La présente proposition de loi vise à répondre à un problème qui affecte le quotidien des populations de la Guadeloupe depuis des années : les défaillances du service public de l'eau potable et de l'assainissement. Ce territoire est en effet confronté à des coupures d'eau fréquentes dues à des ruptures de canalisations, à des problèmes de réseau ou à des « tours d'eau ». Les conséquences de cette situation dépassent le simple désagrément quotidien : les diverses associations d'usagers que j'ai auditionnées se sont faites les porte-parole de la lassitude, voire de la colère des populations face à cette situation, qui affecte également le secteur agricole, le tourisme et l'économie dans son ensemble. À cela, il faut ajouter les conséquences environnementales de l'état déplorable du réseau et des infrastructures, les pertes en eau épuisant le milieu aquatique et les stations d'assainissement émettant des rejets polluants. La situation est aux yeux de tous d'autant plus difficile qu'elle ne résulte pas de causes naturelles, hydrographiques ou physiques propres à la Guadeloupe : la ressource en eau y est abondante.
Le réseau de distribution d'eau est vétuste. Il nécessite un renouvellement. En effet, l'eau effectivement distribuée ne représente en moyenne qu'à peine plus d'un tiers de l'eau pompée ; le rendement du réseau n'est que de 40 à 50 %.
Cette situation alimente un cercle vicieux : les carences du service suscitent l'exaspération des populations et encouragent les impayés ; ces derniers aggravent les difficultés financières des opérateurs et les rendent incapables d'effectuer les investissements et les travaux indispensables à l'entretien et au renouvellement du réseau. D'autres facteurs, comme des compteurs défaillants ou des erreurs de facturation, contribuent à la pénurie et à l'impasse financière dans laquelle se trouvent certaines autorités gestionnaires du service.
Dans ce contexte, le caractère éclaté de la gestion des services d'eau et d'assainissement fait obstacle à la gouvernance d'ensemble dont la Guadeloupe a besoin. Depuis 2016, cinq structures intercommunales exercent les compétences en cause – soit en régie, soit par délégation à un prestataire privé. Les difficultés sont accrues par le fait que le périmètre administratif de ces structures et le périmètre technique des infrastructures ne coïncident pas.
L'ensemble des acteurs locaux que j'ai auditionnés, institutionnels ou privés, s'accordent sur l'urgence d'une solution de sortie de crise. Face à la fragmentation administrative et aux besoins colossaux d'investissements, une gouvernance unifiée et élargie s'avère nécessaire.
À cette fin, la proposition de loi déposée conjointement par le sénateur Dominique Théophile au Sénat et par moi-même à l'Assemblée nationale crée un syndicat mixte unique. Il regroupera les cinq établissements de coopération intercommunale (EPCI) de Guadeloupe continentale ainsi que les collectivités majeures, région et département – Marie-Galante restera autonome du point de vue de l'eau. Le syndicat mixte sera compétent pour les missions relevant du service de l'eau potable et de l'assainissement des eaux usées définies par le code général des collectivités territoriales. Il sera administré par un comité syndical dans lequel les collectivités et établissements membres seront, avec quatre sièges chacun, représentés à égalité. Le principe « l'eau paie l'eau » constituera le fondement de son financement, comme en droit commun, mais les dépenses supplémentaires seront financées à 50 % par la région et le département et à 50 % par les autres membres. Enfin, dans un souci de contrôle et de transparence envers les usagers, une instance de suivi sera adossée au syndicat mixte sur le modèle des commissions consultatives des services publics locaux.
Je salue la vigueur des collectivités majeures, région et département, et de l'ensemble des présidents d'EPCI, qui, depuis trois ans, tentent de s'accorder sur une gouvernance unique et, surtout, sur la résolution des problèmes hérités des anciennes pratiques.
Des obstacles majeurs restent à surmonter : mobiliser des financements en vue d'apurer des comptes encore déséquilibrés ; délimiter les périmètres de compétence ; trouver une solution aux questions liées aux charges de fonctionnement. Néanmoins, il est apparu à ce stade nécessaire, voire indispensable, de disposer d'un cadre légal partagé pour à la fois faire converger les initiatives et tenir les délais – car le temps presse.
À ce jour, les besoins de financements pour réparer et moderniser la totalité du réseau d'eau potable et d'assainissement s'élèvent à plus de 900 millions d'euros, étalés sur une dizaine d'années. Il s'agit là de concours financiers colossaux pour lesquels l'intervention de l'État et les fonds européens sont essentiels.
La proposition de loi ne remet pas en cause les compétences légitimes des EPCI. Il s'agit, non de substituer à eux, mais de leur fournir un support. L'objectif consiste, dans un premier temps, à mettre en cohérence toutes les initiatives des acteurs et à établir le cadre d'un dialogue constructif avec l'État et les autres partenaires publics. La proposition de loi constitue une feuille de route partagée, évolutive et proactive, dans le plus pur esprit républicain, avec la responsabilité comme ligne directrice.
Avant de conclure, je souhaite remercier l'ensemble des acteurs institutionnels, publics et privés, de s'être rendus disponibles pour les auditions, ainsi que les parlementaires, députés et sénateurs, pour leur présence et leurs contributions.