Nous abordons là un sujet sensible, à la fois dramatique et douloureux. Depuis le début de cette législature, le groupe Socialistes et apparentés a, par mon intermédiaire, alerté le Gouvernement et la majorité sur le drame de l'eau en Guadeloupe. La crise de l'eau précarise et pourrit littéralement le quotidien de toute une région, jusqu'à mettre en danger la vie de près de 400 000 Guadeloupéens. Pensez qu'en pleine crise sanitaire, la majeure partie d'entre eux a dû, pendant de longues semaines, faire face, en raison de la vétusté du système de distribution, à des coupures d'eau ! Alors que d'impérieuses obligations d'hygiène s'imposaient pour affronter le virus, ce manque d'eau a manifestement constitué un facteur aggravant de la crise.
Égoïsme territorial, gratuité de l'eau utilisée comme promesse électorale, non-paiement récurrent des factures, défaillance du recouvrement, départ précipité de certains acteurs nationaux : la responsabilité collective de cette crise ne dédouane pas l'État. Il doit, lui aussi, s'interroger sur son laxisme, hier en matière de contrôle de légalité, aujourd'hui en matière de solidarité.
La discussion de la présente proposition de loi est pour moi une nouvelle occasion de m'exprimer sur ce dossier.
Je dois d'abord vous faire part de mon étonnement et de ma tristesse de constater que les jeux et postures politiques, tant locaux que gouvernementaux, nous conduisent à légiférer. Alors que, depuis de longs mois, la majorité des élus de la Guadeloupe se démènent pour créer un syndicat mixte ouvert, le Gouvernement se décide à accélérer le processus, d'abord en menaçant le SIAEAG de dissolution, puis en imposant des ultimatums aux collectivités. Cette proposition de loi constitue aussi – même si ce n'est pas le but premier – un moyen d'enjamber la responsabilité des décideurs locaux et de décrédibiliser leurs tentatives de dialogue.
Je regrette l'impasse sur de nombreux sujets qui forment pourtant le véritable nœud du problème : la question financière, celle du passif et de l'actif du SIAEAG, l'avenir des personnels en place. La proposition de loi prend soin d'éviter de souligner la nécessité pour l'État de prendre sa part aux financements colossaux qui sont devant nous.
Madame la rapporteure, l'amitié qui nous unit me conduit à dire qu'en tant qu'élue du territoire, je crois à la sincérité de votre engagement pour enfin régler les choses – même si je mesure la difficulté de la tâche. Sachez que notre groupe contribuera à faire émerger les voies du règlement de ce dossier. Pourquoi cependant ne pas avoir repris dans votre proposition de loi l'alinéa, retenu par votre collègue sénateur, précisant que l'adoption des statuts du syndicat aux deux tiers des organes délibérants des membres du syndicat sera un préalable à la création de l'établissement public ? Comment entendez-vous intégrer les usagers dans les processus de consultation, voire de décision ?
Malgré les impasses et les manquements de ce texte, nous ne pouvons voter contre son principe. Au-delà des ultimatums des uns et des affirmations de prééminence politique des autres, je n'oublie pas qu'en définitive, la seule chose qui intéresse les Guadeloupéens, c'est d'avoir de l'eau au robinet.