Intervention de Sacha Houlié

Réunion du lundi 14 décembre 2020 à 16h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSacha Houlié, président-rapporteur :

Je vous remercie d'avoir salué le travail accompli, dans des délais effectivement contraints. Nous l'avons voulu ainsi pour permettre au Gouvernement de prendre connaissance de nos conclusions avant même qu'il propose son texte. De son côté, le ministre Olivier Véran, lors de son audition, nous a dévoilé les grands principes et la philosophie du projet de loi pérennisant l'état d'urgence sanitaire.

Je vous rejoins, madame la présidente, madame Karamanli, sur la question de la recevabilité des amendements dans le cadre des ordonnances. Celle-ci relève, en effet, d'un cadre constitutionnel, mais une réflexion sur ce sujet a été engagée par le président Richard Ferrand. De notre côté, avec Philippe Gosselin, nous nous étions interrogés sur l'opportunité de soulever ce sujet dans le rapport, dans la mesure où nous avions admis que nous travaillerions à droit constitutionnel constant. Néanmoins, nous avons considéré que cela apporterait un supplément d'âme à notre rapport en même temps qu'un rappel de la limite, assez handicapante, à laquelle se sont heurtés nos travaux. Intrinsèque à la Ve République, cette limite entrave notre liberté, et le faire savoir est aussi une manière de se rebeller, en quelque sorte.

S'agissant des ordonnances, je n'irai pas aussi loin que vous le proposez, madame Karamanli. Il a fallu faire évoluer très rapidement la construction de certains dispositifs, comme ceux relatifs au chômage partiel ou à l'organisation du télétravail. On a appris au fil de l'eau. Le dispositif des ordonnances, aussi insatisfaisant soit-il pour le Parlement qui se décharge de sa compétence, s'est avéré approprié précisément dans cette situation d'urgence.

Nous nous sommes interrogés très rapidement sur le Conseil scientifique, nous souvenant que les propos tenus par Jean-François Delfraissy sur les antennes radio au début de l'automne avaient participé à une forme de panique ou de flottement dans la stratégie déployée à la rentrée : allait-on trop vite ou pas assez ; les mesures de durcissement progressif prises face à la flambée des contaminations étaient-elles les bonnes ? Nous avons tourné autour du pot, entre devoir d'information et devoir de réserve des médecins, pour finir par les rappeler à leur déontologie, sans pour autant que cela les décourage de participer aux travaux. Les mesures alternatives que nous avons présentées, telles que la participation de parlementaires au Conseil scientifique ou la saisine par les commissions parlementaires sont, en tout état de cause, une invitation à la transmission de l'information.

Une autre mesure, qui peut paraître déclaratoire, est, à notre avis, profondément révolutionnaire dans la façon d'appréhender les futurs états d'urgence : c'est l'organisation d'un débat, sur le fondement de l'article 50-1 de la Constitution, à chaque rupture constatée dans la connaissance scientifique. Des débats, nous en avons certes eus – sur le déconfinement, sur le reconfinement ou encore sur l'application StopCovid –, mais nous aurions pu en avoir un sur le port du masque, au moment où le monde entier a changé d'avis après que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) l'avait considéré comme inutile. Des politiques ont payé cher pour avoir relayé ce message, fondé à l'époque sur la doctrine scientifique. Débattre au Parlement de ce changement de stratégie aurait constitué un gage de l'amende faite par les politiques sur ce sujet, pour convaincre nos concitoyens de sa pertinence et de nos facultés d'évoluer. De surcroît, cela aurait peut-être permis d'éteindre quelques contestations ou thèses conspirationnistes.

Enfin, j'entends les remarques de madame Florennes quant au calendrier de l'inscription du projet de loi à l'ordre du jour mais le Parlement n'est pas maître de son agenda – encore une caractéristique de la Ve République. Son inscription intervient cependant de notre fait, puisque le Parlement est à l'origine de l'échéance de l'état d'urgence sanitaire au 1er avril 2021 et, finalement, des clauses de rendez-vous que nous préconisons à un rythme trimestriel dans le rapport. C'est peu ou prou ce qui s'est passé, et c'est une manière de rappeler que le Parlement a son mot à dire tout au long de l'évolution du dispositif. Nous avons estimé que le faire figurer dans la loi ordinaire est, à défaut de la meilleure des solutions, la moins mauvaise.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.