Intervention de Jean-Pierre Pont

Réunion du jeudi 14 janvier 2021 à 15h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Pont, rapporteur :

L'audition du ministre des solidarités et de la santé nous a éclairés sur le contexte sanitaire qui nous préoccupe. Lors de l'examen des cinq précédents textes relatifs à la menace épidémique de covid-19, nous avons déjà pu aborder en détail les sujets dont nous sommes appelés à débattre, à nouveau, aujourd'hui. Vous me permettrez donc d'entrer directement dans le vif du sujet, sans oublier que la situation sanitaire reste fragile et incertaine, selon les mots du Conseil scientifique. Ce dernier a rendu un avis favorable à la prorogation de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 1er juin et à celle de son cadre juridique jusqu'au 31 décembre.

Vous le savez, ce second état d'urgence sanitaire est en vigueur depuis le 17 octobre dernier. Depuis cette date, nous avons examiné un projet de loi de prorogation, devenu la loi du 14 novembre 2020, mais surtout subi une deuxième vague éprouvante pour les Français et pour le personnel soignant. Il y a eu une première phase de couvre-feu, un second confinement et, depuis le 15 décembre dernier, une nouvelle phase de couvre-feu. Le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État sont très clairs : seul le régime de l'état d'urgence sanitaire permet de fonder en droit ces mesures particulièrement contraignantes.

Alors que l'état d'urgence sanitaire arrive à échéance le 16 février prochain, il apparaît d'ores et déjà indispensable de le proroger une nouvelle fois, compte tenu de la persistance de l'épidémie non seulement sur notre territoire, mais aussi partout en Europe et dans le monde.

La loi du 23 mars 2020 a fixé au 1er avril 2021 l'échéance du cadre juridique sur le fondement duquel l'état d'urgence sanitaire peut être mis en œuvre. Si un projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires a bien été déposé le 21 décembre dernier, la gravité de la situation sanitaire, le manque de recul sur l'épidémie et la nécessité de construire un régime juridique pouvant également servir lors des crises futures, quelles que soient leur forme et leur gravité, ne permettaient pas, à court terme, qu'il soit examiné de façon apaisée. Pour faire face à la persistance de la crise sanitaire, un nouveau projet de loi a donc été déposé hier : il est aujourd'hui soumis à notre examen.

Faute de régime pérenne, l'article 1er proroge le cadre de celui que nous connaissons actuellement et qui a fait ses preuves depuis le mois de mars dernier. L'échéance du régime d'état d'urgence sanitaire est ainsi repoussée du 1er avril au 31 décembre 2021. Le présent article n'a cependant pas pour effet de proroger automatiquement l'état d'urgence sanitaire actuellement en vigueur. Son application dans le temps reste soumise au régime de l'article L. 3131-13 du code de la santé publique qui soumet, après sa déclaration initiale par décret en conseil des ministres pour une durée de quatre semaines, sa prorogation au vote du Parlement. Dans la mesure où cet article ne fixe qu'un cadre et que la durée de l'état d'urgence sanitaire continuera de relever de la décision du Parlement, la prorogation qui nous est proposée à l'article 1er me paraît adaptée pour fournir un cadre juridique stable à la lutte contre l'épidémie de covid-19, mais aussi pour nous laisser le temps de déterminer le régime pérenne qui lui succédera.

En application de l'article L. 3131-13 du code de la santé publique, l'article 2 du projet de loi soumet au vote du Parlement la prorogation de l'état d'urgence sanitaire actuellement en vigueur. Cette prorogation serait de trois mois et demi et courrait donc jusqu'au 1er juin 2021. Cette durée est également adaptée et proportionnée à l'état de la situation sanitaire. Elle permet notamment de décréter un couvre-feu pour limiter les déplacements des personnes. Je vous renvoie pour cela aux avis du Conseil d'État et du Conseil scientifique.

Si je soutiens pleinement la prorogation prévue à l'article 2, je maintiens les réserves que j'ai exprimées hier soir, avec d'autres collègues de mon groupe, vis-à-vis de l'article 3. Cet article rend applicable, jusqu'au 30 septembre 2021, le régime transitoire de sortie de l'état d'urgence sanitaire, qui pourrait s'appliquer à compter du 1er juin prochain ou avant dans les territoires où l'état d'urgence sanitaire serait levé par anticipation.

Au préalable, je tiens à rappeler que le régime transitoire a été particulièrement utile, l'été dernier, après le 10 juillet. Il a permis une sortie progressive et ordonnée du premier état d'urgence sanitaire, dans un contexte sanitaire incertain. Il a également permis au Parlement de poursuivre son contrôle renforcé de l'action du Gouvernement. J'estime néanmoins que le futur régime de sortie de ce second état d'urgence sanitaire devra être déterminé, comme en juillet dernier et le moment venu, par le Parlement en fonction de l'évolution de la situation sanitaire et des adaptations qu'elle exigera. Je vous proposerai donc de voter un amendement de suppression de l'article 3, afin que le Gouvernement sollicite le Parlement avant le 1er juin – et non avant le 30 septembre, comme le permettrait cet article – pour déterminer la réponse juridique qu'il conviendra de donner à la situation sanitaire après cette date.

L'article 4 permet de mettre en œuvre la stratégie « tester, tracer, isoler » et de poursuivre la recherche sur le virus. Sans cette capacité de suivre les personnes contaminées et leurs cas contacts, nous ne pouvons rompre les chaînes de transmission et lutter efficacement contre l'épidémie. C'est la raison pour laquelle il est proposé de proroger les systèmes d'information SI-DEP et Contact-Covid jusqu'au 31 décembre 2021. La durée de conservation des données collectées n'est pas modifiée ; elle demeure limitée à trois mois pour les données identifiantes.

Enfin, l'article 5 concerne l'application de ces dispositions aux collectivités d'outre-mer, où l'état d'urgence sanitaire s'applique dans le respect de leurs spécificités. Par coordination avec la suppression de l'article 3, je vous proposerai un amendement sur cet article ainsi que sur le titre du projet de loi.

Ce texte permet une nouvelle fois une réponse adaptée et rapide des pouvoirs publics en fonction de l'évolution de la situation, difficilement prévisible malheureusement. Le Gouvernement, le Conseil scientifique, le Conseil d'État, le Conseil constitutionnel et, évidemment, le Parlement jouent chacun pleinement leur rôle, de manière complémentaire et efficace.

Je me réjouis que la discussion de cet après-midi permette d'acter que nous aurons à discuter, dès le printemps, des suites juridiques à donner à l'évolution de la situation sanitaire. En votant ce projet de loi et en contrôlant l'action du Gouvernement, le Parlement s'affirme pleinement comme un acteur incontournable de l'état d'urgence sanitaire. Je continuerai d'y veiller en tant que rapporteur, sans relâcher ma vigilance en tant que médecin.

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