Intervention de Sacha Houlié

Réunion du lundi 14 décembre 2020 à 16h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSacha Houlié, président-rapporteur :

Nous avons notamment auditionné des membres du Conseil d'État. Son vice-président, M. Bruno Lasserre, a souligné que nous avions besoin d'un texte spécifique en matière d'état d'urgence sanitaire. Dans le cadre de l'état d'urgence sécuritaire, on cherche à protéger la population d'une menace constituée par un tout petit nombre de personnes qui veulent commettre des actes terroristes. S'agissant de la menace sanitaire, en revanche, on cherche à protéger chacun de tout le monde, ce qui constitue la principale difficulté.

Autre question intéressante abordée lors de cette audition, l'état d'urgence constitue-t-il une parenthèse antidémocratique dans notre droit ? C'est, en effet, une critique fréquente. Comme pour toute mesure de police administrative, les atteintes aux libertés sont significatives – elles sont même d'une gravité particulière – au nom d'un objectif d'intérêt général, qui est la protection de la santé publique.

Beaucoup de recours contre les mesures de l'état d'urgence sanitaire ont été exercés par la voie du référé-liberté ou par celle du référé-suspension. Mi-octobre, près de 552 requêtes avaient été introduites devant le Conseil d'État, dont 320 en référé. Elles ont donné lieu à des décisions portant en particulier sur l'organisation des cultes ou sur celle des rassemblements, dont les conditions ont été revues à la faveur du contrôle exercé par le juge administratif. Ce contrôle est restreint en ce qui concerne le déclenchement de l'urgence sanitaire – le fait qu'on le décrète –, mais il est entier – c'est un contrôle de proportionnalité –, en application de l'article L. 3131-18 du code de la santé publique, qui s'applique pour les restrictions de nos libertés.

Nous avons réfléchi à une condition que le Conseil d'État a lui-même mise en œuvre. Normalement, quand on exerce un référé-liberté ou un référé-suspension, il faut que la condition relative à l'urgence soit remplie. Nous proposons de neutraliser cette condition. À partir du moment où le cadre de l'état d'urgence sanitaire est applicable, l'urgence doit être présumée pour contester ses mesures. On pourrait le prévoir lors de l'examen du futur projet de loi.

Le régime prévu par l'article L. 3131-1 du code de la santé publique doit également être précisé, comme Philippe Gosselin l'a indiqué. Il serait utile d'établir une distinction entre, d'une part, ce qui relève d'une catastrophe sanitaire et peut donc conduire à déclarer l'état d'urgence sanitaire et, d'autre part, ce qui relève d'une menace sanitaire grave sans être du niveau de la catastrophe sanitaire et qui doit donc faire l'objet de mesures moins restrictives, ne nécessitant pas d'utiliser le régime de l'état d'urgence sanitaire.

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