Nous partageons votre constat initial, madame la rapporteure : une crise démocratique qui fait peser des risques sur notre République, sur le pacte social et sur la cohésion nationale. Nous ne minimisons pas son aggravation, année après année. Soyons honnêtes, la crise n'a pas débuté avec ce quinquennat. Notre devoir est à la fois d'alerter, de comprendre ce risque et d'essayer de bâtir des propositions.
Notre régime ressemble aujourd'hui davantage à une monarchie présidentielle qu'à une véritable démocratie parlementaire. Il porte donc en lui-même les risques et les raisons de la crise démocratique. L'élection du Président de la République au suffrage universel direct, sujet certes complexe, devrait malgré tout être mis sur la table.
Avec toute l'amitié que je porte à Mme Karamanli et à son groupe, je dois quand même leur rappeler qu'en 2001, le ministre socialiste Vaillant avait justifié l'inversion du calendrier par la prééminence de l'élection présidentielle. Les députés communistes – dont je n'étais pas à l'époque – avaient souligné les dangers de cette mesure et proposé d'amender le texte. Ils avaient été renvoyés dans leurs cordes. Vingt ans plus tard, on s'aperçoit que ceux qui pointaient les risques inhérents à cette inversion avaient raison et on ne trouve plus grand monde pour justifier cet acte de soumission du Parlement à la Présidence de la République. C'est là que se situe le point dur de la crise démocratique. Or votre proposition de loi ne le traite pas.
Cela ne signifie pas qu'elle ne comprend pas d'avancées. La crise démocratique ne date certes pas de ce quinquennat, mais elle a été profondément aggravée par ce dernier, du fait de l'arrivée à la Présidence de la République d'un homme sans expérience démocratique, qui n'avait jamais été confronté au suffrage – ce n'est pas lui faire injure que de le dire – et de celle, concomitante, d'une majorité parlementaire et d'un Gouvernement très largement sans expérience de la vie démocratique et principalement issus du monde de l'entreprise, dont la doctrine politique fait prévaloir l'entreprise et l'économie sur tout le reste.
Alors que nous sommes en période de crise sanitaire, le recours aux cabinets privés, à un Conseil de défense, la perpétuation des états d'urgence sanitaire démontrent que la Constitution facilite la tâche de ceux qui ont des tentations autoritaires, même si ce n'est pas le cas de la majorité actuelle. C'est un risque si, demain, une majorité moins consciente des enjeux démocratiques arrive au pouvoir.