Intervention de Rémy Rebeyrotte

Réunion du mercredi 3 février 2021 à 11h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRémy Rebeyrotte, rapporteur :

Depuis plus d'un an, le virus de la Covid-19 circule sur notre territoire, mettant à l'épreuve notre système de santé, notre économie, notre vie quotidienne, mais également notre démocratie.

Fondé sur l'exercice régulier, sincère et équitable du pouvoir de suffrage, notre calendrier électoral a dû être modifié à plusieurs reprises pour préserver la santé de nos concitoyens et limiter la propagation de la maladie.

Suivant l'avis du Conseil scientifique Covid-19, mis en place auprès de l'exécutif, nous avons déjà été amenés à reporter le second tour des élections municipales, du 22 mars au 28 juin 2020, les élections consulaires, de mai 2020 à mai 2021, ainsi que plusieurs élections législatives, sénatoriales et municipales partielles qui pourront être organisées jusqu'au 13 juin 2021, par dérogation au délai de trois mois pour l'organisation de l'élection après constatation de la vacance de siège.

Ces décisions, difficiles au regard de l'importance de ces échéances électorales pour nos concitoyens, ont jusqu'à présent fait l'objet d'un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

Ce consensus témoigne de l'attachement de l'ensemble des partis politiques à l'organisation des élections dans des conditions permettant de concilier les principes constitutionnels de sincérité et de périodicité du scrutin avec celui de préservation de la santé publique.

Le projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique, déposé sur le bureau du Sénat le 21 décembre 2020, s'inscrit dans la poursuite de ces précédents travaux.

Au regard de la situation sanitaire actuelle, marquée par les incertitudes sur l'efficacité des vaccins face à l'apparition de nouveaux variants du virus, il prévoit à titre principal de reporter ces élections de mars, échéance actuellement fixée par la loi, à juin 2021.

Le Premier ministre a confié à M. Jean-Louis Debré, ancien président de l'Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, la mission de déterminer la date et les modalités les plus opportunes pour l'organisation de ces élections au regard du contexte sanitaire actuel.

Son rapport, rendu le 13 novembre 2020, a opté pour un report en juin des élections régionales et départementales, moyennant un rapport sur la situation sanitaire élaboré par le Conseil scientifique au 1er avril 2021 – rapport qui ne vaut pas clause de revoyure automatique – et quelques adaptations afin d'assurer la bonne tenue de la campagne électorale.

Le présent projet de loi s'inspire de ces travaux, dans le respect du consensus politique auquel tous les groupes politiques ont contribué, et des exigences constitutionnelles encadrant la tenue des élections, ce qui a permis l'émergence d'une proposition équilibrée.

Le texte que nous examinons aujourd'hui a été adopté par le Sénat la semaine dernière.

Si le report des élections régionales et départementales à juin 2021 a été approuvé – presque exigé – par nos collègues sénateurs, huit articles additionnels ont été ajoutés au projet de loi. Certaines de ces nouvelles dispositions peuvent d'ailleurs soulever des questions d'opportunité ou entretiennent un lien très ténu avec les quatre dispositions initiales – visiblement, chez nos amis sénateurs, l'imagination était au pouvoir.

Permettez-moi à présent d'évoquer certaines dispositions qui méritent une attention particulière, notamment à la suite de la dizaine d'auditions que j'ai menées en tant que rapporteur au cours des derniers jours.

Si l'article 1er prévoit l'organisation des élections en juin, le Sénat a souhaité fixer une date butoir du second tour au 20 juin 2021 : or je ne suis pas favorable à l'inscription dans la loi de la date des tours de scrutin, celle-ci relevant du pouvoir réglementaire dans le cadre du décret de convocation des électeurs.

J'ai cependant sollicité le Gouvernement afin qu'il annonce, éventuellement dans le cadre de nos travaux, ou rapidement après l'adoption de notre texte, les dates du scrutin, le corps électoral comme les candidats devant être éclairés au plus vite.

En revanche, la solution sénatoriale visant à fixer à mars 2028, et non décembre 2027, le terme du mandat des prochains conseillers régionaux et départementaux me semble tout à fait opportune.

Le Sénat a ajouté un article 1er bis visant à faciliter le recours aux procurations.

Si le maintien de la possibilité d'une double procuration me paraît pertinent, sa déterritorialisation – même circonscrite au cadre familial strict – n'est absolument pas souhaitable à ce jour, compte tenu des obstacles techniques et informatiques auxquels les services de l'État sont encore confrontés et qu'ils essaient de lever pour 2022.

Le Sénat a également introduit deux articles relatifs à l'organisation d'une campagne électorale sur les chaînes de l'audiovisuel public.

Si l'organisation d'une campagne institutionnelle de sensibilisation des électeurs au rôle des conseillers départementaux ainsi qu'aux dates et modalités du scrutin apparaît bienvenue – c'est l'objet de l'article 6 bis, que je propose d'ailleurs d'étendre aux conseils régionaux –, il n'est pas réaliste ni même souhaitable à ce stade d'imposer aux chaînes du service public de diffuser, voire de contrôler la production de clips de campagne : c'est l'objet de l'article 6, que je propose donc de supprimer.

Oui, donc, à une communication institutionnelle sur le rôle des conseils régionaux et généraux, des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique ; oui au rappel de la date du scrutin et ses modalités ; oui à des campagnes incitant les électeurs à venir aux urnes ; oui à des débats sur les décrochages régionaux, notamment de France 3, ou à d'autres, plus larges, mais non à des clips qui prendraient sur ces décrochages et qui pourraient entraîner des inégalités importantes s'agissant de leur réalisation.

Enfin, les articles 8 et 9 ajoutés par le Sénat modifient le code général des collectivités territoriales (CGCT) afin de prévoir le report de la date limite à laquelle les budgets primitifs et les comptes administratifs des départements et des régions devront être votés. Ces reports, très éloignés de l'objet du texte, ne se justifient pas. Aussi, je vous proposerai de supprimer ces dispositions qui auraient pu relever du texte relatif à l'état d'urgence sanitaire.

En outre, j'ai également déposé plusieurs amendements afin de prévoir différentes adaptations liées à la tenue de la campagne, s'agissant par exemple de l'extension de deux à trois semaines de la durée de la campagne officielle ou de l'extension de certains délais relatifs au contrôle des comptes opérés par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

Je crois sincèrement que le consensus politique sur ces dispositions doit pouvoir prévaloir, en procédant à l'ensemble des adaptations nécessaires, sans pour autant devoir réformer à cette occasion l'ensemble du code électoral.

Les questions que soulèvent certains articles adoptés par le Sénat et certains amendements déposés sont tout à fait légitimes mais elles doivent s'inscrire, je le crois, dans une perspective plus large et structurelle que celle d'un projet de loi visant en premier lieu à acter le report de trois mois des élections régionales et départementales.

Elles doivent nous pousser à réfléchir, à l'avenir, à l'adaptation ou à la rénovation de nos modes de campagne et de scrutin à l'heure du numérique, c'est-à-dire à un droit électoral modernisé compte tenu des nouveaux enjeux technologiques et sanitaires.

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