La réunion débute à 10 heures 05.
Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente.
La Commission examine la proposition de loi rénovant la gouvernance du service public d'eau potable et d'assainissement en Guadeloupe (n° 3669) (Mme Justine Benin, rapporteure).
La présente proposition de loi vise à répondre à un problème qui affecte le quotidien des populations de la Guadeloupe depuis des années : les défaillances du service public de l'eau potable et de l'assainissement. Ce territoire est en effet confronté à des coupures d'eau fréquentes dues à des ruptures de canalisations, à des problèmes de réseau ou à des « tours d'eau ». Les conséquences de cette situation dépassent le simple désagrément quotidien : les diverses associations d'usagers que j'ai auditionnées se sont faites les porte-parole de la lassitude, voire de la colère des populations face à cette situation, qui affecte également le secteur agricole, le tourisme et l'économie dans son ensemble. À cela, il faut ajouter les conséquences environnementales de l'état déplorable du réseau et des infrastructures, les pertes en eau épuisant le milieu aquatique et les stations d'assainissement émettant des rejets polluants. La situation est aux yeux de tous d'autant plus difficile qu'elle ne résulte pas de causes naturelles, hydrographiques ou physiques propres à la Guadeloupe : la ressource en eau y est abondante.
Le réseau de distribution d'eau est vétuste. Il nécessite un renouvellement. En effet, l'eau effectivement distribuée ne représente en moyenne qu'à peine plus d'un tiers de l'eau pompée ; le rendement du réseau n'est que de 40 à 50 %.
Cette situation alimente un cercle vicieux : les carences du service suscitent l'exaspération des populations et encouragent les impayés ; ces derniers aggravent les difficultés financières des opérateurs et les rendent incapables d'effectuer les investissements et les travaux indispensables à l'entretien et au renouvellement du réseau. D'autres facteurs, comme des compteurs défaillants ou des erreurs de facturation, contribuent à la pénurie et à l'impasse financière dans laquelle se trouvent certaines autorités gestionnaires du service.
Dans ce contexte, le caractère éclaté de la gestion des services d'eau et d'assainissement fait obstacle à la gouvernance d'ensemble dont la Guadeloupe a besoin. Depuis 2016, cinq structures intercommunales exercent les compétences en cause – soit en régie, soit par délégation à un prestataire privé. Les difficultés sont accrues par le fait que le périmètre administratif de ces structures et le périmètre technique des infrastructures ne coïncident pas.
L'ensemble des acteurs locaux que j'ai auditionnés, institutionnels ou privés, s'accordent sur l'urgence d'une solution de sortie de crise. Face à la fragmentation administrative et aux besoins colossaux d'investissements, une gouvernance unifiée et élargie s'avère nécessaire.
À cette fin, la proposition de loi déposée conjointement par le sénateur Dominique Théophile au Sénat et par moi-même à l'Assemblée nationale crée un syndicat mixte unique. Il regroupera les cinq établissements de coopération intercommunale (EPCI) de Guadeloupe continentale ainsi que les collectivités majeures, région et département – Marie-Galante restera autonome du point de vue de l'eau. Le syndicat mixte sera compétent pour les missions relevant du service de l'eau potable et de l'assainissement des eaux usées définies par le code général des collectivités territoriales. Il sera administré par un comité syndical dans lequel les collectivités et établissements membres seront, avec quatre sièges chacun, représentés à égalité. Le principe « l'eau paie l'eau » constituera le fondement de son financement, comme en droit commun, mais les dépenses supplémentaires seront financées à 50 % par la région et le département et à 50 % par les autres membres. Enfin, dans un souci de contrôle et de transparence envers les usagers, une instance de suivi sera adossée au syndicat mixte sur le modèle des commissions consultatives des services publics locaux.
Je salue la vigueur des collectivités majeures, région et département, et de l'ensemble des présidents d'EPCI, qui, depuis trois ans, tentent de s'accorder sur une gouvernance unique et, surtout, sur la résolution des problèmes hérités des anciennes pratiques.
Des obstacles majeurs restent à surmonter : mobiliser des financements en vue d'apurer des comptes encore déséquilibrés ; délimiter les périmètres de compétence ; trouver une solution aux questions liées aux charges de fonctionnement. Néanmoins, il est apparu à ce stade nécessaire, voire indispensable, de disposer d'un cadre légal partagé pour à la fois faire converger les initiatives et tenir les délais – car le temps presse.
À ce jour, les besoins de financements pour réparer et moderniser la totalité du réseau d'eau potable et d'assainissement s'élèvent à plus de 900 millions d'euros, étalés sur une dizaine d'années. Il s'agit là de concours financiers colossaux pour lesquels l'intervention de l'État et les fonds européens sont essentiels.
La proposition de loi ne remet pas en cause les compétences légitimes des EPCI. Il s'agit, non de substituer à eux, mais de leur fournir un support. L'objectif consiste, dans un premier temps, à mettre en cohérence toutes les initiatives des acteurs et à établir le cadre d'un dialogue constructif avec l'État et les autres partenaires publics. La proposition de loi constitue une feuille de route partagée, évolutive et proactive, dans le plus pur esprit républicain, avec la responsabilité comme ligne directrice.
Avant de conclure, je souhaite remercier l'ensemble des acteurs institutionnels, publics et privés, de s'être rendus disponibles pour les auditions, ainsi que les parlementaires, députés et sénateurs, pour leur présence et leurs contributions.
Je salue l'initiative du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés. Le texte présenté par Mme Justine Benin traite d'une question importante que nous allons tenter de régler en collaboration avec les établissements publics exerçant la compétence relative à l'eau en Guadeloupe.
Si nous nous approchons du but depuis plusieurs années, 2021 sera celle de deux démarches complémentaires : celle des exécutifs locaux, c'est-à-dire les présidents d'EPCI, le syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG), la région et le département, d'une part, et la nôtre, d'autre part. Nous avons une responsabilité majeure puisque nous allons pouvoir, de façon assez inédite, accompagner les collectivités locales et les Guadeloupéens pour que de l'eau coule de leurs robinets.
Si j'ai confiance dans la méthode, ce texte nécessite néanmoins quelques amendements et améliorations.
En premier lieu, le groupe La République en Marche souhaite élargir l'objet du texte, qui ne traite que de l'eau potable et de l'assainissement, aux eaux pluviales, qui deviendraient une nouvelle compétence du syndicat mixte ouvert. En effet, la Guadeloupe est régulièrement sujette à des pluies diluviennes, expliquant d'ailleurs l'abondance de la ressource, qui causent des inondations pas toujours bien gérées et qui provoquent des morts.
Les autres amendements résultent d'initiatives personnelles de ma part : ils fourniront matière à discussion et à renvoi, le cas échéant, à l'examen du texte en séance publique.
Si une crise de confiance affecte les politiques en général, c'est particulièrement vrai en Guadeloupe où les élus locaux sont jugés responsables du fait qu'il n'y a pas d'eau au robinet : il est donc fondamental d'intégrer les autres parties prenantes au syndicat mixte ouvert. La société civile – représentée par des associations telles que Moun Gwadloup, Balance ton SIAEAG ou Vivre – veut avoir voix au chapitre, c'est-à-dire participer d'une façon ou d'une autre à la gouvernance. Si le cadre légal actuel ne prévoit pas de voix délibérative, on pourrait imaginer – le Gouvernement y travaille – que les représentants d'usagers puissent, le cas échéant, obtenir un statut d'observateurs au sein des instances délibérantes, voire que soit créée, à l'image du conseil économique, social et environnemental régional, une instance consultative appelée à donner son avis sur les délibérations. Nous avons là un pan d'histoire à construire.
Si la proposition de loi continue à faire débat en Guadeloupe, c'est que les intercommunalités ne sont pas totalement d'accord sur le chemin à suivre. À l'issue de plusieurs années de discussions, six collectivités sur sept sont partantes pour créer le syndicat mixte ouvert ; elles ont déjà délibéré en ce sens. Seule une, Cap Excellence, où je siège sur les bancs de la minorité, émet des réserves quant à son intégration dans ledit syndicat ; celles-ci pourraient être levées en réglant les questions de la représentation des usagers et de la répartition des voix dans la délibération. Les statuts du syndicat mixte ouvert prévoient une répartition des dépenses par intercommunalité en fonction du nombre d'usagers, mais que chacune disposera du même nombre de sièges au sein de la structure de gouvernance ; il me semblerait plus logique que les sièges soient répartis en fonction de la population de chaque EPCI.
Normands et Guadeloupéens n'ont ni les uns ni les autres des problèmes de ressource en eau. Mais ils sont confrontés, en raison de l'abondance de cette dernière, qui constitue une vraie richesse, à des problématiques proches. La Guadeloupe doit cependant faire face à des problèmes de gouvernance, à un réseau en partie vétuste, ce qui provoque des coupures, à des rendements très insatisfaisants, à des difficultés de captage ainsi qu'à des impayés qui fragilisent l'ensemble du système.
Si la gouvernance a été remise à plat en 2016, il était nécessaire de remédier à ces difficultés. La proposition de loi présentée par Mme Justine Benin va donc plutôt dans le sens de l'intérêt collectif, même si le groupe Les Républicains s'étonne de la forme prise par cette initiative, en grande partie suscitée par le Gouvernement. L'État aurait pu s'engager davantage, notamment sur le plan financier : 10 à 15 millions d'euros seulement ont été annoncés dans le cadre du plan de relance, ce qui n'est pas à la hauteur des besoins, de l'ordre du milliard d'euros. Il y a encore loin de la coupe aux lèvres.
Quoi qu'il advienne, il faudra plus de moyens et une meilleure prise en compte des préoccupations, des inquiétudes et des réticences exprimées par les collectivités – c'est d'ailleurs l'un des enjeux de cette proposition de loi. Il faut également que les collectifs d'usagers soient associés au processus. Tout le monde doit s'asseoir autour de la table : l'État, qui doit prendre la mesure des enjeux, les collectivités et les structures publiques, qui ne peuvent s'exonérer de leurs responsabilités, et les usagers, qui sont les consommateurs en bout de chaîne.
Si l'avenir ne se mesure pas uniquement en espèces sonnantes et trébuchantes, il est important que l'État ne se contente pas de prendre une part limitée au projet.
Avoir accès à l'eau potable est un droit de l'homme et un des objectifs du développement durable. Si la France ne paraît pas rencontrer de difficulté pour rendre ce droit effectif, en réalité des dysfonctionnements majeurs persistent dans certains territoires dont la Guadeloupe.
Notre rapporteure, Mme Justine Benin, l'a indiqué : en Guadeloupe, le service public de l'eau potable et de l'assainissement présente des carences graves et structurelles affectant son fonctionnement et se traduisant notamment par de fréquentes coupures d'eau, d'ampleur et d'origine diverses. Ce constat est dressé par l'inspection générale de l'administration (IGA) dans un rapport de 2018, qui pointait du doigt une situation de crise sévère, au caractère systémique, avec des coupures multiples, sources de risques pour la santé publique et de fortes contraintes économiques. Si l'IGA appelait alors à un plan d'action ambitieux, indispensable et urgent, ces dysfonctionnements sont bien antérieurs à 2018 : la presse se fait régulièrement l'écho du quotidien des Guadeloupéens, qui vivent au rythme des coupures d'eau en raison d'un système de distribution vétuste, qui n'est plus entretenu depuis longtemps.
En 2020, une habitante témoignait que son quartier était privé d'eau courante depuis un mois, alors qu'auparavant elle en avait deux ou trois nuits par semaine au moins. Cette situation inacceptable est aggravée par la crise sanitaire. De nombreux Guadeloupéens subissent une double peine : leur vie s'organise autour de cette pénurie.
C'est pourquoi le groupe MODEM et démocrates apparentés se réjouit que notre collègue Justine Benin ait pris ce dossier à bras-le-corps, avec l'engagement et l'énergie qui la caractérisent. Il est urgent d'agir en ouvrant la voie à une résolution pérenne de ces difficultés et de mettre un terme aux atteintes au droit d'accès à l'eau potable et à l'assainissement.
La présente proposition de loi vise à améliorer la gouvernance de l'alimentation en eau et de sa distribution, préalable indispensable à la modernisation du réseau. Elle répond à l'urgence de la situation en créant un service unique de l'eau potable et de l'assainissement en Guadeloupe continentale. Elle nous offre la possibilité d'apporter une réponse concrète.
En l'inscrivant à l'ordre du jour qui lui est réservé, notre groupe laisse place au débat et à la recherche d'un consensus : chacun pourra s'exprimer et prendre ses responsabilités. Nous espérons que vous soutiendrez avec nous ce texte issu d'un travail de fond. Notre seul objectif est que les Guadeloupéens puissent exercer de manière effective leur droit à l'eau potable.
Nous abordons là un sujet sensible, à la fois dramatique et douloureux. Depuis le début de cette législature, le groupe Socialistes et apparentés a, par mon intermédiaire, alerté le Gouvernement et la majorité sur le drame de l'eau en Guadeloupe. La crise de l'eau précarise et pourrit littéralement le quotidien de toute une région, jusqu'à mettre en danger la vie de près de 400 000 Guadeloupéens. Pensez qu'en pleine crise sanitaire, la majeure partie d'entre eux a dû, pendant de longues semaines, faire face, en raison de la vétusté du système de distribution, à des coupures d'eau ! Alors que d'impérieuses obligations d'hygiène s'imposaient pour affronter le virus, ce manque d'eau a manifestement constitué un facteur aggravant de la crise.
Égoïsme territorial, gratuité de l'eau utilisée comme promesse électorale, non-paiement récurrent des factures, défaillance du recouvrement, départ précipité de certains acteurs nationaux : la responsabilité collective de cette crise ne dédouane pas l'État. Il doit, lui aussi, s'interroger sur son laxisme, hier en matière de contrôle de légalité, aujourd'hui en matière de solidarité.
La discussion de la présente proposition de loi est pour moi une nouvelle occasion de m'exprimer sur ce dossier.
Je dois d'abord vous faire part de mon étonnement et de ma tristesse de constater que les jeux et postures politiques, tant locaux que gouvernementaux, nous conduisent à légiférer. Alors que, depuis de longs mois, la majorité des élus de la Guadeloupe se démènent pour créer un syndicat mixte ouvert, le Gouvernement se décide à accélérer le processus, d'abord en menaçant le SIAEAG de dissolution, puis en imposant des ultimatums aux collectivités. Cette proposition de loi constitue aussi – même si ce n'est pas le but premier – un moyen d'enjamber la responsabilité des décideurs locaux et de décrédibiliser leurs tentatives de dialogue.
Je regrette l'impasse sur de nombreux sujets qui forment pourtant le véritable nœud du problème : la question financière, celle du passif et de l'actif du SIAEAG, l'avenir des personnels en place. La proposition de loi prend soin d'éviter de souligner la nécessité pour l'État de prendre sa part aux financements colossaux qui sont devant nous.
Madame la rapporteure, l'amitié qui nous unit me conduit à dire qu'en tant qu'élue du territoire, je crois à la sincérité de votre engagement pour enfin régler les choses – même si je mesure la difficulté de la tâche. Sachez que notre groupe contribuera à faire émerger les voies du règlement de ce dossier. Pourquoi cependant ne pas avoir repris dans votre proposition de loi l'alinéa, retenu par votre collègue sénateur, précisant que l'adoption des statuts du syndicat aux deux tiers des organes délibérants des membres du syndicat sera un préalable à la création de l'établissement public ? Comment entendez-vous intégrer les usagers dans les processus de consultation, voire de décision ?
Malgré les impasses et les manquements de ce texte, nous ne pouvons voter contre son principe. Au-delà des ultimatums des uns et des affirmations de prééminence politique des autres, je n'oublie pas qu'en définitive, la seule chose qui intéresse les Guadeloupéens, c'est d'avoir de l'eau au robinet.
Nul besoin de rappeler l'importance, présente et future, de l'eau dans les grands enjeux géopolitiques du XXIe siècle. Le député des Français résidant en Afrique, que je suis, en sait quelque chose. Cette ressource est plus précieuse encore en milieu insulaire et lorsque les infrastructures sont vieillissantes.
En Guadeloupe, le service public de l'eau potable et de l'assainissement n'est pas à la hauteur de ce que nos compatriotes sont en droit d'attendre. Il présente des carences graves et structurelles qui entraînent des coupures fréquentes, d'ampleur et d'origine diverses. Ces difficultés de distribution sont exacerbées par la crise sanitaire. Le calendrier des « tours d'eau » censés pallier les coupures récurrentes n'est plus respecté et des secteurs entiers sont privés d'eau courante pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines.
La Guadeloupe est pourtant un territoire riche en eau, bénéficiant d'une pluviométrie élevée et de nombreuses rivières. Toutefois, la ressource est inégalement répartie sur l'archipel, la Basse-Terre représentant 90 % du volume d'eau prélevé, ce qui implique d'importantes infrastructures pour desservir la Grande-Terre et l'agglomération de Pointe-à-Pitre, centre économique du territoire. En 2016, la Guadeloupe a produit deux fois plus d'eau qu'elle n'en a consommé, mais le rendement de son réseau de distribution n'a été que de 50 % en moyenne, contre plus de 80 % au niveau national. Il est urgent d'agir et de rénover les équipements.
La résolution des dysfonctionnements administratifs et humains suppose une gouvernance forte, incompatible avec un paysage institutionnel éclaté. Les carences d'ordre technique ne peuvent être résorbées qu'au prix de lourds investissements ; les autorités organisatrices n'ont pas les capacités de les financer et les autres collectivités, au premier rang desquelles le département et la région, n'ont juridiquement pas vocation à y contribuer.
L'article 1er de la proposition de loi confie par conséquent la compétence à un syndicat unique mixte, composé du département et de la région Guadeloupe ainsi que de cinq communautés d'agglomération. Cet article est le fruit d'un long travail de concertation, engagé dès 2015. Nous pouvons nous réjouir que les établissements intercommunaux adhèrent à ce principe dans une quasi-unanimité.
L'article 2 permet d'associer la société civile à la supervision des activités du syndicat mixte en instituant une commission consultative. Ses membres pourront demander l'inscription à l'ordre du jour de toute proposition relative à l'amélioration des missions exercées par l'établissement. Alors qu'une certaine défiance envers la verticalité des décisions tend à s'installer, toute initiative visant à donner à la société civile voix au chapitre est bienvenue.
Nous devons préserver et entretenir cette ressource, ô combien vitale, source potentielle de tensions et de conflits entre nations. Antoine de Saint-Exupéry ne s'y était pas trompé en écrivant : « Eau, tu n'as ni goût, ni couleur, ni arôme, on ne peut pas te définir, on te goûte sans te connaître. Tu n'es pas nécessaire à la vie : tu es la vie. » J'ai toute confiance en l'expertise et la qualité du travail de fond de Mme Justine Benin. Le groupe Agir ensemble votera en faveur de la proposition de loi.
C'est avec grand intérêt que le groupe Libertés et territoires a pris connaissance de cette proposition de loi. Nous en partageons l'ambition. L'accès à l'eau est un problème sérieux en Guadeloupe et nous pouvons comprendre l'exaspération des populations qui subissent des coupures à longueur d'année alors que, par ailleurs, il leur est demandé de se laver régulièrement les mains ! Vétusté du système de distribution, carence dans les investissements, l'entretien et les réparations, déperdition importante, mésentente et défaillances entre acteurs publics et privés… Un rapport récent indique que pour 100 mètres cubes d'eau captée dans les rivières et les nappes phréatiques, seuls 40 mètres cubes sont distribués.
Notre collègue Justine Benin propose un service public unique de l'eau en Guadeloupe, au moyen d'un syndicat mixte ouvert regroupant tous les échelons de collectivités. Cette évolution est souhaitée par les syndicats guadeloupéens concernés et elle a été recommandée en novembre par le ministre des outre-mer, M. Sébastien Lecornu.
Si nous ne pouvons qu'être d'accord sur le fond, nous formulerons quelques remarques de forme. Cette problématique territoriale doit-elle se régler par la loi, ici, à Paris ? Par conviction, nous estimons qu'il revient aux assemblées délibérantes de Guadeloupe de se prononcer sur l'organisation interne du système de l'eau. La recherche du consensus est un exercice difficile, mais elle doit toujours primer l'imposition par le haut d'une norme, surtout lorsqu'il s'agit des compétences des collectivités. Nous serons constants dans la position que nous avons fait valoir lors des précédents débats sur la gestion de la compétence eau et assainissement : nous souhaitons que les transferts de compétences à l'échelon supérieur se fassent sur une base volontaire, après dialogue, projet, construction, compromis.
Or, nous n'avons pas vu un consensus clair se dégager. Nous avons entendu les réserves du président du conseil régional, M. Ary Chalus, et de certaines intercommunalités. Nous avons également pris connaissance des amendements de M. Max Mathiasin, qui demande une formalisation claire de la volonté de transfert des assemblées délibérantes, ou encore de M. Olivier Serva, qui propose plusieurs ajustements, de nature financière ou relatifs à la gouvernance du syndicat mixte et à la continuité du service.
Enfin, nous nous interrogeons sur les moyens consacrés à la refonte du système guadeloupéen de l'eau. Dix millions d'euros sont prévus dans le cadre du plan de relance mais, compte tenu de l'ampleur de la rénovation, il est évident que cette somme ne suffira pas. C'est pourquoi il nous sera difficile, à ce stade, de prendre part au vote.
La gestion de l'eau comme bien commun universel est le défi de notre siècle. L'eau est indispensable à la vie, l'accès à l'eau et son assainissement sont des droits inaliénables Personne ne devrait en être privé. Pourtant, l'eau est traitée comme une marchandise banale ou, pire, utilisée à des fins spéculatives. Le drame de la crise de l'eau en Guadeloupe en est un terrible exemple.
En 2018, l'audit interministériel sur l'eau potable évoquait une crise systémique au coût humain et financier considérable. L'alimentation en eau potable est catégorisée comme un « système très inefficace » par les indicateurs de la Banque mondiale. Comme le résume un habitant dans un reportage paru le 1er décembre dans le journal Le Monde, « chez nous, l'eau est un accident ».
Deux litres sur cinq se perdent en fuite, contre un litre sur cinq dans l'hexagone. Les coupures et les « tours d'eau » se succèdent tout au long de l'année. Dans certaines villes, l'approvisionnement en eau potable dépend des camions livrant les bouteilles. Ceux qui le peuvent construisent des installations de stockage sur leurs propres deniers. En outre, la crise sanitaire a particulièrement déstabilisé les systèmes de distribution. L'eau, quand elle est disponible, n'est pas toujours buvable. En 2016, les trente-six premières matières détectées par l'Office de l'eau étaient des pesticides, dont seize matières actives aujourd'hui interdites. Parmi elles, le chlordécone demeure la molécule la plus présente.
L'eau est plus chère en Guadeloupe qu'ailleurs. Au 1er janvier 2019, le prix moyen du mètre cube était de 3,20 euros, contre une moyenne nationale de 2,03 euros.
Historiquement, c'est le SIAEAG qui est responsable des infrastructures et de la distribution d'eau dans les zones traversées par la canalisation de Belle-Eau-Cadeau, par laquelle transite 40 % de l'eau potable de l'île. C'est le groupe Veolia, prestataire historique, qui a géré durant soixante-dix ans 90 % de l'eau. Après le départ du groupe, en 2015, le SIAEAG a peiné à absorber le triplement des effectifs et il a hérité de graves carences dans la gestion de la facturation. Certains abonnés n'ont plus reçu de facture, d'autres ont décidé de ne plus payer pour de l'eau qui ne leur était pas distribuée. On a également découvert des frais de représentation jugés exorbitants – un ancien dirigeant a été condamné en 2019 à un an de prison pour détournement de fonds. Le collectif des travailleurs de l'eau a montré que l'on était passé d'un excédent de 18 millions d'euros entre 2000 et 2007 à un déficit de plus de 100 millions d'euros entre 2010 et 2015. Le réseau n'a pas été entretenu ; où donc est passé l'argent ? Le décret dissolvant le SIAEAG vient clore un chapitre particulièrement déplorable. Mais il ne règle ni la question des salariés ni celle des dettes, fort nombreuses.
Parce qu'il entend répondre à cette situation particulièrement confuse, ce texte est le bienvenu. Nous saluons l'initiative tout en regrettant le choix du véhicule législatif – une proposition de loi – et l'absence de coordination avec l'action locale, qui empêche la bonne appropriation des mesures. Ce texte ne résout pas davantage un point important, la modalité de régie de l'eau. Après avoir constaté les désastres commis par une régie privée, allons-nous enfin revenir à une régie publique ?
Le syndicat mixte semble être un niveau pertinent pour mobiliser de grandes capacités d'investissement et l'amortir, dans la longue durée, grâce à un nombre d'abonnés important – mais encore faut-il que la régie soit publique. C'est là que le bât blesse. Il nous semble qu'il fallait d'abord créer un EPCI, en tant qu'autorité organisatrice. Celle-ci aurait ensuite choisi comment opérer : soit une régie publique, sous la forme d'un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), soit une société publique locale, soit une délégation au privé. Le texte prévoit la création d'un EPIC. Or, un syndicat mixte est un EPCI. Est-ce une coquille ou une façon de garantir la gestion publique ? Il faudrait que cela soit précisé clairement.
Nous nous interrogeons aussi sur l'implication des citoyens. Il faut s'assurer que les collectifs, très actifs pendant des décennies pour alerter les pouvoirs publics, auto-organiser les distributions et combler les défaillances des services publics, seront pleinement intégrés au dispositif. Je pense notamment à l'association Balance ton SIAEAG ou au collectif des travailleurs de l'eau, qui avait lancé une pétition demandant la création d'une commission d'enquête parlementaire sur la gestion de Veolia. Nous défendons cette forme de gestion et l'intégration plus large des syndicats, des représentants des agents et des associations.
Nous pensons qu'il faut un service public unifié au niveau national avec des dispositifs de péréquation et des tarifications différenciées fondées sur l'usage fait de l'eau. Le vote du groupe La France insoumise sur la proposition de loi dépendra des modifications et des clarifications apportées par la commission des Lois.
Je remercie les députés qui sont intervenus au nom de leur groupe. Je mesure la responsabilité qui m'est conférée, ainsi qu'au groupe MODEM et démocrates apparentés, à travers cette proposition de loi dont l'enjeu est à la fois social et politique.
Je précise que ce texte a été élaboré par deux parlementaires élus en Guadeloupe. Son ambition n'est pas, messieurs Gosselin et Acquaviva, de déposséder les élus locaux de leur compétence, encore moins de les décrédibiliser, madame Vainqueur-Christophe. Bien au contraire, nous construisons avec eux le cadre législatif que nous souhaitons donner à la future structure unique de l'eau. Je rappelle que cette structure a été souhaitée dès 2009, lors de la grande manifestation du collectif Liyannaj Kont Pwofitasyon ; elle a été demandée fort légitimement par l'ensemble de la population, des organisations syndicales et patronales et des élus locaux. Cela nous a été confirmé lors des nombreuses auditions d'élus locaux, d'associations d'usagers, de régies et syndicats, d'organisations socioprofessionnelles auxquelles nous avons procédé.
La proposition de loi fixe un cadre législatif qui permettra aux élus locaux de travailler ensuite sur le statut, madame Obono, et de faire le choix d'un ou de plusieurs opérateurs. C'est alors que nous pourrons parler de la régie. Quoi qu'il en soit, les discussions avec les élus du territoire se poursuivront jusqu'à l'examen du texte en séance publique.
Mme Vainqueur-Christophe a soulevé la question de la représentation des usagers ; je proposerai une réécriture de l'article 2 en ce sens. À M. Max Mathiasin, qui suggère que la conférence territoriale de l'action publique (CTAP) soit consultée, je répondrai que l'article 1er prévoit que les statuts seront arrêtés après consultation et avis des organes délibérants des membres du syndicat mixte.
La Commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.
Article 1er : Syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe
La Commission examine les amendements CL4 et CL5 de M. Max Mathiasin.
L'amendement CL4 précise que l'adhésion au syndicat mixte est volontaire. J'émettrai un avis défavorable : eu égard au caractère collectif des enjeux, la réussite de ce projet implique la participation de l'ensemble des collectivités et établissements de la Guadeloupe continentale. Ce projet fait d'ores et déjà l'objet d'un large consensus, comme en témoigne la motion actant la création d'un syndicat mixte ouvert signée en juillet dernier par la région, le département, le SIAEAG et la plupart des EPCI. Il convient de dépasser la fragmentation administrative actuelle en instaurant une gouvernance unifiée et élargie de l'eau.
Le deuxième amendement, CL5, prévoit la consultation pour avis de la CTAP avant l'adoption des statuts du syndicat mixte. Là encore, mon avis sera défavorable : l'article 1er prévoit que les organes délibérants des membres du syndicat mixte seront consultés et qu'ils rendront un avis sur ses statuts. Dès lors, la consultation de la CTAP, qui ne fait pas partie du syndicat mixte, ne me semble pas nécessaire.
Il me semble important d'adopter ces deux amendements, en particulier celui qui prévoit que l'adhésion au syndicat mixte est volontaire et que les statuts de celui-ci résultent de décisions des organes délibérants. Nous tiendrions ainsi compte de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, qui a donné aux intercommunalités la compétence relative à la gestion des milieux aquatiques et à la prévention des inondations (GEMAPI), et de l'article 72 de la Constitution, qui prévoit que les collectivités territoriales s'administrent librement.
Il serait un peu cavalier de priver celles-ci de leurs compétences pour les donner à un syndicat qu'elles peuvent par ailleurs créer avec le département et la région. Pourquoi déciderions-nous ici de tout ce qui se fait dans les collectivités territoriales ?
Les amendements sont retirés.
La Commission adopte l'amendement de précision CL22 et l'amendement rédactionnel CL30 de la rapporteure
Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements CL17 de M. Olivier Serva et CL8 de M. Max Mathiasin.
L'amendement CL17 vise à assurer la représentation de la société civile au sein du syndicat mixte ouvert. D'une part, il convient de prévoir que des représentants des chambres consulaires – chambre d'agriculture, chambre des métiers et de l'artisanat, chambre de commerce et d'industrie – siègeront au syndicat mixte ouvert. D'autre part, je pense qu'il faut aller plus loin en matière de représentation des usagers. S'il semble difficile de leur donner voix délibérative, ils pourraient avoir un statut d'observateur au sein des instances délibérantes et même être consultés formellement. C'est en tout cas une volonté largement exprimée, notamment par Cap Excellence.
Compte tenu de la réécriture de l'article 2, que je défendrai ultérieurement, je demande le retrait des amendements. En effet, les chambres consulaires et les usagers ont vocation à être représentés au sein de la commission de surveillance dont je proposerai la création. Dans ce cadre, ils pourront exercer un contrôle sur le syndicat mixte ; ils pourront même formuler des propositions et solliciter l'inscription à l'ordre du jour d'une question relevant de ses compétences.
Il n'est pas souhaitable d'alourdir la composition du syndicat mixte, qui doit rester centré sur la région, le département et les EPCI.
Les amendements CL17 et CL8 sont retirés.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL23, CL24, CL28 et CL25 de la rapporteure.
Elle en vient à l'examen de l'amendement CL2 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe.
L'amendement traduit une préconisation de l'audit de 2018 sur l'eau potable en Guadeloupe. Cette ressource fait l'objet de captages intenses qui fragilisent les milieux aquatiques, les sols, donc la biodiversité ; il convient de la préserver. En Guadeloupe, 80,6 millions de mètres cubes d'eau sont prélevés dans les milieux aquatiques, soit le triple des besoins à satisfaire. Le volume global prélevé dépasse 94 millions de mètres cubes, ce qui a des conséquences directes sur les espèces aquatiques.
La gestion des milieux aquatiques et des sols est distincte des compétences eau potable et assainissement, au sens des articles L. 2224-7 et L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales. Le texte ne traitant pas de la gestion des milieux aquatiques et des sols, l'introduction d'une référence à un objectif de préservation de ceux-ci n'est pas opportune. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement.
Elle examine l'amendement CL14 de M. Olivier Serva.
Cet amendement m'a été suggéré par le collectif citoyen Moun Gwadloup, aux méthodes parfois énergiques, qui a contribué à la prise de conscience récente de la problématique de l'eau.
Il est légalement admis que lorsqu'un opérateur n'est pas en mesure de distribuer de l'eau, il doit compenser cette carence en attribuant aux usagers un minimum vital, fixé à quelque trois litres d'eau par personne et par jour, sachant que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise pour sa part dix à vingt litres.
Il s'agit donc de préciser qu'en cas d'interruption de la distribution par la voie habituelle, le syndicat mixte s'engage à fournir par d'autres moyens aux personnes privées d'eau le minimum vital exigé par l'OMS, et cela aussi longtemps que nécessaire. Il pourra, par exemple, offrir des packs d'eau ou mettre à disposition des citernes communes.
Je vous demande de retirer cet amendement au bénéfice du CL42 rectifié, que je présenterai dans un instant et qui prévoit qu'en cas de rupture de l'approvisionnement des usagers, l'établissement prend toute mesure propre à garantir un droit d'accès normal et régulier à l'eau potable.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte successivement l'amendement de précision CL26 et l'amendement rédactionnel CL27 de la rapporteure.
Puis elle examine l'amendement CL1 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe.
Diverses pertes rendent la ressource en eau insuffisante, risquant de conduire à sa surexploitation pour couvrir les besoins de la population. En conséquence, cet amendement tend à ce que le futur syndicat assure différentes missions d'études générales, visant notamment à préserver la ressource en eau, à favoriser une gestion durable des milieux aquatiques, à intégrer les politiques d'eau potable et d'assainissement dans les grands enjeux de développement durable du territoire, à participer à l'élaboration des schémas stratégiques relatifs aux politiques d'eau potable et d'assainissement à l'échelle du territoire et à conduire une réflexion globale sur la gestion du petit cycle de l'eau et de l'assainissement sur le territoire.
Cet amendement apporte une clarification utile aux missions du syndicat mixte. La question de la gestion de l'eau ne peut s'affranchir d'une réflexion sur la préservation de la ressource et le développement durable du territoire ; elle doit aussi s'inscrire dans une vision globale à l'échelle de la Guadeloupe. Il est donc parfaitement cohérent de permettre au nouveau syndicat de mener à bien des études sur ces thèmes.
La Commission adopte l'amendement.
Elle adopte l'amendement CL 42 rectifié de la rapporteure, précédemment présenté.
Puis elle en vient à l'amendement CL15 de M. Olivier Serva.
Après le petit cycle de l'eau, soit l'eau potable et l'assainissement, parlons maintenant du grand cycle. L'eau tombe du ciel en abondance en Guadeloupe, parfois sujette à des inondations. Le groupe La République en marche avait déposé sur le sujet un amendement déclaré irrecevable, aux termes d'une interprétation un peu restrictive à mon avis, de l'article 40 de la Constitution ; il sera retravaillé dans la perspective de la séance publique. Je souhaite néanmoins soulever la question dès maintenant car on ne peut traiter de la gestion de l'eau sans parler des eaux pluviales et des inondations. Le présent amendement vise à intégrer les eaux pluviales dans la compétence générale du syndicat mixte.
Je demande le retrait de cet amendement dans la perspective, que vous venez d'évoquer, d'un travail sur une autre rédaction d'ici à la séance publique.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel CL29 de la rapporteure.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CL19 de M. Olivier Serva et CL9 de M. Max Mathiasin.
Il s'agit là d'un sujet de crispation au niveau local. Comme je vous le disais, six des sept intercommunalités ou collectivités majeures sont d'accord pour créer ce nouveau syndicat mixte ouvert. En revanche, Cap Excellence, la principale communauté d'agglomération, est en désaccord pour plusieurs raisons, certaines budgétaires, d'autres ayant trait à la gouvernance.
Dans les projets de statuts, il est en effet prévu à la fois que les dépenses du syndicat mixte ouvert seront réparties en fonction du nombre d'usagers et que la représentation des EPCI au sein du comité syndical sera égalitaire. Il y a là, me semble-t-il, une rupture d'égalité : il faudrait que chacun paie en fonction du nombre de robinets qu'il détient et que la représentation des EPCI au sein de la structure de gouvernance soit proportionnelle à la population de chacun. Tel est l'objet de cet amendement.
Ces amendements prévoient d'assurer au sein du comité syndical, c'est-à-dire dans l'instance décisionnaire du syndicat mixte, une représentation de l'État et des chambres consulaires. On envisage également une présence – avec voix délibérative dans le cas de l'amendement CL19 – de représentants des usagers. Sur ce dernier point, je présenterai bientôt un amendement visant le même objectif.
En revanche, pour ce qui est de donner voix délibérative aux chambres consulaires et à l'État, je suis défavorable. Qui paie commande ; or, ceux qui, en définitive, paient, ce sont les collectivités territoriales, dont les instances sont élues au suffrage universel direct. J'ajoute que beaucoup des élus locaux que nous avons auditionnés sont opposés à ce que l'État intervienne dans la gestion d'une compétence décentralisée qui ne doit être exercée que par les Guadeloupéens. Avis défavorable sur les deux amendements.
Les questions de gouvernance et de répartition des sièges sont importantes. Il serait bon d'y travailler d'ici à la séance. Ces amendements sont néanmoins extrêmement ambitieux. On peut s'interroger sur l'opportunité d'accorder des sièges à des structures qui, certes, sont tout à fait légitimes et disposent d'une expertise, mais qui ne participent pas, traditionnellement, à la gestion de ce type de politique publique.
En ce qui concerne la répartition des sièges au sein du comité syndical, il est vrai que l'on pourrait s'interroger sur la proportionnalité de la représentation de chaque EPCI par rapport à la population. Cependant, les écarts de population ne sont pas très importants.
En conséquence, le groupe La République en marche suivra l'avis de la rapporteure et votera contre les amendements.
La Commission rejette successivement les deux amendements.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL31 et CL32 de la rapporteure.
Elle en vient à l'amendement CL43 de la rapporteure.
Comme je l'indiquais il y a un instant, je propose que siège au comité syndical, l'instance décisionnaire du syndicat mixte, le président de la commission de surveillance, dont l'article 2 fixera les modalités d'organisation.
Pour définir cette commission de surveillance, je me suis inspirée des conseils de développement des grands ports maritimes. Elle réunirait des représentants des collectivités, du monde professionnel et des usagers. C'est un usager qui en assurerait la présidence et qui en conduirait les travaux. Sa présence, avec voix consultative, au comité syndical, lui permettrait d'y faire aborder les sujets auxquels les Guadeloupéens sont les plus attachés et de contrôler la bonne gouvernance de l'ensemble.
La Commission rejette l'amendement.
Mes chers collègues, je demande aux membres de la Commission de bien vouloir lever la main lorsque les votes sont appelés. Je ne peut préjuger de vos positions respectives.
La Commission examine l'amendement CL10 de M. Max Mathiasin.
Je suis défavorable à cet amendement qui vise à fractionner les droits de vote au sein du comité syndical en fonction du sujet abordé. Je rappelle que le but de la proposition de loi est de mettre fin à la fragmentation de la gouvernance de l'eau en Guadeloupe, qui est pour partie responsable des carences de la distribution, au profit d'une structure unifiée qui fasse prévaloir la cohérence du réseau et la solidarité des Guadeloupéens.
Les problèmes d'eau concernent tout le monde. Si l'on repousse, en amont, certains travaux, ce sont les populations situées en aval qui n'auront plus d'eau. Il faut développer dans l'ensemble du territoire un sens du collectif et des responsabilités. Cela suppose que tout le monde prenne part à la totalité des votes et assume les conséquences des décisions prises.
L'amendement est retiré.
La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL33, CL34, CL35, l'amendement de précision CL36 et les amendements rédactionnels CL37, CL38, CL39, CL40 et CL41 de la rapporteure.
Puis elle adopte l'article 1er modifié.
Article 2 : Création d'une commission consultative adossée au syndicat mixte
La Commission est saisie de l'amendement CL44 de la rapporteure.
Cet amendement réécrit l'article 2 de manière à renforcer la participation de la société civile à la gouvernance du service public d'eau potable et d'assainissement en Guadeloupe, à travers une commission de surveillance adossée au comité syndical de la structure unique. Composée de représentants du syndicat mixte, des chambres consulaires, d'associations d'usagers et d'organisations socioprofessionnelles, elle sera compétente pour rendre des avis sur la gouvernance, les investissements, la politique tarifaire ou encore la gestion de la ressource en eau. En outre, elle aura la possibilité de faire inscrire à l'ordre du jour d'une réunion du comité syndical des sujets sur lesquels elle est compétente.
C'est un amendement qui répond aux demandes des usagers, mais en partie seulement. Cela sera-t-il suffisant ?
La Commission adopte l'amendement. L'article 2 est ainsi rédigé.
Après l'article 2
La Commission examine, en discussion commune, les amendements CL12 de M. Max Mathiasin et CL21 de M. Olivier Serva.
Cela a été souligné par plusieurs porte-parole des groupes : cette proposition de loi traite de l'organisation du service public d'eau potable et d'assainissement, mais pas de son financement. Or, il existe des dettes à tous les niveaux, à celui des EPCI comme à celui du SIAEAG. La dissolution du second va entraîner le rapatriement de ses dettes, de ses créances et de ses salariés chez les premiers. Ce n'est pas de nature à nous rassurer quant à la viabilité financière et budgétaire du nouveau syndicat mixte ouvert. Il ne faudrait pas créer un autre Titanic, c'est-à-dire un bel outil qui sombrerait rapidement dans les eaux de l'Atlantique – en l'occurrence, la mer des Caraïbes.
Nous avons besoin d'éclaircissements de la part du Gouvernement ou de la rapporteure concernant la trajectoire financière et budgétaire, d'abord durant la période transitoire, puis ultérieurement, une fois que le syndicat exercera pleinement ses compétences.
Il serait en effet souhaitable que nous ayons un débat en séance publique avec le Gouvernement sur les questions budgétaires, la dette fournisseurs et une éventuelle période transitoire prévoyant une exonération de cotisations sociales et fiscales. Dans cette attente, j'émets un avis défavorable sur les deux amendements.
La Commission rejette successivement les deux amendements.
Elle examine, en discussion commune, l'amendement CL3 de Mme Hélène Vainqueur-Christophe et les amendements CL11 et CL6 de M. Max Mathiasin.
Cet amendement vise, avant la création du syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe, à réunir les acteurs actuels de l'eau et de l'assainissement pour régler à l'amiable la situation des personnels ainsi que celle de l'actif et du passif des régies chargées de la gestion des services publics de l'eau et de l'assainissement. Il tend, en outre, à préciser que ce protocole peut prévoir des dérogations particulières pour les communes membres des communautés d'agglomération concernées et disposant d'une régie municipale sur leur territoire. À défaut d'accord, le représentant de l'État en Guadeloupe déterminerait la répartition de l'actif et du passif.
Ces amendements portent sur deux questions importantes : d'une part, la situation des personnels des structures appelées à disparaître et les conditions de leur transfert vers le nouvel opérateur ; d'autre part, la répartition de l'actif et du passif, notamment les équipements et les dettes accumulées.
Dans l'idéal, ces questions feraient l'objet d'un accord entre les parties à l'issue d'une négociation claire et transparente. Je suis certaine que les collectivités guadeloupéennes peuvent y parvenir. Toutefois, vous avez raison, il faut envisager une issue en cas d'échec.
La solution que vous proposez serait terrible pour les élus locaux et la décentralisation, puisque vous prévoyez de confier tout pouvoir au préfet pour prendre les décisions. En outre, si l'on entend faire jouer ce rôle à l'État, il me semble délicat de le décider en l'absence du Gouvernement. C'est pourquoi je demande le retrait des amendements dans l'attente de l'examen en séance publique. Peut-être pourrons-nous, avec le concours du ministre, trouver une solution plus douce pour tout le monde.
Les trois amendements sont retirés.
La Commission examine, en discussion commune, l'amendement CL7 de M. Max Mathiasin et les amendements CL20 et CL16 de M. Olivier Serva.
L'amendement CL20, qui s'inscrit dans la continuité du CL21, porte sur l'abandon des dettes sociales et fiscales.
L'amendement CL16 traite des dettes fournisseurs. D'un côté, il y a le SIAEAG, dont les dettes sont actuellement inférieures aux créances. De l'autre côté, il y a les EPCI qui, pour de multiples raisons, dont la masse salariale et le manque de ressources fiscales, sont en difficulté financière. Or, on décide de dissoudre le SIAEAG et de transmettre aux EPCI, pendant une période transitoire, les salariés, les dettes et les créances – qui sont difficiles à recouvrer. On nous dit qu'il ne faut pas s'inquiéter parce qu'en septembre, il y aura le syndicat mixte ouvert – mais celui-ci ne pourra pas bien fonctionner si on laisse les choses en l'état, parce qu'il sera plombé par les dettes et la masse salariale !
C'est pourquoi, afin de cantonner les dettes, je propose de créer, sur le modèle de ce qui a été fait pour la SNCF, une structure de défaisance. Cela permettrait de libérer la nouvelle structure de tout le passif et d'avoir un bon service public de l'eau.
Comme pour les amendements précédents, je souhaiterais que cette discussion soit renvoyée à l'examen du texte en séance publique pour que nous puissions avoir l'avis du Gouvernement.
Rendez-vous est donc pris pour une discussion sincère et détaillée avec le Gouvernement en séance publique !
Les amendements sont retirés.
Article 3 : Gage financier
Suivant l'avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l'amendement CL13 du Gouvernement et l'article 3 est supprimé.
Puis elle adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.
Je vous remercie, mes chers collègues. Nous nous retrouvons le jeudi 28 janvier pour l'examen du texte en séance publique.
La réunion se termine à 11 heures 30.
Informations relatives à la Commission
La Commission a désigné :
- M. Stéphane Mazars, rapporteur sur le projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif à la simplification des expérimentations mises en œuvre sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution (n° 3523) ;
- M. Rémy Rebeyrotte, rapporteur sur le projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique (n° Sénat 254 , sous réserve de sa transmission ) ;
- M. Guillaume Vuilletet, rapporteur sur la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane (n° 2165).
Membres présents ou excusés
En raison de la crise sanitaire, les relevés de présence sont suspendus.