesseurs non magistrats s'étant signalés par l'intérêt qu'ils portent aux questions de l'enfance. C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Il nous semble important que la collégialité soit, sinon une norme absolue, du moins un principe à privilégier dès lors qu'une peine est prononcée. Nous avons déjà eu ce débat au sujet des majeurs et mon avis n'est pas différent pour les mineurs : la collégialité est une garantie pour le justiciable, mais aussi pour le magistrat. C'est une lourde responsabilité que de prendre une décision tout seul. Le regard de plusieurs personnes s'impose pour ce type de mesures.
J'avoue avoir du mal à vous suivre. Vous avez déposé toute une série d'amendements pour remplacer le tribunal de police par le juge des enfants ; à présent, vous voulez dessaisir le juge des enfants, qui est pourtant spécialisé sur ces questions, au nom de la collégialité ! Avis défavorable.
La disposition nouvelle répond d'abord à un large souhait des professionnels. Elle a pour objectif de désengorger la juridiction du tribunal pour enfants, qui connaît des délais de jugement sensiblement plus longs qu'en chambre du conseil et des stocks importants – pardon pour ce vocable néo-capitalistique, mais c'est le terme employé. Le juge des enfants a toujours la possibilité de renvoyer vers le tribunal pour enfants les cas les plus complexes. J'ajoute que la présence de l'avocat constitue une vraie garantie. Il n'a certes pas une mission de contrôle, comme je l'ai dit tout à l'heure, mais il est là pour défendre les intérêts du mineur dans le cadre d'une loi qui est faite pour lui. Tout cela me donne assez de garanties pour que je sois, madame Marie-George Buffet, défavorable à votre amendement, même si j'en comprends le sens.
Que, faute de moyens, la justice des mineurs ait pris du retard – ce que vous appelez le « stock », monsieur le Garde des sceaux – je ne peux que le constater comme vous. Mais la loi n'a pas seulement vocation à s'adapter à cette réalité. La loi doit être tournée vers l'avenir et construire une justice des mineurs qui soit la meilleure possible. Méfions-nous du bon sens car, au nom du bon sens, de graves erreurs ont été faites dans l'histoire de notre pays. Le bon sens populaire n'est pas toujours une référence.
La collégialité garantit la meilleure décision, à la fois pour l'enfant et pour le juge. Nous ne cherchons pas à remettre en cause le juge, mais à l'aider dans sa prise de décision.
Monsieur le rapporteur, vous n'avez manifestement pas compris l'architecture de nos amendements. Nous sommes favorables à ce que ce qui est actuellement de la compétence du tribunal de police passe à l'échelon du juge des enfants, qui offre davantage de garanties, et que ce qui est actuellement décidé dans le cabinet du juge des enfants soit désormais de la compétence du tribunal pour enfants. Autrement dit, on monte à chaque fois d'un cran en termes de garantie, car on monte aussi d'un cran dans l'échelle des sanctions. Je ne dis pas qu'il ne faut pas prononcer de sanctions contre les mineurs en conflit avec la loi – je préfère cette expression au mot de « délinquant » –, je demande de tout rehausser d'un cran.
S'agissant des moyens, les chefs de juridiction nous ont dit, redit et archi-dit qu'ils ne seront pas prêts pour appliquer cette réforme dans les délais prévus. J'espère qu'à tout le moins, quand ce texte aura été adopté, on fixera une date d'application suffisamment lointaine pour que tout le monde ait le temps de s'organiser et qu'au moment où votre réforme entrera en vigueur, chacun ait les moyens de le faire. Sinon, cela va conduire à une gestion de flux qui elle-même va conduire à privilégier une logique répressive, non par volonté délibérée des juges, mais tout simplement parce que ce sera le plus simple et le plus rapide. Ne prenons pas à la légère la question des moyens.
Je comprends l'attachement au principe de la collégialité dans la justice pénale, de manière générale. Toutefois, permettez-moi d'appeler votre attention sur la spécificité de la justice pénale des mineurs : il ne s'agit pas de prononcer des peines privatives de liberté en chambre du conseil, c'est-à-dire dans le bureau du juge disons-le, mais des peines de confiscation, de stage ou de travail d'intérêt général (TIG), en présence de l'avocat.
Je vais vous faire part de ma petite expérience d'avocate, qui vaut ce qu'elle vaut : accompagner un enfant devant un tribunal pour enfants, c'est beaucoup plus lourd, traumatisant même pour ce dernier, que de se trouver dans le cabinet d'un juge que, souvent, il connaît et qui le connaît également. Il pourra choisir la mesure la plus adaptée, alors que le tribunal pour enfants, avec toute la solennité qui y est attachée, utile parfois, n'est pas justifié pour un TIG. Encore une fois, nous sommes dans le sur-mesure. La réforme vise à faire confiance au magistrat, au juge qui, parce qu'il connaît le mineur, pourra donner la réponse la plus appropriée possible, en tenant compte des circonstances.
En réalité, dans les symboles, je suis d'accord avec vous, mais dans la pratique, je crois beaucoup à cette réforme qui répond à une préoccupation de terrain. Beaucoup de magistrats m'ont dit être favorables à cette mesure, qui leur donne plus de souplesse et leur permet d'être au plus prêt de l'éducatif et je sais que c'est une préoccupation commune.
Notre collègue Mme Buffet disait qu'il faut se méfier du bon sens, mais je crois qu'il faut aussi se méfier de certaines facilités qui consistent à dire que le juge unique serait de facto un mauvais juge.
Cela traduit une forme de suspicion à l'encontre du magistrat qui ne participe pas, me semble-t-il, à la confiance que l'on doit au fonctionnement de la justice. Je suis, moi aussi, attachée à la collégialité. Comme l'a rappelé le ministre, le juge des enfants peut saisir le tribunal, pas dans n'importe quelle condition, mais notamment lorsque l'infraction est grave. Il me semble que c'est un bon équilibre qui a été trouvé.
La collégialité, c'est important, certes, mais cela n'a pas toutes les vertus non plus, sinon il y a belle lurette que ça se saurait… On nous rapporte les propos de chefs de juridiction, mais ils sont loin de faire l'unanimité. Et, pardonnez-moi, leur interlocuteur privilégié, c'est la chancellerie. Si certains magistrats sont effectivement réticents, pour des raisons de stocks, d'autres sont très allants et attendent cette réforme.
Ajoutons qu'il est parfois moins angoissant pour un gamin de se trouver seul face à un juge qu'il connaît, plutôt que devant la formation solennelle d'une juridiction collégiale. De quoi parle-t-on d'ailleurs ? De confiscation ou de TIG. Quand je dis que les magistrats souhaitent que nous retenions cette forme-là, pour alléger et éviter la lourdeur de la collégialité, c'est une réalité. Mais le juge des enfants a toujours la possibilité de recourir à la collégialité et, je le répète, l'avocat est présent. Les droits du mineur sont parfaitement garantis.
La Commission rejette ces amendements.
Elle en vient à l'amendement CL47 de M. Antoine Savignat.
Cet amendement du groupe Les Républicains entend élargir le panel des décisions que pourra prononcer le juge pour enfants en lui permettant, si le procureur le demande, de lever l'excuse de minorité, ce qui nous semble utile, voire nécessaire dans un certain nombre de cas : si la délinquance des mineurs n'a pas augmenté, elle s'est intensifiée dans les actes. Arrivé à un certain stade, et connaissant la personnalité de certains mineurs récidivistes, il devient nécessaire de les considérer comme des justiciables de droit commun.
Nous avons déjà eu cette discussion sur le bon équilibre à trouver pour laisser au juge seul, en audience de cabinet, la possibilité de ne prononcer que certaines mesures, très restreintes : la confiscation, le stage, le travail d'intérêt général. Lui ajouter une prérogative en lui permettant de lever l'atténuation de responsabilité, ne me semble pas pertinent dans le cadre de cette audience à juge unique.
Mais quelle mouche vous pique, monsieur le député ? La Constitution interdit qu'un mineur soit jugé devant une juridiction pour majeurs. Ce n'est pas plus compliqué que cela ! L'excuse de minorité peut être écartée, mais seulement par la juridiction spécialisée. Or vous allez bien au-delà en proposant que le juge des enfants puisse d'emblée exclure cette excuse de minorité et renvoyer le mineur devant des juridictions pour majeurs ! C'est audacieux… Si audacieux sur le plan constitutionnel que je suis totalement défavorable à votre amendement.
Nous ne proposons pas que le juge décide seul : la levée de l'excuse de minorité serait décidée à l'issue d'un dialogue avec le procureur de la République. J'entends, monsieur le Garde des sceaux, votre avis défavorable, qui ne me surprend pas.
Ce rappel de la Constitution par le ministre est intéressant car il vient abonder l'idée de suppression de la compétence du tribunal de police pour les mineurs, s'agissant des contraventions de la première à la quatrième classe. Si l'on poursuit son raisonnement constitutionnel jusqu'au bout, il faudrait un magistrat spécialisé dès le premier niveau d'infraction, c'est-à-dire les contraventions.
La Commission rejette cet amendement.
Elle examine, en discussion commune, les amendements identiques CL115 de M. Ugo Bernalicis et CL255 de M. Jean-Michel Clément, ainsi que les amendements CL38 et CL39 de M. Stéphane Peu.
Par son amendement de repli CL115, le groupe de La France insoumise propose de modifier l'article L. 121-4, dont nous demandions la suppression dans notre amendement précédent, en lui substituant une nouvelle rédaction qui réserverait le prononcé des travaux d'intérêt général au tribunal pour enfants, afin de préserver la collégialité, remplacerait la notion de « travail d'intérêt général » par celle de « mesures de travail éducatif », et instaurerait une durée maximale correspondant à la moitié de celle prévue pour le TIG, c'est-à-dire soixante heures maximum.
Avis défavorable. Vous proposez de remplacer le terme TIG par la notion de « travail éducatif ». Je n'en perçois pas vraiment l'intérêt, le travail d'intérêt général étant défini précisément dans notre droit. Le juge peut, par ailleurs, prononcer une mesure éducative, par exemple dans le module de réparation ; ce n'est donc pas contradictoire.
Nous avons déjà eu cette discussion, j'y suis défavorable également.
Comme je l'ai précisé, il s'agit d'un amendement de repli. Nous sommes favorables à une décision prise en collégialité pour ce type de sanctions, particulièrement s'agissant du TIG qui représente bien une peine et n'est pas neutre au point que l'on puisse considérer qu'un tête à tête avec le magistrat, éventuellement en présence de l'avocat, est suffisant. Nous proposons donc une sorte de TIG allégé, sous une appellation différente, et qui pourra être prononcé uniquement dans ce cadre et hors collégialité, en gardant la solennité du prononcé d'une peine de TIG.
La Commission rejette successivement les amendements CL115 et CL255, puis les amendements CL38 et CL39.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette ensuite l'amendement CL15 de M. Éric Ciotti.
La Commission est saisie de l'amendement CL14 de M. Éric Ciotti.
L'amendement précédent était un amendement d'appel pour permettre à M. le Garde des sceaux d'être d'accord sur le suivant, qui est défendu.
Peut-on entendre qu'un gamin reste un gamin, et que cette notion-là ne dépend pas de la gravité des faits commis ? Peut-on l'entendre quand on réforme l'ordonnance de 1945 ?
J'entends la fermeté avec laquelle vous rappelez un principe auquel nous sommes particulièrement attachés. Néanmoins, la société de 2020 n'est plus celle de 1945. Cet amendement est bien spécifique : il vise à traiter le cas particulier d'un mineur de plus de seize ans qui s'attaque aux forces de l'ordre et, ce faisant, démontre un niveau de gradation très important dans les actes commis à l'encontre de l'autorité. Oui, un mineur a droit à un traitement particulier, mais lorsqu'il s'attaque à un pompier ou à un policier en uniforme, il n'a pas à bénéficier d'une double excuse.
Cher collègue, un enfant est un enfant, le Garde des sceaux vient de le rappeler. Nous sommes face à des individus, qui peuvent commettre des actes graves certes, mais qui sont encore en construction et qui ont le droit de pouvoir repartir sur la bonne voie grâce à des mesures éducatives et des sanctions adaptées. On ne peut pas ne pas prendre en considération le fait que ce sont des enfants, des mineurs.
On voit bien la logique de nos collègues de droite qui veulent faire le plus possible d'exceptions, partout, dans des circonstances particulières, pour aligner la justice des mineurs sur celle des majeurs et contrevenir ainsi aux grands principes de la justice des mineurs, dont celui, fondamental, de l'excuse de minorité – dont on devrait conclure que le tribunal de police ne saurait être compétent pour les mineurs, mais nous y reviendrons.
Ce qui me gêne, c'est que les arguments développés par nos collègues de droite sont les mêmes que ceux que l'on avance sur la proposition de loi relative à la sécurité globale. On a supprimé les réductions de peine automatiques dans le cas d'agression de policiers et de gendarmes. Cela ne vaut que pour les majeurs, certes, mais la logique est la même : dans l'échelle des peines, dès lors qu'on s'attaque aux forces de l'ordre, il faut aller plus loin. Et force est de constater que les arguments convergent…
Voilà revenu le débat sur l'exclusion de l'excuse de minorité ; on retrouve ce vieux slogan de la droite. Le ministre et le rapporteur ont répondu sur l'inconstitutionnalité, mais il faut aussi se poser la question de l'opportunité : en renvoyant un gamin devant une juridiction pour adultes, va-t-on mieux lutter contre la récidive et le réinsérer plus facilement ? Je ne le crois pas. De nombreux travaux ont montré que ce n'est pas tant la sévérité de la peine qui importe que sa promptitude. Ce texte répond à cet enjeu, en permettant une réponse pénale plus rapide et plus précise pour le mineur. On laisse au juge pour enfants une gamme de mesures pour qu'il puisse apporter une réponse adaptée, et on donne à la société ou à la victime une réponse intervenant entre dix jours et trois mois. C'est là un véritable progrès et c'est ce qu'attendent nos concitoyens.
Dans ma circonscription, à Marseille, des mineurs impliqués dans des réseaux de stupéfiants et qui gâchent la vie des habitants, il y en a beaucoup. Les gens ne réclament pas d'envoyer le mineur devant une juridiction pour majeurs pour que la répression soit plus sévère ; ils demandent seulement pourquoi cela prend autant de temps. Il faut garder la philosophie de l'esprit de 1945, tout en améliorant l'efficacité et la promptitude dans la réponse pénale.
Je crois qu'on se trompe : il n'est aucunement question dans cet amendement de ne pas considérer ces enfants – puisqu'il s'agit encore d'enfants – comme tels ; leur minorité sera bien prise en compte par le juge. Mais nous parlons d'un mineur, âgé de 16 à 18 ans, qui va commettre un crime ou un délit à l'encontre des forces de l'ordre ou des sapeurs-pompiers. On peut donc faire une distinction. Nous avons débattu toute la semaine dernière sur l'utilité et la nécessité de protéger nos forces de l'ordre. On relève une multiplication des actes de délinquance à leur encontre, commis par des mineurs qui se croient tout permis. Il est temps de leur dire que non, tout n'est pas permis. Encore une fois, ce n'est pas faire fi de leur minorité, puisqu'elle sera prise en considération. Mais cet amendement n'a rien à voir avec ce que disent nos collègues de gauche en nous accusant d'une inflation répressive.
Ce n'est pas ce que dit cet amendement. Il s'agit simplement de prendre en compte le cas particulier du crime ou délit commis à l'encontre des forces de l'ordre.
Mme Louis n'a vraisemblablement pas compris l'amendement. Il ne propose pas de renvoyer le mineur de plus de seize ans, coupable d'un délit contre les forces de l'ordre ou les personnels en uniforme, devant une juridiction de droit commun, mais de lever la réduction de peine à laquelle est tenu le tribunal pour enfants.
Je suis surpris par ailleurs d'entendre Mme Buffet dire que notre amendement ne considère pas les jeunes de plus de seize ans comme des enfants, alors même que, régulièrement, vous portez des propositions tendant à abaisser le droit de vote à seize ans ! Il faut être un peu cohérent de temps en temps.
Enfin, force est de relever que se développe une stratégie de la délinquance dans certains territoires, qui consiste à envoyer en première ligne des mineurs parce qu'ils sont juridiquement moins exposés. Tant qu'on n'arrivera pas à lever cette opportunité dans la construction de cette stratégie, nous aurons du mal à protéger nos forces de l'ordre.
Il faut impérativement sortir de cette dialectique absolument extraordinaire : à chaque fois que l'on parle de justice spécialisée pour les mineurs, vous allez me ressortir un crime d'une gravité exceptionnelle pour opposer l'un et l'autre. Je rappelle que le principe, c'est la justice des mineurs. Ensuite, les peines prononcées appliquent naturellement une gradation en fonction de la gravité des faits, et c'est bien normal : quand des gamins s'en prennent aux forces de l'ordre, ils sont plus sévèrement réprimés que s'ils avaient volé un téléphone portable posé sur le coin d'un zinc. Arrêtez ce manichéisme qui opposerait, au fond, les partisans de l'ordre et les partisans d'une espèce d'anarchie. Ce n'est pas ainsi que cela fonctionne.
Si on pose le principe d'une justice des mineurs, on doit aller jusqu'au bout de la démarche : un gamin de seize ans, même s'il s'en prend aux forces de l'ordre, ne doit pas être condamné, pardonnez-moi de le dire, comme un type de quarante-cinq ans qui fait la même chose. Et le souci de protéger nos forces de l'ordre n'est en rien antinomique ni antithétique : c'est complémentaire. À force de simplification, on crée le trouble dans l'esprit des gens et on ne s'en sort plus. Moi, je ne suis ni le Garde des sceaux du laxisme – un Taubira en pire, a-t-on dit – ni une espèce d'ultra-répressif. J'essaie d'être dans la nuance. Mais les propos que nous tenons ici sont entendus, relayés, discutés. Le principe de la primauté d'une justice des mineurs, sur lequel nous étions tous d'accord hier parce qu'il s'agit de gamins – nos enfants comme a dit avec beaucoup d'humanité Mme Ménard –, n'est en rien opposé aux sanctions sévères qui peuvent être prononcées dans le cas de crimes ou délits à l'encontre des forces de l'ordre. Peut-on entendre cette dialectique qui n'est pas celle d'une opposition permanente ?
La Commission rejette cet amendement.
Elle en vient à l'amendement CL116 de Mme Danièle Obono.
L'article L. 121-6 du code de la justice pénale des mineurs prévoit que le montant des amendes puisse aller jusqu'à 7 500 euros, ce qui serait une nouveauté pour les mineurs. Certes, on pourrait faire de cet article une lecture positive considérant qu'il ne peut être prononcé une peine d'amende supérieure à la moitié de la peine encourue ni excédant 7 500 euros, et se dire que c'est plus protecteur. Mais, si on le lit dans l'autre sens, cela devient problématique par rapport à l'état actuel du droit et cela pose la question de la solvabilité, dont nous parlerons à l'occasion de l'amendement suivant. C'est pourquoi nous proposons de l'abroger.
Je reviens, pour le clore, au débat précédent : je vous ai proposé, monsieur le rapporteur, un amendement CL82 visant à supprimer les exceptions prévues dans le code à l'excuse de minorité. J'espère que nous pourrons en rediscuter en séance avec autant d'entrain, de détermination, de sens des responsabilités, de philosophie politique sur la justice des enfants, et l'adopter.
Nous avons déjà eu ce débat sur la possibilité qu'a le tribunal de police de prononcer des peines d'amende pour les contraventions des quatre premières classes. Il faut laisser à cette juridiction la possibilité d'adapter le montant de l'amende en fonction de l'état de solvabilité du mineur. Avis défavorable.
La Commission rejette cet amendement.
Elle est saisie des amendements identiques CL117 de M. Ugo Bernalicis et CL256 de M. Jean-Michel Clément.
Cet amendement de repli – je le précise – concerne les mineurs de plus de seize ans exerçant une activité professionnelle ou un stage rémunéré. Il vise à ce que le montant de l'amende ne puisse pas être supérieur au montant d'un SMIC mensuel – ce qui fait beaucoup moins que 7 500 euros. Il prévoit également que cette amende pourra être acquittée de manière fractionnée et assortie de mesures éducatives. En précisant qu'elle est forcément assortie d'une mesure éducative confiée à la PJJ, nous nous donnons une garantie supplémentaire qu'on ne se limitera pas à prononcer seulement des amendes dont la vertu pédagogique n'est pas avérée.
Votre amendement aurait pour conséquence de traiter différemment les mineurs, pour ce qui est de la fixation du montant de la peine, selon qu'ils exercent une activité professionnelle ou non. Je ne suis pas sûr que ce soit très pertinent, d'autant qu'un mineur travaille souvent parce qu'il est dans le besoin par comparaison avec celui qui suit des études parce qu'il a la chance d'avoir des parents qui le prennent en charge. Avis défavorable.
La différence s'entend en fait sur la solvabilité du mineur qui se voit infliger une peine d'amende. Cela nous ramène au débat de tout à l'heure : on peut se dire que puisqu'il s'est enrichi parce qu'il a dealé du stup', il pourra payer son amende. Mais comment fera-t-il s'il a déjà dépensé l'argent ? Il va redealer ? Prendre des critères objectifs de solvabilité, abaisser le montant de 7 500 euros à celui du SMIC et permettre un paiement fractionné me paraît être un peu plus raisonnable que ce que vous faites. Et c'est du bon sens de l'assortir d'une mesure éducative : en l'état actuel de votre rédaction, on inflige au mineur une amende de 3 000, 5 000 euros et basta, à la revoyure… Ce n'est pas possible.
Je suis étonné en vous entendant, cher collègue Bernalicis, nous faire systématiquement la leçon et nous accuser d'arguties. Mais cette fois, je ne comprends vraiment pas votre argument : à vous entendre, la seule façon de gagner de l'argent dans ce pays serait de dealer de la drogue, en tout cas pour un jeune d'un quartier défavorisé… Eh bien non. C'est justement tout le sens de la justice : il aura fait l'objet d'une condamnation, celle-ci sera accompagnée de mesures éducatives qui, espérons-le, aideront à le remettre sur le droit chemin et il paiera son amende, en travaillant, pas en revendant de la drogue. Franchement, cette logique qui voudrait qu'une fois qu'on aurait vendu de la drogue, on serait condamné à en vendre toute sa vie, serait justement l'échec de tout ce que nous sommes en train de faire. Nous essayons de donner à ces enfants de la République la possibilité de s'en sortir.
Une précision pour rassurer notre collègue Bernalicis : au moment de statuer sur une éventuelle amende, le juge tient évidemment compte de la solvabilité de l'intéressé, qu'il soit mineur ou majeur. Et si, comme l'a rappelé le Garde des sceaux, les amendes ne représentent que 5 % des peines, c'est que bien souvent ils ne sont pas solvables et qu'il y a des exceptions. Encore une fois, faisons confiance à nos juges pour enfants.
La Commission rejette les amendements.
Elle examine les amendements identiques CL1 de Mme Marie-George Buffet, CL118 de M. Ugo Bernalicis et CL161 de Mme Cécile Untermaier.
Les signataires de l'amendement demandent l'abandon de l'exception à l'excuse de minorité pour les plus de seize ans, quelle que soit la juridiction. Les mineurs, même entre seize et dix-huit ans, sont des personnes en construction qui nécessitent une attention particulière : leur âge doit être pris en considération dans les atténuations de peine.
Je rappelle à mon collègue Raphaël Schellenberger que je me suis prononcée contre le droit de vote à seize ans : je crois qu'il y a d'autres manières d'associer un enfant à la vie démocratique d'une commune, d'un département, d'une région ou du pays que de lui demander de faire des choix qui ne sont pas vraiment de son âge. La démocratie a d'autres voies que le droit de vote à seize ans.
L'amendement CL118 devrait intéresser le rapporteur et le ministre. Nous avons examiné un peu plus tôt un amendement de M. Ciotti, défendu par M. Schellenberger, qui visait à écarter l'excuse de minorité dans des circonstances jugées particulièrement aggravantes, comme s'attaquer à un fonctionnaire de police ou de gendarmerie, à des pompiers ou à des agents des douanes. C'est une exception plus large que ce que prévoit déjà le code.
Pour ma part, j'ai proposé, dans l'amendement CL82, de supprimer toutes les exceptions. Vous avez vous-mêmes, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre, rappelé les principes généraux concernant l'excuse de minorité, la spécialisation des juridictions, etc. Je souscris entièrement à ces propos, et même à 300 %. J'y souscris même tellement que j'irai jusqu'au bout du raisonnement : aucune exception à ces grands principes ! Sinon, ce n'est plus de la justice des mineurs.
L'excuse de minorité, c'est-à-dire l'atténuation de responsabilité, consiste à réduire la peine encourue lorsque l'auteur de l'infraction est mineur. Le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs ne peuvent prononcer à l'encontre des mineurs âgés de plus de treize ans une peine privative de liberté supérieure à la moitié de la peine encourue. Depuis 2016, les peines de réclusion à perpétuité ne peuvent plus être prononcées à l'encontre du mineur. Si la peine de droit commun encourue est la détention criminelle à perpétuité, la peine maximale pouvant être prononcée pour un mineur est de vingt ans de réclusion.
Au-delà de seize ans, l'atténuation de responsabilité peut être écartée à titre exceptionnel, compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur, ainsi que de sa situation. La décision doit être spécialement motivée par le tribunal des enfants. Dans ce cas, les sanctions applicables sont les mêmes que pour les majeurs, à l'exception de la réclusion à perpétuité. Ce dispositif, prévu dans l'ordonnance de 1945, est a priori rarement utilisé mais il n'existe pas d'éléments statistiques permettant de quantifier le nombre de dossiers dans lesquels l'excuse de minorité est écartée. Je souhaiterais que l'on sache de quoi on parle exactement : quand l'excuse de minorité est-elle écartée ? Dans combien de dossiers ? La gravité des faits, même si elle nous préoccupe, ne peut justifier le changement de ce dispositif juridictionnel.
Nous sommes très attachés au principe d'atténuation de la responsabilité des mineurs. C'est l'un des grands principes de l'ordonnance de 1945, rappelé en préambule du code de la justice pénale des mineurs. La réaffirmation de ce principe est une bonne chose.
Je suis très défavorable à la proposition de nos collègues du groupe Les Républicains de supprimer, par principe, l'atténuation de responsabilité des mineurs de seize à dix-huit ans ; cela doit rester une exception qui n'intervient, notre collègue Untermaier l'a très justement rappelé, qu'à de très rares occasions. Le dispositif de l'article L. 121-7 est de plus très encadré : si le mineur est âgé de plus de seize ans, à titre exceptionnel et compte tenu des circonstances de l'espèce, de la personnalité du mineur et de sa situation, le juge peut décider qu'il n'y a pas lieu de faire application des règles d'atténuation de peine. Le code de la justice pénale des mineurs maintient l'excuse de minorité, tout en permettant au juge, dans certains cas, d'y déroger en fonction des éléments dont il dispose.
Nous souhaitons que la présomption de discernement soit une présomption simple, c'est-à-dire que le juge puisse examiner la situation avec toute la souplesse nécessaire. L'excuse de minorité peut, dans des circonstances particulières encadrées par la loi et à titre tout à fait exceptionnel, être écartée pour un mineur de plus de seize ans.
Les amendements de Mme Untermaier et de Mme Buffet sont l'exact contraire de l'amendement de M. Ciotti, et le Gouvernement se situe au milieu.
C'est cela : centriste ! Vous avez toujours le mot juste, madame Ménard ! Je me dis que la ligne médiane est peut-être la meilleure. C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à ces amendements. Du reste, cette possibilité existe déjà et, dans mon expérience personnelle, c'est seulement dans des cas très exceptionnels que j'ai vu une formation de magistrats spécialement composée – la cour d'assises des mineurs en l'occurrence – ne pas retenir l'excuse de minorité.
Je ne me préoccupe pas de savoir si je me positionne sur la médiane ou à l'extrême… Vous nous avez clairement dit, à propos de la présomption simple de discernement, qu'il n'y aurait pas de changement. Toutefois, si l'excuse de minorité devait être écartée, la peine prononcée serait une peine de majeur. Il aurait été intéressant de poursuivre le travail que nous avons fait en 2016 en supprimant les exceptions à l'excuse de minorité. Et de toute façon, il n'est pas question d'impunité pour ces jeunes de seize à dix-huit ans : il y a bel et bien une condamnation. Ce qui me rassure, c'est que cela reste très exceptionnel. Même si je n'avais aucun doute sur le fait qu'il serait rejeté, mon amendement avait pour objet d'affirmer le caractère exceptionnel de ce dispositif. Comme vous l'avez très bien dit, ce ne sont pas les faits qui commandent la juridiction, c'est l'âge qui commande la juridiction ; sinon, on sort du principe de la justice des mineurs.
Nous sommes en effet à l'exact opposé de la philosophie développée par Éric Ciotti. S'il pouvait ne pas redéposer son amendement, cela retirerait un argument de la bouche de la majorité à l'appui de son prétendu équilibre… L'équilibre s'analyse par rapport à ce que font nos voisins européens, à l'état antérieur du droit, quand il était plus protecteur, etc. Le vôtre n'en est pas forcément un.
Par ailleurs, monsieur le Garde des sceaux, avez-vous des exemples concrets d'utilisation de cette exception ? Dans quels cas de figure ? Pouvez-vous nous faire part d'éléments statistiques ou de circonstances particulières dans lesquelles cette exception aurait été utilisée ?
La Commission rejette ces amendements.
Elle examine, en discussion commune, les amendements CL48 de M. Antoine Savignat, CL2 de Mme Marie-George Buffet et CL16 de M. Éric Ciotti.
L'amendement CL48 a pour objet de renverser la situation actuelle, qui fait de l'excuse de minorité la règle, y compris pour les peines les plus graves. Nous souhaitons que la décision de retenir cette excuse appartienne au juge. Ainsi, pour les peines les plus graves, lorsque le mineur est âgé de plus de seize ans, les peines encourues seraient celles applicables aux majeurs, sauf dérogation accordée par le juge.
Monsieur le Garde des sceaux, je vous ai entendu défendre la position inverse avec force, et avec la verve que l'on vous connaît. Mais on ne peut pas imaginer que le simple fait d'avoir moins de dix-huit ans exonère l'auteur de faits très graves de sa responsabilité. Si nous ne débattons pas de cette question, jamais nous ne parviendrons à résoudre le problème de la primo-délinquance violente.
J'aimerais, tout en défendant mon amendement CL2, réagir aux propos de notre collègue. La question n'est pas de minorer les peines : le juge, ou le tribunal en collégialité, va adapter la peine à la gravité des faits, que le mineur ait seize ou dix-sept ans. La justice des mineurs adapte les peines si elle pense que ce jeune peut se reconstruire avec des mesures éducatives. Votre raisonnement, en écartant la justice des mineurs en fonction des faits commis, revient à considérer que le mineur n'est plus en capacité de le faire.
La logique qui sous-tend l'amendement CL16 n'a rien à voir avec la dialectique du Garde des sceaux. La majorité ne s'acquiert pas du jour au lendemain, à la date anniversaire des dix-huit ans, ni d'un point de vue juridique, ni d'un point de vue éducatif, ni du point de vue de la compréhension de la société dans laquelle se construit l'enfant, l'adolescent, puis le jeune adulte, puis l'adulte tout au long de sa vie. La majorité n'est pas un interrupteur sur lequel on appuie à une date donnée, mais bien quelque chose qui se construit progressivement. Il ne s'agit pas de dire qu'il n'y a plus de justice des mineurs en dessous de l'âge de dix-huit ans, mais que celle-ci s'adapte au fur et à mesure que l'enfant avance en âge : avant seize ans, justice des mineurs et peines minorées ; de seize à dix-huit ans, justice des mineurs et peines plus lourdes, que le juge peut toujours minorer et individualiser en fonction des circonstances, de la personnalité et des faits ; au-delà de dix-huit ans, c'est un majeur soumis à la justice de droit commun.
Monsieur Schellenberger, vos amendements n'en reviennent pas moins à considérer un mineur de seize ans comme un majeur. En renonçant à l'atténuation de la responsabilité en application de l'excuse de minorité, vous traitez par principe un mineur de seize ans comme un majeur. À l'inverse, dans notre texte, un mineur de seize ans reste un mineur, principe auquel il est possible, en application de l'article L. 121-7, de déroger à de très rares occasions. Poser le principe qu'un mineur de seize ans doit être jugé comme un majeur est fondamentalement contraire aux principes du code de justice pénale des mineurs. Un mineur de seize ans doit rester un mineur ; si l'excuse de minorité doit être rejetée par le juge, elle le sera, mais par exception, surtout pas par principe.
Monsieur le député Schellenberger, le rapporteur a raison : le principe est que les mineurs bénéficient d'une excuse de minorité ; l'exception, parfaitement encadrée par le texte que nous examinons, c'est qu'il soit exclu du bénéfice de l'excuse de minorité en raison de la gravité des faits, de sa personnalité, de sa maturité. Vous voulez faire du principe l'exception, c'est-à-dire que vous posez comme principe de base qu'un mineur doit être jugé comme un majeur. Mais dans quelle folle société vivrions-nous si nous devions considérer qu'un mineur, enfant ou adolescent, doit être jugé comme un adulte ?
Laissez-moi vous dire autre chose : savez-vous quel est l'âge requis pour être juré devant une cour d'assises ? Ce n'est évidemment pas seize ou dix-huit ans : le législateur a considéré que, pour juger les autres, il fallait avoir au moins vingt-trois ans. Et vous voudriez me dire qu'un gamin de seize ans peut être jugé comme un adulte ?
Je vais vous faire une confidence : depuis que j'ai des enfants, comme avocat, j'ai toujours pensé dans la dualité : et s'ils étaient victimes ? Et s'ils dérapaient et étaient coupables ? Alors je vous le dis très simplement : j'aimerais qu'un gamin de seize ans soit jugé comme un gamin de seize ans. Franchement, je ne comprends pas que l'on utilise encore ces divergences à des fins idéologiques et politiciennes. Je veux vous dire du fond du cœur ce que je pense : ces clivages sont stériles.
Pardonnez-moi de vous interpeller de cette façon un peu personnelle et intime, mais quand vous avez des enfants, vous ne considérez pas qu'ils ont la même responsabilité à quinze ans qu'à quarante-cinq ans. Pourquoi refuser de traduire cela dans une loi qui vise, dans un consensus louable, à assurer la protection des mineurs ? Vous ne pouvez pas poser comme principe qu'un gamin doit être jugé comme un adulte. Je vous le dis sans agressivité aucune : je ne me reconnais pas dans une société comme celle-là. On peut diverger sur le plan idéologique, on peut ne pas être d'accord sur un certain nombre de points, mais, sur une telle question, il devrait y avoir consensus.
Monsieur le Garde des sceaux, nos amendements ne sont ni partisans ni politiciens. Vous avez choisi de débattre sur le terrain de l'intime et c'est une défense que je comprends : j'ai moi aussi des enfants, et je me pose la même question que vous. Mais quand on éduque des enfants, on leur inculque le sens de la responsabilité. Je ne me permettrais pas de gloser sur vos choix de vocabulaire, mais tout de même : le terme « gamins » n'est pas approprié aux individus dont il est question, à savoir des mineurs de seize ans encourant des peines extrêmement lourdes pour avoir commis des faits gravissimes. Je ne suis pas d'accord avec cela.
Je constate d'ailleurs que, s'agissant de l'assassinat de Samuel Paty, le Gouvernement a sévi fortement contre des enfants de douze ans qui s'étaient prêtés à des actes absolument inadmissibles. Dans les trois jours qui ont suivi, ces jeunes ont été entendus, mis en garde à vue, déférés, etc. Il est légitime de s'interroger sur les dysfonctionnements de la justice des mineurs. Celle-ci doit pouvoir traiter les cas les plus graves d'une manière plus stricte et plus systématique. La règle de l'excuse de minorité doit devenir l'exception.
Je voudrais venir en renfort de l'amendement de notre collègue Marie-George Buffet, qui n'a évidemment rien à voir avec les deux autres amendements en discussion commune. Il vise à supprimer le tribunal de police, qui peut prononcer des exceptions à l'excuse de minorité. Si celles-ci sont réservées aux cas les plus graves – je ne suis pas d'accord, mais je peux en comprendre la logique –, que vient donc faire le tribunal de police dans la liste des juridictions pouvant prononcer une exception, dans la mesure où il est amené à juger des infractions qui ne sont pas d'une particulière gravité ?
Le rapporteur et le Garde des sceaux ont tout à fait raison. Vous nous proposez un nouveau cas particulier, qui vient s'ajouter à tous les autres cas : cette généralisation revient à aligner la justice des mineurs sur la justice des majeurs. C'est une philosophie à laquelle nous sommes totalement opposés. Nous voulons une justice des mineurs plus lisible et plus rapide, afin qu'elle soit plus effective, dans l'intérêt des victimes. Vous vous trompez : le droit pénal des mineurs n'est pas rigide. Un magistrat ne traitera pas de la même manière un enfant de dix ans, un adolescent de seize ans et un autre de dix-sept ans. Il faut faire confiance aux magistrats dans l'utilisation de toute la palette qu'ils ont à leur disposition.
Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire qu'un enfant ne peut pas être jugé de la même façon qu'un adulte de quarante-cinq ou cinquante ans – sans parler pour nos collègues Les Républicains, je suis sûre, pour en avoir discuté avec eux, que nous sommes d'accord sur ce point.
Mais on ne peut pas nier qu'un mineur de 2020 n'est pas le même qu'un mineur de 1945, tout simplement parce que le monde a changé. Quand un enfant faisait une bêtise, il y a cinquante ou soixante ans, il ne pensait pas forcément que sa minorité pourrait l'excuser en quoi que ce soit ; aujourd'hui, ce n'est plus le cas. J'ai fait quelques recherches pour travailler sur ce texte, et j'ai été sidérée par certains témoignages d'enfants jugés par le tribunal des enfants. Je vais vous donner un exemple : dans un fait divers, un enfant, après avoir commis une attaque meurtrière, a envoyé un SMS à sa mère disant : « Je ne risque rien : je suis mineur. » Ayant régulièrement tourné avec la police nationale ou la police municipale dans ma circonscription, je suis frappée par le fait que la première chose que dit un mineur quand il est arrêté par la police, même s'il ne parle pas un mot de français, c'est : « Mineur ! Mineur ! »
Oui, nous pourrons aussi discuter des mineurs étrangers, monsieur le ministre ! Cela fait partie des sujets sur lesquels nous pouvons travailler.
Je suis sidérée qu'un mineur mette en avant sa minorité. On a l'impression que vous ne voulez pas en tenir compte, alors qu'ils l'ont très bien intégrée et la mettent en avant pour excuser leurs actes.
Ma conviction profonde, c'est qu'il s'agit d'un débat de postures, éloigné de la réalité. Qu'est-ce qu'un mineur ? On ne peut pas le définir par rapport à l'infraction qu'il commet ou par rapport à son âge, qui est une notion abstraite. J'ai mené des travaux sur ce point lors de l'examen de la loi Schiappa : contrairement à ce qu'affirme Mme Ménard, les spécialistes estiment que l'adolescence se prolonge au-delà de dix-huit ans. Je n'accepte pas que l'on considère un mineur comme un adulte en fonction de la gravité de l'infraction ou du contexte. Ce n'est pas le bon message à envoyer.
Ensuite, le terme de « gamins » me paraît exact : oui, ce sont des gamins ! Oui, ce sont des minots ! Il faut voir la réalité en face : quand un gamin s'en prend à un policier ou commet une infraction, c'est souvent parce qu'il manque de maturité.
Par ailleurs, il est faux de prétendre que les peines seront plus sévères si le mineur est jugé comme un adulte. Le juge pour enfants a toute une palette de mesures à sa disposition : s'il veut prononcer des peines lourdes ou écarter l'excuse de minorité, il peut le faire. Laissons les choses en l'état. Le texte dont nous débattons est un texte d'équilibre, qui permet une réponse beaucoup plus rapide. Je crois beaucoup à la promptitude de la réponse.
Enfin, pour répondre à Mme Ménard, on entend depuis l'Antiquité que les mineurs d'aujourd'hui seraient pires que ceux d'hier. Je n'en sais rien ! Sans doute la délinquance est-elle différente, mais la réponse doit être la même, efficace, adaptée, pour la société, pour les victimes et pour le mineur lui-même, en tenant compte de la spécificité du mineur.
Je reviens sur l'exemple cité par Mme Ménard : « Je ne risque rien : je suis mineur. » Tout est dit ! C'est justement parce qu'il est enfant qu'il dit cela. Il n'est pas complètement responsable et c'est bien cela que nous devons prendre en compte. L'expression est sans doute maladroite, mais un enfant n'est pas « fini » : il n'a pas fini sa croissance, sa maturation intellectuelle, etc. Vous ne pouvez pas comparer un mineur de seize ans à un adulte de dix-huit ans. Et même à dix-huit ans, on est encore jeune…
Les mineurs ont-ils beaucoup changé ? Comme d'autres, j'ai un peu étudié le sujet et la réponse est négative. Les psychologues, les psychiatres vous le diront : les mineurs sont les mêmes. Lors d'une audition, un procureur nous a rappelé que les seuils de sept et treize ans nous viennent de l'Antiquité. Les enfants n'ont donc pas changé.
Bien sûr, la délinquance peut nous paraître plus violente, mais le juge dispose de mesures éducatives appropriées. Pensez-vous qu'envoyer un enfant en taule sans aucun accompagnement va l'aider ?
C'est pourtant ce que dit l'amendement défendu par M. Schellenberger pour les mineurs de seize ans ! Il faut prendre en compte la minorité ; c'est le rôle du juge et c'est un choix de civilisation, de société.
Il faut tout de même se baser sur les analyses réalisées par des gens qualifiés. Pourquoi rédige-t-on cette ordonnance en 1945 ? Parce que toute une génération sort de la guerre et les phénomènes de délinquance sont très importants. Le gouvernement de l'époque fait le choix de traiter la jeunesse de façon particulière.
Depuis 1945, que s'est-il passé ? L'école est devenue obligatoire jusqu'à seize ans, voire désormais dix-huit ans puisqu'il faut assurer une formation ou l'accès à l'emploi. À l'époque, les mômes travaillaient à quatorze ans. Ce n'est plus le cas, et c'est une bonne chose. La notion de minorité est donc encore plus d'actualité que par le passé.
Madame Ménard, quand un de ces petits, ces gamins, ces délinquants, ces criminels, appelez-les comme vous voulez, vous dit : « Ce n'est pas moi, je suis mineur », que fait-il, si ce n'est se comporter comme un enfant ?
Nous devons prendre nos responsabilités, car je ne suis pas certain que les mineurs aient tellement changé. Nous si, pas mal, et pas forcément pour le meilleur.
Vous faites de votre exemple une sorte de bouclier que vous brandissez, et qui prouverait l'impunité de l'enfant, qu'il revendique parce qu'il a compris et parce qu'il se professionnalise. Mais le gamin qui se fait gauler dit « je suis mineur », justement parce que c'est un enfant et qu'il se défend comme un enfant, qu'il soit devant le juge, un policier ou son instituteur dans la cour de récréation.
La Commission rejette successivement les amendements.
La réunion suspendue à onze heures trente-cinq, reprend à onze heures quarante.
La Commission en vient à la discussion commune des amendements CL320 du rapporteur, CL20 de M. Éric Ciotti, CL162 de Mme Cécile Untermaier et CL40 de Mme Marie-George Buffet.
L'article L. 122-1 prévoit que la disposition relative au travail d'intérêt général (TIG) est applicable aux mineurs âgés de seize à dix-huit ans au moment de la décision, lorsqu'ils étaient âgés d'au moins treize ans à la date de la commission de l'infraction.
Cette disposition introduit une inégalité de traitement entre les condamnés, puisque la peine n'est pas individualisée mais liée aux délais de traitement de chaque juridiction, avec toutes les conséquences que cela implique en termes d'inscription au casier judiciaire, de premier terme de récidive ou d'emprisonnement encouru. C'est pourquoi nous demandons que le mineur soit âgé d'au moins seize ans au moment de la commission de l'infraction, et non au moment du prononcé de la peine.
Le TIG n'est pas adapté à un mineur de moins de seize ans, qui doit plutôt être orienté vers un module de réparation au sein d'une mesure éducative. Le TIG est une alternative à l'incarcération pour un mineur ayant commis une infraction grave avant seize ans, mais qui est jugé après cet âge. Cela va dans le bon sens. Le délai de trois ans que vous évoquez serait contraire à l'objectif recherché.
Dans la mesure où ce texte vise à accélérer les procédures, on peut espérer que ce cas de figure ne pourra plus se reproduire…
La Commission adopte l'amendement CL320 du rapporteur.
En conséquence, l'amendement CL20 tombe.
Puis la Commission rejette successivement les amendements CL162 et CL40.
Elle passe à l'amendement CL119 de Mme Danièle Obono.
Cet amendement de repli vise à supprimer la possibilité pour le juge des enfants de prononcer un TIG, au profit du tribunal pour enfant.
Mon avis sera à nouveau défavorable. Le TIG est une peine, mais c'est aussi une alternative à l'enfermement. Il est souhaitable qu'elle puisse être prononcée par le juge des enfants.
Ce n'est pas qu'une alternative à l'enfermement : le TIG a des vertus intrinsèques, tout comme la réparation. Nous ne proposons pas de le supprimer et de le remplacer par une peine de prison ou d'enfermement en CEF : nous souhaitons simplement que le tribunal pour enfants, et non le juge, prenne la décision. Un juge seul ne peut d'ailleurs pas décider d'enfermer quelqu'un !
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL321 du rapporteur.
La Commission en vient à l'amendement CL120 de M. Ugo Bernalicis.
L'article L. 122-2 du code de la justice pénale des mineurs liste les obligations que la juridiction de jugement peut imposer au mineur condamné. Notre amendement tend à supprimer de cette liste des obligations qui ne peuvent pas être imposées à un mineur et qui sont issues du code pénal auquel l'article fait référence : justifier qu'il contribue aux charges familiales ou qu'il acquitte régulièrement les pensions alimentaires dont il est débiteur ; ne pas se livrer à l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ou ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs ; ne pas engager de paris, notamment dans les organismes de pari mutuel, et ne pas prendre part à des jeux d'argent et de hasard.
Nous avons déjà eu ce débat pour les interdictions de paraître ou de rentrer en contact avec des personnes non assorties de sanctions car ce sont des mesures éducatives. Mais elles peuvent déboucher sur un contrôle judiciaire (CJ) qui, sitôt qu'il est enfreint, conduit à une peine d'enfermement. Cela aboutit à créer une certaine confusion entre le pénal « traditionnel » et ce qui relève de la justice des mineurs. Rien n'empêche les magistrats d'expliquer clairement les choses à l'enfant, en faisant primer l'éducatif sur le répressif parce que cela fonctionne mieux…
Vous avez raison, certaines obligations prévues à l'article 132-45 du code pénal ne sont pas applicables aux mineurs ; le juge ne les prononcera donc pas. Il est inutile de le préciser.
Le juge sait quelles sont les obligations applicables aux mineurs et quelles sont celles applicables aux majeurs. Je vous rappelle qu'un jugement peut intervenir alors que l'enfant, le délinquant, est devenu majeur. Je suis donc défavorable à votre amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL322 du rapporteur.
Puis elle examine l'amendement CL121 de M. Ugo Bernalicis.
Dans la même logique que pour les amendements précédents, nous estimons que la peine de confiscation devrait être prononcée par le tribunal pour enfants, et non par le juge des enfants, afin de préserver la collégialité.
La décision de confiscation ne me semble pas être d'une gravité telle que le juge des enfants seul ne puisse la prononcer.
Cela fait vingt fois qu'on me pose la question. Je ne vais pas changer d'avis en si bon chemin.
Je vais également être constant : tout dépend ce que l'on confisque. Il n'est certes pas nécessaire de réunir le tribunal pour un paquet de bonbons, mais la confiscation est une peine. Ce n'est donc pas neutre et il faut prévoir un cadre procédural à même d'apporter toutes les garanties.
La Commission rejette l'amendement.
Elle passe à l'amendement CL206 de M. Erwan Balanant.
Mon amendement vise à adapter les peines correctionnelles de stages auxquelles des mineurs peuvent être soumis à la réalité des violences scolaires, en particulièrement du harcèlement. Tous les enfants sont confrontés à ces violences en tant que victime, auteur ou témoin : pour apaiser le vivre-ensemble, il est primordial d'éduquer très largement sur les bonnes attitudes à adopter à l'école.
Certains parquets, à l'instar de celui d'Arras, ont déjà mis en place des initiatives similaires et les répandent. Leur donner une existence juridique permettrait de développer les bonnes pratiques et de responsabiliser les mineurs.
Des stages relatifs au harcèlement ou aux violences scolaires sont intéressants, mais votre amendement pose un problème rédactionnel : la notion de « module » renvoie à une mesure éducative judiciaire. Je vous demanderai de bien vouloir le retirer, sinon mon avis sera défavorable.
La peine de stage a été réformée par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Sept types de stages sont proposés, parmi lesquels le stage de citoyenneté, que la PJJ met en œuvre, en l'adaptant aux infractions. Ce stage permet d'appréhender toutes les dimensions de la vie citoyenne, y compris l'apprentissage des règles de vie en société et à l'école. Votre demande est donc satisfaite et je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.
Je vais le maintenir car j'aimerais bien que nous trouvions une solution. C'est ce qu'a fait le parquet d'Arras avec l'aide d'une procureure, partie ailleurs depuis. Cette initiative fonctionne très bien, mais s'est très peu développée. On dit que la loi est trop bavarde mais, quand des dispositifs fonctionnent, il faut les y inscrire ! C'est un outil supplémentaire à la disposition des juges et une bonne pratique qui pourrait se diffuser dans toutes les juridictions. Je souhaiterais que nous trouvions une solution d'ici la séance.
Je suis sensible aux arguments d'Erwan Balanant, même si je comprends également la volonté du ministre de pas multiplier les types de stages pour des raisons de lisibilité. Le sujet est très particulier et je ne suis pas sûre que le stage de citoyenneté réponde parfaitement à la préoccupation de notre collègue, qui est aussi la nôtre. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, si M. Balanant retire son amendement, ne pourrait-on y réfléchir d'ici à la séance ?
Les thématiques des stages de citoyenneté sont très larges et leur contenu ne fait pas toujours écho aux condamnations des personnes présentes. Je ne suis pas sûre que ce soit d'ordre législatif, mais il faudrait les remettre à plat et les adapter plus précisément aux sujets traités. Nous l'avions d'ailleurs évoqué lors des débats sur la proposition de loi améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale.
La Commission rejette l'amendement.
Elle en vient à l'amendement CL122 de M. Ugo Bernalicis.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur et du ministre, la Commission rejette l'amendement.
Elle examine ensuite en discussion commune les amendements identiques CL97 de M. Michel Zumkeller et CL123 de M. Ugo Bernalicis, ainsi que les amendements CL98 de M. Michel Zumkeller et CL124 de M. Ugo Bernalicis.
L'amendement CL97 vise à supprimer la peine de détention à domicile sous surveillance électronique. En effet, la justice des mineurs est une justice particulière et l'éducatif doit primer. Nous ne comprenons pas comment maintenir la primauté de l'éducatif avec une peine de détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE).
Mon deuxième amendement CL98 est de repli et je trouve sa mise en discussion commune choquante. Comment puis-je le défendre avant même de savoir si le premier est adopté ou rejeté ?
Je vais défendre mes amendements CL123 et CL124, le second étant de repli.
La détention à domicile sous surveillance électronique appelle plusieurs observations. Déjà, pour les majeurs, et nous l'avions souligné lors des débats sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, la surveillance électronique sans mesures d'accompagnement n'a pas de sens. Bien souvent, on prononce de la DDSE sans que les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) n'aient les moyens d'assurer le suivi des condamnés. Avec la DDSE, on purge sa peine chez soi, en s'enfermant à domicile. Depuis le confinement et la mise en place des couvre-feux, je pense que nous comprenons tous beaucoup mieux ce que ces barrières invisibles, qu'on ne peut franchir, impliquent psychologiquement. On doit s'astreindre à une certaine discipline – on a tous, à un moment donné, eu envie d'enfreindre le confinement… C'est la même chose pour un condamné à la DDSE.
Alors, que dire quand il s'agit d'un mineur, individu en construction ? Ne va-t-il pas, à coup sûr, l'enfreindre ? On « électronise » une mesure – disons-le comme cela – afin de se rassurer collectivement là où il suffirait de donner les moyens du suivi humain à la PJJ et aux magistrats. C'est pourquoi nous sommes opposés par principe à la DDSE pour les mineurs qui, dans la réalité, apparaît comme une mauvaise sanction.
Monsieur Zumkeller, la détention à domicile sous surveillance électronique serait selon vous incompatible avec l'exercice d'une mesure éducative. Mais le dernier alinéa de l'article L. 122-6 précise bien que la peine doit être assortie d'une mesure éducative confiée à la protection judiciaire de la jeunesse.
L'éducatif prime malgré le prononcé de la peine de DDSE. Votre demande est donc satisfaite.
Comment fait-on ? La PJJ se rend au domicile du mineur condamné… En outre, je vous rappelle que la DDSE remplace la prison. Enfin, je veux bien qu'on évoque les difficultés liées au confinement, mais le confinement chez soi, ce n'est pas Fleury-Mérogis !
La PJJ ne fait pas toujours le suivi éducatif… J'avais également cru comprendre que vous étiez opposés à l'éducation à domicile et que vous aviez prévu de l'interdire dans le cadre du projet de loi de lutte contre les séparatismes. Je suis heureux d'apprendre que vous n'y êtes finalement pas si opposé.
Bien sûr, le confinement, ce n'est pas Fleury-Mérogis. Et je ne vous parle pas du confinement à Fleury-Mérogis pour les détenus ! Pour m'y être rendu à plusieurs reprises, je sais de quoi on parle.
Une mesure éducative sera toujours préférable à une DDSE, et même à une DDSE avec mesure éducative. Les mesures éducatives ne devraient pas être une alternative à l'incarcération : c'est le cœur de la justice des mineurs, et l'incarcération l'exception. Je ne suis d'ailleurs même pas favorable à cette exception quand il s'agit de mineurs, les centres éducatifs fermés (CEF) étant suffisamment encadrants. À l'époque où ils ont été créés, ils devaient eux aussi contribuer à diminuer l'incarcération des mineurs et constituer une alternative. Que s'est-il passé, monsieur le Garde des sceaux ? On a ouvert des CEF, on les a remplis et il y a toujours autant de jeunes mineurs incarcérés, voire davantage.
La DDSE sera juste un machin en plus ! Va-t-on se rassurer grâce à ces horaires de présence à la maison, avec tout ce que cela implique ? Je ne comprends pas pourquoi on a introduit cette mesure !
Monsieur Bernalicis, le juge aura toujours toute une palette de peines et de mesures éducatives à sa disposition. Il pourra les assortir comme il le souhaite, selon la personnalité du mineur et les faits de l'espèce. Le cœur de la justice des mineurs, c'est de faire confiance au magistrat, parce qu'il connaît le mineur.
La surveillance électronique ne signe pas la fin de l'éducatif : le mineur ne sera pas toute la journée chez lui s'il suit une formation de dix à dix-huit heures, par exemple. En outre, pour certains mineurs, respecter des horaires précis, sous surveillance, peut avoir un sens éducatif. Mais ce n'est pas à nous, députés de la commission des Lois, de décider ce qui est bon, ou pas, pour un mineur, mais au magistrat qui le connaît et dans lequel nous pouvons avoir confiance.
On peut toujours discuter des symboles, mais qu'en est-il dans la pratique ? Je l'ai vécue en tant qu'avocate il y a quelques années : lorsqu'il n'y a plus de place en CEF, un mineur qui ne devait pas relever de la détention provisoire peut s'y retrouver. La DDSE est donc bien une alternative à l'incarcération. Mais le principe reste celui du choix par le magistrat.
Vos amendements ne font pas primer l'éducatif sur le répressif. Nous sommes tous d'accord, la détention doit être l'ultime solution, d'où l'importance de développer des mesures alternatives, y compris la détention à domicile sous surveillance électronique. Ce n'est pas un enfermement et elle permet, comme vient de le rappeler Alexandra Louis, de disposer de liberté durant certaines plages horaires et de mener, par exemple, une activité professionnelle. Bien entendu, le juge des enfants le prend en compte.
La Commission rejette successivement les amendements.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL323 du rapporteur.
Suivant l'avis du rapporteur et du ministre, elle rejette l'amendement CL59 de M. Stéphane Peu.
La Commission examine ensuite CL65 de Mme Marie-George Buffet.
Emprisonner un adolescent ne peut pas être considéré comme une peine anodine. Elle doit être prévue comme étant le dernier recours à un parcours de délinquance dont les mesures précédemment prononcées n'ont, au moment du jugement, donné aucun résultat sur le comportement du jeune mineur.
Nous souhaitons donc que la peine d'emprisonnement prononcée soit obligatoirement assortie d'une mesure éducative confiée à la protection judiciaire de la jeunesse pour assurer le suivi éducatif du jeune mineur.
C'est effectivement déjà envisagé. En outre, rendre le cumul obligatoire revient à porter atteinte à la liberté du juge.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel CL324 du rapporteur.
Elle passe à l'amendement CL125 de M. Ugo Bernalicis.
Nous souhaitons supprimer la possibilité pour le tribunal pour enfants, prévue au deuxième alinéa de l'article L. 123-2 du code, de prononcer un mandat de dépôt ou d'arrêt à l'audience à l'encontre du mineur prévenu dans la mesure où cette disposition ne s'inscrit pas dans les principes fondamentaux de la justice pénale des mineurs.
Dans une décision du 9 décembre 2016, le Conseil constitutionnel a jugé que la mesure par laquelle le tribunal pour enfants ordonne l'exécution provisoire d'une peine d'emprisonnement sans sursis à l'encontre d'un mineur alors que celui-ci comparaît libre – entraînant en conséquence son incarcération immédiate à l'issue de l'audience, y compris en cas d'appel – le prive du caractère suspensif du recours et d'une possibilité d'obtenir l'aménagement de sa peine en application de l'article 723-15 du code de procédure pénale.
Le Conseil constitutionnel en a déduit qu'en permettant l'exécution provisoire de toute condamnation à une peine d'emprisonnement prononcée par un tribunal pour enfants, quel que soit son quantum et alors même que le mineur ne fait pas déjà l'objet au moment de sa condamnation d'une mesure de détention dans le cadre de l'affaire pour laquelle il est jugé ou pour une autre cause, les dispositions contestées méconnaissaient les exigences constitutionnelles en matière de justice pénale des mineurs.
Notre interprétation est donc que l'article L. 123-2 est inconstitutionnel.
Par une décision du 9 décembre 2016, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a effectivement déclaré contraire à la Constitution les dispositions de l'article 22 de l'ordonnance de 1945, qui permettaient l'exécution provisoire de toute condamnation à une peine d'emprisonnement prononcée par un tribunal pour enfants. Cet article a été abrogé, puis réintroduit par la loi du 28 février 2017 sur la sécurité publique, dans une nouvelle version prenant en compte les remarques du Conseil constitutionnel et qui n'a pas été censurée.
Le dernier alinéa de l'article L. 123-2 ne permet de prononcer un mandat de dépôt lors de l'audience que si le mineur a violé les obligations de son contrôle judiciaire ; il est cohérent avec les articles L. 334-4 et L. 334-5, qui prévoient la mise en détention provisoire en cas de non-respect du contrôle judiciaire. Il n'y a pas d'inconstitutionnalité. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL325 du rapporteur.
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL140 de M. Pacôme Rupin et CL60 de M. Stéphane Peu.
L'amendement CL140 propose une réécriture du deuxième alinéa du nouvel article L. 124-2 du code de la justice pénale des mineurs introduit par l'ordonnance du 11 septembre 2019.
Il prévoit que les majeurs de moins de vingt et un ans placés en détention soient maintenus ou incarcérés dans les établissements ou quartiers visés à l'article L. 124-1 du même code. Il s'agit des établissements et quartiers dédiés aux mineurs, garantissant l'intervention continue d'un service de la protection judiciaire de la jeunesse. Toutefois, ces jeunes majeurs seraient détenus de façon à n'avoir aucun contact avec les mineurs de moins de seize ans.
Nous souhaitons que les jeunes majeurs puissent bénéficier d'un sas de séparation, c'est-à-dire d'une forme d'incarcération particulière les séparant des plus jeunes mineurs et des personnes incarcérées plus âgées. En effet, il est établi qu'entre dix-huit et vingt et un ans, le jeune majeur construit encore sa personnalité et cette période est cruciale pour ses perspectives d'avenir. Isoler le jeune majeur des détenus plus âgés a notamment pour objectif de favoriser une réinsertion plus facile à l'issue de sa période de détention, et d'éviter la récidive.
L'article L.124-2 prévoit qu'à titre exceptionnel, un mineur détenu qui atteint la majorité en détention peut être maintenu dans ces établissements jusqu'à ses dix-huit ans et six mois, sans avoir aucun contact avec les détenus de moins de seize ans.
Notre amendement CL60 vise à étendre cette limite d'âge à vingt et un ans afin de protéger ces jeunes et de poursuivre le travail éducatif de la protection judiciaire de la jeunesse.
Je partage le souhait de protéger les jeunes majeurs entre dix-huit et vingt et un ans.
Toutefois, la durée de détention moyenne des mineurs étant inférieure à quatre mois, et l'article L. 124-2 permettant de ne pas transférer un détenu dans un établissement pour majeurs jusqu'à ses dix-huit ans et six mois, vos amendements peuvent être considérés comme partiellement satisfaits.
De plus, laisser des majeurs de vingt et un ans avec des mineurs pourrait causer des difficultés. Ma circonscription abrite un établissement pour mineurs ; très souvent, nous y sommes confrontés à des problèmes de violences entre les jeunes majeurs et les mineurs.
Les motivations sont louables, puisque vous souhaitez protéger davantage les jeunes majeurs. Mais il convient de protéger aussi les mineurs. La frontière entre majeurs et mineurs, c'est l'âge. Les mineurs, dont les droits doivent être garantis, doivent être séparés des détenus majeurs, ce que les amendements que vous proposez ne permettent plus.
Par ailleurs, 20 % des mineurs détenus deviennent majeurs en détention, et votre proposition pourrait entraîner une suroccupation généralisée des lieux de détention réservés aux mineurs. Je demande le retrait de ces amendements.
Je comprends vos arguments, et je reverrai la rédaction de cet amendement en vue de la séance publique. Il faut que des quartiers soient réservés aux jeunes majeurs, en plus des quartiers pour les mineurs. Mon intention était de prévoir des quartiers de transition pour les jeunes majeurs, mais la rédaction de mon amendement entraînerait le maintien des jeunes majeurs dans les quartiers pour mineurs jusqu'à vingt et un ans, ce qui pose problème.
Je retire également l'amendement CL60, dans l'intention de trouver d'ici à la séance les moyens d'assurer la protection de ces jeunes dans la durée.
Les amendements CL140 et CL60 sont retirés.
La Commission est saisie des amendements identiques CL99 de M. Michel Zumkeller et CL126 de M. Ugo Bernalicis.
Le principe de spécialisation des juridictions en droit pénal des mineurs ne saurait souffrir d'exception. Mon amendement CL99 supprime donc la possibilité de substituer les magistrats du ministère public spécialement chargés des affaires de mineurs par tout magistrat du parquet.
J'ai du mal avec les exceptions aux principes quand le principe est bon… C'est le cas du principe de spécialisation des magistrats pour mineurs, y compris au parquet. Je ne suis pas favorable à la dérogation introduite par le projet.
Il faut saluer le principe de spécialisation des magistrats du parquet chargés des mineurs, qui doit demeurer la règle. Mais certaines situations d'urgence imposent de recourir à un magistrat non spécialisé. Cela reste une exception, mais qui pourra s'avérer utile dans certains cas.
Cela reste une mesure d'exception, et le parquet reste un et indivisible.
Une grande partie des affaires – 50 % – est traitée par le parquet, ce n'est pas négligeable. Certes, le parquet est un et indivisible, mais nous créons sans cesse des juridictions et des parquets spécialisés, en matière antiterroriste ou de délinquance économique et financière, d'ailleurs dans un objectif louable.
S'agissant de mineurs, nous souhaitons garantir que dans la totalité des cas, le procureur qui va prendre en charge un mineur soit spécialisé dans la matière, au même titre que le juge pour enfants.
La Commission rejette les amendements.
Elle est saisie de l'amendement CL127 de M. Ugo Bernalicis.
Cet amendement de repli vise à conforter le caractère exceptionnel de la substitution des magistrats du parquet spécialement chargés des affaires concernant les mineurs. Il prévoit que cette mesure soit spécialement motivée et à titre exceptionnel. En considérant les arguments que vous avez employés contre l'amendement précédent, j'imagine que vous allez adopter celui-ci.
Dans la discussion générale, j'ai rappelé que les magistrats du parquet suivaient une formation continue. Les magistrats du parquet qui s'occupent des mineurs sont spécialisés, et reçoivent une formation spécifique à l'École nationale de la magistrature. Ce sont évidemment des parquetiers spécialisés qui s'occupent de la justice des mineurs.
Et je rappelle une fois de plus que le parquet est un et indivisible.
Le rapporteur justifiait son refus de l'amendement précédent par le caractère exceptionnel de la substitution. Je propose seulement d'inscrire dans le texte « spécialement motivé et à titre exceptionnel », ce qui va dans le sens de son argumentaire…
Il y a en effet une formation initiale sur la spécificité de la justice des mineurs pour tous les magistrats. C'est une très bonne chose. Mais les magistrats spécialisés bénéficient d'une formation continue que n'ont pas les autres, ce qui d'ailleurs se comprend tout à fait. Tout le monde ne peut pas se spécialiser dans toutes les matières : une carrière dure une quarantaine d'années, un procureur peut ne pas avoir eu à exercer le droit pénal des mineurs pendant longtemps. Et comme la législation change assez souvent, les magistrats qui ont reçu la formation initiale ne seront pas à jour, par exemple, des modifications introduites par ce texte.
De plus, dans certaines procédures, le principe de spécialité du parquet n'est pas prévu. Je ne suis pas sûr que le procureur ou son représentant à l'audience du tribunal de police soit un magistrat spécialisé quand il s'agit d'une contravention de première à quatrième classe qui concerne un mineur.
Réaffirmer le principe que le procureur spécialisé ne peut être substitué qu'à titre exceptionnel serait la moindre des choses.
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL327 du rapporteur.
La Commission est saisie des amendements CL128 et CL129 de Mme Danièle Obono.
En cohérence avec nos amendements précédents visant à préserver la spécialisation du parquet chargé de la justice des mineurs, l'amendement CL128 vise à maintenir la compétence du tribunal des enfants lorsque le procureur de la République ouvre une information judiciaire. Il précise que ce second juge d'instruction devra être spécialisé dans la justice des mineurs, afin que soit garanti le principe de la spécialisation des acteurs de la justice des mineurs.
Nous suivons un fil conducteur, qui répond à une logique que le rapporteur et le ministre sont supposés partager – en tout cas, ils s'en prévalent.
L'amendement CL129 décline cette logique aux juges des libertés et de la détention. Le décalage entre la formation initiale et le moment où ils seront confrontés à des mineurs est plus grand encore pour eux, car on ne sort pas de l'école de la magistrature en étant JLD.
La spécialisation du juge d'instruction est déjà prévue, l'amendement CL128 est donc satisfait. Avis défavorable.
S'agissant du juge des libertés et de la détention, nous avons rappelé hier qu'il n'intervenait qu'en présence d'un magistrat spécialisé – juge d'instruction ou juge des enfants. La condition posée par l'amendement CL129 est donc, si ce n'est satisfaite, au moins réaffirmée dans son principe. Avis défavorable.
Je ne sais pas combien d'autres amendements de ce type nous allons examiner, vous posez la question de la spécialisation pour chaque intervenant judiciaire !
Je vous concède qu'on ne naît pas juge des libertés et de la détention, on le devient. Mais ils le sont devenus, et ce sont des magistrats spécialisés. Le texte le prévoit expressément. Vous avez déposé un amendement sur le juge d'instruction, un autre sur le procureur, un troisième sur le JLD… Passé un moment, cela s'apparente à une forme de nihilisme.
Tout est déjà spécialisé : la justice des mineurs est une justice spécialisée. Je suis défavorable à ces amendements, et je serai défavorable à tous ceux qui proposeront une spécialisation qui existe déjà.
Le Garde des sceaux a laissé entendre tout à l'heure que la répétition ne le séduisait pas… Cela tombe bien : je ne suis pas là pour séduire, mais pour convaincre, et je ne désespère pas de le faire. Je déclinerai le principe de spécialisation pour l'inscrire dans le code, de façon à ce qu'on ne puisse y déroger. Vous avez beau me dire que c'est le cas, des acteurs de terrain m'informent que ce n'est pas systématique. Je préfère avoir des garanties, nous rédigeons un code qui ne sera pas réformé tous les quatre matins, il est judicieux de soulever ces questions et de décliner le principe de spécialisation partout.
Nous venons d'ailleurs de discuter des exceptions à ce principe pour le parquet, ce qui prouve que tous les acteurs de la justice des mineurs ne sont pas toujours spécialisés.
La Commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte les amendements rédactionnels CL328 et CL329 du rapporteur.
La Commission est saisie des amendements CL130 de Mme Danièle Obono et CL131 de M. Ugo Bernalicis.
Nous proposons de donner la compétence au juge des enfants pour les contraventions de la première à la quatrième classe, et de la retirer au tribunal de police. Je suppose que le ministre va m'expliquer que les magistrats du tribunal de police sont spécialisés dans la justice des mineurs parce qu'on leur en a parlé au cours de leur formation initiale ?
Je ne sais pas quoi répondre à la confusion qui est faite entre la spécialité du JLD et la spécialisation en matière de justice des mineurs.
Avis défavorable. C'est la cinquième fois que nous revenons exactement sur le même sujet, je ne sais pas à quelle fin.
C'est parce que nous sommes cohérents, monsieur le ministre : nous avons analysé tout le texte, et chaque fois que nous trouvons une occurrence qui correspond à notre ligne directrice, nous proposons un amendement. Sinon, vous auriez beau jeu de nous dire : « Et dans ce cas, ça ne vous pose pas de problème que le tribunal de police soit compétent ? Pourquoi ne pas avoir déposé d'amendement ? » Excusez-nous d'être cohérents !
La Commission rejette successivement les amendements.
Elle adopte les amendements rédactionnels CL330 et CL331 du rapporteur.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CL61 de M. Stéphane Peu.
La Commission examine l'amendement CL132 de M. Ugo Bernalicis.
Nous proposons de maintenir la responsabilité de la transmission de l'information au juge, et non aux éducateurs de la PJJ ou au secteur associatif, comme le prévoit le code.
Cela ne signifie pas que les éducateurs et le secteur associatif n'ont pas leur rôle à jouer dans l'explication des mesures et des décisions ; mais nous considérons que le juge doit conserver cette obligation d'information pour assurer le suivi et l'accompagnement de l'enfant sur l'ensemble des problématiques, civiles, pénales et administratives. Un interlocuteur unique doit prendre en charge l'intégralité de l'information.
La nature et la fonction des personnes avec lesquelles le mineur concerné est en contact ne sont pas précisées dans le code. Ces personnes ne sont pas nécessairement soumises au secret professionnel.
Certaines informations concernant le mineur ne sont pas communicables à toutes les personnes avec lesquelles le mineur peut potentiellement entrer en relation, car elles pourraient nuire à la prise en charge de l'enfant. Seul le juge est à même d'assumer la responsabilité de leur transmission.
L'article L. 241-2 du code de la justice pénale des mineurs permet à la PJJ d'assurer un suivi quotidien et de favoriser les échanges avec les établissements scolaires. Le supprimer ne me paraît pas pertinent. Avis défavorable.
Comment peut-on concevoir qu'une personne qui accueille un mineur ne soit pas informée a minima de ses difficultés ? Cette rigueur administrative glaciale que vous imposez dépasse mon entendement, alors que les échanges humains sont tellement importants et que la famille d'accueil doit être pleinement informée des problèmes du gamin qu'elle recueille. Je ne comprends vraiment pas cet amendement.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CL301 de Mme Yaël Braun-Pivet.
La Commission rejette l'amendement.
La Commission est saisie de l'amendement CL100 de M. Michel Zumkeller.
Il s'agit simplement de substituer aux mots « adulte approprié » ceux de « tiers de confiance ».
Avis défavorable : le terme de tiers de confiance est employé par le code civil dans d'autres circonstances. Il est préférable de garder la notion d'adulte approprié.
Les mots « adulte approprié » sont issus de la transposition d'une directive européenne de mai 2016, et ont déjà été incorporés à l'ordonnance de 1945. Avis défavorable.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel CL333 du rapporteur.
Elle est saisie de l'amendement CL21 de M. Éric Ciotti.
Cet amendement relève d'un cran le montant de la condamnation que risquent les responsables légaux d'un mineur qui ne se présenteraient pas à la convocation à comparaître devant un magistrat. Celle-ci passerait de 3 750 euros à 7 500 euros et serait accompagnée d'un stage de responsabilité parentale.
La meilleure intégration des responsables légaux dans l'accompagnement d'un mineur délinquant doit être un point pivot de cette réforme de la justice des mineurs.
Le vote de cet amendement risquerait de placer les responsables légaux dans une situation financière inextricable, ce qui n'est pas le but de cet article. Avis défavorable.
C'est une vieille lune de la droite classique : quand des gamins ne vont pas bien, vous voulez supprimer les prestations sociales des familles. Il est statistiquement établi que les enfants qui tombent dans la délinquance ne sont pas issus des plus beaux quartiers et des familles les plus cultivées. Le nombre de délinquants issus de familles monoparentales ou en grande difficulté est énorme. Vous voudriez non seulement pénaliser le gamin, ce qui est normal s'il a commis des infractions, mais aussi pénaliser ses parents ? C'est un non-sens. Le montant de la sanction peut d'ores et déjà atteindre 3 750 euros.
Cela représente plus de trois fois le SMIC. Je ne comprends pas comment, humainement, on peut défendre cette idée. Vous voulez appauvrir une famille qui est déjà dans la difficulté et qui n'est parfois responsable de rien. Dans certains cas, les parents sont responsables de carences éducatives, mais ce n'est pas toujours le cas.
Je suis totalement opposé à une idée de cette nature. Et pour ne rien vous cacher, je ne la trouve pas très humaine. À part l'effet d'annonce et l'exploitation politicienne de cet amendement, je ne vois pas son intérêt, si ce n'est appauvrir des gens en difficulté qui déplorent parfois la délinquance de leurs enfants.
Je précise que M. Schellenberger s'est fait le porte-voix des auteurs de cet amendement, dont il n'est pas cosignataire.
(Sourires.)
Mais je ne comprends pas pourquoi, lorsque nous proposons des amendements pour plafonner les sanctions à un SMIC – référence qu'il vient d'utiliser – parce que le plafond de 7 500 euros est excessif, vous les repoussez.
Je cherche les convergences que nous pourrions trouver avec le ministre sur d'autres sujets, et pas simplement lorsqu'il s'agit de s'opposer aux amendements de la droite.
La Commission rejette l'amendement.
Elle est saisie de l'amendement CL7 de M. Éric Ciotti.
Il s'agit en quelque sorte d'une réponse à la charge que vient de mener le Garde des sceaux. Face à un mineur délinquant, le problème éducatif n'est pas seulement l'affaire de la justice, c'est aussi un problème d'accompagnement global, et notamment d'accompagnement à la parentalité et par la famille.
Cet amendement de notre collègue Éric Ciotti vise à mettre en place un contrat qui lie la justice, le mineur délinquant et les parents, au service de l'accompagnement global. Face à une défaillance éducative, nous devons nous doter des outils juridiques pour que la famille et les parents prennent leur part dans le cursus de réintégration du jeune.
Il ne s'agit pas d'un dispositif totalement inédit, nous pouvons en trouver le parallèle en matière d'insertion professionnelle : le RSA implique un contrat d'engagement réciproque entre la collectivité et le bénéficiaire, défini librement entre les cocontractants, qui permet à chacun de mesurer le niveau auquel il est prêt à s'engager. Mais c'est un contrat, et chacun des cocontractants y est ensuite tenu. Nous appliquons ce mécanisme à la réinsertion après un fait de délinquance, ce qui semble particulièrement équilibré.
On monte encore d'un cran dans ce dispositif avec les 30 000 euros d'amende. Outre le fait que ce type de contrat ne soit pas pertinent sur le fond, il ne l'est pas non plus sur le plan juridique, puisque pénalement nul n'est responsable que de son propre fait. Je ne vois pas comment, dans le cadre de ce contrat, on pourrait incriminer des parents pour des actes commis par des mineurs et les sanctionner de 30 000 euros d'amende. Cela me semble très déraisonnable. Avis très défavorable.
Les parents ne peuvent pas être tenus responsables sur le plan pénal du comportement de leur enfant : c'est un grand principe. On ne peut donc pas leur infliger une amende. Mais ça, pour les gens qui nous écoutent, c'est peut-être du verbiage de juriste. Regardons les choses dans leur réalité et leur quotidienneté, dans leur simplicité. Prenez une maman qui vit seule et qui a cinq gamins. Deux sont au boulot, à l'école ou à la fac. Parmi les trois autres, il y en a deux qui, pour reprendre un verbe déjà utilisé, « déconnent » et commettent des actes de délinquance. Cette femme est seule et totalement débordée. Vous voulez la pénaliser en plus ? Dites-moi oui ou non ! Certes, le dialogue auquel je vous invite n'est pas impératif et, d'ailleurs, l'impératif m'est interdit lorsque je m'adresse à vous… Mais avez-vous le cœur de faire un truc pareil ? Oui ou non ?
On n'invite pas directement au dialogue de cette façon. Je vais donc vous redonner la parole, monsieur Schellenberger.
Le Garde des sceaux, à exposer sa dialectique et ses éléments de langage, en a surtout oublié de lire l'amendement… Vous vous êtes arrêtés, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, sur le montant de l'amende : or c'est le dispositif qui est intéressant, la façon dont on va reconstruire le lien nécessaire entre le mineur et la fonction éducative de ses parents. Vous êtes focalisés sur la question de l'amende, mais ce qui est important, c'est la définition d'un espace de contractualisation entre la justice et les parents. Parler d'un contrat ne signifie pas que des obligations sont prédéfinies selon un canevas – on le voit avec le RSA, par exemple. Le modèle est le même : chacun discute de ce qu'il est prêt à faire et, une fois d'accord, les parties signent le contrat et s'y tiennent. Avant l'amende, le principe, c'est la discussion et la coconstruction du contrat.
Cette proposition de contractualisation de l'éducation me paraît un peu déconnectée de la réalité. Les responsables légaux sont déjà associés à tous les stades de la procédure, ce qui est très important. Quand on met en place une mesure éducative, l'éducateur ne va pas seulement voir l'enfant sans parler aux parents. Bien sûr qu'un travail est fait avec eux ! Je me rappelle avoir entendu une mère dire un jour qu'il fallait mettre son fils en prison parce qu'elle n'y arrivait pas. La pauvre va signer votre contrat. Mais ce n'est pas cette contractualisation qui va l'aider, ce sont les moyens mis à disposition pour accompagner le mineur, favoriser sa réinsertion et faire en sorte qu'il ne récidive pas. Qui plus est, les parents ont une responsabilité civile. Si leur gamin commet une infraction, ils peuvent être tenus d'indemniser – souvent par le biais de leur assurance. Il existe déjà beaucoup de moyens juridiques pour impliquer les parents dans l'éducation de leurs enfants : ce n'est pas un contrat mais une obligation légale inscrite dans le code civil.
Si j'étais taquin, je dirais, monsieur le rapporteur, que vous devriez faire confiance au juge, qui saura individualiser le montant de l'amende, puisque c'est l'argument que vous m'avez sorti sur les 7 500 euros. Je suis encore une fois d'accord avec vous, monsieur le ministre : il faut fixer des limites et ne pas chercher à accabler quelqu'un qui est déjà dans la nasse.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL334, CL335 et CL336 du rapporteur.
La Commission examine l'amendement CL50 de M. Antoine Savignat.
Cet amendement devrait être accueilli favorablement, puisqu'il s'agit simplement de favoriser la transversalité, afin de garantir un bon fonctionnement de l'institution, en permettant le versement des seules pièces relatives à la personnalité du mineur par le juge des enfants, y compris en dehors du ressort de sa propre juridiction. L'idée, on le sait, est celle d'un juge unique, qui suive le mineur autant que faire se peut, au cours de son parcours. Mais s'il s'avérait que le mineur avait commis des faits dans un autre ressort, il faudrait que les pièces relatives à sa personnalité puissent lui être transmises. C'est prévu dans le cas de l'assistance éducative ; il serait bon que cela le soit également en matière pénale, dans l'intérêt du mineur et de son meilleur suivi.
Votre amendement est satisfait. La numérisation du dossier unique de personnalité (DUP) rend déjà le transfert possible. Retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Même position : c'est inscrit à l'article L. 322-9 du code de justice pénale des mineurs. Quand un juge se dessaisit, il se dessaisit de toutes les pièces au profit d'un autre juge. Tous les éléments sont ainsi collectés afin d'établir au mieux un dossier de personnalité. L'intention est louable, mais votre amendement est déjà satisfait.
Nous allons vérifier cela pour la séance. En attendant, je le retire. Si je sais que cela se fait dans le cadre de l'assistance éducative ou au sein de la même juridiction, j'ai un doute quand on n'est pas dans le même ressort.
L'amendement est retiré.
La Commission examine l'amendement CL257 de M. Jean-Michel Clément.
Cet amendement concerne également le dossier unique de personnalité, en vue de favoriser, cette fois, sa transmission à l'avocat. La numérisation est parfois une bonne chose, mais elle doit aussi aider la défense à prendre connaissance du dossier du mineur. C'est pourquoi je souhaite que le DUP soit transmis systématiquement et immédiatement à l'avocat du jeune pour qu'il soit informé avant l'audience. On constate dans les faits que, parfois, l'avocat découvre la situation le jour de l'audience.
Votre amendement est satisfait, puisque, dans le cadre de la procédure pénale numérisée, toutes les informations relatives au DUP sont transmises à l'avocat. Demande de retrait.
Votre amendement est doublement satisfait : d'une part, parce que l'avocat a accès au dossier et, d'autre part, parce que la numérisation doit permettre un accès encore plus simple et encore plus immédiat. Mais dès à présent, l'avocat peut accéder au dossier du mineur.
Si vous m'assurez que la transmission est automatique, je vous entends. Mais je voudrais en être certain.
La Commission rejette l'amendement.
Elle passe à l'examen de l'amendement CL377 du Gouvernement.
Cet amendement vise à conserver la possibilité de placer à l'aide sociale à l'enfance des mineurs déclarés coupables, durant la période de mise à l'épreuve éducative, mais uniquement jusqu'à leur majorité. Cette disposition est conforme au droit actuel.
Suivant l'avis du rapporteur, la Commission adopte l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, la Commission rejette l'amendement CL70 de Mme Marie-George Buffet.
Elle examine l'amendement CL135 de Mme Danièle Obono.
Cet amendement de suppression des troisième et dernier alinéas de l'article L. 323-2 du code de la justice pénale des mineurs vise à maintenir la présence du mineur lors du prononcé ou lors de toute modification d'une mesure éducative judiciaire provisoire. Pour nous, rien ne peut justifier que cette mesure puisse être ordonnée en l'absence du mineur ou de ses représentants légaux.
Avis défavorable. L'article L.323-2 du code de la justice pénale des mineurs dispose que les modalités et le contenu de la mesure éducative judiciaire provisoire sont prononcés après avoir entendu le mineur assisté d'un avocat et de ses représentants légaux. En l'absence du mineur, le magistrat peut également la prononcer. Il est indispensable de maintenir une telle possibilité ; faute de quoi, l'absence du mineur permettrait de faire obstacle au prononcé de la mesure et, partant, à son application.
Qu'on entende le mineur et son représentant légal ou son avocat avant l'audience, c'est le minimum syndical… Pourriez-vous préciser, monsieur le rapporteur, pourquoi il y a besoin de prononcer la mesure éducative judiciaire provisoire en l'absence du mineur ? Quel est l'objectif ? Si ce sont des mesures éducatives – j'insiste là-dessus –, la moindre des choses c'est qu'elles soient présentées et expliquées au mineur. Il y a un truc que je ne comprends pas du tout dans la logique consistant à se passer de la présence de l'intéressé.
Votre amendement est un peu dangereux, sinon particulier, dans la mesure où un mineur qui ne se présenterait pas à l'audience ne pourrait pas se voir appliquer une mesure éducative… À ce tarif-là, aucun mineur ne se présenterait à son audience et on ne pourrait jamais prononcer de sanction.
Si le mineur ne veut pas venir, c'est quand même mieux d'aller le chercher, non ? Et cela ne peut se faire que dans le cadre d'une mesure éducative. Je ne comprends pas bien, monsieur Bernalicis…
La Commission rejette l'amendement.
Elle adopte l'amendement rédactionnel CL337 du rapporteur.
Elle examine l'amendement CL258 de M. Jean-Michel Clément.
Cet amendement vise à supprimer l'obligation pour le mineur de résider hors du domicile ou de la résidence du couple dans le cadre d'une infraction commise par ce couple. Dans les faits, on constate que, même si les parents ont été défaillants vis-à-vis de la loi, ils n'en sont pas pour autant de mauvais parents. On a l'impression que c'est une sanction accessoire, dont est victime l'enfant, parce que ses parents ont été en infraction. Cela doit relever d'une appréciation et non être automatique.
Je n'ai pas bien compris. L'objectif de votre amendement est de supprimer, parmi les obligations du contrôle judiciaire, celle de résider hors du domicile d'un couple, n'est-ce pas ?
L'article dispose qu'en cas de violences à l'égard du conjoint, du concubin ou des enfants, le mineur a l'obligation de résider hors du domicile ou de la résidence du couple. Il est précisé que « cette mesure est prise lorsque sont en cause des faits de violences susceptibles d'être renouvelés et que la victime la sollicite ». Cette obligation répond parfaitement à la problématique des violences conjugales et l'éloignement du domicile est une mesure adaptée, bien que l'auteur des violences soit mineur. Certes, se pose la question du domicile dans lequel il va résider, mais il semble inconcevable qu'un auteur de violences conjugales puisse rester dans le domicile conjugal, alors que les violences sont susceptibles d'être renouvelées.
En l'occurrence, c'est bien le mineur en couple qui exerce les violences conjugales.
L'amendement est retiré.
La Commission est saisie de l'amendement CL19 de M. Éric Ciotti.
Cet amendement vise à porter la durée maximale du placement éducatif ou dans un centre éducatif fermé à deux fois un an, plutôt qu'à deux fois six mois, en cohérence avec la liberté d'appréciation du juge et la mise en œuvre concrète des décisions. On voit difficilement comment appliquer certaines décisions, avec une telle durée. Pour des jeunes âgés de seize ans notamment, deux fois un an semble plus cohérent.
Les mineurs ont déjà beaucoup de mal à respecter leur contrôle judiciaire au sein d'un CEF ; ainsi, en 2016, la durée moyenne des séjours en CEF s'est élevée à 3,9 mois. Une durée de deux ans me paraît excessive. Avis défavorable.
L'exemple donné par M. le rapporteur est parfaitement juste : faire tenir un gamin deux ans dans un CEF ne me paraît pas du tout réaliste. Avis défavorable, au nom du pragmatisme, du bon sens et de la réalité, dont nous connaissons déjà parfois les tenants et les aboutissants : les chiffres dont nous disposons en la matière sont éloquents.
Cet amendement ne changerait absolument rien aux condamnations qui sont prononcées par les juridictions, ni rien non plus peut-être à la durée moyenne du séjour en CEF ou du placement éducatif, mais il permettrait de gérer plus facilement une peine longue, en évitant sa réévaluation tous les six mois. Qui plus est, ce maximum d'un an nous semble insuffisant.
Je partage les propos du ministre. Dans CEF, il y a une lettre qui ne va pas : le F. Par définition, un centre éducatif fermé doit permettre rapidement à des enfants de sortir de l'impasse dans laquelle ils se sont retrouvés. Six mois, c'est déjà une longue période, qui est parfois nécessaire pour terminer une année scolaire ou un apprentissage. Mais un an, cela n'a pas de sens, d'autant que cette année serait souvent à cheval sur des périodes éducatives ou de formation. Six mois, c'est largement suffisant, d'autant que les magistrats acceptent d'allonger cette durée, pour achever une formation par exemple. Avec un an, on est plus proche d'un établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) que d'un CEF.
Je rejoins la position de M. Clément : on aurait intérêt à transformer les « centres éducatifs fermés » en « centres éducatifs sous contrôle judiciaire ». Pour en avoir installé un dans ma commune, j'ai pu me rendre compte que le « fermé » était d'une ambiguïté totale et parfaitement incompris, même s'il se comprend d'un point de vue juridique. Mais pour la population, c'est quelque chose de difficilement appréhendable.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL340 et CL341 du rapporteur.
Mes chers collègues, monsieur le Garde des sceaux, nous nous retrouvons à quinze heures pour une durée indéterminée, puisque l'examen de la proposition de loi visant à réformer l'adoption est attendu en séance. Si nos travaux ne sont pas terminés, nous les reprendrons alors demain, à quinze heures, étant précisé qu'il reste cent quatre-vingt-quatorze amendements sur les trois cent soixante qui ont été déposés.
La réunion se termine à 13 heures.
Membres présents ou excusés
En raison de la crise sanitaire, les relevés de présence sont suspendus.